26/07/2022
ARRÊT N°22/417
N° RG 19/04714 - N° Portalis DBVI-V-B7D-NIVL
CC/VM
Décision déférée du 07 Août 2019 - Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE - 18/20787
JL ESTEBE
[C] [W]
[T] [W] veuve [D]
C/
[V] [W] épouse [B]
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
1ere Chambre Section 2
***
ARRÊT DU VINGT SIX JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANTES
Madame [C] [W]
[Localité 9]
[Localité 4]
Représentée par Me Bénédicte BERNES, avocat au barreau de TOULOUSE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 31555.2019.025031 du 25/11/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)
Madame [T] [W] veuve [D]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Bénédicte BERNES, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE
Madame [V] [W] épouse [B]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Martine ALARY, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant , V.MICK et M.DUBOIS, conseillers, chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. GUENGARD, président
V. MICK, conseiller
M. DUBOIS, conseiller
Greffier, lors des débats : M. TACHON
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par C. GUENGARD, président, et par M. TACHON, greffier de chambre.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
M. [F] [W] et Mme [Y] [E] se sont mariés devant l'officier d'état civil de la mairie de [Localité 7] (Italie), le 25 septembre 1948 sans faire précéder leur union d'un contrat de mariage.
De leur union sont nées trois enfants : [T] [W] née le 12 septembre 1949, [C] [W] née le 12 avril 1951 et [V] [W] née le 14 novembre 1954.
Par acte notarié en date du 25 octobre 1980, les époux [W] ont acquis une parcelle de terre sise lieu-dit Mouraux, section C, n°[Cadastre 5], commune de [Localité 3] (31) pour le prix de 30 000 F.
Par acte notarié en date du 31 octobre 1980, ils ont fait donation à leur fille, Mme [V] [W] épouse [B], de la parcelle pré-citée sous condition que :
- le bien en question tombe en communauté des époux [B] ;
- une somme de 27 000 F, correspondant à un prêt souscrit par les donateurs auprès de la Caisse Régionale du Crédit Agricole Mutuel de [Localité 10] en vertu de l'acte d'acquisition du terrain pré-cité, soit remboursée dans un délai de deux années à compter du 15 juillet 1979 avec production d'intérêts au taux de 10,[Cadastre 5]% à compter du jour fixé pour l'entrée en jouissance.
Le domicile familial des époux [B] a été édifiée sur la parcelle pré-citée, une partie étant occupée par les donateurs.
M. [W] est décédé le 9 août 1983 à [Localité 10] (31).
Par testament olographe en date du 21 mars 2008, Mme [Y] [W] a légué la quotité disponible de la succession à ses deux filles, Mmes [T] et [C] [W].
Mme [Y] [W] est décédée le 6 novembre 2015 à [Localité 8] (31) laissant pour lui succéder ses trois filles pré-citées.
Les héritières n'ont pu partager amiablement la succession et des difficultés liquidatives sont apparues.
*
Par acte d'huissier en date du 18 janvier 2018, Mmes [T] [W] veuve [D] et [C] [W] ont assigné devant le tribunal de grande Instance de Toulouse Mme [V] [W] épouse [B].
Par jugement contradictoire en date du 7 août 2019, le tribunal de grande instance de Toulouse a :
- ordonné le partage des successions de [F] [W] et de [Y] [E],
- désigné pour y procéder Maître Nathalie Cayrou-Laure,
- rejeté la demande de rapport à la succession de la donation du terrain de [Localité 3],
- rejeté la demande de rapport à la succession de la donation relative au remboursement du prêt contracté auprès de l'UCB,
- rejeté la demande d'expertise et de communication de pièces,
- dit que [V] [W] doit rapporter à la succession de sa mère la donation en avancement de part de 915 € et rejeté les autres demandes formées à ce titre,
- rejeté la demande de nullité du testament du 21 mars 2008 dont l'original reste à produire entre les mains du notaire,
- rejeté la demande de [T] [W] relative aux frais funéraires,
- condamné [V] [W] à payer 4 166,66 € à [T] [W],
- rejeté les demandes relatives aux frais non compris dans les dépens.
