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05/09/2022 | FRANCE | N°19/04225

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 05 septembre 2022, 19/04225


05/09/2022



ARRÊT N°



N° RG 19/04225 - N° Portalis DBVI-V-B7D-NGWG

MD/NB



Décision déférée du 10 Septembre 2019 - Tribunal de Grande Instance d'ALBI - 17/01543

(M. ALZINGRE)

















CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL [Localité 2] 31





C/



[D] [K] [R]

SELARL ARCANTHE

SA ALLIANZ IARD
































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INFIRMATION







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU CINQ SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANTE



CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL

[Lo...

05/09/2022

ARRÊT N°

N° RG 19/04225 - N° Portalis DBVI-V-B7D-NGWG

MD/NB

Décision déférée du 10 Septembre 2019 - Tribunal de Grande Instance d'ALBI - 17/01543

(M. ALZINGRE)

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL [Localité 2] 31

C/

[D] [K] [R]

SELARL ARCANTHE

SA ALLIANZ IARD

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU CINQ SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL

[Localité 2] 31

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Philippe REYNAUD de la SCP PALAZY-BRU ET ASSOCIES, avocat au barreau D'ALBI

INTIMES

Monsieur [D] [K] [R]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Olivier THEVENOT de la SELARL THEVENOT MAYS BOSSON, avocat au barreau de TOULOUSE

SELARL ARCANTHE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en sa qualité audit siège.

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Olivier THEVENOT de la SELARL THEVENOT MAYS BOSSON, avocat au barreau de TOULOUSE

SA ALLIANZ IARD, priseen la personne de son représentant légal domicilié en sa qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Olivier THEVENOT de la SELARL THEVENOT MAYS BOSSON, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 16 Mai 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :

M. DEFIX, président

C. ROUGER, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : N. DIABY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N. DIABY, greffier de chambre.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

'

''''''''''' En avril 2007, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel (Crcam) [Localité 2] 31 a accepté les demandes de crédit de 380'000 euros et 190'000 euros de la société à responsabilité limitée (Sarl) Grand largue conseil finance, en vue de financer l'acquisition de 999 actions de la société par actions simplifiée (Sas) [M] motos, toutes deux ayant le même dirigeant, M. [G] [A].

'

''''''''''' Suivant lettre de mission du 19 avril 2007, la banque a chargé Maître Olivier Bouissou Dessart, avocat au sein de la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (Selarl) Ad vocare devenue ensuite Arcanthe, d'établir l'acte de prêt et de prendre notamment les garanties suivantes':

'

- pour le prêt de 380'000 euros':

'

* le cautionnement personnel et solidaire de M. [A] en sa qualité de gérant de l'emprunteur pour un montant global de 91'200 euros et pour une durée totale de 108 mois,

* le nantissement des 666 action achetées,

* ADI CNP de M. [A] à hauteur de 100%,

* le blocage des comptes courants à hauteur de 80'000 euros,

'

- pour le prêt de 190'000 euros':

'

* le cautionnement personnel et solidaire de M. [A] pour un montant global de 45 600 euros et pour une durée totale de 120 mois,

* le nantissement des 666 actions achetées,

* ADI CNP de M. [A] à hauteur de 100%,

* le blocage des comptes courants à hauteur de 80'000 euros,

* le nantissement de titres.

'

''''''''''' Sur le pouvoir donné par la Crcam [Localité 2] 31 à Maître [K] [R] par acte du 19 avril 2007, il est écrit que Maître [K] [R] représentera le conseil d'administration de la Crcam [Localité 2] 31 «'à la signature des contrats de prêts et actes de réalisation concernant ces prêts'» et est autorisé à «'passer et signer tous actes et pièces, (') et généralement faire le nécessaire'».

'

''''''''''' Le 14 mai 2007, la Crcam [Localité 2] 31 a débloqué une partie des fonds en émettant un chèque de 380'000 euros au profit de M. [L] [Z] [M], vendeur des actions détenues au sein de la Sas [M] motos.

