26/07/2022
ARRÊT N°22/416
N° RG 19/02917 - N° Portalis DBVI-V-B7D-NBRY
CC/VM
Décision déférée du 03 Avril 2019 - Tribunal de Grande Instance de FOIX - 18/00232
M.GOURAND
[N] [A]
[W] [Z] épouse [A]
C/
[V] [A] épouse épouse [M]
[K] [A]
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
1ere Chambre Section 2
***
ARRÊT DU VINGT SIX JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANTS
Monsieur [N] [A]
Madame [W] [Z] épouse [A]
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentés par Me Meriem MENDIL, avocat au barreau D'ARIEGE
Assistés de Me Aurore THUERY, avocat au barreau D'AVEYRON
INTIMÉES
Madame [V] [A] épouse [M]
[Adresse 7]
[Localité 3]
Représentée par Me Christine BOUTIE de la SELARL LA CLE DES CHAMPS, avocat au barreau D'ALBI
Madame [K] [A]
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représentée par Me Arnaud GONZALEZ de l'ASSOCIATION CABINET DECHARME, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant, V.MICK et M.DUBOIS, conseillers, chargés du rapport, Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. GUENGARD, président
V. MICK, conseiller
M. DUBOIS, conseiller
Greffier, lors des débats : M. TACHON
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement,par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par C. GUENGARD, président, et par M. TACHON, greffier de chambre.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
M. [N] [A] et Mme [C] [I] se sont mariés le 24 juin 1950.
M. [A] est décédé le 6 juin 1992.
Aux termes d'un testament olographe en date du 8 avril 2000, déposé au rang de minutes d'un notaire en date du 17 août 2016, Mme [I] veuve [A] a institué sa fille [K] en qualité de légataire universelle de la quotité disponible de sa succession.
Mme [I] veuve [A] est décédée le 23 juin 2016, laissant pour lui succéder ses trois enfants :
- M. [N] [A], marié avec Mme [W] [Z] le 24 janvier 1976,
- Mme [V] [A] épouse [M],
- Mme [K] [A].
L'intégralité des biens immobiliers de la succession a été cédée. En revanche, les héritiers n'ont pu partager amiablement les fonds disponibles restant dans la succession à hauteur de 503 431,08 euros.
*
Par acte d'huissier en date du 14 février 2018, Mmes [V] [M] et [K] [A] ont assigné M. [N] [A] et son épouse devant le tribunal de grande instance de Foix.
Par jugement contradictoire en date du 3 avril 2019, le tribunal de grande instance de Foix a :
- ordonné le partage des liquidités de la succession de [C] [I] veuve [A],
- désigné l'office notarial de Maître [H] [T], [Adresse 4] (Ariège) afin de dresser l'acte constatant le partage,
- dit n'y avoir lieu à commettre un juge du tribunal de grande instance de Foix pour surveiller les opérations de partage,
- débouté M. [N] [A] de sa demande de rapport à la succession de [C] [I] veuve [A] de la somme de 70 105 euros au titre d'une créance de salaire différé,
- débouté Mme [W] [Z] épouse [A] de sa demande de rapport à la succession de [C] [I] veuve [A] de la somme de 23 684 euros au titre d'une créance de salaire différé,
- débouté M. [N] [A] et Mme [W] [Z] épouse [A] de leur demande à voir la somme de 120 000 francs, soit 18 293,88 euros, rapportée à la succession de [C] [I] veuve [A],
- débouté Mme [V] [A] épouse [M] et Mme [K] [A] de leur demande de rapport par M. [N] [A] de la somme de 40 000 euros à la succession de [C] [I] épouse [A],
- constaté que M. [N] [A] reconnaît être redevable de la somme de
6 483,95 euros au titre d'échéances de fermage impayées,
- dit que cette somme de 6 483,95 euros doit être rapportée à la succession de [C] [I] veuve [A],
- débouté M. [N] [A] et Mme [W] [Z] épouse [A] de leur demande de dommages-intérêts,
- débouté Mme [V] [A] épouse [M] et Mme [K] [A] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté M. [N] [A] et Mme [W] [Z] épouse [A] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que chacune des parties conservera à sa charge les dépens par elle engagés.
