La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/09/2022 | FRANCE | N°19/03852

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1, 09 septembre 2022, 19/03852


09/09/2022



ARRÊT N° 2022/398



N° RG 19/03852 - N° Portalis DBVI-V-B7D-NEXV

MD/KS



Décision déférée du 11 Juillet 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( F 18/00708)

M MALAURIE

SECTION ENCADREMENT

















SA ALTRAN TECHNOLOGIES





C/



[Z] [M]







































>
























INFIRMATION PARTIELLE



Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1



***



ARRÊT DU NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX



***



APPELANTE



SA ALTRAN TECHNOLOGIES

[Adresse 4]

[Localité 3]



Re...

09/09/2022

ARRÊT N° 2022/398

N° RG 19/03852 - N° Portalis DBVI-V-B7D-NEXV

MD/KS

Décision déférée du 11 Juillet 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( F 18/00708)

M MALAURIE

SECTION ENCADREMENT

SA ALTRAN TECHNOLOGIES

C/

[Z] [M]

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

SA ALTRAN TECHNOLOGIES

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Nissa JAZOTTES de la SELARL JAZOTTES & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉ

Monsieur [Z] [M]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Véronique L'HOTE de la SCP CABINET SABATTE ET ASSOCIEES, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant , M.DARIES et N.BERGOUNIOU chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUME, présidente

M. DARIES, conseillère

N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par S. BLUME, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre.

FAITS ET PROCÉDURE:

M. [Z] [M] a été embauché le 16 juin 2017, avec effet le 1er août 2017, par la SA Altran Technologies en qualité d'ingénieur consultant avancé suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils.

Le contrat conclu a prévu une période d'essai de 4 mois renouvelable une fois.

Le 21 novembre 2017, M. [M] a été convoqué pour signer le renouvellement de sa période d'essai jusqu'au 1er avril 2018 inclus.

M. [M] a signé ce renouvellement puis, par courriel du 27 novembre 2017, a écrit à son supérieur hiérarchique pour dénoncer cette mesure qu'il a estimée déloyale.

Par lettre du 22 janvier 2018, la société a notifié à M. [M] la rupture de sa période d'essai.

Ce dernier l'a contestée par courriel du 28 janvier 2018.

M. [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse le 11 mai 2018 pour contester la rupture de sa période d'essai et demander le versement de diverses sommes.

Le conseil de prud'hommes de Toulouse, section Encadrement, par jugement

du 11 juillet 2019, a :

- jugé abusive la rupture de la période d'essai du contrat de travail de M. [M] et son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-condamné la SA Altran Technologies à verser à Monsieur [Z] [M] :

*10 998 euros de préavis,

*1 099 euros de congés payés y afférents,

*7 200 euros de dommages et intérêts,

*1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-débouté la SA Altran Technologies de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et mis les dépens à sa charge.

Par déclaration du 13 août 2019, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 25 juillet 2019, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

PRETENTIONS DES PARTIES:

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique

le 25 septembre 2019, la SA Altran Technologies demande à la cour de :

-juger la société recevable et bien fondée en son appel et y faire droit,

-infirmer la décision dont appel en toutes ses dispositions,

-statuant à nouveau :

*juger que la période d'essai appliquée à M. [M] et le renouvellement de celle-ci étaient réguliers,

*juger que la rupture de la période d'essai de M. [M] n'est pas discriminatoire et qu'elle n'a pas été décidée en considération de sa nationalité ou de sa langue maternelle,

*juger que la société n'a pas abusé de son droit de rompre de la période d'essai du salarié,

*juger que M. [M] n'apporte pas la preuve de l'existence d'un préjudice ni de son quantum,

*débouter M. [M] de toutes ses prétentions,

-à titre subsidiaire, si par extraordinaire, la cour considère que la rupture de la période d'essai de M. [M] est abusive, limiter la condamnation de la société à verser au salarié une indemnité compensatrice de préavis correspondant à un mois de salaire seulement et les congés payés y afférents,

-en tout état de cause,

*condamner M. [M] à verser à la société la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

*le condamner aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Nissa Jazottes, avocat au Barreau de Toulouse, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique

le 12 avril 2022, M. [Z] [M] demande à la cour de :

-infirmer le jugement sur la question de la nullité,

-confirmer le jugement en ce qu'il a requalifié la rupture de la période d'essai dans les termes d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-condamner la société Altran Technologies à régler les sommes suivantes :

*10 998 euros d'indemnité compensatrice de préavis,

*1 099 euros de congés payés y afférents,

*22 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse,

-subsidiairement,

*condamner la société Altran Technologies à régler la somme de 22 000 euros de dommages et intérêts au titre de la rupture abusive de la période d'essai,

*débouter la société de l'intégralité de ses demandes,

*la condamner au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance en date du 13 mai 2022.