- dit que les frais du partage seront supportés par les copartageants,
- rejeté la demande d'exécution provisoire.
*
Par déclaration électronique en date du 29 octobre 2019, Mmes [C] [W] et [T] [W] veuve [D] ont interjeté un appel limité du jugement pré-cité aux dispositions ayant rejeté les demandes de rapport de la donation du terrain de [Localité 3], du remboursement du prêt contracté auprès de l'UCB, du rapport par Mme [V] [W] de la donation en avancement de la somme de 915 euros (6000 F) et du rejet des autres demandes à ce titre ainsi que du rejet de la demande relative aux frais funéraires et aux dépens.
*
Dans ses dernières conclusions d'intimée, contenant appel incident, reçues en date du 20 mars 2020, Mme [B] demande à la cour de bien vouloir :
- déclarer recevable mais non fondé l'appel interjeté par Mmes [T] et [C] [W] à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Toulouse le 7 août 2019,
En conséquence,
- les débouter,
- accueillant l'appel incident de Mme [V] [W] épouse [B],
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du testament,
- prononcer la nullité du testament olographe du 21 mars 2008,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Mme [V] [W] épouse [B] à verser à Mme [T] [W] la somme de 4.166,66 euros au titre des frais d'hébergement,
En conséquence, débouter Mme [T] [W] de sa demande en paiement des frais d'hébergement,
Subsidiairement,
- dire que la somme totale de 12.500 euros due au titre des frais d'hébergement sera intégrée au passif successoral et supportée par chacun des héritiers à proportion de ses droits.
En toute hypothèse,
- condamner Mmes [T] et [C] [W] à verser à Mme [V] [W] épouse [B] la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel, en accordant à Maître Martine Alary, avocat, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
*
Dans leurs dernières conclusions d'appelantes reçues en date du 18 juin 2020, Mmes [C] [W] et [T] [W] veuve [D] demandent à la cour de bien vouloir :
- réformer partiellement le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Avant dire droit,
- commettre tel expert avec pour mission :
*l'estimation de la valeur de l'immeuble sis à [Localité 3] (Haute Garonne), au lieudit « Mouraux » figurant à la matrice cadastrale section C, numéro [Cadastre 5], contenance 41 a 58 ca ;
*l'étude des documents bancaires permettant la réintégration à la succession des sommes indûment perçues par Mme [V] [W] ;
- ordonner la communication de tout document utile à cette étude (modalités de financement de la maison construite sur le terrain à [Localité 3], cahier de gestion du mari de [V] [W], M. [X] [B]'), dont :
*les relevés de comptes du crédit agricole de janvier 1981 à juillet 1983,
*l'échéancier du crédit UCB souscrit par les défunts,
- étendre la mission du notaire désigné à la liquidation de la communauté ayant existé entre [F] [W] et [Y] [E], préalablement aux opérations de leurs successions,
- ordonner le rapport à la succession :
*de la valeur actuelle du bien immobilier sis à [Localité 11],
*des mensualités de crédit UCB permettant la construction d'une maison sur le terrain objet de la donation, financées par [Y] [W] de 1982 à 1994 soit 113.338 francs soit 17.278 euros,
*des sommes indûment prélevés par [V] [W] et son mari sur les comptes Crédit Agricole et Caisse d'Epargne de [Y] [W] entre 1984 et 1996, soit 30.489, 80 euros sauf à parfaire au vu des éléments remis à l'expert ;
- ordonner le remboursement par [V] [W] du tiers des frais d'obsèques payés par Mme [T] [D] soit 1/3 de 4.732, 10 euros soit 1.577, 36 euros,
- débouter Mme [V] [B] de son appel incident,
En conséquence,
- confirmer le jugement du 7 août 2019 en ce qu'il a condamné [V] [W] à payer 4.166, 66 euros à [T] [W],
- confirmer le jugement du 7 août 2019 en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du testament,
- condamner Mme [V] [W] à payer à Mme [T] [W] épouse [D] la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et la somme de 3.000 euros à Mme [C] [W] sur le fondement de l'article 37 de la loi sur l'aide juridictionnelle,
- condamner la même aux entiers dépens.
