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25/07/2022 | FRANCE | N°21/02299

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 2, 25 juillet 2022, 21/02299


25/07/2022



ARRÊT N°22/414



N° RG 21/02299 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OFWD

MT/CG



Décision déférée du 17 Mai 2021 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE - 21/00003

JC BARDOUT



















[D] [H]





C/





[K] [U] épouse [H]





























































INFIRMATION







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 2

***

ARRÊT DU VINGT CINQ JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANT



Monsieur [D] [H]

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représenté par Me Muriel AMAR-TOUBOUL, avocat au barreau de T...

25/07/2022

ARRÊT N°22/414

N° RG 21/02299 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OFWD

MT/CG

Décision déférée du 17 Mai 2021 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE - 21/00003

JC BARDOUT

[D] [H]

C/

[K] [U] épouse [H]

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 2

***

ARRÊT DU VINGT CINQ JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANT

Monsieur [D] [H]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Muriel AMAR-TOUBOUL, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

Madame [K] [U] épouse [H]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Annie COHEN-TAPIA, avocat au barreau de TOULOUSE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 31555.2021.014286 du 21/06/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 mai 2022, en chambre du conseil, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant V. MICK et M.DUBOIS, conseillers chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

C. GUENGARD, président

V. MICK, conseiller

M. DUBOIS, conseiller

Greffier, lors des débats : M. TACHON

MINISTERE PUBLIC :

Représenté lors des débats par M. JARDIN, substitut général, auquel l'affaire a été régulièrement communiquée le 09 juin 2021, qui a fait connaître son avis.

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par C. GUENGARD, président, et par M. TACHON, greffier de chambre.

EXPOSE DU LITIGE:

Mme [K] [U], née le 8 novembre 1970 à [Localité 4] (31) de nationalité française et mère de cinq enfants, a contracté mariage avec M. [D] [H], né le 22 août 1981 à Ouargla (Algérie) de nationalité algérienne, devant l'officier d'état civil de la commune de Relizane (Algérie).

Le 17 août 2020, Mme [U] a déposé plainte au commissariat de police de [Localité 4] contre M. [H] pour des faits de violences conjugales. Dans sa plainte, celle-ci affirme qu'il avait commencé à la frapper de temps en temps dès le début de leur relation mais qu'elle n'avait jamais déposé plainte, seulement une main courante pour menaces en date du 1er juin 2019 et se serait mis à la frapper plus régulièrement depuis février 2020. Mme [U] entendait alors se séparer de lui, ayant découvert qu'il faisait également des rencontres féminines par le biais d'internet. Elle indiquait également aux policiers que M. [H] aurait déclaré que dès lors qu'il aurait obtenu un titre de séjour de dix ans, il la quitterait immédiatement.

M. [H] a quitté le domicile conjugal le 18 août 2020 mais continuait de surveiller Mme [U] qui, pour sa part, avait fait en sorte que la préfecture bloque le renouvellement du titre de séjour de son mari.

Le 24 août 2020, Mme [U] a écrit au procureur de la République de Toulouse aux fins de dénoncer un 'mariage gris' de la part de M. [H].

Néanmoins, entendue sur procès-verbal de police le 12 novembre 2020, elle indiquait qu'en mars 2019 'il se comportait en bon père de famille avec mes enfants. Nous avions des relations de couple régulières. Tout était parfait. J'avais cru trouver l'amour idéal' en précisant toutefois qu'il avait toujours été un homme violent.

Par exploit d'huissier en date du 15 décembre 2020, Mme [U] a assigné M. [H] devant le tribunal judiciaire de Toulouse aux fins de voir prononcer la nullité de leur mariage. Celle-ci soutient en effet que leur union est viciée par l'absence d'intention matrimoniale véritable de la part de son mari.

En défense, M. [H] sollicite le rejet de la demande réalisée par son épouse. En effet, celui-ci déclare avoir vécu deux années heureuses durant lesquelles il a pu construire une relation solide et fiable avec Mme [U] qui permet d'attester de la commune intention matrimoniale des époux. Il conteste l'intégralité des dires réalisés par son épouse.

Le 9 mars 2021, M. [H] a comparu devant le tribunal correctionnel de Toulouse pour des faits de violences n'ayant pas entraîné d'ITT commises sur la personne de Mme [U] avec la circonstance selon laquelle les faits ont été commis par le conjoint de la victime. Celui-ci a été relaxé et renvoyé des fins de la poursuite.