'

''''''''''' Le projet de convention de cession de 999 actions a été envoyée par l'avocat par télécopie dans la matinée du 21 mai 2007 à la Crcam [Localité 2] 31.

'

Le contrat de cessions d'actions a été signé le jour même par Maître [K] [R] au nom et pour le compte de la Crcam [Localité 2] 31. '''

'

''''''''''' Par courriers des 3 février 2012 et 15 mars 2012, la Crcam [Localité 2] 31 a demandé à Maître [K] [R] de lui adresser la convention de cession d'actions ainsi que les justificatifs du nantissement des parts et le cautionnement solidaire de M. [A].

'

''''''''''' Par courrier du 3 septembre 2012, la Crcam [Localité 2] 31, par le biais de son avocat, mettait en demeure Maître [K] [R] de communiquer lesdits documents non encore transmis.

'

Par courrier du 21 septembre 2012, Maître [K] [R] a transmis à la Crcam [Localité 2] 31 la convention de cession d'actions ainsi que la convention de gage d'instruments financiers, l'attestation de nantissement de comptes d'instruments financiers et la déclaration de gage de comptes d'instruments financiers.

'

''''''''''' La Sas [M] motos a fait l'objet de plusieurs jugements du tribunal de commerce de Toulouse':

'

- le 10 janvier 2012, ouvrant une procédure de redressement judiciaire,

- le 20 décembre 2012, convertissant le redressement en liquidation judiciaire,

- le 21 avril 2015, prononçant la clôture des opérations de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif.

'

''''''''''' La Sarl Grand largue conseil finance a fait l'objet de plusieurs jugements du tribunal de commerce Toulouse':

'

- le 10 janvier 2012, ouvrant une procédure de redressement judiciaire,

- le 20 décembre 2012, convertissant le redressement en liquidation judiciaire,

- le 20 janvier 2015, prononçant la clôture des opérations de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif.

'

''''''''''' La Crcam [Localité 2] 31 a déclaré au passif de la Sarl Grand largue conseil finance ses créances.

'

Par avis du 21 décembre 2012, le greffe du tribunal de commerce de Toulouse a informé la Crcam [Localité 2] 31 de ce qu'une créance de 126'177,79 euros avait été admise, par le juge commissaire, à titre privilégiée car garantie par un privilège de nantissement de fonds de commerce.

'

Par avis du 21 décembre 2012, le greffe du tribunal de commerce de Toulouse a informé la Crcam [Localité 2] 31 de ce qu'une créance de 184'577,65 euros avait été admise, par le juge commissaire, à titre privilégiée car garantie par un privilège de nantissement de fonds de commerce.

'

''''''''''' Le 22 janvier 2015, Maître [U], liquidateur judiciaire de ladite Sarl a remis à la Crcam [Localité 2] 31 les sommes de 4'422,08 euros et 3'022,94 euros à titre de règlement partiel et définitif de créances chirographaires.

'

''''''''''' Le 26 juin 2018, Maître [U], liquidateur judiciaire de ladite Sarl a envoyé à la Crcam [Localité 2] 31 deux certificats d'irrecouvrabilité pour les créances':

'

-'''''' De 126'177,79 euros, désintéressée à hauteur de 3'022,94 euros,

-'''''' De 184'577,65 euros, désintéressée à hauteur de 4'422,08 euros.

'

-:-:-:-

' Par actes d'huissier délivrés les 20 et 21 septembre 2017, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel [Localité 2] 31 a fait assigner Maître [D] [K] [R], la Selarl Arcanthe venant aux droits de la Selarl Ad vocare et la Sa Allianz iard, leur assureur, devant le tribunal de grande instance d'Albi aux fins de paiement de dommages et intérêts.

