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05/09/2022 | FRANCE | N°19/04561

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 05 septembre 2022, 19/04561


05/09/2022



ARRÊT N°



N° RG 19/04561

N° Portalis DBVI-V-B7D-NICG



J.C.G/ND



Décision déférée du 24 Septembre 2019

Tribunal de Grande Instance de MONTAUBAN



(18/00717)



M. REDON

















SARL ISOPAN FRANCE





C/



SCI AGE

SARL DISTRIBUTION PRODUITS BATIMENT

EURL LACOSTE CONSTRUCTIONS METALLIQUES

Compagnie d'assurances MMA IARD











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INFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



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à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU CINQ SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANTE



SARL ISOPAN FRANC...

05/09/2022

ARRÊT N°

N° RG 19/04561

N° Portalis DBVI-V-B7D-NICG

J.C.G/ND

Décision déférée du 24 Septembre 2019

Tribunal de Grande Instance de MONTAUBAN

(18/00717)

M. REDON

SARL ISOPAN FRANCE

C/

SCI AGE

SARL DISTRIBUTION PRODUITS BATIMENT

EURL LACOSTE CONSTRUCTIONS METALLIQUES

Compagnie d'assurances MMA IARD

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU CINQ SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

SARL ISOPAN FRANCE

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représentée par Me Ophélie BENOIT-DAIEF de la SELARL LEXAVOUE PAU-TOULOUSE, avocat au barreau de TOULOUSE

Représentée par Me ALEXANDRA ARIGONI, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

SCI AGE

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Jean-charles BOURRASSET de la SCP DUSAN-BOURRASSET-CERRI, avocat au barreau de TOULOUSE

SARL DISTRIBUTION PRODUITS BATIMENT

prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité audit siège.

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Isabelle FAIVRE, avocat au barreau de TOULOUSE

EURL LACOSTE CONSTRUCTIONS METALLIQUES

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 10]

[Localité 9]

Représentée par Me Rhislene SERAÏCHE, avocat au barreau de TOULOUSE

Compagnie d'assurances MMA IARD

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en

cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Eric-gilbert LANEELLE de la SELAS CLAMENS CONSEIL, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant J.C GARRIGUES, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. DEFIX, président

J.C. GARRIGUES, conseiller

A.M. ROBERT, conseiller

Greffier, lors des débats : L. SAINT LOUIS AUGUSTIN

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N.DIABY, greffier de chambre

EXPOSE DU LITIGE

Selon devis en date du 31 août 2009, la Sci Age a confié à la société Lacoste Constructions Métalliques la construction de deux bâtiments industriels à Villefranche-de-Lauragais (Haute-Garonne).

Les travaux ont été réalisés dans le courant de l'année 2010, la dernière facture étant en date du 6 octobre 2010.

Au motif de l'apparition en 2013 de cloques sur des panneaux de bardage et du désaccord des parties à l'issue d'une expertise amiable diligentée par l'assureur du constructeur, une expertise judiciaire a été confiée à M. [I] par une ordonnance de référé du 20 juillet 2017.

Les opérations d'expertise ont été rendues communes et opposables à la société Mma, assureur décennal de la Société Lacoste Constructions Métalliques, à la Sarl Isopan France, ès qualités d'importateur des panneaux litigieux et de la Sarl Distribution Produits Bâtiment (Sarl Dpb), fournisseur des panneaux litigieux.

L'expert a déposé son rapport le 17 mai 2018.

Par acte d'huissier en date du 6 septembre 2018, la Sci Age a fait assigner la société Lacoste Constructions métalliques et la Sarl Isopan France devant le tribunal de grande instance de Montauban aux fins d'indemnisation.

Par actes des 22 et 27 novembre 2018, la société Lacoste Constructions Métalliques a fait appeler en cause la société Distribution Produits Bâtiment (Dpb) et la Sa Mma.

La jonction a fait l'objet d'une ordonnance du juge de la mise en état du 10 janvier 2019.

Par jugement contradictoire du 24 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Montauban a, au visa des articles 1792 et 1792-4 du code civil :

- condamné in solidum la société Isopan France et la société Lacoste Constructions métalliques, elle-même in solidum avec la compagnie Mma, à payer à la Sci Age la somme de 78 000 € HT, outre le produit de son indexation sur la variation de l'indice BT01 de la date du 17 mai 2018 à celle du jugement ;

- dit que la compagnie Mma est en droit d'opposer ses franchises contractuelles à la société Lacoste Constructions métalliques ;

- débouté la Sci Age de ses demandes contre la société Dpb ;

- débouté la société Lacoste Constructions métalliques de ses recours en garantie contre la société Isopan France et la société Dpb ;

- rejeté toutes autres demandes indemnitaires ou aux fins de relèvement et garantie ;

- condamné in solidum la société Isopan France et la société Lacoste Constructions métalliques, elle-même in solidum avec la compagnie Mma, à payer à la Sci Age la somme de 4 000 € en application de l'article 700, 1° du code de procédure civile ;

- condamné in solidum la société Isopan France et la société Lacoste Constructions métalliques, elle-même in solidum avec la compagnie Mma, aux dépens en ceux compris les frais de référé et d'expertise et accordé le droit de recouvrement direct à Me Faivre et à la Selarl Clamens Conseil qui en ont fait la demande, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire.

Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré que les désordres relevaient de la garantie décennale aux motifs que si l'expert avait estimé qu'à la date de son rapport, les désordres ne compromettaient pas la solidité de l'immeuble ou sa destination, il avait admis qu'ils étaient évolutifs et qu'une aggravation était prévisible, que la Sci Age faisait justement observer que les bardagesextérieurs qui avaient pour fonction essentielle d'assurer l'étanchéité de l'immeuble ne pouvaient que se dégrader sous l'action de la pression gazeuse provenant des panneaux intérieurs isolants qu'ils recouvraient, avec pour conséquence la déformation irrésistible des panneaux et la possible ruine de l'étanchéité, que le caractère évolutif des désordres était corroboré par leur augmentation sensible entre la déclaration de sinistre de 2013 et l'expertise de 2017, que de par leur situation et leur importance, ces désordres évolutifs sur les parois extérieures étaient très inesthétiques et donnaient une impression certaine de dégradation ou de manque d'entretien, voire de fiabilité du bâtiment, préjudiciable à la destination commerciale des locaux et à l'image de l'exploitant.

