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05/09/2022 | FRANCE | N°20/00201

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 05 septembre 2022, 20/00201


05/09/2022



ARRÊT N°



N° RG 20/00201

N° Portalis DBVI-V-B7E-NNAY

JC G/ RC



Décision déférée du 12 Décembre 2019

Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE (17/03094)

M. THEBAULT

















[J] [E]

[W] [Y]





C/



[H] [T]

















































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CONFIRMATION







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU CINQ SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANTS



Monsieur [J] [E]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE



Madame [W] [Y...

05/09/2022

ARRÊT N°

N° RG 20/00201

N° Portalis DBVI-V-B7E-NNAY

JC G/ RC

Décision déférée du 12 Décembre 2019

Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE (17/03094)

M. THEBAULT

[J] [E]

[W] [Y]

C/

[H] [T]

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU CINQ SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTS

Monsieur [J] [E]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame [W] [Y]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIME

Monsieur [H] [T]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Olivier LERIDON de la SCP LERIDON LACAMP, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant J.C. GARRIGUES, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. DEFIX, président

J.C. GARRIGUES, conseiller

A.M. ROBERT, conseiller

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N.DIABY, greffier de chambre

EXPOSE DU LITIGE

L'immeuble sis [Adresse 3] et [Adresse 1], [Localité 7] est soumis au statut de la copropriété aux termes d'un règlement de copropriété en date du 25 novembre 1969 à la suite du partage du bien entre M. [S] [C] et M. [K] [C].

M. [E] et Mme [Y] sont propriétaires en qualité respectives d'usufruitier et de nu-propriétaire, du lot 21 (appartement A22) dans l'immeuble sus visé, à la suite de la vente en date du 19 octobre 1971 par M. [S] [C] à M et Mme [E], puis donation en date du 23 novembre 1993 par Mme [E] à Mme [Y] de la nue-propriété du bien.

Le lot 26 (appartement A23) a été vendu le 17 novembre 1972 par M. [K] [C] à M.et Mme [B], qui l'ont revendu le 2 juin 1977 à Mme [P] épouse [D].

Par acte authentique en date du 26 mars 2004, Mme [P] épouse [D] a vendu le lot 26 à M. [H] [T].

Soutenant être propriétaires en application de l'article 551 du code civil d'un local de débarras aménagé sur plancher bois installé à mi-hauteur dans une pièce de leur lot n° 21, actuellement occupé par M. [T], M. [E] et Mme [Y] ont fait assigner M. [T] devant le tribunal de grande instance de Toulouse par acte d'huissier du 26 juillet 2017 dans le cadre d'une action en revendication de ce local.

Par jugement en date du 12 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Toulouse a :

- débouté M. [E] et Mme [Y] de l'ensemble de leurs demandes ;

- déclaré que M. [T] est propriétaire par usucapion du local dénommé 'rochelle' consistant en un local de débarras, d'une superficie d'environ 9m² ( 1,60 m de large sur 5.60 de long), sur une hauteur de 2m, aménagé sur plancher bois installé à mi-hauteur dans une pièce du lot n°21, dans l'immeuble sis [Adresse 3] et [Adresse 1] [Localité 7] ;

- déboute M. [T] de sa demande de dommages et intérêts ;

- rejeté la demande de M. [E] et Mme [Y] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné M. [E] et Mme [Y] aux dépens, avec droit au recouvrement direct au profit de Me [A] pour ceux dont il a fait l'avance sans recevoir provision suffisante.

Pour statuer ainsi, le tribunal a tout d'abord constaté que le litige portait sur un local de débarras d'une superficie d'environ 9 m², aménagé sur plancher bois installé à mi-hauteur dans une pièce du lot n° 21, dépourvu d'alimentation en eau ou électricité, aveugle sans ouverture sur l'extérieur hormis une porte ouvrant sur le lot n° 26. Il a précisé que contrairement à ce que soutenaient les consorts [N], ce local ne possédait aucune ouverture donnant directement dans le lot n° 21 et que M. [T] avait donc seul accès à ce local. Il a également relevé que ce local existait matériellement avant même la création de la copropriété.