Par jugement contradictoire en date du 17 mai 2021, la chambre du conseil du tribunal judiciaire de Toulouse a :

- dit nul le mariage célébré le 26 juin 2018 à Rélizane (Algérie) entre Mme [U] et M. [H],

- dit que mention de cette annulation doit être portée sur la transcription tenue au service d'état civil des étrangers à Nantes des actes étrangers de naissance de chacun des intéressés,

- condamné M. [H] à verser la somme de 1 000 euros au titre des dommages et intérêts,

- condamné M. [H] à verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [H] aux dépens.

Par déclaration électronique en date du 21 mai 2021, M. [H] a interjeté appel de ce jugement en ce qui concerne :

- la nullité du mariage,

- les dommages et intérêts,

- l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions d'appelant reçues le 25 août 2021, M. [H] demande à la cour d'appel de Toulouse de bien vouloir :

- rejeter toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées,

- réformer purement et simplement la décision dont appel,

A titre reconventionnel,

- condamner Mme [U] à verser à M. [H] la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ainsi que celle de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions d'intimé, contenant appel incident, reçues le 6 mai 2022, Mme [U] demande à la cour d'appel de Toulouse, au visa des articles 146, 180 et suivants et 1240 du code civil, de bien vouloir :

- confirmer le jugement dont appel,

Et en conséquence,

- dire nul le mariage célébré le 26 juin 2018 à Rélizane (Algérie) entre Mme [U] et M. [H],

- dire que la mention de cette annulation doit être portée sur la transcription tenue au service d'état civil des étrangers à Nantes des actes étrangers de naissance de chacun des intéressés,

- condamner M. [H] à verser la somme de 1 000 euros au titre des dommages et intérêts,

- condamner M. [H] à verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [H] aux dépens.

Par avis en date du 22 septembre 2021, le ministère public demande de voir infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 17 mai 2021 en ce qu'il fait droit à la demande de nullité du mariage introduite par Mme [U] et de débouter cette dernière de l'ensemble de ses prétentions en estimant que M. [H] s'était comporté en époux, violences mises à part, en respectant, du moins en partie, les obligations du mariage découlant de son statut personnel dans les premiers mois qui ont suivi leur union.

La clôture de la mise en état a été ordonnée le 9 mai 2022.

La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DECISION:

Sur la nullité du mariage

Dans tous les cas où le litige présente des éléments d'extranéité, le juge français doit vérifier d'office sa compétence territoriale au regard des règles énoncées par le Règlement (CE) no 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale,

Ce règlement s'applique notamment à I'annulation du mariage des époux.

En l'espèce, l'un au moins des critères de compétence prévu par ce règlement est satisfait au moment où a été déposée la requête, la résidence habituelle du défendeur, qui demeure à [Localité 3] (Haute-Garonne).

Aux termes des articles 8, 12 et 14 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. ll ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.

L'homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l'exercice de ce droit.

L'article 180 du code civil dispose que le mariage qui a été contracté sans le consentement libre des deux époux, ou de l'un d'eux, ne peut être attaqué que par les époux, ou par celui des deux dont le consentement n'a pas été libre, ou par le ministère public. L'exercice d'une contrainte sur les époux ou l'un d'eux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue un cas de nullité du mariage. S'il y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne, l'autre époux peut demander la nullitédu mariage. L'article 181 du code civil précise que la demande en nullité n'est plus recevable à l'issue d'un délai de cinq ans à compter du mariage.

La loi applicable au fond, c'est-à-dire aux conditions de capacité matrimoniale et de consentement des époux, est la loi nationale de chacun des époux.

La loi de la nationalité de chacun des époux détermine leur capacité à consentir et la validité de leur consentement matrimonial. Il ne peut y avoir d'annulation que si la cause de nullité invoquée est une cause d'annulation selon la loi de l'époux contre laquelle elle est invoquée.

En l'espèce, compte tenu des nationalités respectives des deux époux, il convient d'appliquer les lois algérienne et française aux conditions de capacité et de validité du consentement.

L'article 146 du code civil, conforme aux dispositions de la constitution et de la CEDH, précise qu'il n'y a pas de mariage lorsqu'il n'y a point de consentement. L'absence de consentement est donc une cause de nullité du mariage.

L'article 32 du code de la famille algérien dispose que le mariage est déclaré nul s'il comporte un empêchement ou une clause contraire à l'objet du contrat. L'article 33 précise que le mariage est déclaré nul, si le consentement est vicié.