'

Par jugement rendu le 10 septembre 2019, le tribunal de grande instance d'Albi a':

'

- déclaré irrecevable comme prescrite la demande en dommages et intérêts formée par la Crcam [Localité 2] 31,

- condamné la Crcam [Localité 2] 31 à payer à Maître [D] [K] [R], la Selarl Arcanthe venant aux droits de la Selarl Ad vocare et la Sa Allianz iard, la somme de

1'200 euros en application de l'article 700 alinéa 1er 1° du code de procédure civile,

- débouté la Crcam [Localité 2] 31 de sa demande fondée sur l'article 700 alinéa 1er 1° du code de procédure civile,

- condamné la Crcam [Localité 2] 31 aux dépens et autorisé, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, le conseil de Maître [K] [R], la Selarl Arcanthe et la Sa Allianz iard à recouvrer directement contre la Crcam [Localité 2] 31 les dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

'

-:-:-:-

'

''''''''''' Par déclaration du 26 septembre 2019, la Crcam [Localité 2] 31 a interjeté appel de cette décision pour l'ensemble de ses dispositions.

'

-:-:-:-

Par un arrêt contradictoire, tranchant pour partie le principal, en date du 17 janvier 2022, la cour d'appel de Toulouse a :

- infirmé le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Albi le 10 septembre 2019 en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite l'action de la Crcam [Localité 2] 31 à l'encontre de la Selarl Arcanthe, Maître [K] [R] et la Sa Allianz iard,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- reçu l'action engagée par la Crcam [Localité 2] 31 à l'encontre de la Selarl Arcanthe, Maître [K] [R] et la Sa Allianz iard,

Avant dire droit sur le fond,

- invité la Caisse régionale de crédit agricole mutuel [Localité 2] 31 à produire avant le 1er mars 2022 les pièces suivantes :

* les déclarations de créance relatives aux prêts n° T06Q2U016PR d'un montant de 190000 euros et n° T06Q2G012PR d'un montant de 380 0000 euros, les décisions d'admission

de ces créances faisant apparaître clairement, leur montant, leur rang et, le cas échéant, la nature exacte des sûretés leur conférant un rang privilégié,

* tous éléments relatifs à l'identification de l'objet des sommes ayant donné lieu au versement entre les mains de la banque des sommes visées au courrier accompagnant les chèques évoquant une créance chirographaire ainsi qu'aux certificats d'irrecouvrabilité,

* toutes pièces utiles relatives au sort des nantissements des parts sociales,

* la convention de garantie Oseo portant les clauses générales et particulières ainsi que toutes pièces utiles relatives à son exécution ou un éventuel refus de garantie opposé par l'organisme caution,

- renvoyé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 16 mai 2022 à 14 heures,

- fixé une nouvelle date de clôture au 13 mai 2022,

- rappelé qu'à défaut de diligence conforme au dispositif du présent arrêt, la radiation de l'affaire sera encourue,

- réservé les demandes au fond, les dépens et les frais irrépétibles.

Pour statuer ainsi, la cour a considéré que le dommage résultant d'un manquement de l'avocat rédacteur d'acte dans l'exécution de sa mission visant à l'obtention du cautionnement du dirigeant de l'emprunteur se réalise au moment où le cautionnement aurait pu ou dû être mis en 'uvre et n'a pu l'être faute de souscription dudit cautionnement. La cour a considéré que la Crcam avait intérêt à faire application de la convention de cautionnement dont elle a pu prendre connaissance, après une mise en demeure faite à son mandataire de la lui transmettre, des faits lui permettant d'exercer son action en responsabilité à l'encontre de Maître [K] [R] qui n'avait jamais fait connaître auparavant à la banque le défaut de souscription par M. [A] des engagements de caution solidaire. Elle était dès cette date privée de la possibilité de faire soit exécuter immédiatement l'engagement de caution ou de faire inscrire des sûretés provisoires sur le patrimoine de la caution au lieu d'attendre le sort de la procédure collective affectant la société débitrice, préjudice dont seule l'étendue restait liée à l'issue de ces procédures. Il a été ainsi jugé que la Crcam [Localité 2] 31 avait jusqu'au 21 septembre 2017 à minuit pour faire assigner Maître [K] [R] en responsabilité de sorte que les assignations datant des 20 et 21 septembre 2017, son action n'était pas prescrite.

