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12/09/2022 | FRANCE | N°18/03594

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 12 septembre 2022, 18/03594


12/09/2022





ARRÊT N°



N° RG 18/03594 - N° Portalis DBVI-V-B7C-MOZC

MD/NB



Décision déférée du 04 Février 2015 - Tribunal de Grande Instance de Bordeaux - 12/02584



















[Z] [S] [F]





C/



[J] [O]

[G] [T]

[P] [T]

Organisme CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE
































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CONFIRMATION







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU DOUZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***



DEMANDEUR SUR RENVOI APRÈS CASSATION



Monsieur [Z] [S] [F]

[Adresse 11...

12/09/2022

ARRÊT N°

N° RG 18/03594 - N° Portalis DBVI-V-B7C-MOZC

MD/NB

Décision déférée du 04 Février 2015 - Tribunal de Grande Instance de Bordeaux - 12/02584

[Z] [S] [F]

C/

[J] [O]

[G] [T]

[P] [T]

Organisme CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU DOUZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

DEMANDEUR SUR RENVOI APRÈS CASSATION

Monsieur [Z] [S] [F]

[Adresse 11]

[Localité 9]

Représenté par Me Ophélie BENOIT-DAIEF de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de TOULOUSE

Représenté par Me Georges LACOEUILHE de l'AARPI LACOEUILHE-LEBRUN, avocat au barreau de PARIS

DEFENDEUR SUR RENVOI APRÈS CASSATION

Monsieur [J] [O], agissant tant à titre personnel qu'en qualité d'ayant droit de son fils mineur, [R] [O], décédé le [Date décès 3]/2018

[Adresse 13]

[Localité 5]

Représenté par Me Jean Christophe COUBRIS de la SELARL COUBRIS, COURTOIS & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

Représenté par Me Vincent PARERA de la SELARL ARCANTHE, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame [G] [T] , agissant tant à titre personnel qu'en qualité d'ayant droit de son fils mineur, [R] [O], décédé le [Date décès 3]/2018

[Adresse 8]

[Localité 7]

Représentée par Me Jean Christophe COUBRIS de la SELARL COUBRIS, COURTOIS & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

Représentée par Me Vincent PARERA de la SELARL ARCANTHE, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame [P] [T]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean Christophe COUBRIS de la SELARL COUBRIS, COURTOIS & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

Représentée par Me Vincent PARERA de la SELARL ARCANTHE, avocat au barreau de TOULOUSE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE

[Adresse 18]

[Localité 10]

Représentée par Me Olivier THEVENOT de la SELARL THEVENOT MAYS BOSSON, avocat au barreau de TOULOUSE

Représentée par Me Max BARDET de la SELARL BARDET ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. DEFIX, Président et S. LECLERCQ, conseiller, chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. DEFIX, président

A.M. ROBERT, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

Greffier, lors des débats : N. DIABY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N. DIABY, greffier de chambre.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [G] [T] a été suivie pendant sa grossesse par le docteur [S] [F], gynécologue obstétricien exerçant son activité à titre libéral.

Après une grossesse dont le terme était prévu le 22 septembre 2007, Mme [T] a accouché le 19 septembre 2007 au sein de la maternité d'[Localité 9] (33) d'un enfant [R], né en état de mort apparente et présentant une agénésie des quatrième et cinquième doigts d'une main ainsi qu'une microcéphalie.

Transféré immédiatement au centre hospitalier de [Localité 10], l'enfant a conservé d'importantes séquelles neurologiques, ne pouvant tenir sa tête, ni se tenir assis ou debout et présentant une hypotonie axiale et périphérique majeure avec très peu de contacts visuels et auditifs ainsi qu'un strabisme.

Saisie par Mme [T], la commission régionale de conciliation et d'indemnisation Aquitaine, après une expertise réalisée par les docteurs [A] et [X] et ayant relevé qu'alerté à deux reprises au cours du travail sur l'existence d'anomalies du rythme cardiaque foetal, le docteur [S] [F] n'était pas intervenu pour pratiquer une césarienne, ce qui avait abouti à un état d'hypoxie majeur chez l'enfant entraînant une perte de chance de ne présenter aucune lésion ou du moins des lésions moins importantes, a émis un avis le 7 juillet 2010 indiquant que la réparation des préjudices incombait à l'assureur du docteur [S]-[F].

L'assureur a refusé de faire une offre d'indemnisation et les demandeurs ont sollicité la substitution de l'Oniam, qui a fait une offre qu'ils ont estimée insuffisante.

Par actes d'huissier des 30 janvier 2012 et 1er février 2012, Mme [G] [T] et M. [J] [O], agissant tant à titre personnel qu'ès qualités de représentants légaux de leur enfant [R] [O] ainsi que Mme [P] [T], grand-mère de [R], ont fait assigner le docteur [S] [F] et la Cpam de la Gironde devant le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins de voir indemniser leurs préjudices ainsi qu'à titre provisionnel le préjudice de [R], et voir ordonner une nouvelle expertise en vue de définir les préjudices complémentaires de l'enfant.

Par jugement contradictoire en date du 4 février 2015, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

- débouté le docteur [S] [F] de sa demande de nouvelle expertise sur l'ensemble des faits ayant conduit à la présente procédure,

- déclaré le docteur [S] [F] responsable de la perte de chance de [R] [O] d'échapper aux séquelles neurologiques qu'il présente ou d'en présenter de moins graves, pour n'avoir pas mis en oeuvre une césarienne lors de la prise en charge de Mme [G] [T] le 22 septembre 2007,

- dit que l'agénésie du quatrième et cinquième doigt de la main droite n'est pas rattachée aux conséquences de la faute du docteur [S] [F],

- évalué la perte de chance à 70 % ,

- condamné le docteur [S] [F] à payer à titre de provision à valoir sur le préjudice de la victime directe et des victimes indirectes :

- à Mme [G] [T] et à M. [J] [O] agissant es qualités de représentants légaux de [R] [O] : la somme de 400 000 euros

- à Mme [G] [T] la somme de 100 000 euros

- à M. [J] [O] la somme de 20 000 euros

- à Mme [P] [T] la somme de 10 000 euros,

- condamné le docteur [S] [F] à payer à la Cpam de la Gironde la somme de

70.000 euros à titre de provision,

- ordonné une expertise médicale de [R] [O] et désigné pour y procéder le docteur [L] [M],

- fixé à la somme de 900 euros la consignation à valoir sur les frais d'expertise qui devra être versée par Mme [G] [T] et M. [J] [O] ès qualités de représentants légaux de [R] [O],

- réservé la demande de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde relative à l'indemnité de gestion sur laquelle il sera statué lors de la liquidation du préjudice,

- condamné le docteur [S] [F] à payer aux consorts [T]-[O] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 2 juillet 2015,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné M. [S] [F] aux dépens dont distraction au profit de Me Bardet,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

M. [S] [F] a relevé appel de ce jugement par déclaration en date du 29 juin 2015.

Par un arrêt contradictoire en date du 31 janvier 2017, la cour d'appel de Bordeaux

a :

- confirmé en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Y ajoutant,

- condamné M. [S] [F] à verser à la Cpam de la Gironde la provision complémentaire de 150 000 euros,

- rejeté toute demande contraire ou plus ample,

- renvoyé les parties devant le tribunal de grande instance de Bordeaux pour liquidation des préjudices,

- condamné M. [S] [F] à payer en application de l'article 700 du code de procédure civile aux consorts [T]-[O] une somme de 3 000 euros et à la Cpam de la Gironde une somme de 700 euros,

- condamné M. [S] [F] aux dépens d'appel.

M. [S] [F] a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

Par un arrêt rendu le 5 avril 2018, la première chambre civile de la Cour de cassation a :

- cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 31 janvier 2017 par la cour d'appel de Bordeaux et remis en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, et pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Toulouse ;

- 'laissé à chaque partie la charge de ses dépens' ;

- vu l'article 700 du code de procédure civile, rejeté les demandes.

La Cour de cassation a reproché aux juges du fond, pour rejeter la demande d'expertise judiciaire du docteur [S] [F] et condamner celui-ci à indemniser les demandeurs et la Cpam, d'avoir écarté les avis médicaux produits par le praticien aux motifs qu'ils se réfèrent à des recommandations du collège national des gynécologues et obstétriciens français édictées en décembre 2007, soit trois mois après la naissance de l'enfant, en violation des dispositions de l'article L.1142-1 alinéa 1er du code de la santé publique. Elle a précisé qu'un professionnel de santé est fondé à invoquer le fait qu'il a prodigué des soins qui sont conformes à des recommandations émises postérieurement et qu'il incombe, alors, à des médecins experts judiciaires d'apprécier si les soins litigieux peuvent être considérés comme appropriés.