*
La clôture de la mise en état a été ordonnée le 9 mai 2022.
*
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence à la décision entreprise ainsi qu'aux dernières conclusions développées.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le rapport par Mme [V] [W] épouse [B] à la masse successorale de la donation avec charges du terrain sis à [Localité 11] (31) :
Les appelantes revendiquent le rapport de ce terrain au motif que la condition de la donation n'a pas été respectée. Elles sollicitent, considérant que les pièces fournies par l'intimée sont insuffisantes à établir en l'état l'exécution de sa charge principale portant sur le règlement de la somme de 27 000 F, qu'il soit ordonné la communication de tout document bancaire par l'intimée, en particulier les relevés de compte du Crédit Agricole entre janvier 1981 et juillet 1983. Elle font valoir que le rapport de la valeur de ce terrain, qui devra être appréciée par un expert, selon elles à la la date d'ouverture de la succession, dont elles sollicitent la désignation, est dû au motif que, d'une part, leur soeur n'établit pas l'existence des deux prêts dont elle se prévaut pour affirmer qu'elle a réglé cette somme, d'autre part que les charges de ladite donation n'ont pas été exécutées, à savoir, ni le règlement de la somme de 27 000 F, encore moins dans le délai fixé au 15 juillet 1981, ni celle des intérêts.
Mme [B] soutient, de son côté, que les défunts ont en réalité acquis un terrain pour elle contre réglement de son prix d'acquisition. Elle en déduit dès lors qu'en l'absence d'intention libérale de ses parents, il n'y a pas lieu à rapport, l'acte devant être requalifié sous forme d'acte onéreux. Elle expose avoir reglé la somme de 27 000 F par la souscription de deux prêts respectifs de 20 000 et 7 000 F. Elle ajoute que les appelantes ne prouvent ni l'intention libérale ni l'inexécution des charges, précisant que celles-ci n'ont d'ailleurs jamais intenté une action en révocation de ladite donation pour cause d'inexécution.
L'article 843 du code civil expose que tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale.
Aux termes de l'article 893 du code civil, la libéralité est l'acte par lequel une personne dispose à titre gratuit de tout ou partie de ses biens ou de ses droits au profit d'une autre personne. Il ne peut être fait de libéralité que par donation entre vifs ou par testament.
La valeur des charges de Mme [V] [B], dans le cadre de l'acte qualifié de donation établi entre les parties en date du 31 octobre 1980, était tout à fait équivalente à l'émolument finalement reçu puisque la gratifiée devait en réalité régler une somme de 27 000 F avec intérêts dans un délai de deux années correspondant au financement du terrain en question, acquis cinq jours plus tôt par les donateurs à hauteur de 30 000F, tout frais inclus.
Les appelantes n'établissent pas que les défunts aient continué à régler le prêt initial souscrit sans que leur carence probatoire ne puisse être suppléée par les mesures d'investigation financière qu'elles sollicitent avant dire droit.
Dans ces conditions, en l'absence de toute intention libérale des défunts, l'acte litigieux doit être requalifié en acte à titre onéreux, et, au cas d'espèce, s'agissant de la cession d'un bien en contrepartie d'une somme à payer, en vente conformément aux dispositions de l'article 1582 du code civil.
En conséquence, les considérations portant sur l'exécution ou non des charges de l'intimée quant au règlement de la somme de 27 000 F outre les intérêts sont étrangères au litige dès lors que l'acte en question était un acte à titre onéreux.