Il a constaté que l'acte de propriété des consorts [N] ne mentionnait pas l'existence de ce local, comme d'ailleurs le règlement de copropriété.

Il a rappelé que la règle de l'accession par incorporation édictée par l'article 551 du code civil pourrait s'appliquer dès lors que le local litigieux était élevé sur le lot n° 21, mais que cette règle n'ayant qu'un caractère supplétif, M. [T] pouvait donc faire valoir un titre contraire. Sur ce point, il a constaté que le local litigieux apparaissait pour la première fois en page 8 de l'acte de vente du lot n° 26 conclu en 1977 entre M et Mme [B] et Mme [P] aux termes d'une stipulation particulière ne reposant que sur les déclarations des parties à l'acte et ne pouvant valoir titre de propriété, que cette stipulation particulière avait été reprise dans la fiche hypothécaire du lot n° 26 à la suite de la vente de 1977, puis mentionnée dans l'acte de vente [P] / [T] de 2004, mais que la mention de cette rochelle , en contradiction avec le règlement de copropriété, ne pouvait à elle seule permettre à M. [T] de se prévaloir d'un titre de propriété sur le local litigieux.

Sur l'acquisition du local par prescription acquisitive en application de l'article 2272 du code civil, le tribunal a constaté que le local, existant avant l'acquisition du lot n° 21 par M et Mme [E] en 1971, avait toujours été occupé de manière exclusive par les propriétaires successifs du lot n° 26 (M et Mme [B] puis Mme [P] puis M. [T]) qui disposaient et eux seuls d'un accès au local communicant avec le lot n° 26, que la possession à titre de propriétaire était caractérisée dans l'acte de 1977 qui constituait le point de départ de la prescription, que si M. [E] semblait avoir émis une contestation à partir de 1972, aucune pièce ne permettait d'établir qu'il aurait poursuivi sa contestation après 1977, que les consorts [E] connaissaient parfaitement l'occupation du local situé au-dessus de leur lot. Il en a conclu que M. [T] faisait valoir à bon droit une possession conforme aux conditions prévues par l'article 2261 du code civil depuis plus de trente ans et qu'il devait être déclaré propriétaire du local litigieux par usucapion.

Par déclaration en date du 16 janvier 2020, M. [E] et Mme [Y] ont relevé appel de ce jugement en ce qu'il a :

- débouté M. [E] et Mme [Y] de l'ensemble de leurs demandes,

- déclaré que M. [T] est propriétaire par usucapion du local dénommé 'rochelle' consistant en un local de débarras, d'une superficie d'environ 9m² ( 1,60 m de large sur 5.60 de logn), sur une hauteur de 2m, aménagé sur plancher bois installé à mi-hauteur dans une pièce du lot n°21, dans l'immeuble sis [Adresse 3] et [Adresse 1] [Localité 7],

- rejeté la demande de M. [E] et Mme [Y] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné M. [E] et Mme [Y] aux dépens, avec droit au recouvrement direct au profit de Me [A] pour ceux dont il a fait l'avance sans recevoir provision suffisante.

DEMANDE DES PARTIES

Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 6 janvier 2022, M. [E] et Mme [Y], appelants, demandent à la cour, au visa des articles 2227, 544 et 551 du code civil, de :

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a opéré une jonction des possessions de M. [T] et de Mme [P] épouse [D] vendeur du lot 26 pour ainsi retenir une possession trentenaire dépourvue de vice ;

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a retenu la prescription acquisitive au profit de M. [T] pour le déclarer propriétaire du local dénommé 'rochelle consistant en un local de débarras, d'une superficie d'environ 9 m², sur une hauteur de 2 m, aménagé sur plancher bois installé à mi-hauteur dans une pièce du lot 21, dans l'immeuble sis [Adresse 3] et [Adresse 1] à Toulouse' ;

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il les a déboutés de leur revendication et demandes au titre de la soupente incluse dans leur lot 21 ;

En conséquence,

- accueillir favorablement leur action en revendication portant sur la soupente incluse dans leur lot 21 ;