-:-:-:-:-:-

M. [S]-[F] a saisi la cour d'appel de Toulouse par déclaration en date du 1er août 2018.

[R] [O] est décédé le [Date décès 3] 2018.

-:-:-:-:-:-

Par arrêt avant dire droit du 16 décembre 2019, la cour d'appel de Toulouse a :

- infirmé le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [Z] [S] [F] de sa demande d'expertise,

Statuant à nouveau de ce seul chef,

- ordonné une expertise et désigné pour y procéder : le docteur [B] [V], gynécologique obstétricien à [Localité 15] ainsi que le docteur [C] [K] pédiatre au centre hospitalier général d'[Localité 14], tous deux experts auprès de la Cour de cassation avec possibilité, en cas de besoin, de s'adjoindre le concours de tout spécialiste de leur choix,

- sursis à statuer sur le surplus des demandes,

- ordonné le renvoi de l'affaire à l'audience de mise en état du 3 septembre 2020 à 9h00,

- réservé les demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens.

Le rapport d'expertise a été déposé le 21 septembre 2020.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 31 mai 2021,

M. [Z] [S] [F], appelant, demande à la cour d'infirmer le jugement rendu le 4 février 2015 par le tribunal de grande instance de Bordeaux, en ce qu'il :

- l'a débouté de sa demande de nouvelle expertise sur les faits ayant conduit à la présente procédure,

- l'a déclaré responsable de la perte de chance de [R] [O] d'échapper aux séquelles neurologiques qu'il présente ou d'en présenter de moins graves, pour n'avoir pas mis en oeuvre une césarienne lors de la prise en charge de Mme [G] [T] le 22 septembre 2007,

- a évalué la perte de chance à 70%,

- l'a condamné à payer à titre de provision :

* 400.000 euros à Mme [T] et M. [O]

* 100.000 euros à Mme [T]

* 20.000 euros à M. [O]

* 10.000 euros à Mme [T]

* 70.000 euros à la CPAM de Gironde

- ordonné une mesure d'expertise médicale confiée au Dr [M],

- réservé la demande la CPAM de Gironde relative à l'indemnité de gestion,

- condamné le Dr [S] à une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

Et statuant à nouveau,

À titre principal,

- débouter les intimés de leurs demandes indemnitaires ;

- débouter la Cpam de ses demandes ;

- statuer sur ce que de droit quant aux frais et dépens.

Subsidiairement,

- renvoyer les parties devant le tribunal de grande instance de Bordeaux pour statuer sur le préjudice ;

Très subsidiairement,

- dire que le taux de perte de chance ne saurait excéder à 35%,

- réduire les prétentions indemnitaires des consorts [O] [T] à de plus justes proportions :

' au titre des préjudices de [R] [O] :

- Assistance par tierce personne :

' à titre principal : 102 084,05 euros,

' à titre subsidiaire : 151 641,15 euros,

- véhicule adapté :

à titre principal : 7 941,50 euros,

à titre subsidiaire : 11 960,20 euros,

- préjudice scolaire : 7 000 euros,

- DFT : 29 330 euros,

- souffrances endurées : 8 750 euros,

- préjudice esthétique temporaire : 7 000 euros,

- débouter les consorts [O] [T] de leurs demandes au titre des frais de logement adapté,

' au titre des préjudices de Mme [G] [T] :

- préjudice moral et préjudice d'affection : 100 000 euros,

- frais d'obsèques : 714,45 euros,

- frais de déplacements : débouter Mme [T] de cette demande,

- perte de revenus :

' à titre principal : débouter Mme [T] de cette demande ;

' à titre subsidiaire : 18 578,70 euros,

- Incidence professionnelle : débouter Mme [T] de cette demande ;

' au titre des préjudices de M. [J] [O] :

- préjudice moral : 20 000 euros,

- préjudice d'affection : 5 950 euros,

' au titre des préjudices de Mme [P] [T] :

- préjudice moral : 3 850 euros,

- préjudice d'affection : 2 800 euros,

- déduire des condamnations prononcées la somme de 350 000 euros allouée à titre provisionnel,

- réduire la créance de la Cpam à hauteur du taux de perte de chance retenu,

- statuer sur ce que de droit quant aux frais et dépens.

Soutenant que l'IRM post natale de l'enfant analysée par un spécialiste montrait que ce dernier présentait une souffrance antérieure à l'accouchement et aux conditions de sa réalisation, l'appelant a contesté les conclusions du rapport d'expertise judiciaire et a opposé l'analyse du Professeur [I] [U] considérant que [R] présentait un tableau évolutif évoquant très fortement une maladie génétique et non une asphyxie foetale per partum. S'appuyant également sur d'autres avis qu'il a sollicités, le docteur [S] [F] a insisté sur le fait que son attitude a été conforme aux règles de l'art en l'absence de rythme cardiaque foetal inquiétant et au regard des antécédents de la patiente ayant accouché d'un premier enfant sans aucune anomalie durant la grossesse.

Il a indiqué maintenir qu'il existait un défaut d'organisation de la clinique dans la prise en charge pédiatrique, la réanimation néonatale ayant été réalisée en l'espèce durant 2 h 10 sans la présence d'un pédiatre contrairement à la réglementation en vigueur et dans des conditions techniques inadaptées.

Subsidiairement, il a estimé qu'en raison d'un tracé cardiaque foetal 'particulièrement inhabituel et difficile d'interprétation', cette circonstance doit être prise en compte dans l'évaluation de sa part de responsabilité et donc dans celle de la perte de chance à un taux qui ne saurait être supérieur à 35 %.

Ne contestant pas la date de consolidation et dans la perspective d'une évocation par la cour de l'affaire sur le plan de la liquidation des préjudices, le docteur [S] [F] a fait des observations sur les postes de dommage en demandant de les réduire à hauteur de la perte de chance retenue et de déduire des sommes allouées le montant des aides techniques ponctuelles, en contestant les modalités de calcul des montants réclamés au titre de l'indemnisation de la tierce personne familiale devant être calculée sur 365 jours et non sur 413 jours en l'absence de charges sociales et congés payés, sur le montant horaire de l'assistance devant être celui d'une tierce personne non spécialisée s'agissant de la mère et ne pouvant excéder 14 euros conformément à la jurisprudence, sur la nécessaire modulation de cette assistance dans le temps selon l'âge de l'enfant, sur les éléments à prendre en compte pour l'évaluation du montant dû au titre du véhicule adapté. Il a considéré par ailleurs que les sommes demandées au titre de la réparation des préjudices extrapatrimoniaux temporaires sont excessives et doivent être évaluées au regard d'une estimation progressive du handicap.

Il considère que l'organisme social ne justifie pas ses demandes en ne détaillant pas les frais d'hospitalisation alors que les dates alléguées ne correspondent pas à celles visées dans l'attestation d'imputabilité étant affirmé notamment que l'agénésie de la main a fait l'objet de soins et hospitalisations particuliers.

Dans leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 26 juillet 2021,

1) Mme [G] [T], agissant tant à titre personnel qu'en qualité de représentante légale de sa fille mineure [N] [W], née le [Date naissance 1] 2019,

2) M. [J] [O], agissant tant à titre personnel qu'en qualité de représentant légal de sa fille mineure, [D] [Y] [O], née le [Date naissance 6] 2012,

agissant ensemble à titre personnel et en qualité d'ayants-droits de leur défunt fils et frère, [R] [O],

3) Mme [P] [T],

intimés, demandent à la cour de :

- prenant acte du décès de [R] [O] et de la reprise d'instance formulée par ses ayants-droits,

- déclarer les consorts [T], [O], [W] et [Y] [O] recevables et bien fondés en leur appel incident,

Et y faisant droit :

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré le docteur [S] [F] responsable de la perte de chance de 70 % pour [R] [O] d'échapper aux séquelles neurologiques du fait de l'absence de mise en oeuvre d'une césarienne ;

- le déclarer en conséquence tenu d'indemniser les préjudices en découlant ;

- en conséquence, condamner le Docteur [S] [F], le cas échéant sous garantie de son assureur, à verser les sommes suivantes assorties des intérêts au taux légal à compter de l'assignation initiale, après application de la perte de chance de 70 % :

' pour 'feu [R] [O]' :

' au titre de ses préjudices patrimoniaux temporaires : 1 353 282,26 euros sauf mémoire,

' au titre de ses préjudices extra-patrimoniaux temporaires : 220 500 euros,

desquelles il conviendra de déduire la provision de 400 000 euros,

' pour Mme [G] [T] :

' au titre de ses préjudices extra-patrimoniaux : 140 000 euros,

' au titre de ses préjudices patrimoniaux : 87 928,40 euros,

' au titre des frais d'obsèques : 2 041,28 euros,

desquelles il conviendra de déduire la provision de 100 000 euros,

' pour M. [J] [O] :

réformant la décision sur ce point, allouer à ce dernier 70 000 euros au titre de ses préjudices extra-patrimoniaux dont il conviendra de déduire la provision de 20 000 euros,

' pour Mme [P] [T] :

' au titre de ses préjudices extra-patrimoniaux : 25 500 euros,

- dire que la décision à intervenir sera opposable à l'organisme social, et que la liquidation de la créance de la Cpam interviendra poste par poste conformément aux dispositions de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 relative au financement de la sécurité sociale,

- faire application du principe de droit de préférence en faveur de la victime le cas échéant dès lors qu'il s'agit d'une perte de chance,

- condamner l'appelant principal au paiement d'une somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens comprenant ceux de première instance, cour d'appel, Cour de cassation, cour d'appel de renvoi.