Le chef de dispositif, ayant rejeté la demande de rapport de la valeur du terrain et de communication de pièces bancaires, sera donc confirmé.
Sur le rapport par Mme [V] [W] épouse [B] à la masse successorale du remboursement des échéances du prêt contracté auprès de la société UCB :
Les appelantes font valoir que les défunts ont remboursé un prêt du mois de janvier 1983 au mois de juin 1994 pour un montant total de 113 338 F (17 278 euros) qui aurait eu manifestement pour objet de financer tout ou partie des travaux de construction du domicile de Mme [B]. Elles sollicitent le rapport de ce qu'elles qualifient de donation indirecte au profit de leur soeur, après communication de l'échéancier du crédit en question exposant que le couple [B] gérait les affaires de Mme [W].
L'intimée expose que l'emprunt en question, dont la matérialité n'est pas discutée, avait été souscrit par les défunts pour leur propre confort et les aménagements de la partie du logement qu'ils occupaient. Elle ajoute établir que la contruction de sa maison, partagée avec les défunts, a été financée par ses propres deniers par un prêt de 222 951 F qu'elle justifie.
Le prêt d'un montant total de 113 338 F n'est discuté par les parties, ni dans son existence, ni dans son remboursement par les défunts. Les parties s'accordent toujours pour affirmer que celui-ci a servi à financer les aménagements intérieurs de l'appartement occupé par les défunts, qui constituait une partie du logement de l'intimée édifié sur le terrain acquis dans des conditions déjà évoquées et analysées (pièce n°34).
Les appelantes ne précisent pas la nature des aménagements ainsi réalisés par les défunts dans le logement qu'ils occupaient et elles ne contestent pas que leurs parents tout d'abord, puis ensuite leur mère seule, ont occupé ce logement sans aucune contrepartie financière, de sorte que les travaux d'aménagements qu'ils ont financés l'ont été dans leur intérêt et non en vue de gratifier, par une intention libérale, Mme [V] [W].
Il est indifférent, dans ces conditions, que les améliorations ainsi opérées aient pu profiter in fine à Mme [V] [W] personnellement ou à la communauté en réalité, tenant les modalités d'entrée dudit bien dans son patrimoine.
Dans ces conditions, ce chef de dispositif ayant rejeté la qualification de donation déguisée à ces règlements, la demande de rapport et celle visant à production de l'échancier UCB, sans utilité, sera confirmé.
Sur le rapport par Mme [V] [W] épouse [B] à la masse successorale des débits sur les comptes bancaires des défunts à hauteur de 30 489,80 euros :
Les appelantes font valoir l'existence de nombreux prélèvements ([Cadastre 5] 000 F en date du 12 juillet 1991), débits de chèques (dont certains listés au profit du couple [B]) ou retraits d'espèce importants, qu'elles considèrent injustifiés et sans rapport avec les besoins de la défunte, constatés sur ses comptes et livrets, et ce jusqu'en 1996, à une époque où précisément ses affaires étaient gérées par le couple [B], en particulier M. [X] [B]. Elles y ajoutent l'existence de chèques opérés pour remboursement par le couple [B] qui n'auraient pas été encaissés du fait de la gestion desdits comptes par le couple de sorte que les détournements opérés s'élèveraient à 30 489,80 € dont elles sollicitent le rapport à la succession, somme à parfaite selon expertise à ordonner desdits comptes avant dire droit. Elles se prévalent d'échanges épistolaires entre la défunte et le couple [B] essentiellement en 2004 puis en 2007 aux termes desquels celle-ci avait conscience d'avoir été abusée et sollicitait la restitution des sommes prêtées et jamais remboursées malgré ses demandes orales sous peine de plainte pénale.
L'intimée expose que la défunte était en pleine possession de ses moyens et de ses facultés cognitives sur la période incriminée, laquelle, pour vivre dans un logement mitoyen, était libre de disposer de son argent à sa guise. Elle ajoute que les appelantes n'établissent aucune preuve d'un quelconque détournement, la seule existence de prélèvements ou retraits sur les comptes bancaires n'établissant rien en soi.