Il a retenu la responsabilité décennale de la Société Lacoste Constructions Métalliques qui ne justifiait d'aucune cause exonératoire de sa responsabilité légale de constructeur et qui, en sa qualité de professionnel du bardage, ne pouvait ignorer les problèmes liés à la forte chaleur connus de la profession depuis l'année 2000.

Il a retenu la responsabilité de la Sarl Isopan France sur le fondement de l'article 1792-4 du code civil aux motifs que si celle-ci n'était pas le fabricant des panneaux, elle devait être considérée comme leur importateur dès lors qu'elle avait négocié et reçu la commande de la société Dpb, qu'elle était elle-même destinataire comme client du fabricant de la proposition de commande établie par la société espagnole et qu'elle avait encaissé le montant de la facture.

En revanche, il a considéré que la société Dpb, qui avait passé commande des panneaux auprès de la Sarl Isopan France et dont le seul contact avec le fabricant espagnol était la réception d'une facture lui spécifiant d'avoir à la payer entre les mains de la Sarl Isopan France, ne pouvait pas être considérée comme importateur au sens de l'article 1792-4 du code civil . Il a également estimé que le maître de l'ouvrage n'était pas fondé à rechercher la responsabilité contractuelle de la société Dpb.

Il a rejeté les recours formés par la Société Lacoste Constructions Métalliques contre les sociétés Isopan France et Dpb sur le fondement de la garantie des vices cachés au motif que ces panneaux n'étaient en eux-mêmes affectés d'aucun vice rédhibitoire dès lors que, sous réserve de respecter certaines conditions de mise en oeuvre, ils n'étaient pas sujets à des boursouflures généralisées.

S'agissant des travaux de remise en état, le tribunal a estimé, conformément à l'avis de l'expert, que la complète réfection des façades affectées par le cloquage était nécessaire, la solution de remplacement des seuls panneaux actuellement dégradés étant insuffisante compte tenu du caractère évolutif des désordres.

Suivant déclaration d'appel en date du 21 octobre 2019, la Sarl Isopan France a relevé appel de ce jugement à l'égard de toutes les autres parties en ce qu'il a :

- condamné in solidum la société Isopan France et la société Lacoste Constructions métalliques, elle-même in solidum avec la compagnie Mma, à payer à la Sci Age la somme de 78 000 € HT, outre le produit de son indexation sur la variation de l'indice BT01 de la date du 17 mai 2018 à celle du présent jugement,

- condamné in solidum la société Isopan France et la société Lacoste Constructions métalliques, elle-même in solidum avec la compagnie Mma, à payer à la Sci Age la somme de 4 000 € HT, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum la société Isopan France et la société Lacoste Constructions métalliques, elle-même in solidum avec la compagnie Mma, aux dépens en ceux compris les frais de référé et d'expertise et accordé le droit de recouvrement direct à Me Faivre et à la Selarl Clamens Conseil qui en ont fait la demande, conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

- débouté la société Isopan de sa demande principale de mise hors de cause, et donc de débouté des sociétés Age, Lacoste Constructions métalliques et Dpb de leurs demandes à son égard et de condamnation de ces dernières au paiement de la somme de 5 000 € au titre des frais irrépétibles.

DEMANDES DES PARTIES

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 28 octobre 2020, la Sarl Isopan France, appelante, demande à la cour, au visa des articles 1792, 1792-4, 1114, 1984, 1147 du code civil, L.134-1 du code de commerce, 563, 565 et 700 du code de procédure civile, de :

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il l'a condamnée en ces termes :

« Condamne in solidum la société Isopan France et la société Lacoste Constructions métalliques, elle-même in solidum avec la compagnie Mma, à payer à la Sci Age la somme de 78 000 € HT, outre le produit de son indexation sur la variation de l'indice BT01 de la date du 17 mai 2018 à celle du présent jugement,

Condamne in solidum la société Isopan France et la société Lacoste Constructions métalliques, elle-même in solidum avec la compagnie Mma, à payer à la Sci Age la somme de 4 000 € HT, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la société Isopan France et la société Lacoste Constructions métalliques, elle-même in solidum avec la compagnie Mma, aux dépens en ceux compris les frais de référé et d'expertise et accorde le droit de recouvrement direct à Me Faivre et à la Selarl Clamens Conseil qui en ont fait la demande, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau,

A titre principal :

- juger que seul Age en sa qualité de maître d'ouvrage peut invoquer la responsabilité du fabricant d'EPERS sur le fondement de l'article 1792-4 du code civil ;

- en conséquence déclarer Lacoste et Dpb irrecevables en leurs demandes sur ce fondement;

- débouter les intimés de leur demande de condamnation à l'égard d'Isopan France ;

- mettre hors de cause Isopan France ;

- condamner les sociétés Age, Lacoste, et Dpb à lui payer le montant de 10 000 € chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.

La Sarl Isopan France expose qu'elle est l'agent commercial en France de la société de droit espagnol Isopan Iberica S.l et de la société de droit italien Isopan S.p.A, propriétaire des marques 'Isopan', que la société Dpb était un client régulier des sociétés Isopan SpA et Isopan Iberica et savait parfaitement qu'Isopan France négociait la vente des panneaux au nom et pour le compte de ses mandants, que c'est par son intermédiaire que la société Isopan Iberica à vendu les panneaux litigieux à la société Dpb, que malgré ses multiples indications fournies sur ce point, les parties n'ont pas jugé utile d'appeler en cause le fabricant , persistant à assimiler Isopan France à Isopan Iberica.