Les consorts [T]-[O] ont souligné la concordance des conclusions des expertises organisées tant par la commission que par la cour et tendant à retenir la pleine et entière responsabilité du docteur [S] [F] en relevant que ce dernier ne s'est pas déplacé au chevet de parturiente malgré les deux signalements qui lui ont été faits par la sage-femme ayant noté des anomalies du rythme cardiaque foetal puis une présentation foetale non descendue de sorte que le retard dans le diagnostic et dans le choix d'une décision appropriée a été à l'origine d'une perte de chance pour l'enfant de naître avec un APGAR correct, situation aggravée par la durée anormalement excessive de l'expulsion qui aurait dû conduire le praticien à procéder par voie de césarienne. Ils ont également souligné le fait que, selon les experts, l'IRM cérébrale permettait d'écarter toute anomalie malformative du cerveau et toute lésion autre que post-anoxo-ischémique aiguë récente. Ils ont critiqué les avis produits par l'appelant soit en raison de leur manque d'impartialité soit sur le fond.

Sur l'indemnisation du dommage, ils ont détaillé chacun des postes de préjudice et rappelé que Mme [T] a été formée pour gérer les soins quotidiens à apporter à l'enfant qui était totalement dépendant et ne pouvait communiquer, alimenté par gastrostomie, ne pouvant faire le moindre acte de la vie courante. Ils ont insisté sur la nécessité d'une réparation intégrale tenant compte du droit du travail et les données réelles du dossier. Ils ont ajouté que le véhicule était inadapté pour le transport de l'enfant ayant nécessité un achat coûteux conforme aux exigences liées au handicap. Ils ont souligné l'importance des différents préjudices subis tant matériels que moraux.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 3 mars 2021, la Caisse Primaire d'Assurance maladie (Cpam) de la Gironde, intimée, demande à la cour, au visa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré le docteur [S] [F] responsable de la perte de chance de 70% pour [R] [O] d'échapper aux séquelles neurologiques du fait de l'absence de mise en oeuvre d'une césarienne ;

En conséquence,

- déclarer que le docteur [S] [F] est tenu d'indemniser les préjudices en découlant ;

- débouter le docteur [S] [F] de l'ensemble de ses demandes fins et

conclusions ;

Et si la 'Cour de Céans' entendait faire usage de sa faculté d'évocation prévue par l'article 568 du code de procédure civile,

- déclarer que le préjudice de la Cpam de la Gironde est constitué par les sommes exposées dans l'intérêt de 'feu [R] [O]' à hauteur de 457 845,86 euros, victime directe et de M. [J] [O], victime par ricochet à hauteur de 973,05 euros ;

- déclarer que la Cpam de la Gironde s'est vue allouer une provision d'un montant de

70 000 euros sur le montant des débours exposés dans l'intérêt de 'feu [R] [O]' suivant jugement rendu le 4 février 2015 par le tribunal de grande instance de Bordeaux ; En conséquence,

- condamner le docteur [S] [F], tiers responsable, le cas échéant sous garantie de son assureur, à lui payer les sommes suivantes, après application de la perte de chance de 70% et déduction de la provision de 70 000 euros octroyée en première instance :

' 521 157,24 euros au titre des débours définitifs versés au bénéfice de l'enfant [R] [O] (844 510,35 euros x 70%) - 70 000 euros = 521 157,24 euros,

' 681,14 euros, au titre des débours définitifs versés au bénéfice de M. [J] [O], victime par ricochet.

- condamner le docteur [S] [F], tiers responsable, le cas échéant sous garantie de son assureur, à lui payer la somme de 227,05 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion du dossier de M. [J] [O], en application des articles 9 et 10 de l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 ;

- condamner le docteur [S] [F], tiers responsable, le cas échéant sous garantie de son assureur, à lui payer la somme de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion du dossier de 'feu [R] [O]', en application des articles 9 et 10 de l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 ;

- dire que ces sommes seront assorties des intérêts de retard au taux légal à compter de la décision à intervenir, et ce en application des dispositions de l'article 1231-6 du code civil ;

- dire qu'il sera fait application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

- condamner le docteur [S] [F], tiers responsable, le cas échéant sous garantie de son assureur, à lui payer une indemnité complémentaire de 2.000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens, 'dont distraction' au profit de Maître Audrey Bosson sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

Demandant la confirmation du jugement ayant retenu la responsabilité du docteur [S] [F] et un taux de perte de chance de 70 %, la Cpam a sollicité dans l'hypothèse d'une évocation sur le fond de la réparation, le remboursement des débours exposés dans l'intérêt de l'enfant suivant un détail précisé dans le décompte annexé aux conclusions et ceux dans l'intérêt de M. [J] [O] s'agissant des indemnités journalières versées en raison de l'arrêt de travail ayant fait suite à la naissance de son fils.

Répondant aux critiques émises sur ses décomptes, la Cpam a considéré que les frais retenus dans ceux-ci ne concernent que les séjours au Chu [16] et au [12] de [Localité 17], en lien avec le dommage subi par l'enfant et recensés par un médecin dont la probité et l'absence de lien de subordination ne sauraient être contestés et suivant un décompte ayant une valeur probante reconnue par la jurisprudence.

MOTIVATION :

- sur la responsabilité :

1. Selon les dispositions de l'article L. 1142-1 I, alinéa 1er du code de la santé publique, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins, ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.

Selon les dispositions des articles R. 4127-32 et R. 4123-33 du code de la santé publique, dès qu'il a accepté de répondre à une demande, le médecin s'engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s'il y a lieu, à l'aide de tiers compétents. Il doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s'aidant, dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s'il y a lieu, de concours appropriés.

2. En l'espèce, la cour dispose d'un rapport d'expertise médicale établi contradictoirement du vivant de l'enfant [R], le 2 avril 2010 par les docteurs [A] et [X] désignés dans les prévisions et selon les modalités définies par les articles

L. 1142-9 et L. 1142-12 du code de la santé publique ainsi que d'un rapport d'expertise judiciaire ordonnée pour l'examen des critiques et divergences d'analyse mises en lumière par divers avis médicaux unilatéralement établis et opposés par le docteur [S] [F] en cours de procédure. Cette expertise judiciaire a été confiée à deux médecins experts inscrits sur la liste près la Cour de cassation avec pour mission complémentaire d'apprécier la conformité des soins apportés par l'obstétricien lors de l'accouchement en litige, aux données acquises de la science, même postérieures à celui-ci et notamment aux recommandations du collège national des gynécologues obstétriciens (Cngof) de décembre 2007.

3. Il ressort des éléments ainsi réunis par ces expertises que Mme [G] [T], alors âgée de 28 ans, dont la grossesse s'est normalement déroulée selon un suivi conforme aux recommandations, a été admise le 19 septembre 2007 à 1 heure à la suite de contractions douloureuses. Il est mentionné une présentation céphalique basse et un rythme cardiaque foetal réactif. Elle a été installée en salle de naissance à 8 h 10 et selon le diagramme de l'accouchement, le travail a débuté à 8 h 30 et a été suivi par une sage femme qui a noté sur ce document '19 h 35 : naissance en état de mort apparente ; utilisation de ventouses, puis spatules ; extraction par ventouse à la vulve, épisiotomie'.