- les rétablir dans leurs droits de propriété par la restitution pleine et entière de la soupente litigieuse incorporée au lot 21 (appartement A 22) au sein de l'immeuble du [Adresse 3] et [Adresse 1] à Toulouse (31000) - cadastré [Cadastre 6] AB [Cadastre 5] ;

- au besoin, ordonner cette restitution avec enlèvement de tous objets et encombrants sous astreinte de 150 € par jour de retard ;

- à défaut, les autoriser à procéder à cet enlèvement ;

- débouter M. [T] de son appel incident relatif au rejet par le tribunal de la régularité de son titre, la cour confirmant la position du premier juge ;

- débouter M. [T] de toutes ses demandes principales et reconventionnelles ;

A titre subsidiaire, si la cour s'estimait insuffisamment éclairée sur la configuration des lieux,

- ordonner un transport sur les lieux pour constater que la soupente du lot 21 est bien totalement incluse dans le lot 21 et que la rochelle du lot 26, si elle existe, est totalement incluse dans le lot 26 ;

En tout état de cause,

- condamner M. [T] à la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [T] aux entiers dépens de la présente instance avec distraction au profit de Me Sorel conformément aux dispositions de l'article 695 du code de procédure civile.

A titre principal, M. [E] et Mme [Y] fondent leurs prétentions sur les dispositions de l'article 551 du code civil. Ils font valoir que M. [T] a déplacé les débats autour d'une 'rochelle' incluse dans le lot n° 26 qu'il tente de confondre avec la soupente litigieuse totalement incluse dans le lot n° 21. Ils font valoir que, outre l'importance de la localisation de la soupente, la spécificité de la revendication est de porter sur 'un ouvrage aménagé dans le volume d'une pièce', de sorte qu'elle ne peut être assimilée à une pièce unique et distincte du volume dans lequel elle est incorporée, que contrairement à ce que soutient M. [T], la soupente n'est pas séparée du lot n° 21 par une cloison et un plancher, et que sa suppression ne provoquera aucune'ouverture béante entre les lots n° 21 et 26", la condamnation de l'accès depuis le lot n° 26 étant suffisante.

M. [E] et Mme [Y] font ensuite observer que l'état descriptif de division, le règlement de copropriété et les plans sont totalement muets quant à l'existence de la soupente litigieuse ou d'une rochelle au sein des lots n° 21 et 26. Ils indiquent que des constructions en bois identiques existaient également dans le lot n° 20 et dans d'autres lots de la partie la plus ancienne de l'immeuble, et qu'elles ont été conservées ou supprimées à la discrétion du propriétaire du lot, le propriété de la totalité du volume permettant au copropriétaire du lot de l'aménager à sa guise.

Ils considèrent que M. [T] ne peut qualifier sa rochelle de 'pièce', cette qualification n'étant pas conciliable avec la réalité sommaire de l'ouvrage constitué de simples planches de bois, sans eau ni électricité, et sans quote-part de plancher, élément essentiel dans le calcul des tantièmes de copropriété.

Ils analysent les divers actes de vente intervenus depuis 1972 et font observer que seul l'acte de vente du 26 mars 2004 intervenu entre Mme [P] et M. [T] s'affranchit du règlement de copropriété, le notaire ayant ainsi modifié la consistance de la chose vendue au mépris des règles élémentaires de rédaction des actes authentiques. Ils soutiennent qu'il ne peut être admis que la soupente du lot n° 21 propriété de M. [E] et Mme [Y] soit en réalité une rochelle incluse dans le lot n° 26 propriété de M. [T], que cette confusion est entretenue de mauvaise foi par M. [T] qui a refusé toute expertise et toute visite des lieux alors qu'une simple visite suffirait à solutionner les difficultés auxquelles ils se heurtent.