Elle considère que le jugement entrepris est le résultat d'une dénaturation des faits par le tribunal qui la qualifie de manière erronée d'importateur des produits litigieux, alors qu'elle n'est qu'un mandataire transparent et plus précisément un agent commercial. A cet effet, elle relate de manière détaillée dans quelles conditions est intervenue la vente des panneaux.

Elle rappelle que l'article 1792-4 du code civil retient la responsabilité de l'importateur (celui qui achète à l'étranger et revend en son propre nom et pour son compte en France) mais non celle des intermédiaires, tel que notamment l'agent commercial, et elle soutient qu'elle n'a pas vendu les panneaux litigieux et n'est donc pas un importateur.

A titre subsidiaire, elle rappelle que seul le maître de l'ouvrage est habilité à solliciter la responsabilité du fabricant des EPERS, elle soutient que la qualification des panneaux litigieux en qualité d'EPERS n'est pas établie, et elle fait observer que sa responsabilité contractuelle ne saurait être recherchée en l'absence de contrat la liant à la société Age ou à la Société Lacoste Constructions Métalliques.

Elle fait observer que la production de deux nouvelles pièces en cause d'appel, à savoir le contrat d'agent commercial et les bordereaux d'encaissement des chèques, est conforme aux dispositions de l'article 563 du code de procédure civile.

Elle réplique à la société Dpb que les échanges entre celle-ci et Isopan France n'ont engagé qu'Isopan Iberica, conformément aux règles sur le mandat.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 30 juin 2020, la Sci Age, intimée et appelante incidente, demande à la cour, au visa des articles 1792, 1792-4 et 1147 et suivants du code civil, de :

- réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes de dommages intérêts et écarté toute responsabilité de la société Dpb ;

Le réformant,

- juger que la société Dpb est responsable sur le fondement de l'article 1147 du code civil ;

- condamner la société Lacoste Constructions Métalliques solidairement avec la société Mma, in solidum avec la société Isopan France et la société Dpb à lui payer les sommes suivantes:

# 5 000 € de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance pendant la réalisation des travaux de reprise,

# 3 000 € de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral du fait du refus des parties défenderesses de trouver une solution amiable et des tracasseries générées par l'expertise et le présent litige ;

- confirmer le jugement en ses autres dispositions,

- subsidiairement, si leur garantie décennale est écartée, dire et juger que la société Lacoste Constructions métalliques et la société Isopan France ont engagé leur responsabilité contractuelle sur le fondement de l'article 1147 du code civil ;

- condamner in solidum la société Lacoste Constructions métalliques solidairement avec son assureur, la compagnie Mma, la société Isopan France et la société Dpb au paiement d'une somme complémentaire de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en remboursement de ses frais irrépétibles devant la Cour ;

- les condamner in solidum au paiement des entiers dépens, incluant les dépens afférant à la procédure de référé pour la désignation de l'expert judiciaire et les frais et honoraires de l'expert.

La Sci Age recherche la responsabilité décennale de la Société Lacoste Constructions Métalliques. Elle soutient que, contrairement à ce qu'a pu écrire l'expert judiciaire, les désordres présentent bien un caractère décennal.

A titre subsidiaire, si la garantie décennale n'était pas retenue, elle soutient que la responsabilité contractuelle de la Société Lacoste Constructions Métalliques serait alors engagée sur le fondement des articles 1231-1 et suivants du code civil dès lors qu'elle avait une parfaite connaissance du phénomène de bullage inhérent à ce type de produits qu'elle a néanmoins proposé et mis en oeuvre sans remplir son obligation de conseil et d'information à l'égard de son client.

Elle sollicite la réformation du jugement entrepris en ce qu'il a écarté toute responsabilité contractuelle directe de la société Dpb. Elle fait valoir à cet effet que le maître de l'ouvrage dispose contre le fournisseur d'une action contractuelle directe. Elle soutient que sa responsabilité contractuelle est engagée pour avoir omis de déconseiller le choix de la couleur des panneaux alors qu'elle avait été alertée par la société Isopan Iberica du risque de bullage du fait de la teinte des panneaux et de l'épaisseur des tôles de bardage et qu'elle avait elle-même ratifié une décharge de responsabilité .

Elle s'en remet à l'appréciation de la cour en ce qui concerne la qualité d'importateur ou d'agent commercial de la Sarl Isopan France. Si la qualité d'importateur est retenue, elle demande que la Sarl Isopan France soit condamnée in solidum avec la Société Lacoste Constructions Métalliques

Elle sollicite la confirmation du jugement en ce qui concerne la solution réparatoire.

Enfin, elle réclame la réparation de son préjudice de jouissance et de son préjudice moral, ses demandes formulées à ce titre ayant été rejetées à tort par le premier juge.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 13 août 2020, la Sarl Distribution Produits Bâtiment (Sarl Dpb), intimée, demande à la cour de :

- juger l'appel de la société Isopan France recevable en la forme, mal fondé et injustifié au fond;

- entériner le rapport de l'expert [I] en date du 17 mai 2018 ;

- confirmer purement et simplement le jugement dont appel en ce qu'il l'a mise hors de cause;

- débouter la société Isopan France de toutes ses demandes fins et conclusions, en ce qu'elles sont mal fondées et injustifiées ;

- la mettre purement et simplement hors de cause, en ce qu'en sa qualité d'intermédiaire de commerce, sa responsabilité contractuelle au titre de malfaçons ne peut être engagée ;

- condamner solidairement la Sarl Isopan France, l'Eurl Lacoste, la Sci Age à lui payer la somme de 4 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Sarl Isopan France, l'Eurl Lacoste, la Sci Age aux entiers dépens dont distraction au profit du cabinet de Me Faivre.

Elle estime que la Sarl Isopan France est bien, comme l'ont analysé les premiers juges, un importateur, et que les documents versés aux débats par cette dernière pour justifier de son statut d'agent commercial n'ont pas de valeur probante.

Elle soutient avoir contracté uniquement avec la Sarl Isopan France.