L'expulsion a duré 55 minutes et l'enfant [R] est né, bleu-gris sans cri, avec un Apgar (note globale attribuée à un nouveau né à la suite de l'observation de cinq éléments spécifiques -rythme cardiaque, respiration, tonus, couleur de la peau et réactivité-) de '0/10 ; 4/10 à 4 mn'. Un document intitulé 'enfant à la naissance', figurant au dossier, mentionne '3 doigts à la main droite, sécrétions épaisses qui obstruent la sonde d'aspiration'. Il est noté que le bébé a été ventilé, intubé puis transféré en réanimation au Chu de [Localité 10] quelques heures plus tard. Il présentait une hypotonie axiale.

Les experts judiciaires ont relevé deux épisodes de 20 mn de rythme cardiaque aréactifs (de 8 h 32 à 8 h 50 puis de 9 h 20 à 9 h 40) tout en notant que l'absence d'accélération durant le travail est tolérée selon les recommandations de la Cngof de 2007.

Ils ont ensuite constaté cinq épisodes à variabilité minime dont un finalement signalé au docteur [S] [F] par la sage femme à 13 h 45 'rythme serré' puis à 15 h 30 alors à faible risque d'acidose dès lors qu'ils restaient inférieurs à 40 mn. Il était ensuite constaté de 17 h 45 à 18 h 45 des 'ralentissements de type variable, biphasiques, concomitants des contractions, itératifs, profonds, d'amplitude 20-30 bpm, de variabilité minime ; à risque important d'acidose, justifiant de pratiquer une surveillance de 2ème

ligne : PH au scalp, lactales, oxygène, décubitus latéral gauche'. Enfin, de 18 h 45 à 9 h 12, il était souligné des ralentissements itératifs et prolongés 'classant le rythme à risque majeur d'acidose, justifiant une extraction sans délai'.

Le docteur [S] [F] a indiqué lors de l'expertise de 2010, ne plus se souvenir s'il était passé voir sa patiente au cours du travail ni des consignes données à la sage femme suite aux appels de cette dernière lui donnant connaissance des anomalies du rythme cardiaque foetal. Il est relevé un appel à 18 h 10 et une présence du médecin à 18 h 40 soit 30 mn plus tard.

Ces éléments factuels ne sont pas discutés.

4. Le docteur [S] [F] soutient qu'en l'absence de ryhtme inquiétant avant 18 h 10, aucune extraction en urgence par césarienne ne pouvait être posée et qu'une fois ces anomalies installées, il était licite de choisir un accouchement par voie basse, moins dangereux qu'une césarienne pour l'enfant déjà engagé et plus rapide.

4.1 Les experts judiciaires ont analysé les faits qui viennent d'être rapportés à la lumière du classification adoptée par le Cngof en 2007 (pages 23 à 25 de leur rapport). En réponse aux dires de l'appelant, ils ont estimé que contrairement aux affirmations figurant dans ceux-ci, que les épisodes de variabilité minime ont duré plus de 20 mn soit de 25 mn à 1 h 10, les classant à risque d'acidose foetale, suivis de ralentissements du rythme associés à cette variabilité minime durant 58 mn puis des ralentissements profonds associés à une absence de variabilité, à partir de 18 h 55. Les experts judiciaires ont relevé comme l'avait d'ailleurs fait le tribunal de grande instance de Bordeaux que le professeur [E], conseil du docteur [S] [F] avait indiqué : 'rétrospectivement, les phases répétées d'anomalies du rythme par séquence de 20 à 30 minutes avec faible variabilité étaient inquiétantes'.

Il suit de ces constatations qu'au regard des données acquises de la science, à la date de l'accouchement et même postérieures à celui-ci, les informations recueillies sur le rythme cardiaque foetal, même d'interprétation ponctuellement difficile, étaient au regard du profil global de rythme depuis le début du travail, de nature à justifier une décision immédiate d'extraction au plus tard à 18 h 10.

4.2 Le docteur [S] [F] a fait le choix 30 minutes plus tard de ne pas recourir à une césarienne et a procédé durant 55 mn à une extraction par ventouse considérée par les experts judiciaires comme étant 'd'une durée anormalement excessive' et ce 'en l'absence de possibilité de PH au scalp, et malgré l'aggravation des anomalies du rythme cardiaque foetal' présentée comme 'non conforme aux recommandations, et fautive (la durée maximale tolérée de l'expulsion est de 30 minutes en cas de rythme normal ; abrégée en cas d'anomalie du rythme'. Les experts ont par ailleurs précisé que l'extraction par ventouse ne devait pas être tentée face à un pareil tableau et que la césarienne s'imposait même si la tête était engagée, pour limiter l'asphyxie foetale.

La préférence pour la césarienne sur toute autre méthode en pareil contexte a été critiquée en des termes particulièrement vifs par l'appelant évoquant 'l'inanité de ce dogme, dont malheureusement les experts sont à la fois les victimes et les propagateurs, consistant à considérer que la césarienne est la mesure préventive incontournable du risque de paralysie cérébrale attribué à une asphyxie foetale' se fondant pour tenir de tels propos sur l'analyse du professeur [I] [U] dont l'avis a été unilatéralement demandé par l'appelant après le rapport d'expertise initial et rendu avant l'expertise judiciaire se basant sur des données statistiques mais concluant en réalité principalement à une autre cause du dommage recherchée sur le plan génétique antérieurement à l'accouchement. L'auteur avait dénoncé dans un écrit, publié en 2010 et selon son résumé, le fait que 'l'expertise périnatale judiciaire est encore trop souvent basée sur des notions devenues obsolètes' appelant à une réforme de l'expertise après avoir affirmé que la sinistralité néonatale était 'très souvent attribuée à une mauvaise gestion de l'accouchement, en particulier pour le cas de paralysie cérébrale, à un défaut ou une réalisation trop tardive d'une césarienne'(pièce n° 16 du dossier de l'appelant).

Sans même qu'il soit nécessaire de s'arrêter aux critiques centrées sur les liens de cet auteur avec un cabinet d'assurance, il convient de revenir aux éléments du dossier médical faisant apparaître notamment (page 31 du rapport d'expertise judiciaire) sans démenti argumenté :

- la présence résiduelle encore importante d'acidose lactique lors du bilan réalisé en unité de réanimation le 20 septembre, considérée par les experts, en l'absence de maladie métabolique héréditaire comme ne pouvant être que secondaire à une anoxie,

- 'des anomalies de l'imagerie cérébrale précoce, échographie et surtout IRM à J5 qui montre des lésions aiguës récentes associant :

- des anomalies des noyaux gris centraux et du bras postérieur des capsules internes. Ce type de lésion est caractéristique des asphyxies aiguës per-partum profondes et brèves (10 à 30') et se sont donc constituées très vraisemblablement pendant la phase terminale de l'expulsion,

- une atteinte cortico-sous-corticale diffuse prédominant en pariétal postérieur témoignant d'une hypoxie moins intense mais plus prolongée (1 h à 3 h) et donc possiblement constituée pendant la période d'anomalies du RCF antérieur à l'expulsion',

- l'étude spectroscopique confirme l'origine post-anoxique : baisse du N Acétyl/Aspartate,

(perte neuronale) en particulier dans le territoire pariétal postérieur et vraisemblable pic de lactates (acidose) au niveau de la partie postérieure des noyaux gris centraux.

Les experts judiciaires ont ainsi conclu en considérant que 'l'analyse du dossier néonatal permet de retenir sans réserve l'existence d'une souffrance cérébrale aiguë sévère post-anoxique constituée en per partum'.

Le docteur [S] [F] a opposé le lecture par un praticien unilatéralement choisi par l'appelant d'un IRM pratiqué cinq jours après la naissance et mettant en exergue, selon ce sachant, une substance blanche laissant supposer une souffrance déjà installée avant l'accouchement dans les jours ou heures ayant précédé celui-ci. Outre les termes prudents employés par le professeur [H], l'analyse approfondie et argumentée par les experts judiciaires et déjà citée notamment de cet IRM et de l'état clinique préoccupant de l'enfant lors du travail et des circonstances de son extraction, conduit à écarter l'hypothèse d'une lésion préexistante à l'accouchement.

4.3 L'absence de pédiatre d'astreinte dans cette maternité de ce niveau sans unité de néonatologie a certes été considérée par les experts comme n'étant pas compatible avec les exigences réglementaires mais, ils ont relevé que la réanimation conduite par deux médecins anesthésistes et une sage femme a été bien conduite en permettant de restaurer les fonctions vitales dans un temps optimal inférieur à cinq minutes et il apparaît, dès lors, que cette lacune était sans lien de causalité avec le dommage qui est en relation exclusive avec la souffrance anoxique prénatale.