La cour a, pour apprécier l'intensité de la perte de chance subie par le créancier, considéré qu'il était notamment nécessaire de connaître préalablement l'étendue de la créance subsistante en vérifiant d'une part que celle-ci a bien été déclarée, admise et réglée selon le rang de priorité défini en vertu des sûretés dont elle bénéficiait à la date de l'ouverture de la procédure collective et d'autre part que l'ensemble des autres garanties prévues au contrat dont notamment la garantie Oseo ont bien été mobilisées avec diligence et n'ont pas diminué le montant de la créance à due proportion du produit de leur réalisation. '' '

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

''

''''''''''' Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 25 février 2022, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel (Crcam) [Localité 2] 31, appelant, demande à la cour, au visa des articles 1147 ancien et 1382 ancien du code civil, et de l'article 9 du décrêt n° 2005-790 du 12 juillet 2005, de :

- réformer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

Et statuant de nouveau,

- condamner in solidum la Selarl Arcanthe, Maître [D] [K] [R] et la société Allianz à lui payer :

* la somme de 136 800 euros à titre de dommages et intérêts compte tenu de l'impossibilité de mettre en 'uvre le cautionnement de M. [A],

- condamner in solidum la Selarl Arcanthe, Maître [D] [K] [R] et la société Allianz à lui payer la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de

procédure civile ;

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

- condamner in solidum la Selarl Arcanthe, Maître [D] [K] [R] et la société Allianz aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le11 mai 2022, Maître [K] [R], la Selarl Arcanthe et son assureur la Sa Allianz iard, intimés, demande à la cour, au visa des articles 1147 ancien, 1382 ancien, 2224 et suivants du code civil, de :

- débouter la Crcam [Localité 2] 31 de l'ensemble de ses 'demandes, fins et conclusions',

- condamner la Crcam [Localité 2] 31 au paiement d'une somme de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel avec bénéfice de recouvrement direct au profit de leur conseil,

-:-:-:-

L'ordonnance de clôture est intervenue le 13 mai 2022 et l'affaire a été examinée à l'audience du 16 mai 2022.

MOTIVATION :

-'Sur le bien-fondé de l'action en responsabilité dirigée contre Maître [K] [R]'et sa société d'exercice professionnel':

'

''''''''''' 1. Il sera rappelé que l'avocat, rédacteur d'acte est tenu de conseiller les parties, d'assurer la validité de l'acte et sa pleine efficacité, en fonction de la situation des parties et de l'étendue de la mission acceptée par l'avocat. La rédaction de l'acte ne présentant pas le caractère aléatoire du procès, l'obligation de l'avocat rédacteur est une obligation de résultat.

'

Ce dernier engage sa responsabilité dès lors que son client établit que le résultat promis n'a pas été atteint, l'avocat ne pouvant s'exonérer en prouvant qu'il a accompli des diligences suffisantes, mais seulement en établissant que l'absence de résultat est due à la force majeure.

'

2. Ainsi que cela avait été constaté dans l'arrêt avant-dire droit, il ressort de la lettre de mission datée du 19 avril 2007 que l'avocat était tenu de «'prendre'» plusieurs garanties destinées à assurer le remboursement des deux prêts consentis à la Sarl Grand largue conseil finance, et notamment deux cautionnements solidaires de M. [A] pour, respectivement, un montant de 91'200 euros et 45'600 euros.

'

''''''''''' Maître [K] [R] reconnaît avoir été chargé d'obtenir les cautionnements de

M. [A]. Son obligation avait été contractualisée et exprimée de manière expresse par la Crcam [Localité 2] 31.'

'

3. Les intimés ne démontrent nullement que la Crcam [Localité 2] 31 avait renoncé au cautionnement de M. [A] dans la mesure où si celui-ci apparaissait bien dans la lettre de mission du 19 avril 2007, il n'est produit aucune pièce justifiant une telle renonciation qui ne saurait résulter du silence de la banque mandante et spécialement du projet d'acte litigieux.