Elle expose qu'elle est elle-même un intermédiaire de commerce qui a pour objet de mettre en relation des professionnels, l'un fabriquant, l'autre réalisant la maîtrise d'oeuvre, et qu'à ce titre elle propose plusieurs produits. Elle en conclut que sa responsabilité ne peut être mise en jeu, ni pour les demandes fondées sur les articles 1792 et suivants du code civil, ni sur le fondement de la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre.

A titre subsidiaire, elle demande que la cour entérine le rapport d'expertise en ce que ce rapport précise que les désordres consistent en des bullages apparents, qu'il ne s'agit que de désordres d'ordre esthétique, et que seule la responsabilité du fabricant est engagée, notamment parce qu'il prévoit dans son catalogue ce désordre avec des limites.

Sur la décharge de responsabilité que son dirigeant aurait signée, elle fait valoir que cette décharge n'a été versée aux débats qu'en cours d'expertise judiciaire, qu'elle est datée du 15/02/2010, soit sept jours après l'envoi du bon de commande à la société Isopan, et que la gérance actuelle de la société n'a pas trouvé trace de l'envoi de ce fax.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 25 juin 2020, l'Eurl Lacoste Constructions métalliques, intimée, demande à la cour, au visa des articles 1792, 1648, 1103, 1231-1, 1603, 1315 du code civil et L.110-4 du code de commerce, de :

A titre principal,

- confirmer le jugement en ce qu'il a qualifié le désordre de nature décennale ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Isopan France en sa qualité de distributeur importateur et condamné celle-ci au paiement des travaux de reprise ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la Sa Mma Iard à la garantir des condamnations mises à sa charge ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la Sci Age de ses demandes indemnitaires au titre du préjudice de jouissance et du préjudice moral ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la Sci Age, la société Dpb et la société Isopan France de leurs plus amples prétentions ;

A titre subsidiaire, si la garantie décennale est écartée,

- réformer le jugement querellé et statuant à nouveau,

- dire qu'elle n'a commis aucune faute dans la mise en oeuvre des panneaux de la marque Isopan;

- dire qu'elle n'était pas informée du phénomène de bullage avant 2013-2014 sur les bardages de couleur gris clair et que l'action en responsabilité de la Sci Age sur le fondement du défaut d'information est prescrite ;

- dire que les sociétés Dpb et Isopan ont manqué à leurs obligations d'information et de conseil;

- dire que la société Dpb ne lui a pas répercuté l'information qu'elle aurait reçue par télécopie d'Isopan du 8 février 2010 ;

- dire que les sociétés Dpb et Isopan ont manqué à leur obligation de délivrance conforme et réformer le jugement de ce chef ;

- condamner les sociétés Dpb et Isopan France à la garantir en totalité de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge ;

- à défaut, limiter sa part de responsabilité à 10 % ;

- rejeter la Sci Age, la société Dpb et la société Isopan France de l'ensemble de leurs fins, moyens et prétentions dirigées à son encontre ;

- dire que les travaux de reprise seront limités aux seules faces exposées et affectées du désordre;

- limiter le montant des travaux de reprise à la somme de 35 316,96 € HT et les honoraires de la maîtrise d'oeuvre à 5% de cette somme ;

En tout état de cause,

- condamner tous succombants au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.

Elle soutient que les désordres sont de nature décennale compte tenu des dimensions hors norme et hors tolérance des boursouflures, du caractère évolutif du sinistre et de leur impact anormal sur l'usage attendu du bâtiment.

Elle estime que la Sarl Isopan France, auprès de qui la société Dpb a commandé les panneaux litigieux qu'elle lui a ensuite revendus, est un intervenant à l'opération de construire et qu'elle devra être condamnée au titre de la garantie décennale, de même que la société Dpb. Elle soutient qu'en l'espèce les éléments du dossier démontrent que la Sarl Isopan France a agi en son nom et pour son compte.

Dans l'hypothèse où la cour considérerait que la société Dpb a contracté directement avec la société Isopan Iberica, elle fait observer qu'il faudrait alors retenir que c'est la société Dpb qui serait importateur des panneaux au sens de l'article 1792-4 du code civil, de sorte que sa responsabilité serait engagée.

En tout état de cause, elle demande à être relevée et garantie par la société Mma, son assureur décennal.

Par ailleurs, elle s'estime fondée à recourir en garantie contre la société Isopan et la société Dpb au titre d'un manquement à l'obligation de conseil de la part du fabricant et du distributeur des panneaux et d'un manquement à l'obligation de délivrance conforme.

Enfin, la Société Lacoste Constructions Métalliques fait valoir que les réparations ne doivent pas concerner la façade Nord du bâtiment qui n'est affectée d'aucun désordre et qui n'est pas visible de la rue.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 25 mars 2020, la Sa Mma Iard, intimée et appelante incidente, demande à la cour, au visa des articles 1792 du code civil, L.112-6, L.113-1 et L.241-1 du code des assurances, de :

Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et, en tout cas, mal fondées,

A titre principal,

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

- la mettre hors de cause ;

- condamner tout succombant au paiement d'une indemnité de 3 000 € au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens, dont distraction au profit de la Selas Clamens Conseil, avocats, qui pourra les recouvrer sur son offre de droit, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire,

- réformer le jugement en ce qu'il a retenu un partage de responsabilité à part égale entre la société Isopan France et la société Lacoste Constructions Métalliques ;

- condamner la société Isopan France à la relever et garantir indemne ;

En tout état de cause,

- limiter son obligation aux désordres matériels, sous déduction de la franchise opposable à la société Lacoste Constructions Métalliques ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la Sci Age de ses dommages immatériels ;

- à défaut, les ramener à de plus strictes proportions, sous déduction de la franchise contractuelle opposable aux tiers, s'agissant d'une garantie facultative.

Elle conteste fermement le caractère décennal des désordres.

A titre subsidiaire, elle demande à la cour d'opérer un partage de responsabilité en attribuant une part prépondérante à la Sarl Isopan France.