*
Par déclaration électronique en date du 21 juin 2019, M. [N] [A] et Mme [W] [Z] épouse [A] ont interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :
- débouté M. [N] [A] de sa demande de rapport à la succession de [C] [I] veuve [A] de la somme de 70 105 euros au titre d'une créance de salaire différé,
- débouté Mme [W] [Z] épouse [A] de sa demande de rapport à la succession de [C] [I] veuve [A] de la somme de 23 684 euros au titre d'une créance de salaire différé,
- débouté M. [N] [A] et Mme [W] [Z] épouse [A] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
*
Dans ses dernières conclusions d'intimée reçues en date du 6 décembre 2019, Mme [V] [A] épouse [M] demande à la cour de bien vouloir :
- rejeter toutes conclusions contraires comme injustes et en tout cas infondées,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Foix en date du 3 avril 2019 en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a débouté M. [N] [A] et Mme [W] [Z] épouse [A] de leur demande en reconnaissance d'une créance de salaire différé,
Et y faisant droit,
- dire et juger M. [N] [A] et Mme [W] [Z] épouse [A] irrecevables à demander une créance de salaire différé à la succession de [C] [I],
- dire et juger que les demandes en salaire différé présentées par M. [N] [A] et Mme [W] [Z] épouse [A] sont infondés et injustifiées et en conséquence,
- les débouter de leur demande de fixation et de rapport d'une créance de salaire différé à la succession de [C] [I],
- condamner M. [N] [A] et Mme [W] [Z] à payer la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
*
Dans leurs dernières conclusions d'appelants reçues en date du 22 avril 2020, Mme [W] [Z] épouse [A] et M. [N] [A] demandent à la cour de bien vouloir :
- réformer le jugement du tribunal de grande instance de Foix du 3 avril 2019 en ce qu'il a débouté M. [N] [A] et Mme [W] [Z] épouse [A] de leurs demandes en reconnaissance d'une créance de salaire différé,
Statuant à nouveau,
- débouter Mme [V] [A] épouse [M] et Mme [K] [A] de leurs autres demandes,
- dire et juger M. [N] [A] et Mme [W] [Z] épouse [A] bien fondés à demander une créance de salaire différé à la succession de Mme [C] [I] épouse [A],
- fixer la créance de salaire différé de M. [N] [A] à la somme de 70 150 euros,
- fixer la créance de salaire différé de Mme [W] [Z] épouse [A] à la somme de 23 684 euros,
- dire et juger que les créances de salaire différé devront être rapportées à la succession,
- condamner Mme [V] [A] épouse [M] et Mme [K] [A] solidairement au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.
*
Dans ses dernières conclusions d'intimée reçues en date du 17 février 2021, Mme [K] [A] demande à la cour de bien vouloir :
- confirmer le jugement entrepris par le tribunal de grande instance de Foix le 3 avril 2019 dans toutes ses dispositions,
- débouté M. [N] [A] et Mme [W] [Z] de l'intégralité de leurs demandes,
- condamner M. [N] [A] et Mme [W] [Z] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 1° du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Maîtres Decharme Morel Nauges Gonzalez.
*
La clôture de la mise en état a été ordonnée le 9 mai 2022.
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence à la décision entreprise ainsi qu'aux dernières conclusions développées.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la recevabilité de la demande de créance de salaire différé:
Mme [V] [M] soulève l'irrecevabilité d'une telle demande au motif que celle-ci est dirigée contre la succession de sa mère alors qu'en réalité, elle aurait du l'être à l'encontre de la succession de son père, seul exploitant agricole effectif.
La demande de créance de salaire différé des appelants est formulée à l'encontre de la succession de Mme [C] [I] et il n'est soutenu aucune fin de non-recevoir faisant obstacle à l'examen au fond d'une telle demande.
La demande d'irrecevabilité sera dès lors rejetée.
Sur la demande de créance de salaire différé des appelants à l'encontre de la succession de Mme [C] [I] veuve [A] :
Aux termes de l'article L.321-13 alinéa 1 du Code rural et de la pêche maritime, les descendants d'un exploitant agricole qui, âgés de plus de dix-huit ans, participent directement et effectivement à l'exploitation, sans être associés aux bénéfices ni aux pertes et qui ne reçoivent pas de salaire en argent en contrepartie de leur collaboration, sont réputés légalement bénéficiaires d'un contrat de travail à salaire différé sans que la prise en compte de ce salaire pour la détermination des parts successorales puisse donner lieu au paiement d'une soulte à la charge des cohéritiers.