Les appelantes ne détaillent pas les débits de chèques ou retraits d'espèce opérés qu'elles considèrent litigieux. La somme qu'elles réclament n'est pas explicitée.
Elles se prévalent de deux courriers dactylographiés attribués à la défunte, en date du 15 avril 2004 (pièce n°45) et du 22 mai 2007 (pièce n°47) adressés au couple [B] et exigeant transparence quant à la gestion de ses comptes bancaires et notamment la restitution de sommes avancées et jamais remboursées, cependant aucune des sommes litigieuses n'est précisée et il n'a jamais été donné de suite pénale aux allégations d'abus de faiblesse alors avancées à trois années d'intervalle.
Elles se prévalent enfin également d'un dernier courrier en date du 19 septembre 2007 attribué toujours à la défunte et sollicitant le même type d'explications sur un certain nombre de sommes débitées, lequel, pour cette fois comporte en annexe une liste précise sur la période de mai 1984 au 31 octobre 1990 et portant sur 30 opérations, n'est pas signé de la défunte, est dactylographié et enfin n'est adressé qu'à M. [X] [B], non appelé en la cause (pièce n°15,51).
S'agissant du débit de 75 000 F en date du 12 juillet 1991 (pièce n°77), outre que rien n'établit que ce retrait ait été opéré du compte de la défunte, le relevé produit ne supportant aucun nom de titulaire du compte, à nouveau, la simple importance de la somme n'instruit ni sur l'identité du bénéficiaire final, ni sur sa cause, la charge de cette preuve incombant aux appelantes.
Concernant les chèques au bénéfice du couple [B] (pièce n°79), il doit être constaté que l'un, d'un montant de 3 500 F en date du 5 août 1993, est au bénéfice de M. [X] [B] non appelé en la cause alors que rien n'établit le motif dudit chèque. L'autre, d'un montant de 6 000 F (915 €), dressé à une date illisible, n'est pas attaqué par Mme [B] en ce que le premier juge en a ordonné le rapport de sorte que la cour n'en est pas saisie et qu'il n'y a donc pas lieu à nouveau d'apporter la preuve qu'il s'agit d'une donation, déjà reconnue par le premier juge. Le suivant, de 1300 F est établi à l'ordre d'EDF-GDF et est donc nécessairement sans lien avec un éventuel rapport alors que le bénéficiaire du dernier, établi en date du 13 septembre 1995 d'un montant de 3 500 F, est illisible, précision faite que l'ensemble des chèques incriminés en question est toujours signé de la main de la défunte.
Concernant enfin le chèque de 1 000 F en date du 1er juillet 1995 établi du compte du couple [B] (pièce n°80), et ne supportant aucun nom de bénéficiaire, rien ne permet d'établir, faute de tout élément extrinsèque quant aux modalités de sa confection ou de sa découverte, qu'il était destiné à la défunte.
D'autre part, ainsi que l'a relevé le premier juge, si Mme [B] [V] disposait d'une procuration sur les comptes de sa mère, les appelantes n'établissent pas que les chèques qu'elles invoquent comme étant litigieux aient été signés par elle ni que les dépenses qu'elles contestent aient été engagées par ses soins.
Tenant l'ensemble de ces éléments, alors qu'aucune mesure d'expertise bancaire n'est justifiée pour être susceptible d'éclairer plus avant la cour, c'est à juste titre qu'il a été rejeté la demande de requalification de l'ensemble des ces opérations en dons manuels et, par voie de conséquence, de rapport, de sorte que ce chef de dispositif sera confirmé.