Enfin, elle indique que la Société Lacoste Constructions Métalliques n'est pas garantie au titre des préjudices immatériels dès lors que sa police d'assurance a été résiliée le 31 décembre 2010 au profit de la Sa Acte Iard.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 janvier 2022.

L'affaire a été examinée à l'audience du 8 février 2022.

MOTIFS

Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture et la recevabilité des pièces et conclusions des parties

Aux termes de l'article 802 du code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.

L'article 803 du même code dispose que l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.

En l'espèce, les parties ont été informées le 25 février 2021 que l'affaire serait évoquée à l'audience de plaidoirie du 8 février 2022 et que la clôture de l'instruction interviendrait le 25 janvier 2022.

La Sarl Isopan France, qui avait conclu sur le fond le 28 octobre 2020 (conclusions n° 4) , a déposé de nouvelles conclusions le vendredi 21 janvier 2022, quatre jours avant la date prévue pour la clôture de l'instruction.

Par voie de conclusions en date du 27 janvier 2022, la Sci AGE a sollicité le rabat de la clôture au jour de l'audience au motif que les conclusions de la Sarl Isopan France en date du 21 janvier 2022 impliquaient impérativement une réponse de sa part.

En application des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile, les conclusions de la Sarl Isopan France en date du 21 janvier 2022 doivent être rejetées comme tardives dans la mesure où, alors qu'elle avait connaissance depuis onze mois que la clôture de l'instruction interviendrait le 25 janvier 2022, la Sarl Isopan France a attendu le vendredi 21 janvier 2022 pour notifier de nouvelles conclusions quatre jours avant la clôture, empêchant ainsi les autres parties d'y répondre dans des conditions satisfaisantes, comportement contraire à la loyauté des débats.

Aucune cause grave au sens de l'article 803 du code de procédure civile ne justifie la révocation de l'ordonnance de clôture.

Les conclusions de la Sci AGE en date du 27 janvier 2022 doivent quant à elles être déclarées irrecevables en application de l'article 802 du code de procédure civile.

Le rapport d'expertise

L'expert [I] fournit dans son rapport daté du 17 mai 2018 les éléments d'appréciation suivants.

L'ouvrage est un bâtiment de type hangar de stockage avec un appentis accolé dont la dimension du bâti est de 60 m x 25 m .

L'édifice est construit à partir de portiques métalliques. Le clos est assuré par des panneaux sandwiches de bardage de grande hauteur (8 m environ) de marque Isopan et de couleur gris clair.

Les travaux effectués par le constructeur, la Société Lacoste Constructions Métalliques, sont conformes quantitativement aux engagements contractuels pris et sont achevés.Lors de la prise de possession des lieux par le maître de l'ouvrage, fin 2010, aucune réserve s'agissant de l'aspect qualitatif du bâtiment n'a été émise.

Des défauts esthétiques sous forme de bullage des peaux extérieures de certains panneaux ont été décelés par l'exploitant fin 2013.

L'immeuble présente les désordres invoqués dans l'assignation. Il s'agit de cloquages et boursouflures des parements extérieurs de certains panneaux de bardage gris clair de marque Isopan.

Selon l'expert, les désordres sont esthétiques et se matérialisent par la présence de bullage ou de cloquage de grande dimension de la peau extérieure de certains bardages exposés au rayonnement solaire.

Il a effectué un relevé des cloquages(page 12 du rapport) et un reportage photographique (pages 13 à 15) :

- Sur le pignon sud-ouest des bâtiments, 6 panneaux de largeur 1 m environ présentent des cloques et boursouflures de plus de 1 m² de surface et de 3 à 6 cm d'excroissance. Les désordres sont présents au-dessus des ouvertures.

- Sur la façade principale, 2 panneaux situés à droite du bâtiment côté bureau sont affectés par un cloquage de 200 cm² environ de surface et 1 cm d'épaisseur environ. Le défaut esthétique reste à cet endroit peu visible.

- Sur le pignon sud-est, 2 panneaux sont altérés à mi-hauteur par des bulles et boursouflures importantes supérieures à 1 m² chacune.

S'agissant des causes du sinistre, l'expert indique que les désordres sont imputables à un défaut de qualité des matériaux mis en oeuvre s'agissant des panneaux structurels disposés sur les façades du bâtiment :

Le phénomène est dû à une émission gazeuse aléatoire de l'isolant, qui se produit suite à une réaction exothermique des composants polymères thermodurcissables de l'isolant sous l'action d'une forte élévation de température. Elle est consécutive à des apports calorifiques importants conséquence du rayonnement solaire.

Le sinistre est évolutif, il est connu depuis quelques années ; il fait suite à des modifications réglementaires de la composition des polymères utilisés dans l'industrie chimique pour le respect de la protection de l'environnement.

Le phénomène est une pathologie connue du fabricant Isopan. Ce dernier propose un mode opératoire pour l'élimination des cloques apparaissant sur les panneaux.

Il s'agit de percer les cloques dès leur formation, ce qui oblige à intervenir sur des éléments de grande hauteur affectés de façon anarchique et aléatoire par le phénomène de bullage.

La procédure de réparation n'est pas compatible avec un usage normal d'un bâtiment.

Il précise que ces désordres sont évolutifs :

Le bullage et le cloquage se forment de manière aléatoire et inopinée, lors des épisodes d'ensoleillement. La perception de l'apparition des gonflements du parement du bardage de grande hauteur est difficilement détectable et observable au moment de son apparition.

La formation de poches gazeuses s'est produite au fil du temps. Durant la période écoulée de 2013 à 2017, dix panneaux sont affectés par les gonflements gazeux.

Il n'est donc pas à exclure une aggravation du phénomène sur d'autres panneaux de bardage exposés au rayonnement solaire.

Sur la nature décennale des désordres

Aux termes de l'article 1792 du Code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.

Ne peuvent pas relever de la garantie décennale les désordres qui ne compromettent pas actuellement la solidité de l'ouvrage et qui ne le rendent pas impropre à sa destination.