5. Il convient, à la lumière de l'ensemble de ces éléments, de confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux en ce qu'il a déclaré le docteur [Z] [S] [F] responsable de la perte de chance de [R] [O] d'échapper aux séquelles neurologiques qu'il a présentées de son vivant ou d'en présenter de moins graves

pour n'avoir pas mis en oeuvre une césarienne lors de la prise en charge de Mme [G] [T] le 22 septembre 2007.

6. Les experts judiciaires ont clairement considéré que le décès de l'enfant survenu le [Date décès 3] 2018 à l'âge de 11 ans et 3 mois en unité de réanimation était lié à une complication de l'encélophathie néonatale séquellaire et caractérisé par une décompensation respiratoire, [R] présentant des 'troubles de la déglutition avec fausses routes, un reflux gastro-oesophagien sévère, une laryngo-trachéomalacie, compliqués d'une atteinte bronchique spastique et de pneumopathies d'inhalation hypoxémiantes'.

Il sera donc ajouté que le décès intervenu est la suite directe de l'état résultant de cette perte de chance.

7. Il n'est nullement discuté que l'agénésie du quatrième et du cinquième doigt de la main droite n'est pas liée aux conséquences de la faute retenue à l'endroit du docteur [S] [F], aucune pièce médicale ne permettant par ailleurs d'associer cette malformation à une malformation cérébrale et d'alimenter la thèse de l'origine génétique de l'entier dommage. Le jugement ayant expressément écarté cette agénésie du champ de la responsabilité du médecin gynécologue doit être également confirmé sur ce point.

8. Il convient sur la base de l'ensemble de ces éléments de fixer à 60 % le taux de perte de chance à retenir pour la liquidation du préjudice, infirmant sur ce point le jugement entrepris.

- sur la réparation des préjudices :

9. Le tribunal avait ordonné une expertise en la confiant au docteur [M], avec exécution provisoire, aux fins d'évaluation des préjudices subis.

Toutes les parties ont principalement ou subsidiairement conclu sur le fond de la réparation dans l'éventualité de l'exercice par la cour de sa faculté d'évocation de l'affaire. Il entre effectivement dans une bonne administration de la justice, compte tenu de l'infirmation partielle et du nécessaire respect du délai raisonnable d'évoquer celle-ci, sept ans après la décision de première instance.

Les préjudices subis par [R] [O]

10. L'enfant [R] est décédé le [Date décès 3] 2018 et il n'est contesté par aucune des parties que cette date doit être retenue comme la date de consolidation de son état.

11. Les conclusions du rapport déposé par le docteur [M] en 2015 reposent sur un examen complet de l'enfant et de l'historique de l'état de celui-ci pouvant servir de base sérieuse à l'évaluation de son préjudice.

12. Ayant rappelé que l'enfant a présenté une anoxie périnatale aiguë avec arrêt cardio-respiratoire et une encéphalopathie anoxo-ischémique néonatale sévère, l'expert a précisé qu'à l'âge de quatre mois, a été diagnostiqué chez [R] un syndrome de West réfractaire dont le traitement a induit une myocardiopathie hypertensive. Il présentait une laryngomalacie avec de nombreuses fausses routes et des encombrements bronchiques. À la date de l'examen, il présentait une tétraparésie spastique séquellaire avec troubles de la déglutition, troubles du tonus et épilepsie contrôlées par un double traitement. Il était alors considéré par l'expert que ces séquelles pouvaient être évolutives, sur le plan respiratoire et orthopédique, 'tant en amélioration qu'en aggravation'.

13. La réparation des préjudices patrimoniaux temporaires.

13.1 Les dépenses de santé actuelles.

13.1.1. Les dépenses de santé restées à charge ont été chiffrées par les consorts [T]-[O] à la somme de 718 euros consistant dans les frais du médicament Scopoderm, prescrit en continu depuis 2011 eu vue d'assécher les muqueuses et éviter l'écoulement permanent de sécrétions salivaires.

Le montant non contesté de cette dépense, au vu des pièces justificatives fournies, sera fixé à la somme de 718 euros et, après application du taux de perte de chance, sera retenu à hauteur de la somme de 430,80 euros.

13.1.2 La Cpam de la Gironde réclame le remboursement des débours qu'elle a exposés dans l'intérêt de ses assurés sociaux, [R] [O], et son père [J] [O], en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Le docteur [S] [F] a sollicité le rejet de ces demandes au motif que l'organisme social ne détaille pas les frais d'hospitalisation qu'elle a dû prendre en charge, les périodes d'hospitalisation mentionnées dans ses débours apparaîssant en contradiction avec celles visées aux termes de l'attestation d'imputabilité, pas plus que les frais médicaux, de transport et d'appareillage alors que l'enfant a présenté une agénésie de la main justifiant des frais étrangers au litige.

Le fait que l'attestation d'imputabilité soit établie par le médecin-conseil chargé du contrôle médical du régime de la sécurité sociale ne fait pas obstacle à ce que cette celle-ci soit prise en compte pour apprécier les droits de la caisse, dès lors que :

- d'une part, l'article R. 315-5 du code de la sécurité sociale dispose que les médecins-conseils sont nommés par le directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie et choisis parmi les candidats qui ont fait l'objet d'une inscription sur une liste d'aptitude établie annuellement par le directeur général de la caisse nationale dans des conditions fixées par la convention collective et sont nommés à l'issue d'un processus de recrutement organisé au niveau national, ce qui fait présumer l'impartialité dudit médecin-conseil,

- d'autre part, le médecin-conseil en vertu de ces dispositions n'est pas salarié de la Cpam de la Gironde et ne lui est pas soumis par un lien de subordination hiérarchique.

Il convient de considérer que le document dit 'attestation d'imputabilité' se présente

comme l'avis d'un tiers technicien, sur l'imputabilité des frais considérés à l'accident médical

survenu. Ce moyen soulevé pour contester la demande sera écarté.

L'organisme social justifie des prestations servies dans l'intérêt de l'enfant [R] par la production de l'attestation précitée du médecin conseil ayant eu, en sa qualité, accès au données nominatives de la victime et au sujet duquel il n'est allégué aucune erreur ou anomalie, les pièces produites par la Cpam précisant bien les périodes d'hospitalisation, les dates des frais médicaux et pharmaceutiques concernée en lien directe par le dommage imputé au docteur [S] [F] avec l'indication de leur nature et spécialement des médicaments administrés, des appareillages et accessoires de traitement à domicile médicalement prescrits par l'hôpital [16] et les transports en voiture particulière dans le cadre du suivi médical exclusivement au Centre hospitalier [16].

Il convient donc de faire droit à la demande de la Cpam de la Gironde en fixant le montant des débours à lui rembourser à la somme totale de 436 706,21 euros après application du taux de 60 % et déduction de la provision de 70 000 euros déjà versée sur le montant des prestations en nature et frais remboursables s'élevant avant application du taux de perte de chance à 844.510 euros (dépenses de santé : 842 982,97 + dépenses de transport : 1 527,38 €).

13.2 Les frais divers de téléphone, télévision lors de l'hospitalisation de l'enfant, les frais d'appareillage pour permettre sa verticalisation, vêtements adaptés au handicap et autres petits matériels, ont été listés et justifiés suivant un montant total non contesté de 23.510,78 euros et, après application du taux de perte de chance, sera retenu à la hauteur de la somme de 14 106,46 euros.

13.3 Les frais d'assistance par tierce personne.

Les consorts [T]-[O] sollicitent, dans le dernier état de leurs écritures, l'allocation d'une somme totale de 1.273.307 euros. Le docteur [S] [F] conteste les modalités de calcul de cette somme.

L'expert judiciaire a conclu à la nécessité de l'aide d'une tierce personne permanente (24 h/24), tous les jours compte tenu de l'état total de dépendance de l'enfant. Il n'est pas contesté que Mme [G] [T] a rempli ce rôle avec l'aide de sa mère, Mme [P] [T], soit intrégralement jusqu'à l'admission de [R] à l'IME en 2010 puis lors des retours à domicile, en dehors des ces séjours et de manière générale au retour des hospitalisations.

La nécessité de la présence auprès de [R] d'une tierce personne n'est pas contestée dans son principe ni son étendue pour l'aider dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, suppléer sa perte totale d'autonomie. Eu égard à la nature de l'aide requise et du handicap qu'elle est destinée à compenser et exigeant une présence attentive et permentente ainsi qu'une adaptation aux techniques de soins du quotidien et d'appareillage, des tarifs d'aide à domicile spécialisée, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire moyen de 21 euros réclamé, totalement justifié au regard des éléments concrets de l'espèce et amplement illustrés par les constatations qui précèdent sur l'importance du handicap.