Enfin, les consorts [N] soutiennent que le mécanisme de la prescription acquisitive ne peut s'appliquer en l'espèce. Ils font valoir à cet effet :

- que la soupente revendiquée n'est pas un bien immobilier autonome ni un meuble, mais un bien accessoire au lot n° 21, et que le caractère d'annexe totalement incluse dans le volume du lot n° 21 fait obstacle à tout mécanisme d'usucapion ;

- que le simple accès à la soupente depuis le lot n° 26 ne permet pas de démontrer une utilisation effective et une possession utile ;

- que cette situation absurde et préjudiciable au lot n° 21 a donné lieu à la procédure [E] - [C] en 1976-1977, la responsabilité du vendeur étant alors recherchée au titre d'un manquement à son devoir d'information mais la question de la propriété de la soupente n'ayant jamais fait l'objet de débats judiciaires ; que M. [E] a ensuite tenté de mettre fin à l'utilisation de la soupente auprès de M. [B], vendeur de Mme [P] elle-même venderesse de M. [T], de sorte que si tant est que M. [B] ait pris possession de la soupente, cette possession a été contestée, de sorte qu'elle est dépourvue de son caractère paisible, constat renforcé par l'examen des actes de mutation du lot n° 26 prévoyant une convention particulière cachée à M. [E] pour traiter de la 'rochelle' ;

- qu'il n'est pas démontré que Mme [P] a occupé effectivement la rochelle et encore moins la soupente, d'où la contestation du caractère continu de l'acte de possession ;

- que les caractères paisible, public et non équivoque font totalement défaut, Mme [P] ayant fait l'acquisition du lot n° 26 mais pas d'une rochelle ou d'une soupente, la convention particulière insérée dans l'acte n'ayant pas été publiée, et Mme [P] n'ayant entrepris aucune démarche pour tenter de consolider ses éventuels droits ; que la durée de l'éventuelle possession de Mme [P] ne pouvait donc être jointe à celle de M. [T] qui ne peut donc bénéficier d'une possession non viciée de plus de trente ans, ni même de dix années, le tribunal ayant exclu toute prescription abrégée en l'absence de juste titre.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 17 janvier 2022, M. [T], intimé et appelant incident, demande à la cour, au visa des articles 544, 2255 et suivants et 2272 du code civil, de :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a implicitement considéré que sa propriété sur le bien objet de la revendication n'est pas établie par titre ;

Et, statuant à nouveau,

- débouter les consorts [E] et [Y] de l'ensemble de leurs demandes et déclarer que sa propriété sur le bien objet de la revendication est établie par un titre, l'acte authentique du 26 mars 2004, corroborée par sa possession paisible, continue, publique et non équivoque depuis plus de 30 ans et non contredite par le règlement de copropriété qui est taisant sur ledit local ;

Subsidiairement,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les consorts [E] et [Y] de l'ensemble de leurs demandes et déclaré qu'il est propriétaire par usucapion du local dénommé « rochelle » consistant en un local de débarras, d'une superficie d'environ 9m² (1,60 m de large sur 5,60m de long), sur une hauteur de 2 m, aménagé sur plancher bois installé à mi-hauteur dans une pièce du lot n° 21, dans l'immeuble sis [Adresse 3] et [Adresse 1], [Localité 7] ;

Et, en toute hypothèse, vu l'article 1240 du code civil,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande reconventionnelle en dédommagement pour procédure abusive ;

Et, statuant à nouveau, et reconventionnellement,

- condamner les consorts [E] et [Y] à lui verser une indemnité de 2000 € pour procédure abusive ;

En toute hypothèse,

- condamner les consorts [E] et [Y] à lui verser 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens de l'instance qui pourront être recouvrés par Me [A] sur son offre de droit.

M. [T] expose que M. [E] avait déjà tenté d'obtenir, en vain, la démolition de la rochelle rattachée au lot n° 26 lors de précédentes procédures introduites entre 1973 et 1977, que dans le cadre de la procédure de référé engagée par les consorts [N], il avait présenté une demande reconventionnelle afin d'obtenir la communication des décisions de justice prononcées à la demande de M.[E] par le tribunal de grande instance de Toulouse (1973-1974), la cour d'appel de Toulouse (1976-1977) et le cas échéant par la Cour de cassation (1977-1980) dans le cadre de litiges l'ayant opposé aux propriétaires successifs du lot n° 26, que cette demande a été rejetée par le juge des référés suivant ordonnance du 8 avril 2016 ayant également débouté M.[E] de sa demande d'expertise, et que par arrêt en date du 27 juillet 2016, la cour d'appel de Toulouse a relevé que 'sciemment les appelants s'abstiennent de produire aux débats ces décisions de justice dont les notaires rédacteurs n'ont pu à l'évidence mentionner l'existence sans constater leur matérialité', tout en rejetant la demande de communication en raison d'un lien de connexité insuffisant avec la demande d'expertise judiciaire.