En l'espèce, nonobstant l'avis de l'expert quant à la nature seulement esthétique des désordres, il ressort des éléments d'appréciation dont dispose la cour que ces désordres affectant l'ouvrage dans l'un de ces éléments constitutifs l'ont rendu impropre à sa destination avant l'expiration du délai de garantie décenanle.

Il apparaît en premier lieu qu'en l'absence de réglementation traitant des tolérances d'aspect s'agissant du 'bullage' des parois des bardages acier, la société Isopan se réfère aux conditions d'acceptation du produit suivant les règles édictées par l'association italienne AIPPEG des fabricants de panneaux en acier. Elles sont présentées comme suit à l'article 2.2.3 des conditions générales de vente :

'2.2.3 Bulles

Sont définies bulles les zones convexes sans adhérence isolante - parement. En l'absence de réglementation, et d'après l'expérience acquise, il est estimé que des bulles jusqu'à 5 % de la zone de chaque panneau, d'une dimension par bulle de 0,2 m², ne peuvent vraisemblablement pas nuire à la fonctionnalité du panneau. Les valeurs ci-dessus sont valables pour les panneaux dans lesquels l'isolant a également la fonction de transmettre les charges'.

L'expert insiste sur le fait que l'ampleur des cloquages et bullages constatés in situ est très supérieure et d'aucune commune mesure avec les tolérances évoquées dans l'article précédent.

Il faut en conclure a contrario que l'ampleur des cloquages et bullages, de plus de 1 m², nuit nécessairement 'à la fonctionnalité du panneau', tant en ce qui concerne la solidité de l'ensemble que l'isolation thermique qui ne peut plus être assurée.

En deuxième lieu, le caractère évolutif des désordres est établi. L'expert indique sur ce point que le rapport d'expertise du cabinet Eurisk établi le 11/06/2014 confirme la présence de bullage sur deux panneaux, et qu'il a relevé lors de l'accédit du 9 octobre 2017 dix panneaux affectés par des cloques, d'où l'absence de nécessité d'une réunion complémentaire pour constater le caractère évolutif de la sinistralité.

En troisième lieu, l'expert indique que le perçage de la tôle préconisé par le bureau technique du groupe Isopan pour éviter ou limiter les désordres doit être réalisé au moment même de l'apparition du bullage dans des conditions particulières et par un professionnel. Il considère à juste titre qu'il n'est pas recevable que le propriétaire soit en charge du contrôle et de l'apparition inopinée de cloques sur le bardage tous les jours, durant chaque période d'ensoleillement de l'année, et qu'il n'est pas acceptable qu'il soit obligé de faire appel à un professionnel devant intervenir sur des éléments de grande hauteur, alors que les conditions générales de vente ne signifient en aucune manière ce type d'obligations à la charge de l'exploitant. Un tel ouvrage doit être considéré comme impropre à sa destination.

Enfin, la Sci Age fait justement observer que les boursouflures et cloquages de plus de 1 m² de superficie et de 3 à 6 cm d'épaisseur sont particulièrement inesthétiques et donnent une impression de délabrement préjudiciable aux commerces exploités dans le bâtiment, ce qui est également de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination.

Le jugement dont appel doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a jugé que les désordres relevaient de la garantie décennale des constructeurs.

La responsabilité décennale du constructeur

En application de l'article 1792 du code civil, la Société Lacoste Constructions Métalliques doit sa garantie au maître de l'ouvrage, sans pouvoir trouver dans la nature des panneaux isolants qu'elle a mis en oeuvre une quelconque cause exonératoire de sa responsabilité légale de constructeur.

Au demeurant, la responsabilité décennale de la Société Lacoste Constructions Métalliques n'est pas contestée par cette dernière, mais uniquement par la Sa Mma Iard, son assureur de responsabilité décennale au motif de l'absence de gravité suffisante des désordres à l'intérieur du délai de dix ans, contestation écartée ci-dessus par la cour.

La responsabilité décennale de la Sarl Isopan France

L'article 1792-4 du code civil dispose : ' Le fabricant d'un ouvrage, d'une partie d'ouvrage ou d'un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance, est solidairement responsable des obligations mises par les articles 1792, 1792-2 et 1792-3 à la charge du locateur d'ouvrage qui a mis en oeuvre, sans modification et conformément aux règles édictées par le fabricant, l'ouvrage, la partie d'ouvrage ou d'élément d'équipement considéré.

Sont assimilés à des fabricants pour l'application du présent article :

Celui qui a importé un ouvrage, une partie d'ouvrage ou un élément d'équipement fabriqué à l'étranger.

Celui qui l'a présenté comme son oeuvre en faisant figurer sur lui son nom, sa marque ou tout autre signe distinctif '.

La Sarl Isopan France conteste avoir la qualité d'importateur au sens de l'article 1792-4 du code civil.

L'importateur est en principe un commerçant indépendant étranger qui achète les produits de l'exportateur et qui ensuite les revend en son nom et pour son propre compte, donc à ses risques et profits. Il se rémunère en prélevant une marge bénéficiaire.

L'article L.134-1 du code de commerce définit l'agent commercial comme un 'mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de servies, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux (...) '.

En l'espèce, la Sarl Isopan France est liée à la société Isopan Iberica par un contrat d'agent commercial en date du 30 mai 2001 pour la vente et la commercialisation des produits d'Isopan Iberica S.L (pièces n° 1 et 1 bis de la Sarl Isopan France ).