L'artice L.321-7 du même code dispose que le bénéficiaire d'un contrat de salaire différé exerce son droit de créance après le décès de l'exploitant et au cours du règlement de la succession, la créance de salaire différée ne pouvant être exercée en entier contre l'une ou l'autre des successions au choix du bénéficiaire qu'en cas de co-exploitation par les deux époux.
L'article L. 321-15 du même code édicte que si le descendant est marié et si son conjoint participe également à l'exploitation dans les conditions mentionnées à l'article L. 321-13, chacun des époux sera réputé légalement bénéficiaire d'un contrat de travail à salaire différé au taux fixé au deuxième alinéa dudit article L. 321-13.
L'article L. 321-19 du même code ajoute que la preuve de la participation à l'exploitation agricole pourra être rapportée par tout moyen.
Il appartient à celui qui se prévaut d'une telle créance d'établir qu'il remplit l'ensemble des conditions légales, en ce compris l'absence de contrepartie pour sa collaboration à l'exploitation.
Les appelants font valoir tout deux une créance de salaire différé à leur bénéfice à l'égard de la succession de Mme [C] [I] veuve [A], décédée en 2016, revendiquant la reconnaissance de la qualité de co-chef d'exploitation de cette dernière, en partie en lien à une époque avec sa participation active à la création d'une coopérative de foie gras. M. [N] [A] revendique ainsi une créance sur la période du 10 août 1971 au 8 août 1973 et du 29 juillet 1974 au 1er novembre 1977 (service militaire entre les deux périodes, date de création du GAEC et de rémunération à compter de l'année 1977) et son épouse sur la période du 24 janvier 1976 au 1er novembre 1977.
Les appelants s'appuient tout d'abord sur deux attestations de l'expert comptable de l'exploitation qui confirmeraient les sommes dues à l'encontre de la succession de Mme [C] [I] après analyse juridique de la situation. S'agissant de la qualité de co-exploitante de Mme [C] [I], ils font valoir que celle-ci était inscrite à la MSA en qualité de conjointe d'exploitant agricole, vivait sur l'exploitation depuis le mariage et participait à la traite des vaches, divers travaux dans les champs, de la basse cour, ce qui est confirmé par plusieurs attestations. Ils se prévalent plus spécialement de l'attestation de M. [S], technicien agricole qui venait à la ferme familiale, affirmant avoir vu Mme [I] participer aux décisions prises pour l'exploitation ainsi que du comptable [X] évoquant le fait que celle-ci assurait la partie administrative de l'exploitation s'agissant de la comptabilité. Ils y ajoutent que celle-ci avait signé des prêts engageant l'exploitation. S'agissant de sa participation active à la création d'une coopérative de production de canard gras, les appelants la considèrent comme suffisamment établie par les attestations de la Présidente de la coopérative et d'une technicienne agricole. M. [N] [A] considère établie sa participation à l'exploitation familiale sur le fondement de plusieurs attestations, outre son inscription à la MSA en qualité d'aide familial durant l'année 1971. Il expose que sa qualité de chef d'exploitation personnelle à compter de l'année 1972 ne l'a pas empêché de poursuivre sa collaboration à l'exploitation agricole alors qu'il a financé l'acquisition des parcelles de terre et le matériel par plusieurs prêts qu'il produit. M. [N] [A] affirme n'avoir été rémunéré pour sa participation qu'à compter du 1er novembre 1977, date de création du GAEC. Il soutient enfin que son épouse a arrêté son activité salariée pour participer à l'exploitation agricole, son relevé de carrière démontrant qu'elle a été salariée à temps complet jusqu'au 31 décembre 1975.