Sur le bien objet de l'action en revendication, il précise que le premier juge a parfaitement identifié le bien litigieux (pages 3 et 4 du jugement) et que les différentes juridictions saisies du litige ont toutes considéré que, si les termes de 'galetas', 'soupente', 'rochelle' ou 'débarras' ont été utilisés, il s'agit d'un local auquel seul le lot n° 26 a accès par un escalier privatif, que M.[E] a fait mesurer par constat d'huissier, et qui constitue une rochelle dans le lot n° 26.

Il rappelle qu'en application de l'article 544 du code civil, c'est à celui qui revendique la propriété d'un bien de rapporter la preuve de son droit sur ledit bien qui se trouve en la possession du défendeur. Il fait valoir qu'en l'espèce, les consorts [N] ne versent aux débats aucun titre contraire, pas plus qu'ils ne prouvent une possession quelconque puisqu'ils ne disposent pas d'un accès au bien dont ils revendiquent la propriété, alors qu'il dispose quant à lui d'un titre de propriété corroboré par une possession continue, paisible, publique et non équivoque depuis plus de trente ans.

Il expose que l'acte authentique de vente [P] - [T] du 26 mars 2004 mentionne bien une rochelle dans la description du bien objet de la vente, et qu'avant lui l'acte du 2 juin 1977 comportait déjà une déclaration relative à la rochelle. Il en conclut qu'il établit par acte authentique la propriété de la rochelle que M.[E] voudrait voir démolir. Le jugement dont appel ayant considéré qu'il ne pouvait se prévaloir d'un titre de propriété dès lors que la mention de la rochelle était en contradiction avec le règlement de copropriété, il fait valoir que le règlement de copropriété ne contredit pas expressément l'acte notarié de 2004 mais ne fait simplement pas référence à ladite rochelle qui n'est intégrée ni au lot n° 26, ni au lot n° 21.

Il soutient qu'il est en toute hypothèse propriétaire de cette rochelle par usucapion dans la mesure où il bénéficie d'une possession continue, paisible, publique et non équivoque.

Il fait valoir à cet effet :

- qu'il a seul accès à cette rochelle par un escalier privatif situé dans son lot n° 26, les consorts [N] n'ayant en ce qui les concerne aucun accès ;

- que le premier juge a parfaitement constaté que les conditions de l'usucapion étaient réunies ;

- que M.[E] refuse de communiquer les procédures antérieures, mais qu'en toute hypothèse rien n'est venu entraver la possession du local par les propriétaires du lot n° 26 depuis au moins 1977 ;

- que la possession n'est pas clandestine dès lors que le local est plus que visible pour se situer au-dessus du lot n° 21.

Enfin, M. [T] insiste sur le bien fondé de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive.

MOTIFS

Le litige porte sur un local d'une superficie d'environ 9 m² (1,60 m de large sur 5,60 m de long) sur une hauteur de 2 m, constitué d'une armature en bois recouverte d'un film plastique puis d'un isolant et d'un tissu dissimulant l'aspect disgracieux de l'ouvrage, installé à mi-hauteur dans une pièce du lot n° 21. Cette structure surbaissant le plafond de la pièce ramène sa hauteur de 4m à 2,18 m (cf. procès-verbal de constat de Maître [I], huissier de justice, du 15 juin 2016).

Il s'agit d'un local dépourvu d'alimentation en eau ou en électricité, sans ouverture sur l'extérieur hormis une porte ouvrant sur la lot n° 26 appartenant actuellement à M. [T] qui y a seul accès.