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

PRETENTIONS DES PARTIES:

Sur la validité de la période d'essai:

En application des articles L 1221-19, L 1221-20 à L 1221-26 du code du travail, le contrat de travail à durée indéterminée peut comporter une période d'essai dont la durée maximale est de deux mois pour les ouvriers et employés, trois mois pour les agents de maîtrise et techniciens, et quatre mois pour les cadres. Elle permet à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent.

La période d'essai peut être renouvelée une fois si un accord de branche étendu et le contrat de travail le prévoient.

L'employeur qui met fin à la période d'essai doit respecter un délai de prévenance d'au moins deux semaines après un mois de présence et un mois après 3 mois de présence.

L'employeur est libre de rompre la période d'essai, sauf pour certaines catégories de salariés (salariés protégés, accidentés du travail, femmes enceintes...), et sans avoir à justifier d'un motif, sauf abus de droit dont la preuve incombe au salarié.

La rupture à l'initiative de l'employeur peut être fautive et caractériser un abus de droit sanctionné par des dommages-intérêts si les véritables motifs sont sans relation avec l'aptitude professionnelle ou personnelle du salarié à assumer les fonctions qui lui sont dévolues ou si elle est mise en 'uvre dans des conditions révélant une intention de nuire ou une légèreté blâmable.

La lettre de rupture de la période d'essai du 22 janvier 2018 est ainsi libellée:

'Vous avez été embauché, le 01/08/2017, en contrat à durée indéterminée par la société Altran Technologies, au poste d'Advanced Consultant Engineer, position 2.3, coefficient 150, statut cadre.

Dans le cadre de ce contrat, une période d'essai, d'une durée de 4 mois, est prévue, allant du 01/08/2017 au 01/12/2017 inclus.

Cette période d'essai a été renouvelée, allant du 02/12/2017 au 06/04/2018 inclus compte tenu des congés payés que vous avez posés pendant votre renouvellement de période d'essai (4 jours).

Nous avons le regret de vous confirmer, par la présente, la rupture de votre période d'essai, celle-ci n'ayant pas été concluante. (..)'

M. [M] expose que:

- préalablement au contrat de travail à effet du 01 août, il avait déjà travaillé plus de cinq mois soit depuis le 13 février 2017 pour la société Altran Technologies dans le cadre d'un portage salarial conclu avec la société Cadres en Mission, étant positionné sur la mission Airbus EYDP,

- Le 29 octobre 2017, [B] [N], manager Altran, a informé les consultants placés sur ce projet dont il faisait partie, que le client Airbus référençait un autre sous-traitant et qu'ils devaient remettre à jour leur dossier de compétence en vue d'autres projets pour 2018,

- le 21 novembre 2017, la société lui a fait signer le renouvellement de sa période d'essai jusqu'au 1er avril 2018 inclus.

M. [M], par courriel du 27 novembre 2017, a dénoncé la déloyauté de l'employeur qui l'avait assuré d'une confirmation dans ses fonctions à l'issue de la période d'essai de 4 mois et lui reproche injustement un niveau insuffisant en français.

Il conteste l'affirmation de l'appelante selon laquelle ce n'est qu' à compter

du 01 août 2017 qu'elle ' a pu mesurer ses compétences et se rendre compte de certaines lacunes notamment en communication et connaissances'.

Monsieur [M] allègue que:

- la rupture de la période d'essai doit être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, du fait que la société connaissant ses compétences depuis

le 13 février 2017, la période d'essai lui était inopposable outre que le véritable motif était la perte du projet Airbus EYPD,

- cette rupture est nulle en application de l'article L.1132-1 du code du travail, l'employeur s'étant fondé sur un motif discriminatoire à savoir sa nationalité et sa langue maternelle, ce qui emporte en l'absence de réintégration, droit à des indemnités de rupture et à une indemnité réparant le préjudice au moins égale à celle prévue par l'article L1235-3-1 du code du travail ( 6 derniers mois de salaire),

La société conclut à la régularité de la période d'essai, de son renouvellement et de sa rupture.

Sur ce:

Par courrier du 02 mars 2018, la société Altran rappelait à M. [M] qu'avant le 1er août 2017, elle avait signé un contrat de prestation d'assistance technique auprès de la société Cadres En Mission, son employeur, n'ayant aucun lien juridique avec elle.

Il ressort des pièces versées que:

. Monsieur [M] a signé en février 2017 un contrat à durée déterminée avec la société Cadres en Mission, à l'initiative de la société Altran, puis un contrat à durée indéterminée à effet d'août 2017 directement avec la société appelante,

. il n'est pas contesté que dans les deux cas il participait au projet Airbus EYDP auprès de la société Altran,

. il a été engagé dans le premier contrat comme cadre consultant avec un niveau de classification et un montant de rémunération inférieurs à ceux du second contrat, son poste étant 'Advanced Consultant Engeineer'.