Au vu des pièces versées au dossier, la vente des panneaux litigieux à la société Dpb s'est effectuée dans les conditions suivantes :

- 02/02/2010 :prise de contact entre M. [D] (Dpb) et M. [Z] (Isopan France)

- 02/02/2010 : Fax de M.[Z] à M. [D] pour la fourniture de panneaux sandwich Isopan pour un chantier Lacoste

- 08/02/2010 : Fax de Dpb à Isopan France pour communiquer les dimensions des panneaux souhaités

- 15/02/2010 : Fax d'Isopan Iberica à l'attention de M. [D] (Dpb) contenant décharge de responsabilité d'Isopan Iberica pour le choix de panneaux de coloris RAL 9006 avec une épaisseur de tôle inférieure à 0,6 mm, retournée tamponnée et signée par Dpb

- 15/02/2010 : Fax d'Isopan France à Dpb transmettant en pièce jointe la proposition de commande d'Isopan Iberica ; le fax indique que la proposition de commande 'acceptée par vous' sera transmise à l'usine de production et devient le document de référence définitif ; la commande à l'en-tête de Isopan Iberica a été tamponnée et signée par la société Dpb ;

- 18/02/2010 à 20 h 37 : Fax d'Isopan France et proposition de commande d'Isopan Iberica retournés tamponnés pour acceptation par Dpb au huméro de fax d'Isopan Iberica

- 09/04/2010 : document de transport n° 11/0/767 d'Isopan Iberica à destination du chantier Lacoste relatif à la facture 792

- 12/04/2010 : document de transport n° 11/0/770 d'Isopan Iberica à destination du chantier Lacoste relatif à la facture 797

- 09/04/2010 : Facture 792 d'Isopan Iberica s.l à l'ordre de la société Dpb

- 12/04/2010 : Facture 797 d'Isopan Iberica s.l à l'ordre de la société Dpb

Ces deux factures mentionnent que le paiement est à envoyer à Isopan France Sarl.

- 08/07/2010 et 19/07/2010 : chèque de Dpb d'un montant de 12.837,37 € HT en paiement de la facture 792, et encaissement sur le compte d'Isopan Iberica auprès de la banque Intesa San Paolo en France

- 08/07/2010 et 19/07/2010 : chèque de Dpb d'un montant de 3169,55 € HT en paiement de la facture 797, et encaissement sur le compte d'Isopan Iberica auprès de la banque Intesa San Paolo en France.

Il en résulte que la société Isopan Iberica a établi la proposition de commande au nom de la société Dpb en qualité de client, fabriqué les produits vendus, facturé ces produits au nom de la société Dpb et encaissé les règlements sur son compte bancaire.

La société Isopan France a quant à elle mis en relation la société Dpb avec la société Isopan Iberica, transmis les propositions de commande, et déposé les chèques de règlement sur le compte bancaire de la société Isopan Iberica.

Dans ces conditions, il doit être jugé que le contrat de vente des produits litigieux a été conclu entre la société Isopan Iberica et la société Dpb, et que la Sarl Isopan France est intervenue à titre d'intermédiaire entre ces deux sociétés en sa qualité d'agent commercial, mandataire de la société Isopan Iberica. Elle n'a ni la qualité de fabricant de ces produits, ni celle d'importateur au sens de l'article 1792-4 du code civil.

Cette difficulté a été signalée par la Sarl Isopan France dès le début des opérations d'expertise mais aucune des autres parties n'a jugé utile d'appeler en cause la société Isopan Iberica.

Le jugement dont appel doit être infirmé en ce que le tribunal a considéré que la Sarl Isopan France était l'importateur des produits litigieux et qu'elle devait sa garantie en application de l'article 1792-4 du code civil.

A défaut de contrat liant la Sarl Isopan France à la société Dpb, à la Société Lacoste Constructions Métalliques ou à la Sci Age, les demandes formées à son encontre sur le fondement de la responsabilité contractuelle doivent être rejetées.

La Sarl Isopan France sera en conséquence mise hors de cause.

La responsabilité de la société Dpb

La Sci Age, maître de l'ouvrage, dispose d'une action contractuelle directe contre la société Dpb qui a fourni les matériaux litigieux à la Société Lacoste Constructions Métalliques.

Comme jugé ci-dessus, la société Dpb a passé commande des panneaux auprès de la société Isopan Iberica.

Sa responsabilité contractuelle est engagée pour avoir omis de déconseiller le choix de la couleur des panneaux alors qu'elle avait été alertée par la société Isopan Iberica du risque de bullage du fait de la teinte des panneaux et de l'épaisseur des tôles de bardage et qu'elle avait même ratifié une décharge de responsabilité en ces termes (pièce n° 8 de la société Dpb et pièce n° 4 de la Sarl Isopan France ) :

'Nous déclinons toute responsabilité dérivant de l'emploi d'une couleur semi-foncée (Ral 9006) en épaisseur inférieure à 0,6 mm sur un panneau de bardage.

En effet Isopan déconseille cette solution pour éviter les problèmes de planéité ainsi que le phénomène dit 'du bullage', que malgré ne représente pas un problème structurel peut être une imperfection esthétique pas agréable pour le client final'.

La société Dpb ne fait valoir aucun argument permettant d'écarter cette décharge de responsabilité des débats, qu'il s'agisse du fait que la gérance actuelle n'a pas trouvé trace de l'envoi de ce fax qui aurait été signé et accepté par M.[D], alors gérant de la société, du fait que M.[D] aurait dans ce cas certainement averti la Société Lacoste Constructions Métalliques et modifié la commande, du fait que le tampon de la société, les dates et heures d'envoi et de réception du fax sont illisibles, allégations contraires à l'examen du document litigieux.

Il appartenait à la société Dpb de répercuter cette information sur la Société Lacoste Constructions Métalliques afin que cette dernière puisse utilement conseiller le maître de l'ouvrage sur le choix d'un autre coloris, voire d'un autre produit.

Elle doit en conséquence être condamnée in solidum avec la Société Lacoste Constructions Métalliques à indemniser les dommages subis par la Sci AGE.

Sur la réparation des dommages

1) Les travaux de remise en état

L'expert a envisagé plusieurs solutions de reprise et a estimé nécessaire une complète réfection des façades par la pose sur l'existant d'un 'bardage simple peau' avec une esthétique correspondant à l'existant, pour un coût de 78.000 € HT comprenant les travaux à hauteur de 61.000 € , les aléas de chantier pour 10.000 € et une maîtrise d'oeuvre complète à hauteur de 7000 € .