M. [E] a précisé à Maître [I] que cette structure précaire en bois était ancienne et 'en tout cas antérieure à la création de la copropriété'.

Sur la propriété du local litigieux

Ce local n'est mentionné dans le règlement de copropriété ni au titre du lot n° 21 ni à celui du lot n° 26 :

# lot n° 21 : Un appartement n° A 22 comprenant entrée, salle à manger, atelier, chambre, cuisine, office, placard, salle de bains, water-closet

# lot n° 26 : Un appartement n° A 23 comprenant entrée, salle à manger, deux chambres, cuisine, dégagements.

Il ne figure pas dans le titre de propriété de M. [E] et Mme [Y].

Il apparaît pour la première fois en page 8 de l'acte de vente du lot n° 26 en date du 2 juin 1977 conclu entre M et Mme [B] et Mme [P] épouse [D], au paragraphe 'convention particulière' :

'Les parties déclarent et précisent ce qui suit :

Est comprise dans la présente aliénation et par suite dans le prix ci-dessus acquitté, la propriété exclusive de la rochelle se trouvant incluse dans le lot présentement vendu.

Les droits de propriété de Monsieur et Madame [B] sur cette pièce sont contestés par Monsieur [J] [E], propriétaire des lots numéros 20 et 21.

Et après une procédure en Grande instance et en appel introduite à cet égard, Monsieur [E] a dernièrement présenté un recours en cassation.

Mme [D] reconnaît être parfaitement informée de ces contestations et de leurs conséquences et avoir néanmoins consenti, à la demande de Monsieur Madame [B], à régulariser dès à présent l'acquisition projetée.

Toutefois et de convention expresse, au cas où une décision favorable serait prise au profit de Monsieur [E] et où Madame [D] devrait renoncer à la propriété et à l'usage de la rochelle dont s'agit, Monsieur et Madame [B] seront tenus :

- de rembourser à Madame [D], sur le prix de la présente vente, la somme de dix mille francs, représentant la valeur vénale de cette pièce

- et de supporter, à concurrence de moitié, les frais de justice au paiement desquels Madame [D] pourrait être condamnée'.

Cette stipulation particulière a été reprise dans la fiche hypothécaire du lot n° 26 à la suite de la vente de 1977 : 'est comprise dans la dite vente la propriété exclusive d'une rochelle'.

Cette mention de la fiche hypothécaire du lot n° 26 a été utilisée par le notaire rédacteur de l'acte de vente [D] / [T] du 26 mars 2004 pour mentionner l'existence de la rochelle dans le descriptif du bien vendu, page 2 :

'Au premier étage, escalier 4, un appartement portant le numéro A 23, consistant en : entrée, séjour, chambre, rochelle, salle de bains, WC, cuisine et dégagements'.

En application de l'article 544 du code civil, il appartient à celui qui revendique la propriété d'un bien de rapporter la preuve de son droit lorsque ce bien se trouve en la possession du défendeur.

Les modes de preuve de la propriété immobilière sont libres.

M. [E] et Mme [Y] fondent leur action en revendication sur le principe de l'incorporation résultant des dispositions de l'article 551 du code civil au motif que la soupente litigieuse serait partie intégrante du volume du lot n° 21.

Les dispositions de l'article 551 du code civil suivant lesquelles tout ce qui s'unit et s'incorpore à la chose appartient au propriétaire n'ont toutefois qu'un caractère supplétif et la présomption de propriété en résultant peut être combattue par la preuve contraire résultant d'un titre ou de la prescription acquisitive.

La mention de la 'rochelle' dans l'acte de vente du 26 mars 2004 ne permet pas à M. [T] de se prévaloir d'un titre de propriété sur le local litigieux dès lors qu'elle résulte de déclarations purement énonciatives des parties à l'acte du 2 juin 1977, qui plus est assortie de réserves expresses quant à la contestation de la propriété du local par M. [E] et à ses conséquences éventuelles, et qu'elle n'est pas conforme au règlement de copropriété.