'

4. Il est constant que Maître [K] [R] n'a pas obtenu du dirigeant de l'emprunteur, M. [A], les cautionnements demandés et le reconnaît expressément dans ses écritures.

'

En l'absence d'obtention du résultat promis, la faute contractuelle de Maître [K] [R] est bien établie.

'

5. Aux termes de l'article 1353, anciennement 1315, du code civil «'celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation'».

'

La cour ayant rappelé dans sa décision avant-dire droit qu'en matière de responsabilité civile, il appartient à la victime d'établir l'existence d'une obligation de réparation à la charge du responsable et qu'elle doit donc prouver que les conditions d'engagement de la responsabilité de ce dernier sont réunies, devant établir, outre la faute du responsable qui vient d'être constatée, l'existence d'un préjudice et d'un lien de causalité entre le préjudice et la faute alléguée.

' 6. La Crcam [Localité 2] 31 soutient que la faute de Maître [K] [R] est à l'origine d'un préjudice financier consistant en l'impossibilité de pouvoir demander à M. [A], en qualité de caution, paiement des sommes dues au titre des prêts consentis à la Sarl Grand largue conseil finance, dans la limite de son engagement, soit la somme de 136'800 euros.

'7. En l'espèce, le préjudice réparable en lien de causalité avec la faute commise ne peut être que la perte de chance de recouvrer rapidement et dans son intégralité le montant de la créance de la banque dans la proportion qui aurait dû être cautionnée par M. [A].

'

8. Pour apprécier, l'intensité de cette perte de chance, il est notamment nécessaire de connaître préalablement l'étendue de la créance subsistante en vérifiant d'une part que celle-ci a bien été déclarée, admise et réglée selon le rang de priorité défini en vertu des sûretés dont elle bénéficiait à la date de l'ouverture de la procédure collective et d'autre part que l'ensemble des autres garanties prévues au contrat dont notamment la garantie Oseo ont bien été mobilisées avec diligence et n'ont pas diminué le montant de la créance à due proportion du produit de leur réalisation. '' '

9. La cour avait d'abord constaté la production de pièces par la Crcam [Localité 2] 31 faisant apparaître des mentions qui ne pouvaient qu'appeler une demande d'explication à cette dernière sur le sort d'autres garanties assortissant les créances déclarées au passif.

9-1 En effet, la Crcam [Localité 2] 31 avait produit deux avis du greffe du tribunal de commerce de Toulouse du 21 décembre 2012 qui indiquaient que le juge commissaire avait admis deux créances de 126'177,79 euros et 184'577,65 euros à titre privilégié car garanties par un 'nantissement sur fonds de commerce' ainsi que deux courriers datés du 22 janvier 2015, par lesquels Maître [U], liquidateur judiciaire de la Sarl Grand largue conseil finance lui versait les sommes de 4'422,08 euros et 3'022,94 euros à titre de règlement partiel et définitif de «'créances chirographaires'».

'

Elle a ensuite produit, deux certificats d'irrecouvrabilité émis par Maître [U], pour les créances'de 184'577,65 euros, désintéressée à hauteur de 4'422,08 euros, et de

126'177,79 euros, désintéressée à hauteur de 3'022,94 euros. '''

'

''''''''''' S'il ressortait de ces certificats que les paiements de 4'442,08 euros et 3'022,94 euros concernaient bien les créances de 184'577,65 euros et 126'177,79 euros, il n'était en revanche pas établi que ces créances étaient celles que M. [A] aurait dû cautionner.

'

La Cram [Localité 2] 31 a produit la déclaration de créance unique regroupant les deux prêts n° T06Q2U016PR d'un montant de 190'000 euros et n° T06Q2G012PR d'un montant de 380 0000 euros mais non les décisions d'admission de ces créances faisant apparaître clairement, leur montant, leur rang et, le cas échéant, la nature exacte des sûretés leur conférant un titre privilégié seulement rappelé en son principe dans la déclaration du 3 février 2012.