La Société Lacoste Constructions Métalliques fait valoir que la façade Nord du bâtiment n'est pas affectée de désordres et n'est de surcroît pas visible depuis la rue.

Dès lors que les trois autres façades doivent être doublées, il est justifié de réaliser les mêmes travaux sur la façade Nord d'une part pour que son bardage soit identique, et d'autre part pour des motifs esthétiques, notamment au niveau des raccords avec les façades Ouest et Est.

La prise en compte d'une somme de 10.000 € au titre des aléas du chantier, sans aucune précision sur la nature desdits aléas, est excessive au regard du montant total des travaux (16,5 % de ce montant). Elle doit être limitée à la somme de 4000 € .

La maîtrise d'oeuvre est jugée nécessaire par l'expert mais la somme de 7000 € retenue à ce titre est également excessive au regard des missions qui devront être remplies sur le chantier. La somme allouée à ce titre doit être limitée à 6 % de 61.000 € soit 3660 € .

Le montant total des travaux doit en conséquence être fixé à 68.660 € HT , outre indexation en fonction de la variation de l'indice BT 01 entre le 17 mai 2018 et la date du jugement de première instance.

2) Le préjudice de jouissance

L'expert indique que la société Age subira une gêne durant la période de cinq semaines des travaux sans pour autant qu'il soit nécessaire d'arrêter son activité. Il qualifie la gêne de légère, surtout si les travaux sont réalisés pendant la période de congés.

La Sci Age va obligatoirement subir à l'occasion des travaux divers troubles dans ses conditions de fonctionnement justifiant l'allocation de la somme de 3000 € à titre de dommages et intérêts.

3) Le préjudice moral

Le premier juge a justement estimé qu'il n'était pas suffisamment justifié de la consistance du préjudice dont il est demandé réparation.

Le rejet de cette demande doit être confirmé.

La garantie de la Sa Mma Iard

La Sa Mma Iard doit sa garantie à la Société Lacoste Constructions Métalliques en qualité d'assureur responsabilité décennale en ce qui concerne les désordres matériels, sous déduction de la franchise opposable à l'assuré.

Elle ne doit pas sa garantie au titre des dommages immatériels dans la mesure où la police d'assurance a été résiliée le 31 décembre 2010 et où elle n'était plus l'assureur de la Société Lacoste Constructions Métalliques en 2013, date de la première réclamation du tiers lésé.

Sur les recours entre coobligés

Il n'y a pas lieu à statuer sur de tels recours dont la cour n'est pas saisie au vu des conclusions des parties.

En effet :

- la Société Lacoste Constructions Métalliques ne forme des recours à l'encontre de la Sarl Isopan France et de la société Dpb qu'à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la garantie décennale serait écartée ;

- la Sa Mma Iard demande seulement que la Sarl Isopan France soit condamnée à la relever et garantir indemne ;

- la Sarl Dpb sollicite uniquement la confirmation du jugement qui l'a mise hors de cause et ne forme pas de recours dans l'hypothèse où des condamnations seraient prononcées à son encontre.

Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

La Société Lacoste Constructions Métalliques, la SA Mma Iard et la société Dpb, parties principalement perdantes, doivent supporter in solidum les dépens de première instance, en ceux compris les frais de référé et d'expertise judiciaire, et les dépens d'appel.

Elles se trouvent redevables à l'égard de la Sci Age d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, que le premier juge a justement estimée au titre de la procédure de première instance, et dans les conditions définies par le dispositif du présent arrêt au titre de la procédure d'appel.

Elles doivent en outre être condamnées in solidum sur le même fondement à payer à la Sarl Isopan France la somme de 4000 € .

Elles ne peuvent elles-mêmes prétendre à une indemnité sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Rejette la demande de révocation de l'ordonnance de clôture ;

Rejette comme tardives les conclusions de la Sarl Isopan France en date du 21 janvier 2022;

Déclare irrecevables les conclusions de la Sci AGE en date du 27 janvier 2022 ;

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Montauban en date du 24 septembre 2019, sauf en ce qu'il a débouté la Sci Age de sa demande de réparation d'un préjudice moral, dit que la compagnie Mma était en droit d'opposer ses franchises contractuelles à la Société Lacoste Constructions Métalliques et débouté la Société Lacoste Constructions Métalliques de ses recours en garantie contre la Sarl Isopan France et la société Dpb ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne in solidum la Sarl Distribution Produits Bâtiment (Dpb) et la Société Lacoste Constructions Métalliques, elle-même in solidum avec la Sa Mma Iard, à payer à la Sci Age la somme de 68.660 € HT au titre des travaux de reprise des désordres, outre indexation en fonction de la variation de l'indice BT 01 entre le 17 mai 2018 et la date du jugement de première instance ;

Condamne in solidum la Sarl Distribution Produits Bâtiment (Dpb) et la Société Lacoste Constructions Métalliques à payer à la Sci Age la somme de 3000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance ;

Dit que la Sa Mma Iard ne doit pas sa garantie au titre des dommages immatériels ;

Rejette toutes les demandes formées à l'encontre de la Sarl Isopan France et prononce sa mise hors de cause ;

Condamne in solidum la société Dpb et la Société Lacoste Constructions Métalliques, elle-même in solidum avec la Sa Mma Iard, aux dépens de première instance, en ceux compris les frais de référé et d'expertise judiciaire, et aux dépens d'appel.

Condamne in solidum la société Dpb et la Société Lacoste Constructions Métalliques, elle-même in solidum avec la Sa Mma Iard, à payer à la Sci Age, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 4000 € au titre de la première instance et la somme de 3000 € au titre de l'instance d'appel ;

Condamne in solidum la société Dpb et la Société Lacoste Constructions Métalliques, elle-même in solidum avec la Sa Mma Iard, à payer à la Sarl Isopan France la somme de 4000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et de la procédure d'appel ;

Rejette toutes autres demandes formées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

N.DIABY M. DEFIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 19/04561
Date de la décision : 05/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-05;19.04561 ?
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