Sur la validité du testament olographe en date du 21 mars 2008 établi par Mme [Y] [E] au profit de Mmes [T] [W] veuve [D] et [C] [W] :
Mme [V] [B] soulève la nullité du testament pré-cité, léguant la quotité disponible de la succession à ses soeurs, au motif qu'eu égard à la mauvaise maitrise de la langue française par la défunte, celui-ci a nécessairement été écrit sous la dictée, tout en s'étonnant par ailleurs de son versement tardif au cours des débats de première instance. Elle y ajoute qu'au regard de l'âge de la légatrice à cette date, soit 83 ans, ainsi que son état de santé précaire pour devoir être accueillie en maison de retraite médicalisée deux années plus tard, ses facultés cognitives étaient nécessairement altérées.
Mmes [T] [W] veuve [D] et Mme [C] [W] soutiennent de leur côté la parfaite validité dudit testament.
Aux termes de l'article 901 du code civil, pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit. La libéralité est nulle en cas d'insanité.
Aux termes de l'article 970 du code civil, le testament olographe ne sera point valable s'il n'est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur : il n'est assujetti à aucune autre forme.
L'article 1001 du code civil énonce que les formalités auxquelles les divers testaments sont assujettis par les dispositions de la présente section et de la précédente doivent être observées à peine de nullité.
Mme [V] [W] épouse [B] ne conteste pas que l'écrit testamentaire est effectivement de la main de son auteur.
Il lui incombe la charge de la preuve tant de l'insanité d'esprit du scripteur que de son incapacité à s'approprier son contenu eu égard à ses difficulté de maîtrise de la langue française.
Or, elle ne produit aucune pièce qualifiant l'altération des facultés intellectuelles du testateur à la date de l'écrit, laquelle ne saurait résulter du seul constat de son âge avancé ou de son admission en maison de retraite médicalisée deux ans plus tard. D'autre part, elle n'établit pas l'absence d'appropriation intellectuelle de son contenu de nature effectivement juridique par la défunte, lequel, à le supposer dicté eu égard aux difficultés de maîtrise de la langue française de la de cujus, ce qui n'est d'ailleurs pas établi, était d'ailleurs dans le prolongement des tensions apparues au cours des années précédentes entre la défunte et l'appelante, à travers des courriers déjà analysés à propos de la gestion de ses comptes bancaires.
Le premier jugement sera dès lors confirmé de ce chef de dispositif.
Sur la demande de remboursement du tiers des frais funéraires par Mme [V] [W] épouse [B] réglés par Mme [T] [W] veuve [D] à hauteur de 1577,36 euros :
Mme [T] [W] veuve [D] sollicite le remboursement par l'intimée du tiers des frais funéraires qu'elle dit avoir réglés seule à hauteur de 4 732,10 € en novembre 2015, produisant les factures des différentes prestations qu'elle a réglées.
L'intimée considère qu'il n'est pas justifié du règlement de ces frais avec ses deniers propres, faute de relevés bancaires, ce type de frais étant habituellement réglés sur la succession. Elle fait observer que les frais funéraires en question apparaissent d'ailleurs au passif successoral dans le projet de déclaration de succession pour un montant de 1 500 €.
Mme [T] [W] produit, au titre de justificatifs de ces frais, en cause d'appel : la facture des pompes funèbres en date du 12 novembre 2015 pour 3114 euros, réglée par deux chèques à son nom en date du 10 et 17 novembre 2015 (pièce n°83) ; la facture des pompes funèbres en date du 12 novembre 2015 pour 320 euros réglée par un chèque à son nom en date du 10 novembre 2015 (Pièce n°84) ; la facture d'une marbrerie en date du 10 novembre 2015 réglée par deux chèques à son nom en date du 16 novembre 2015 (pièce n°85) ; la facture avec un ticket de caisse de la réalisation de faire-parts de décès en date du 13 novembre 2015 (pièce n°86) ; le versement d'une somme en espèces de 100 € à l'église d'[Localité 6] (31), lieu de la cérémonie religieuse (pièce n°87).