Néanmoins, à défaut de précision, il n'est pas démontré par la société Altran une différence notable dans les qualifications exigées et la nature des missions exercées sur un même projet.

Par ailleurs, M. [M] a été engagé en février 2017 par le biais du portage salarial à l'initiative de la société Altran sur recommandation de M. [N], Technical Unit Manager chez l'appelante.

Si l'organigramme Altran au 22 juin 2017, relatif à la période de portage salarial, mentionne que l'intéressé intervient sous l'étiquette 'Cadre en Mission', il est intégré à une équipe Altran, comportant M. [N] et M. [H], project manager, lequel a été son responsable d'activité entre mars 2017 et novembre 2017, soit sur les deux périodes concernées, tel qu'il le mentionne dans une lettre de recommandation

du 14 mars 2019.

Ce dernier écrit que Monsieur [M] a successivement occupé un poste équivalent aux collaborateurs Altran de son équipe en tant que sous-traitant puis faisant partie des effectifs d'Altran; à ce poste il a su relever l'ensemble des challenges qui lui ont été demandés au même titre que les autres membres de l'équipe; son expérience passée dans le domaine de l'aéronautique et son autonomie ont été un atout pour l'équipe tout au long de la collaboration; la preuve en est qu'il est employé par le client dans un domaine similaire; il n'y a eu aucun changement de comportement ni de compétences de la part de l'intéressé après la rentrée dans les effectifs Altran.

Ainsi, dès la mission intervenue dans le cadre du portage salarial (dont la conformité peut interroger au regard de l'initiative prise par Altran), l'appelante avait la possibilité d'apprécier les compétences de Monsieur [M] qui n'ont pas été remises en cause et elle l'a engagé immédiatement après dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée sur le même projet.

Si l'on peut s'interroger sur la nécessité de soumettre dans ces conditions la pérennité du contrat à une période d'essai de 4 mois, à tout le moins, vu la mission déjà exercée sur cinq mois dans le cadre du portage salarial puis quatre mois dans le cadre du contrat à durée indéterminée, le renouvellement ne pouvait être imposé au salarié comme dépassant la durée maximale.

Aussi il y a abus de droit de la part de l'employeur, tel que l'a jugé le conseil de prud'hommes.

Du fait de l'inopposabilité du renouvellement de la période d'essai, le contrat de travail à durée indéterminée a fait l'objet d'une rupture abusive. La rupture du contrat à durée indéterminée sans motif s'analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le salarié a droit à une indemnité de préavis et à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l'indemnisation:

M. [M] a retrouvé un emploi en intérim chez le client Airbus en date

du 14 mai 2018, renouvelé jusqu' à novembre 2019 puis pour la période de décembre 2019 à mai 2020, puis il a connu une période de chômage de juin 2020 à octobre 2021.

Il a réintégré une mission d'octobre 2021 à mai 2022 et un contrat de substitution l'a prolongée jusqu'à fin 2022.

Il expose qu'il a perdu une chance d'avoir été pérennisé au sein de la société Altran Technologies et s'est vu imposer une précarisation de son emploi.

Il sollicite confirmation de la décision du conseil de prud'hommes.

La société s'oppose à la demande au motif que Monsieur [M] a retrouvé un emploi au sein d'Airbus en tant qu'ingénieur.

Sur ce:

Le salaire mensuel étant de 3666,00 euros et le préavis pour les cadres de 3 mois, la condamnation du conseil de prud'hommes est confirmée à hauteur de 10998,00 euros outre les congés payés afférents.

L'intéressé disposant d'une ancienneté de 9 mois dans l'entreprise, les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sont limités à 3666,00 euros.

Le jugement du conseil de prud'hommes est réformé sur le quantum.

Sur les demandes annexes:

La Sa Altran Technologies, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel.

Monsieur [M] est en droit de réclamer l'indemnisation des frais non compris dans les dépens exposés à l'occasion de la procédure. La société sera condamnée à lui verser une somme de 2000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La Sa Air France sera déboutée de sa demande à ce titre.

La condamnation de la société par le conseil de prud'hommes aux dépens et au paiement au titre de l'article 700 du code de procédure civile est confirmée.

PAR CES MOTIFS:

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré sur le quantum des dommages et intérêts,

Le confirme pour le surplus,

Statuant sur le chef infirmé et y ajoutant:

Condamne la Sa Altran Technologies à payer à Monsieur [Z] [M] la somme de:

3666,00 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive,

Condamne la Sa Altran Technologies à verser à Monsieur [M] une somme de 2000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la Sa Altran Technologies de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Sa Altran Technologies aux dépens d'appel .

Le présent arrêt a été signé par S.BLUMÉ, présidente et par C.DELVER, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

C.DELVER S.BLUMÉ

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 1
Numéro d'arrêt : 19/03852
Date de la décision : 09/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-09;19.03852 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award