La banque bénéficiait d'un nantissement sur compte d'instruments financiers, établi par Maître [K] [R] conformément à la lettre de mission reçue et portant sur 999 actions détenues par la société Grand Largue dans le capital de la société [M] Motos pour une garantie de l'emprunt de 380 000 euros, signée par M. [A] ès qualités, sur lequel la banque n'apporte aucun élément sur l'absence de mobilisation de cette sûreté. Toutefois, il sera relevé que la société [M] Moto a été placée en redressement judiciaire le 10 janvier 2012, convertie en liquidation judiciaire le 20 décembre 2012, situation ne laissant que peu d'espoir d'obtenir efficacement le fruit du rang privilégié évoqué, concrétisée par l'avis d'irrecouvrabilité à hauteur du surplus des sommes très résiduelles retirées de la liquidation. Le caractère possiblement erroné ou non de la mention figurant sur les lettres chèques et relative au caractère chirographaire étant sans portée au regard de l'ensemble de ces constatations.

Il n'est donc pas établi ni un renoncement du créancier à ce nantissement ni même une quelconque conséquence préjudiciable d'un éventuelle disqualification de la créance déclarée et dont l'imputabilité à l'attitude de la banque n'est pas en tout état de cause pas démontrée.

Il n'est pas plus démontré que la mention 'nantissement de fonds de commerce' figurant sur l'avis d'admission corresponde à une réalité quelconque.

9-2 S'agissant de la garantie Oseo visée avec les coordonnées de l'organisme Sofaris dans l'acte signé des parties, la banque verse au dossier la trace des démarches accomplies dès le 3 février 2012 envers la Sa Oseo, devenue Bpifrance en vue d'être informée de la confirmation de la garantie sur ces prêts à hauteur de 30 %. Il est aussi produit des pièces démontrant que malgré l'absence de cautionnement imputable à la faute du rédacteur d'acte, la société Bpifrance est intervenue à ce titre en perte finale et a indemnisé la banque sur la base du capital restant dû au titre des prêts de 380 000 et 190 000 euros en lui adressant un chèque de règlement de 72 362,69 euros.

Si ce versement n'efface pas l'intégralité du préjudice de la banque, ces pièces démontrent que la perte du cautionnement de M. [A] n'a pas empêché la mobilisation de cette garantie substantielle, la BPI ayant réglé comme si la caution avait versé les sommes dues au titre de son engagement. Certes, la banque ne s'explique pas sur la différence de taux de garantie effectivement couvert par cet organisme et relevée par l'intimé (24 % du montant du capital restant dû qui constitue assiette de la garantie - article 9 des conditions générales et non 30 %). Il sera toutefois relevé que ce paiement partiel n'est que le fruit d'un acte volontaire de l'organisme qui aurait pu se prévaloir de la déchéance de plein droit prévue à l'article 10 des conditions générales en raison de la perte des sûretés en vertu desquelles celui-ci s'est engagé, l'acte de notification rectificative du 11 avril 2007, contactualisant cette garantie Oseo, mentionnant le cautionnement solidaire de M. [A].

9-3 Il résulte de l'ensemble de ces constatations que le risque de décharge de la caution du fait d'une absence de mobilisation totale ou partielle des autres garanties visées à la lettre de mission, dans l'hypothèse où l'acte de caution aurait été signé, est loin d'être établi avec un degré élevé de certitude.

10. Ensuite, il résulte des pièces produites (notamment le rapport établi par la société 'Cofaris Expertise' du 25 mars 2015, que la solvabilité foncière de M. [A] était limitée à un bien situé en copropriété (lots 69, 451 et 519) sur la commune de [Localité 7], vendu par lui le 18 octobre 2012 pour un montant de 93 104 euros et à un bien situé sur la commune de [Localité 6] dont il était propriétaire indivis avec sa compagne, Mme [J], vendu sur licitation à la barre du Tribunal courant 2016 pour un prix de 220 000 euros.