Mme [V] [M] ne conteste pas la qualité d'exploitant agricole de son père. Elle la récuse en revanche concernant sa mère, faute de pouvoir de gestion ou de direction effective de cette dernière au sein de l'exploitation, a minima sur la période considérée, la simple affiliation à la MSA tout comme la souscription de prêts afférents à l'exploitation avec son époux n'étant en toute hypothèse pas probants. Elle se prévaut des attestations de l'expert comptable de l'exploitation, qui, s'il reconnaît une telle créance, ne l'évoque qu'à l'égard de la succession paternelle et non maternelle. Elle en déduit que la créance de salaire différé revendiquée par les appelants ne pouvait l'être en réalité que dans le cadre de la succession de son père mais qu'une telle action est désormais prescrite. S'agissant de la participation de sa mère à une coopérative portant sur la production de canard gras, elle fait valoir qu'il n'existe aucune certitude d'un début d'activité de ladite coopérative sur la période de créance de salaire différé revendiquée par les appelants. Elle fait valoir par ailleurs que son frère n'établit pas sa participation effective à l'exploitation sur les périodes de créance de salaire différé qu'il revendique dès lors que sa seule inscription en qualité d'aide familial pour l'année 1971 n'est pas suffisante alors, par ailleurs, qu'à compter de l'année 1975 il gérera seul sa propre exploitation de sorte que sa collaboration à l'exploitation agricole ne pouvait matériellement que procéder d'une aide ponctuelle au mieux. Ensuite, elle expose qu'à supposer suffisamment établie ladite participation, son frère ne démontre pas, alors que la charge lui incombe, qu'elle s'est opérée sans contrepartie, c'est à dire sans aucune rémunération, le financement de l'acquisition en 1972 de plusieurs parcelles de terre par ses soins pour un montant de 20 840 F, outre le début de sa propre exploitation avec l'investissement subséquent nécessaire dans le matériel, faisant soupçonner à l'inverse une source de revenus que l'intéressé n'expliciterait pas.
Elle conclut en indiquant que, dans le cas où le descendant n'a pas obtenu une créance de salaire différé, son conjoint ne saurait y avoir droit en application des dispositions de l'article L.321-13 et suivant du code rural, outre le fait que sa belle-soeur, ayant accouché puis étant tombée enceinte sur la période de créance de salaire revendiquée, ne démontre pas sa participation à l'exploitation agricole ni l'absence de rémunération, à supposer la collaboration établie.
Mme [K] [A], sans contester la participation de son frère à l'exploitation agricole familiale, fait simplement état qu'étant lui-même exploitant à compter de l'année 1972, il ne pouvait se consacrer pleinement à une collaboration sur ladite exploitation. Elle retient pour le reste strictement le même argumentaire que sa soeur [V], pointant le fait que les attestations sensées démontrer la co-exploitation de sa mère, non seulement n'évoquent en réalité que des tâches de ferme, mais encore que celles faisant état d'éventuels actes de direction, faute de période indiquée, sont inefficaces. Elle fait valoir que les appelants ne justifient d'aucune absence de rémunération à leur éventuelle collaboration alors que, bien que s'agissant d'un fait négatif difficile à rapporter, la preuve n'est pas impossible puisqu'il n'est produit aucun relevé bancaire sur la période revendiquée, ni même avis d'imposition, son frère devant pourtant supporter un prêt bancaire lourd suite à l'acquisition de parcelles de terrain et de matériel déjà évoquées.
Il n'est pas contesté que feu M. [N] [A] était exploitant agricole d'une propriété de 56 hectares vouée à l'élevage de bovins et diverses cultures.
Il n'est pas plus contesté que l'appelant, apprenti agricole à l'exploitation familiale entre octobre 1969 et juin 1970 (pièce n°10), a été ensuite aide familial entre le 10 août et le 20 décembre 1971 de ladite exploitation agricole puis exploitant agricole en son nom propre à compter du mois de janvier 1972.
Contrairement à ce que soutiennent les intimées, cette exploitation personnelle et propre n'est pas incompatible avec une collaboration sur l'exploitation agricole familiale en parallèle, pourvu que la participation à la mise en valeur de cette dernière n'ait pas été occasionnelle, mais habituelle, effective et régulière.
C'est cependant à l'encontre de la succession de Mme [C] [I] que les appelants forment leur demande. Il leur appartient donc de démontrer que cette dernière a participé, au delà des tâches d'exécution, de façon effective et régulière à l'exploitation et plus particulièrement aux responsabilités et à la direction de l'exploitation.