Si Mme [W] veuve [D] ne produit effectivement pas ses relevés de compte bancaire démontrant de façon certaine l'usage de ses deniers propres, les mentions des factures produites faisant état de règlements par chèque par ses soins sont suffisamment probantes tout comme l'annexion des tickets de caisse ou de justificatif de retrait au distributeur en espèces. De surcroît il résulte, tant du projet de déclaration de succession (pièce n°10) dont se prévaut pourtant l'intimée afin de contester ce montant, que du relevé de comptes bancaires et livrets de la défunte à la date d'ouverture de la succession que les comptes des défunts n'étaient créditeurs qu'à hauteur de 1 363,82 € au mieux de sorte que ce solde était manifestement insuffisant au règlement des frais pré-cités.
Cependant, si le principe de la créance de Mme [W] veuve [D] concernant le règlement des frais funéraires des défunts est donc acquis en cause d'appel, sa demande de condamnation au tiers de cette somme auprès des co-héritières doit être rejetée dès lors qu'une telle dette constitue une charge de la succession qu'il convient d'inscrire à son passif.
Le jugement attaqué sera donc confirmé sur le rejet de cette demande mais par substitution de motifs.
Sur la demande de condamnation par Mme [T] [W] veuve [D] de Mme [V] [W] épouse [B] du tiers des frais d'hébergement réglés par ses soins au profit de sa mère à hauteur de 4166,66 euros :
Mmes [T] [W] veuve [D] et Mme [C] [W] sollicitent confirmation du chef de dispositif ayant condamné leur soeur au remboursement du tiers de la créance d'assistance au titre de la participation aux frais d'hébergement en maison de retraite médicalisée de leur mère. Elles font valoir que ces frais ont été réglés par Mme [T] [W] veuve [D] entre septembre 2013 et octobre 2015 pour un montant de 12 500 euros. Elles exposent démontrer que leur mère ne pouvait, au vu de ses faibles ressources, assumer la charge totale de cet hébergement sur la période en question et maintiennent par ailleurs que la créance ne doit pas être intégrée au passif successoral s'agissant d'une créance de Mme [T] [W] veuve [D] à l'encontre de Mme [V] [W] épouse [B].
Mme [V] [W] épouse [B] conteste à titre principal l'existence de cette créance faisant valoir que les justificatifs de dépôts d'espèces sur le compte bancaire de sa mère sur la période en question n'établissent pas qu'ils ont servi à un tel financement alors que sa soeur n'a par ailleurs déclaré aucune créance de ce type lors de la déclaration de la succession. Elle ajoute déceler malignité en ce que le tiers du montant ainsi sollicité correspond précisément à la valeur du terrain dont le rapport avait été sollicité et rejeté en première instance par les appelantes. Elle fait observer que la maison de retraite d'accueil de sa mère a affirmé que les frais de séjour étaient réglés par prélévement automatique sans connaissance d'un financement tierce. Elle conclut en exposant, à titre subsidiaire, qu'à supposer une telle créance établie, celle-ci devrait être intégrée au passif successoral, avec prise en compte des droits de chacun, et non fixée à hauteur du tiers à son encontre seule car dans de telles conditions, celle-ci se réserverait le droit de renoncer à la succession, n'ayant pas encore opté.
Aux termes de l'article 205 du code civil, les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin.
Aussi, l'enfant qui prend en charge ses parents ne fait qu'accomplir un devoir moral et ne peut espérer une quelconque compensation sur l'héritage, faute de dispositions testamentaires du défunt en sa faveur.
Cependant, ledit devoir moral d'un enfant n'exclut pas que l'enfant puisse obtenir indemnité pour l'aide et l'assistance apportées à ses ascendants lorsque les prestations fournies ont excédé les exigences de la piété filiale et ont réalisé à la fois un appauvrissement pour l'enfant et un enrichissement corrélatif des parents.
Il appartient à celui qui se prévaut d'une telle créance, conformément aux règles de droit commun, de l'établir.