En application des dispositions des articles 2261 et 2272 du code civil, est propriétaire d'un bien celui qui justifie d'une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire depuis plus de trente ans.

En l'espèce, les conditions de la prescription acquisitive du local litigieux par M. [T] sont parfaitement remplies :

- le local existait antérieurement à l'acquisition du lot n° 21 par M et Mme [E] par acte du 19 octobre 1971 ;

- il a toujours été occupé de manière exclusive par les propriétaires successifs du lot n° 26, M et Mme [B] suivant acte du 17 novembre 1972, puis Mme [D] suivant acte du 2 juin 1977 et M. [T] suivant acte du 26 mars 2004, qui étaient les seuls à disposer d'un accès à ce local qui communique avec le lot n° 26 par un escalier et un passage privatif ;

- la possession à titre de propriétaire est caractérisée dans l'acte du 2 juin 1977 aux termes duquel M et Mme [B] revendiquent la propriété du local ; cet acte, qui a fait l'objet d'une publication, détermine le point de départ de la prescription ;

- les consorts [E] ont apparemment contesté la propriété du local à compter de l'année 1972, mais ils ne justifient pas avoir poursuivi leur contestation dans les trente années postérieures à l'année 1977 ; M. [E] indique, sans toutefois produire les décisions qu'il évoque, qu'il a recherché la responsabilité de son vendeur, M. [C], et qu'il a été rendu une décision du tribunal de grande instance et un arrêt de la cour d'appel de Toulouse entre novembre 1976 et mars 1977 rejetant la responsabilité du vendeur sans traiter de la propriété du local litigieux ; en toute hypothèse, il n'est pas justifié d'une action ni même d'une simple réclamation relative à l'occupation du bien postérieure à l'année 1977 ;

- le caractère continu de l'occupation du local par les propriétaires successifs du lot n° 26 résulte de la mention de l'existence de ce local dans l'acte de 1977 et de son inclusion dans le descriptif du bien acquis tel que figurant dans l'acte de 2004 ; compte tenu de son utilisation à des fins de stockage ou de rangement dans un appartement relativement exigu dans le centre-ville de [Localité 7], son occupation continue ne saurait être utilement contestée ;

- le caractère public de la possession découle de la configuration des lieux, la présence du local litigieux ayant pour conséquence de diminuer de moitié la hauteur sous plafond du couloir du lot n° 21 ; les consorts [E] ne pouvaient qu'avoir une parfaite connaissance de l'occupation du local séparé de leur lot par un simple plancher ;

- les mentions relatives au local insérées dans les actes de 1977 et 2004 démontrent que les occupants successifs du local ont toujours eu l'intention de se conduire en propriétaires, et ce sans équivoque dans l'esprit des tiers.

Dans ces conditions, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce que M. [E] et Mme [Y] ont été déboutés de l'ensemble de leurs demandes et en ce que M. [T] a été déclaré propriétaire du local litigieux dénommé 'rochelle' par usucapion.

Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts

L'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol.

En l'espèce, M. [T] ne justifie pas du caractère abusif de l'action engagée par M. [E] et Mme [Y] qui apparaîssent plutôt s'être mépris sur la portée de leurs droits. M. [T] doit en conséquence être débouté de sa demande de dommages pour procédure abusive.

Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

M. [E] et Mme [Y], parties principalement perdantes, doivent supporter les dépens de première instance, ainsi que décidé par le premier juge, et les dépens d'appel, avec application au profit de Maître Léridon, avocat qui le demande, des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Ils se trouvent redevables d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dans les conditions définies par le dispositif du présent arrêt au titre de la procédure d'appel.

Ils ne peuvent eux-mêmes prétendre à une indemnité sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Toulouse en date du 12 décembre 2019

Y ajoutant,

Condamne M. [E] et Mme [Y] aux dépens d'appel ;

Condamne M. [E] et Mme [Y] à payer à M. [T] la somme de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute M. [E] et Mme [Y] de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Accorde à Maître [A], avocat, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

N. DIABY M. DEFIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 20/00201
Date de la décision : 05/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-05;20.00201 ?
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