Le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être réduit en cas d'assistance d'un membre de la famille ni subordonné à la production de justificatifs des dépenses effectives. L'indemnisation de ce chef doit être calculée selon un salaire évalué sur la base du taux horaire retenu en l'espèce, conforme aux particularités de l'assistance exigée, intégrant les charges sociales, comprenant jours fériés et congés payés soit à tout le moins les 413 jours demandés, et selon le décompte détaillé figurant aux pages 39 et 40 des dernières conclusions des consorts [T]-[O] soit pour un montant total qui sera fixé à la hauteur de la somme de 1 818 011 euros étant déduit les périodes d'hospitalisation réduisant l'intensité de cette assistance sans pour autant la supprimer, la mère étant quotidiennement présente pour son accompagnement dans des proportions qu'il convient d'adopter. Il sera aussi spécialement considéré qu'au regard du handicap déjà installé dès le quatrième mois de la naissance de l'enfant, la surveillance attendue pour tout enfant de moins de trois ans a été rendue bien plus exigeante dans le cas de [R] spécialement dans un contexte d'adaptation de la mère à la prise en charge d'une pathologie entraînant des soins et des protocoles de nutrition adaptés. Cette particularité qui s'est inscrite dans un suivi au long cours rend sans portée la distinction entre assistance active et passive.

La somme réclamée sera en conséquence retenue soit un montant de

1 090 806,60 euros après application du taux de perte de chance, étant rappelé qu'une provision de 400.000 euros a été versée et devra être déduite de cette somme.

13.4 Le véhicule aménagé.

L'expert judiciaire a précisé qu'un véhicule adapté 'avec possibilité de monter une chaise roulante' était indiqué. Mme [G] [T] justifie avoir acquis pour le prix de

60 000 euros dont 4 265 euros d'accessoires 'handicapé' un véhicule adapté pour le transport de [R].

La cour ne peut que constater que les consorts [T]-[O] n'apportent strictement aucun élément permettant d'évaluer le surcoût, effectivement réel et devant seul être indemnisé, dans son ampleur exacte au regard de la revente d'un précédent véhicule que Mme [T] affirme avoir possédé puisqu'il était décrit comme inadapté.

Sera retenue la proposition subsidiaire du docteur [S] [F] de prendre pour base de cette indemnisation le coût de cette acquisition déduction faite du coût moyen d'un véhicule automobile en 2015, date de l'achat du véhicule utilitaire, avec toutefois l'application du taux de perte de chance de 60 % soit :

60 000 € - 25 828 € = 34 172 € x 60 % soit 20 503,20 euros.

13.5 Le préjudice scolaire.

Les consorts [T]-[O] sollicitent l'indemnisation du préjudice scolaire de l'enfant qui n'a pu suivre une scolarité normale et qu'ils évaluent à la somme de 30 000 euros avant application du taux de perte de chance. Le principe de ce préjudice n'est pas discuté et le docteur [S] [F] propose la somme de 20 000 euros avant application du taux de perte de chance. Au regard des montants alloués en pareille situation de gravité et des circonstances propres à ce dossier, il convient de retenir la somme proposée qui sera fixée ainsi : 20 000 € x 60 % = 12 000 euros.

14. La réparation des préjudices extra-patrimoniaux temporaires.

14.1 Le déficit fonctionnel temporaire.

L'expert a clairement conclu à un déficit fonctionnel temporaire total depuis la naissance jusqu'au jour de l'expertise sans grande perspective de consolidation, invitant à réexaminer [R] à l'âge de 18 ans. Est-il encore nécessaire de rappeler que l'enfant a été totalement dépendant avec une impossibilité de communiquer et de se déplacer, portant un corset, des attelles aux jambes, ne tenant pas sa tête et subissant des traitements multiformes pour prévenir de nombreux risques, respiratoires et d'alimentation.

L'objection tenant à effectuer une appréciation évolutive du taux est décalée de la réalité de ce dossier, les intimés soulignant pour leur part et à juste titre que l'état de l'enfant ne se résumait pas à un défaut d'acquisition de la marche mais posait la problématique plus générale d'une absence de possibilité de réagir à son environnement.

La demande sera donc accueillie dans son intégralité soit :

135 mois x 1 000 € = 135 000 € x 60 % soit 81 000 euros.

14.2 Les souffrances endurées.

L'expert judiciaire a déterminé un taux de souffrances endurées de 5/7 qu'il a lui-même qualifié de 'plancher'.

L'indemnisation de ce poste de préjudice doit effectivement s'apprécier sur une période de onze années d'existence au cours desquelles se sont multipliées les hospitalisations, les interventions orthopédiques, les traitements préventifs (kinésithérapie) ou curatifs des détresses respiratoires jusqu'à l'ultime détresse qui a conduit au décès de l'enfant.

Les consorts [T]-[O] demandent de retenir un taux de 7/7.

Si la qualification de 'très important' doit être effectivement retenue, l'indemnisation de ce préjudice se fera au regard des explications qui précèdent dans les valeurs adaptée à ce taux. Il sera donc chiffré en l'espèce de la manière suivante :

80 000 € x 60 % = 48 000 euros

14.3 Le préjudice esthétique temporaire.

L'expert judiciaire a déterminé un taux également plancher de 5/7 au titre du préjudice esthétique temporaire en soulignant l'incapacité pour [R] de soutenir la position assise, sans maintien de la tête, avec spasticité importante des membres.

Les consorts [T]-[O] sollicitent sur la base d'un taux de 7/7 l'octroi d'une somme de 80 000 euros à ce titre, avant application du taux de perte de chance, en insistant notamment sur les troubles de la déglutition et la gastrostomie. Le docteur [S] [F] n'en propose que 20 000 euros, avant application du taux de perte de chance.

Il convient de retenir, à la lumière de l'ensemble des constatations qui précèdent et de la nature de ce préjudice, une indemnisation évaluée de la manière suivante :

70 000 € x 60 % = 42 000 euros

Les préjudices subis par Mme [G] [T]

15. Le préjudice moral. Il est constant que Mme [G] [T] s'est constamment occupée de son enfant pendant les onze années de vie de [R]. Elle sollicite l'indemnisation de son préjudice en deux postes distincts : le préjudice moral d'accompagnement (150 000 €) avant application du taux de perte de chance et le préjudice d'affection (35 000 €) sans application du taux de perte de chance, l'ensemble avant déduction de la provision allouée. Le docteur [S] [F] regroupant ces deux postes considère que la provision allouée de 100 000 euros répare justement le préjudice moral.

15.1 Le préjudice moral et d'accompagnement. Ce poste correspond au préjudice résultant de l'addition du retentissement moral des suites de la transformation d'un évènement heureux en une suite d'épreuves morales à la hauteur d'un investissement personnel de tous les instants pour offrir un accompagnement digne de son fils qu'elle a vu souffrir tout au long de ces années. Il s'agit d'un préjudice d'affection résultant d'un lien affectif réel, au contact de la souffrance de la victime directe, intégrant le retentissement du handicap de la victime du vivant de cette dernière. Au regard du temps écoulé (11 ans) et des circonstances de l'espèce déjà amplement rappelées, ce préjudice doit être calculé de la manière suivante :

100 000 € x 60 % = 60 000 euros

15.2 Le préjudice d'affection. Ce poste correspond au rententissement moral des suites du décès de l'enfant de nature à entraîner un préjudice moral distinct lié au sentiment de privation d'une présence constante, mêlé de soulagement lié à l'abrègement des souffrances dont elle était témoin et d'abattement lié à l'attachement maternel renforcé par la constance des soins apportés, excédant par leur nature, les soins ordinaires prodigués à un enfant en bonne santé. Au regard du temps écoulé (11 ans) et des circonstances de l'espèce, ce préjudice doit être retenu sans qu'il soit justifié qu'il ne soit pas affecté du taux de perte de chance qui s'applique à l'ensemble de l'indemnisation à laquelle le docteur [S] est tenu. Il sera donc calculé de la manière suivante :

35 000 € x 60 % = 21 000 euros

15.3 Le préjudice moral s'élevant finalement à la somme totale de 81 000 euros.

16. Les frais d'obsèques se sont élévés à la somme non contestée de

2 041,28 euros et montant duquel ce poste de préjudice sera fixé. Le taux de perte de chance doit s'appliquer également à ce poste. Sera donc finalement retenue à ce titre la somme de 1.224,76 euros.