Un cautionnement à hauteur de 20 % n'était, au regard de ces constatations, pas de nature à caractériser un risque de décharge de la caution au titre d'un engagement disproportionné et si l'état des inscriptions hypothécaires sur le bien de [Localité 6] fait notamment apparaître une inscription au titre d'une créance du crédit agricole, étrangère au litige et relative à l'aval d'un billet à ordre d'un montant de 125 000 euros, le fruit de la vente du bien de [Localité 7] était susceptible de permettre un apurement partiel dans des proportions loin d'être minimes, les dettes ultérieurement rendues exécutoires en 2014 et 2015 étant bien postérieures à l'évènement susceptible de déclencher les poursuites contre la caution, survenu au début de l'année 2012.

11. Il s'en suit que la banque justifiait d'une perte d'une chance raisonnable de recouvrement d'au moins une partie de sa créance sur la patrimoine de la caution à la date où elle aurait pu être mobilisée utilement et que cette perte est en lien de causalité direct avec la faute de Maître [K] [R]. Au regard des éléments qui précédent cette perte de chance doit être fixée à hauteur de 40 %.

12. Au regard de la limite de 20 % de l'engagement de cautionnement demandé à l'avocat de finaliser auprès de M. [A], celui-ci n'aurait pu être engagé qu'à hauteur de la somme de 60 222,35 euros (301 111,75 € x 20 %) justement rappelée par les intimés sur la base du passif à échoir en capital et intérêts à la date de la liquidation judiciaire et visée dans la déclaration de créance et non la somme de 136 800 euros réclamée par la banque et correspondant au montant de l'actif réalisable de la caution.

Il convient en conséquence de condamner in solidum Maître [K] [R], la Sarl Arcanthe et la Sa Allianz à payer à la Crcam [Localité 2] 31 la somme de 24 088,94 euros (60.222,35 € x 40 %) à titre de dommages et intérêts.

- sur les dépens et frais irrépétibles :

13. Maître [K] [R], la Sarl Arcanthe et la Sa Allianz, parties perdantes au sens de l'article 696 du code de procédure civile seront condamnées aux dépens de première instance et d'appel, le jugement devant être entrepris sur ce point.

14. Il n'est nullement inéquitable en l'espèce de laisser à la charge de la Crcam [Localité 2] 31 les frais de première instance et d'appel non compris dans les dépens qu'elle indique avoir exposés à l'occasion de cette procédure. Elle sera déboutée de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Tenues aux dépens, les intimées seront déboutées de leurs demandes à ce même titre et le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné la Crcam [Localité 2] 31 au paiement de frais irrépétibles.

15. L'exécution provisoire attachée à l'arrêt d'appel étant de droit, la demande présentée à ce titre par la Crcam [Localité 2] 31 à ce titre est sans objet.

PAR CES MOTIFS :

'

La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

'

Vu l'arrêt mixte de la cour d'appel de Toulouse du 17 janvier 2022 ayant infirmé le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Albi le 10 septembre 2019 en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite l'action de la Crcam [Localité 2] 31 à l'encontre de la Selarl Arcanthe, Maître [K] [R] et la Sa Allianz iard et ayant, avant dire droit sur le fond, invité la société appelante à produire diverses pièces ;

'

Condamne in solidum Maître [K] [R], la Selarl Arcanthe et la Sa Allianz iard, à payer à la Crcam [Localité 2] 31 la somme de 24 088,94 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance subie du fait de l'absence de recueil de l'engagement de cautionnement de M. [A].

Infirme le jugement du tribunal de grande instance d'Albi du 10 septembre 2019 sur les dépens et frais irrépétibles.

Condamne in solidum Maître [K] [R], la Selarl Arcanthe et la Sa Allianz iard

aux dépens de première instance et d'appel.

Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile relativement aux frais de première instance et d'appel non compris dans les dépens.

Le Greffier, Le Président,

N. DIABY M. DEFIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 19/04225
Date de la décision : 05/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-05;19.04225 ?
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