Son affiliation à la MSA en qualité de conjoint collaborateur ne suffit pas à bénéficier du statut de co-exploitant agricole.
L'attestation du témoin [L] (pièce n°8), produite par les intimées, exploitant voisin direct du fonds, affirme que M. [N] [A] était l'exploitant principal et que Mme [C] [A] se cantonnait à l'élevage des animaux de basse cour destiné à la consommation de la famille.
Les attestations des témoins [G], [P] et [A] (pièce n°8), versées aux débats par les appelants, qui font état de la participation plus ou moins régulière aux tâches diverses de la ferme de Mme [C] [I], telles que la traite des vaches, la récolte d'été ou la basse cour ne caractérisent pas en cela son pouvoir de direction, gestion ou représentation dans l'exploitation.
La signature de contrats de prêts relatifs à l'exploitation agricole par l'intéressée ne qualifie pas non plus un tel pouvoir (pièce n°9) mais uniquement son acquiescement à une solidarité à la dette de l'exploitation en question, permettant au créancier d'élargir l'assiette des débiteurs solvables, alors qu'en toute hypothèse, les deux actes en question, pour être daté l'un de l'année 1965, l'autre du 21 mai 1971, sont antérieurs aux périodes de créance revendiquées.
Si M. [S] affirme 'avoir connu Mme [A] [C], la voir participé aux décisions prises pour l'exploitation (commandes choix de variétés des semences d'engrais).' aucune précision n'est donnée sur la fréquence et les périodes durant lesquelles ces actes auraient pu intervenir.
De même, si M. [X], qui affirme avoir été le comptable de l'exploitation entre avril 1975 et mai 1986 atteste que Mme [A] assurait ' la partie administrative de l'exploitation et lui transmettait les documents nécessaires à l'élaboration de la comptabilité', cette attestation est dépourvue de toute période précise quant aux actes pré-cités alors que la demande de créance de salaire différé des appelants est circonscrite dans le temps de sorte qu'aux périodes revendiquées, aucun élément ne permet en toute hypothèse d'établir que Mme [C] [A] avait réalisé les actes en question.
S'agissant de la participation active de Mme [C] [A] à la création d'une coopérative d'élevage de canards gras et livraison de foie gras, il résulte des pièces fournies que la coopérative n'a été agréée qu'à compter du 23 septembre 1977 soit postérieurement à la quasi totalité de la période de créance de salaire différée revendiquée, à un mois et huit jours près (pièce n°33,34). Or, aucun élément ne démontre un début d'activité antérieure à cet agrément ni même un début d'activité immédiat et les deux attestations fournies de la présidente de ladite coopérative et d'une technicienne agricole ne disent pas autre chose. En tout état de cause, cette participation n'établit pas plus la qualité d'exploitante agricole d'une telle activité de Mme [C] [A] ni même sa qualité de co-chef d'exploitation de l'exploitation agricole familiale en ce qu'elle ne dit rien d'un pouvoir de participation, représentation ou direction de l'intéressée qui se limitait à la livraison de produits et au gavage préalable des oies.
C'est donc à juste titre que le jugement attaqué a rejeté la demande de créance de salaire différé présentée par M. [N] [A] à l'encontre de la succession de sa mère et il sera confirmé de ce chef.
Le conjoint du descendant ne pouvant prétendre à une créance de salaire différé que s'il est démontré que le descendant a participé lui-même à l'exploitation familiale dans les conditions requises, ce qui n'est pas le cas, l'action de Mme [W] [Z] épouse [A] ne peut qu'être rejetée par voie de conséquence, de sorte que le premier jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Les appelants auront la charge des dépens d'appel dont distraction au profit de Maîtres Decharme Morel Nauges Gonzalez, sans qu'il soit nécessaire de modifier la charge de ceux de première instance.
L'équité ne commande pas l'application d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
statuant dans les limites de sa saisine :
- confirme le jugement attaqué ;
- rejette toute autre demande plus ample ou contraire ;
- condamne M. [N] [A] et Mme [W] [Z] épouse [A] aux dépens d'appel dont distraction au profit de Maîtres Decharme Morel Nauges Gonzalez.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
M.TACHON C.GUENGARD
.