Mme [T] [W] veuve [D] justifie avoir déposé, par des remises en espèces sur le compte de sa mère entre le 15 janvier 2014 et le 16 octobre 2015, une somme globale de 13 300 €, s'agissant de dépôts en général mensuels, en toute hypothèse toujours à hauteur moyenne de 600 euros (pièces n°21-1 à 21-12).
Il est indifférent que la maison de retraite affirme ignorer l'existence de l'assistance financière d'un tiers aux fins de règlement des factures de la défunte tenant la mise en place de prélèvements automatiques dès lors que l'assistance alléguée revêtait précisément la forme de dépôt d'espèces sur le compte d'ailleurs précisément débité et que l'établissement en question indique au demeurant que seule l'interrogation de l'organisme bancaire permettrait d'être mieux renseigné (pièce n°11).
Mme [T] [W] veuve [D] prouve également le montant des frais de maison de retraite médicalisée de sa mère sur cette même période de l'ordre en moyenne de 1 900 € par mois (pièce n°20-5 et 20-6).
Elle produit l'avis d'imposition de la défunte, non imposable, pour l'année 2014 faisant état de revenus à hauteur de 16 571 € soit en moyenne 1380 euros mensuels (pièce n°26).
Il s'en déduit que la somme en espèces versée mensuellement par Mme [T] [W] veuve [D] sur la période en question vient parfaitement compléter le montant des frais d'hébergement que sa mère pouvait régler avec ses seules ressources alors que Mme [W] veuve [D] était par ailleurs référente familiale de sa mère au sein de l'établissement (pièce n°29).
Elle établit donc suffisamment l'enrichissement de la défunte en lien avec son propre appauvrissement sans qu'une intention libérale ne soit alléguée dépassant la piété filiale.
Dans ces conditions, Mme [T] [W] veuve [D] a revendiqué à bon droit la reconnaissance d'une telle créance et c'est à juste titre que le premier juge l'a consacrée.
En revanche, en ce qu' elle a payé à la place du défunt, cela constitue une créance à l'égard de la succession ; de sorte que celle-ci ne peut être inscrite qu'au passif successoral comme sollicité subsidiairement par l'intimée, de sorte que l'infirmation du chef de dispositif attaqué ne peut qu'être ordonnée en ce qu'il a condamné l'intimée au paiement du tiers de la somme réglée par Mme [T] [W] veuve [D] dont le montant a été limité à 12 500 euros.
Sur l'extension de la mission du notaire commis au règlement du régime matrimonial des défunts :
Les appelantes revendiquent l'extension de la mission du notaire désigné à la liquidation de la communauté entre les défunts, préalablement aux opérations portant sur leurs successions sans développer de motifs spécifiques à ce sujet.
Préalable indispensable et incontournable aux opérations successorales et à l'établissement de l'état liquidatif à la charge du notaire commis, il y a effectivement lieu de rajouter ce chef de mission.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Sans qu'il soit nécessaire de modifier les dispositions de première instance de ce chef, les dépens d'appel seront passés en frais de partage.
L'équité ne commande pas l'application d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour :
statuant dans les limites de sa saisine :
- infirme le jugement attaqué en ce qu'il a :
- condamné [V] [W] épouse [B] à payer 4.166,66 € à [T] [W],
statuant à nouveau du chef de jugement infirmé :
- fixe, au titre du passif successoral de Mme [Y] [E] épouse [W], la dette de 12 500 (douze mille cinq cent) euros au titre de la créance d'assistance de Mme [T] [W] veuve [D] ;
y ajoutant :
- dit que le notaire commis devra procéder aux opérations de compte liquidation et partage du régime matrimonial des défunts préalablement aux opérations successorales ;
- confirme pour le surplus ;
- rejette toute autre demande plus ample ou contraire ;
- dit que les dépens d'appel seront passés en frais de partage sans modification de la charge des dépens de première instance.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
M.TACHON C.GUENGARD.