17. Les frais de médecin conseil. Il convient de rappeler que tous les frais non compris dans les dépens, tels que les frais d'expertise ou de consultation unilatéralement sollicités par une partie pour les besoins de sa défense dans une instance civile sont couverts par l'indemnisation des frais irrépétibles entrant dans le champs d'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Ils ne seront donc pas pris en compte en dehors de l'indemnisation qui sera accordée à ce titre.

18. Les frais de déplacement. Mme [G] [T] a sollicité l'indemnisation de ses frais de trajet et de stationnement pour l'accompagnement de son fils lors des nombreuses hospitalisations. Ce poste est contesté par le docteur [S] [F] au motif que ces frais ne sont pas prouvés.

Il ne saurait être dénié ce poste de préjudice au regard des multiples consultations et hospitalisations, de leur durée et de la présence de la mère, déjà actée dans les proportions adaptées, au titre de la tierce assistance. Au regard des données fournies et non sérieusement contestées, sur les distances, le barème fiscal applicable, des tickets de parking produits et les périodes prises en compte, il convient de calculer ce poste de préjudice de la manière suivante :

1 688,61 € x 60 % = 1 013,16 euros

245 € x 60 % = 147 euros

soit la somme totale de 1 160,16 euros.

19. La perte de revenus et l'incidence professionnelle.

19.1 Mme [G] [T] sollicite le versement de la somme de 75 612 euros au titre de la perte de revenus, avant application du taux de perte de chance.

Il n'est pas contesté que Mme [T] était employée sous contrat à durée indéterminée au Centre Leclerc d'[Localité 9] en qualité d'employée commerciale, à la date de la naissance de l'enfant [R] jusqu'à son licenciement à l'issue du congé de présence parentale avant de trouver un emploi à durée déterminée après l'admission de [R] dans un centre spécialisé en 2010 et en fonction des disponibilités offertes par les prises en charges de l'enfant dont elle a continué à assurer la tierce assistance dans les conditions déjà évoquées. Elle a présenté un décompte de perte de revenus sur la base d'un revenu annuel de référence en 2006 de 14 147 euros.

Le docteur [S] [F] a principalement opposé l'absence de démonstration de l'imputabilité de la perte de revenus allégués au handicap de [R] et, subsidiairement, a considéré qu'il n'y avait pas lieu de prendre en compte l'année 2006 ni l'année 2007 au cours de laquelle elle bénéficié, jusqu'à la fin de cette année-là, du congé maternité, discutant pour le surplus à compter de 2013 l'incidence du handicap sur les pertes alléguées.

En réalité, la demande ne couvre que la période de 2008 à 2017 et met en évidence, sur la période de reprise d'une activité en contrat à durée indéterminée, une différence de revenus, liée à un changement d'employeur et un manque de disponibilité pour assumer une activité plus rémunératrice. Cette demande doit donc être retenue de la manière suivante:

75 612 € x 60 % = 45 367,20 euros

19.2 S'agissant de l'incidence professionnelle, il convient de relever que Mme [T] n'apporte pas concrètement d'éléments probants sur ses perspectives d'évolution professionnelle dans le secteur d'activité et l'emploi occupé à la date de la naissance de [R]. Elle sera déboutée de sa demande présentée à ce titre.

20. Il sera rappelé qu'une provision de 100 000 euros a été accordée par le tribunal et devra être déduite de sommes à verser à Mme [G] [T].

Les préjudices subis par M. [J] [O]

21. Le préjudice moral. Dans leurs conclusions, les consorts [T]-[O] indiquent au sujet du préjudice moral subi par le père de l'enfant : 'il n'a pas supporté de voir son fils dans cet état, et a décidé de prendre ses distances et de le confier à Mme [T]. Cela ne signifie pas qu'il l'a abandonné, mais psychologiquement, il ne supportait pas que son fils ait une vie si pénible, et il ne pouvait se résoudre à le regarder impuissant'. M. [O] a demandé l'allocation d'une somme de 50 000 euros avant application du taux de perte de chance.

Le docteur [S] [F] considère que la provision de 20 000 euros allouée par le tribunal est satisfactoire et plus conforme à la jurisprudence habituelle.

Sans méconnaître la réalité et l'importance du préjudice subi par le père dans le contexte déjà amplement décrit, ce dommage concernant la période précédant le décès de l'enfant, particulièrement longue, le tribunal a fait une juste appréciation de son ampleur lors de la définition de la provision allouée. L'indemnisation sur des bases actualisées, sera calculée de la manière suivante :

35 000 € x 60 % = 21 000 euros

22. Le préjudice d'affection .Ce poste correspond au rententissement moral des suites du décès de l'enfant de nature à entraîner un préjudice moral distinct. Au regard des éléments de la cause, dans le contexte de la perte d'un enfant ayant vécu hors du foyer, M. [O] est en droit de voir indemniser son préjudice qui sera calculé de la manière suivante avec application du taux de perte de chance dans les mêmes conditions que pour les autres préjudices :

17 000 € x 60 % = 10 200 euros

23. Il sera rappelé qu'une provision de 20 000 euros a été accordée par le tribunal et devra être déduite de sommes à verser à M. [J] [O].

24. La Cpam indique avoir versé à M. [J] [O] des indemnités journalières dans le cadre d'un arrêt de travail intervenu les jours suivants de la naissance de son fils soit une somme de 973,05 euros.

Le principe de cette créance n'est pas discuté et la somme réclamée n'est pas incohérente, le montant qui sera finalement retenu sera de 583,83 euros après application du taux de 60 % au montant des sommes versées.

Les préjudices subis par Mme [P] [T]

25. Le préjudice moral et d'accompagnement. Il est constant que Mme [P] [T], grand-mère maternel de l'enfant [R], a recueilli Mme [G] [T] et l'enfant, à son domicile après la séparation du couple. Il n'est pas non plus contesté qu'elle a participé à l'assistance de l'enfant en soutien de sa fille et a été confrontée dans les mêmes conditions que celle-ci à l'évolution de l'état de l'enfant. La somme de 15 000 euros réclamée avant application du taux de perte de chance est tout à fait justifiée et l'indemnité sera calculée de la manière suivante :

15 000 € x 60 % = 9 000 euros

26. Le préjudice d'affection. Le rententissement moral des suites du décès de l'enfant est, comme précédémment indiqué, de nature à entraîner un préjudice moral distinct. Au regard des éléments de la cause, dans le contexte du décès d'un enfant ayant vécu à son domicile et à la surveillance duquel elle a un temps activement participé , Mme [P] [T] est en droit de voir indemniser son préjudice qui sera calculé de la manière suivante avec application du taux de perte de chance dans les mêmes conditions que pour les autres préjudices :

15 000 € x 60 % = 9 000 euros

27. Il sera rappelé qu'une provision de 10 000 euros a été accordée par le tribunal et devra être déduite de sommes à verser à Mme [P] [T].

Le surplus de la créance de la Cpam de la Gironde

28. Les sommes fixées au titre de la créance de la caisse seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt.

29. Il sera rappelé que les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel et, conformément à l'article 1346-3 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales. En pareil cas, l'assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée et dans l'hypothèse d'une limitation du droit à indemnisation de la victime, le droit de préférence de celle-ci sur la dette du tiers responsable a pour conséquence que son préjudice corporel, évalué poste par poste, doit être intégralement réparé pour chacun de ces postes dans la mesure de l'indemnité laissée à la charge du tiers responsable, le tiers payeur ne pouvant exercer son recours, le cas échéant, que sur le reliquat.

30. En application des dispositions de l'article L.376-1 alinéa 9 du Code de la sécurité sociale, issues de l'article 9-1 de l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996, la caisse d'assurance maladie est en droit de recouvrer une indemnité forfaitaire à la charge du responsable, dont le montant est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu dans les limites d'un montant maximum de 1 098 euros et d'un montant minimum de 109 euros (arrêté du 4 décembre 2020 applicable à compter du 1er janvier 2021).

Le docteur [Z] [S] [F] sera donc tenu de régler à la Cpam de la Gironde à ce titre la somme de 1 098 euros en ce qui concerne le dossier de l'enfant [R] [O] et la somme de 227,05 euros en ce qui concerne le dossier de M. [J] [O].

La récapitulation des préjudices indemnisés.

31. Il convient de récapituler comme suit les préjudices subis par les consorts [T]-[O] et mis à la charge du docteur [S] [F], poste par poste, après déduction des provisions versée, application du taux de perte de chance, et indépendamment de la créance des tiers payeurs :

' S'agissant des préjudices patrimoniaux temporaires subis par l'enfant [R] [O]:

Postes de préjudice

montant fixé du préjudice subi

montant alloué au titre de la perte de chance

au titre des dépenses de santé restées à charge :

718,00 €

430,80 €

au titre des frais divers :

23 510,78 €

14 106,46 €

au titre de la tierce personne :

1 818 011,00 €

1 090 806,00 €

au titre de l'acquisition d'un véhicule adapté :

34 172,00 €

20 503,00 €

au titre du préjudice scolaire :

20 000,00 €

12 000,00 €

étant rappelé que doit être déduite la provision de 400 000 euros accordée par le tribunal.

' S'agissant des préjudices extra-patrimoniaux temporaires subis par l'enfant [R] [O] :

Postes de préjudice

montant fixé du préjudice subi

montant alloué au titre de la perte de chance

au titre du déficit fonctionnel temporaire :

135 000,00 €

81 000,00 €

au titre des souffrances endurées :

80 000,00 €

48 000,00 €

au titre du préjudice esthétique :

70 000,00 €

42 000,00 €

' S'agissant des préjudices subis personnellement par Mme [G] [T] :

Postes de préjudice

montant fixé du préjudice subi

montant alloué au titre de la perte de chance

au titre du préjudice moral et d'accompagnement :

100 000,00 €

60 000,00 €

au titre du préjudice d'affection :

50 000,00 €

21 000,00 €

au titre des frais d'obsèques :

2 041,28 €

1 224,76 €

au titre des frais de déplacement :

1 933,61 €

1 160,16 €

au titre de la perte de revenus :

75 612,00 €

45 367,20 €

étant rappelé que doit être déduite la provision de 100 000 euros accordée par le tribunal.

' S'agissant des préjudices subis personnellement par M. [J] [O] :

Postes de préjudice

montant fixé du préjudice subi

montant alloué au titre de la perte de chance

au titre du préjudice moral :

35 000,00 €

21 000,00 €

au titre du préjudice d'affection :

17 000,00 €

10 200,00 €

étant rappelé que doit être déduite la provision de 20 000 euros accordée par le tribunal.

' S'agissant des préjudices subis personnellement par Mme [P] [T] :

Postes de préjudice

montant fixé du préjudice subi

montant alloué au titre de la perte de chance

au titre du préjudice moral et d'accompagnement

15 000,00 €

9 000,00 €

au titre du préjudice d'affection :

15 000,00 €

9 000,00 €

étant rappelé que doit être déduite la provision de 10 000 euros accordée par le tribunal.

' S'agissant de la créance de la Cpam de la Gironde :

Postes de la créance

montant fixé du préjudice subi

montant alloué au titre de la perte de chance

s'agissant des débours exposés dans l'intérêt de [R] [O]

au titre des prestations : dépenses de santé actuelles

842 982,97 €

505 789,78 €

au titre des frais de transport

1 527,38 €

916,42 €

s'agissant des débours exposés dans l'intérêt de M. [J] [O]

au titre des prestations : pertes de gains actuels

9 73,05 €

583,83 €

étant rappelé que doit être déduite la provision de 70 000 euros accordée par le tribunal.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

32. Les dispositions du jugement entrepris concernant les dépens et les frais irrépétibles seront confirmées.

33. Le docteur [Z] [S] [F] sera condamné aux dépens d'appel en ce compris les dépens de la procédure d'appel cassée comme le prévoit l'article 639 du code de procédure civile.

34. Les consorts [T]-[O] sont en droit de réclamer l'indemnisation des frais irrépétibles qu'ils ont dû exposer au cours de cette longue et complexe procédure en appel. Le docteur [Z] [S] [F] sera condamné à lui payer la somme réclamée de 8000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

35. La Cpam de la Gironde est en droit de réclamer l'indemnisation des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer au cours de cette même procédure en appel. Le docteur [Z] [S] [F] sera condamné à lui payer la somme réclamée de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

36. Le docteur [Z] [S] [F], partie perdante, ne peut bénéficier d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant dans la limite de sa saisine, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux du 4 février 2015 en toutes ses dispositions à l'exception de celle relative au taux de perte de chance.

Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,

Dit que le docteur [Z] [S] [F] est tenu d'indemniser le préjudice étendu au décès de l'enfant [R] [O] découlant de la perte de chance de 60 %.

Évoquant l'affaire sur la liquidation du préjudice,

Fixe l'indemnisation des préjudices patrimoniaux temporaires subis par l'enfant [R] [O] aux sommes suivantes, après application du taux de perte de chance :

- au titre des dépenses de santé restées à charge:

430,80 €

- au titre des frais divers :

14 106,46 €

- au titre de la tierce personne :

1 090 806,60 €

- au titre de l'acquisition d'un véhicule adapté :

20 503,20 €

- au titre du préjudice scolaire :

12 000,00 €

Fixe l'indemnisation des préjudices extra-patrimoniaux temporaires subis par l'enfant [R] [O] aux sommes suivantes, après application du taux de perte de chance :

- au titre du déficit fonctionnel temporaire :

81 000,00 €

- au titre des souffrances endurées :

48 000,00 €

- au titre du préjudice esthétique :

42 000,00 €

Condamne le Docteur [Z] [S] [F] à payer l'ensemble de ces sommes dont il sera déduit la provision de 400 000 euros, à Mme [G] [T] agissant à titre personnel et ès qualités de représentante de sa fille mineure, [N] [W], ainsi qu'à M. [J] [O] agissant à titre personnel et ès qualité de sa fille mineure, [D] [Y] [O], ensemble agissant ès qualités d'ayant droit de [R] [O].

Fixe l'indemnisation des préjudices subis personnellement par Mme [G] [T] aux sommes suivantes, après application du taux de perte de chance :

- au titre du préjudice moral et d'accompagnement :

60 000,00 €

- au titre du préjudice d'affection :

21 000,00 €

- au titre des frais d'obsèques :

1 224,76 €

- au titre des frais de déplacement :

1 160,16 €

- au titre de la perte de revenus :

45 367,20 €

Condamne le Docteur [Z] [S] [F] à payer à Mme [G] [T] l'ensemble de ces sommes dont il sera déduit la provision de 100 000 euros.

Déboute Mme [G] [T] de sa demande présentée au titre des frais de médecin conseil.

Fixe l'indemnisation des préjudices subis personnellement par M. [J] [O] aux sommes suivantes, après application du taux de perte de chance :

- au titre du préjudice moral :

21 000,00 €

- au titre du préjudice d'affection :

12 200,00 €

Condamne le Docteur [Z] [S] [F] à payer à M. [J] [O] l'ensemble de ces sommes dont il sera déduit la provision de 20 000 euros.

Fixe l'indemnisation des préjudices subis personnellement par Mme [P] [T] aux sommes suivantes, après application du taux de perte de chance :

- au titre du préjudice moral et d'accompagnement

9 000,00 €

- au titre du préjudice d'affection :

9 000,00 €

Condamne le Docteur [Z] [S] [F] à payer à M. [J] [O] l'ensemble de ces sommes dont il sera déduit la provision de 10 000 euros.

Fixe la créance de la Caisse Primaire d'assurance Maladie de la Gironde en lien exclusif avec le dommage imputé au Docteur [Z] [S] [F], la provision ayant été déduite, aux sommes de :

- 436 706,21 euros au titre des débours définitifs versés au bénéfice de l'enfant [R] [O],

- 583,83 euros au titre des débours définitifs versés au bénéfice de M. [J] [O].

Dit que ces sommes seront assorties de l'intérêt au taux légal à compter du présent arrêt.

Dit que la liquidation de la créance de la Cpam de la Gironde interviendra poste par poste conformément aux dispositions de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 relativement au financement de la sécurité sociale et qu'il sera fait ainsi application du principe de droit de préférence en faveur de la victime.

Condamne le docteur [Z] [S] [F] à payer à la Caisse Primaire d'assurance Maladie de la Gironde, les sommes de :

- 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion du dossier de l'enfant [R] [O],

- 227,05 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion du dossier de M. [J] [O].

Condamne le docteur [Z] [S] [F] aux dépens d'appel en ce compris les dépens de la procédure suivie devant la cour d'appel de Bordeaux ayant conduit à la décision cassée.

Autorise conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, Maitre Audrey Bosson, avocat, à recouvrer directement contre la partie condamnée, ceux des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision.

Condamne le docteur [Z] [S] [F] à payer à la Caisse Primaire d'assurance Maladie de la Gironde, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 al.1er 1° du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

N. DIABY M. DEFIX.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 18/03594
Date de la décision : 12/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-12;18.03594 ?
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