Quant à l'article 36, il indique que les obligations des deux époux sont les suivantes :

- sauvegarder les liens conjugaux et les devoirs de la vie commune ;

- la cohabitation en harmonie et le respect mutuel et dans la mansuétude.

En l'espèce, il n'est pas contesté que, dans un premier temps, le mariage entre les époux ait été harmonieux, Mme [U] ayant elle même déclaré devant les services de police le 12 novembre 2020, qu'en mars 2019, M. [D] [H] se comportait en bon père de famille avec ses enfants, qu'ils avaient des relations de couple régulières et que tout était parfait. Elle ajoutait qu'elle avait cru trouver l'amour idéal même si, cependant, il avait toujours été un homme violent.

Pour les faits de violence qu'elle dénonce et pour lesquels elle avait déposé plainte, M. [H] a été relaxé par le tribunal correctionnel de Toulouse le 9 mars 2021.

Mme [U] fait valoir que sa fille aurait enregistré M. [H] lorsqu'il téléphonait à sa mère, conversation au cours de laquelle il aurait exprimé qu'il ne voulait que sa carte de séjour et qu'il quitterait par la suite Mme [U].

M. [H] a obtenu un titre de séjour le 17 mai 2019 d'une durée d'un an et, pour autant, la vie commune du couple s'est poursuivie jusqu'au 16 août 2020, date à laquelle M. [H] est parti du domicile après les faits de violence dénoncés par Mme [U] pour lesquels il a été relaxé.

Mme [U], dans ses conclusions, précise avoir su dès le départ que M. [H] entendait obtenir un titre de séjour français et qu'elle l'a d'ailleurs aidé dans ses démarches en ce sens.

M. [H] produit d'ailleurs une photographie où Mme [U] pose avec l'enveloppe adressée aux services de l'admission du séjour aux étrangers de la préfecture de Toulouse dont il y a lieu de supposer que c'était au sujet de cette demande.

D'autre part si la fille de Mme [U], Mme [O] [A], déclare que 'M. [H] a dit dans des messages audio qu'il ne voulait que sa carte de séjour et qu'il quitterait par la suite ma mère' et que sa soeur, Mme [U] [Z] a déclaré que ses doutes sur cette union étaient justifiés ' quand j'ai entendu les vocaux de M. [H] qui parlait avec sa mère en faisant illusion pour ses papiers et qu'il disait qu'il allait patienter jusqu'à l'obtention de son titre de séjour de dix ans', rien ne permet d'affirmer que cette conversation, qui n'est pas datée mais que Mme [U] date, dans ses conclusions, du jour de son départ du domicile conjugal soit le 16 août 2020, reflète les intentions de M. [H] lors de la célébration du mariage.

Tout au contraire, celui-ci produit deux attestations émanant d'amis, une de M. [E] [V] qui déclare que depuis son mariage il rencontrait régulièrement M. [H] qui lui parlait souvent de sa femme, lui avouant qu'il était très attaché et très amoureux d'elle et une autre de M. [E] [G] qui déclare qu'à l'occasion d'une rencontre avec M. [H], ce dernier lui avait parlé de sa femme et lui avait dit qu'il l'aimait beaucoup. De même M. [J] [M], qui déclare connaître M. [H] depuis plusieurs années avant son mariage rapporte que ce dernier lui a toujours parlé en bien de sa femme et évoquait avec lui les projets qu'il avait pour son couple et pour améliorer le bien être de Mme [U]. Il avait d'ailleurs envisagé d'organiser un voyage surprise pour l'anniversaire de sa femme et exprimait ses sentiments sur ses publications Facebook.

Au vu de l'ensemble de ces éléments rien ne permet d'établir que M. [H] n'était pas animé, lors de la célébration du mariage, par la volonté de sauvegarder les liens conjugaux et les devoirs de la vie commune ainsi que la cohabitation en harmonie et le respect mutuel et dans la mansuétude de sorte que le jugement attaqué sera infirmé en ce qu'il a déclaré nul le mariage.

Sur les dommages et intérêts

En l'absence de nullité du mariage, Mme [U] n'établit aucun préjudice de sorte que le jugement attaqué sera infirmé en ce qu'il a condamné M. [H] à lui verser la somme de 1000 € à titre de dommages et intérêts.

M. [H] n'apporte aucun élément au soutien du préjudice qu'il subit de sorte que sa demande de dommages et intérêts sera rejetée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Mme [U] sera condamnée aux dépens sans qu'aucune raison d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en appel, l'équité commandant l'infirmation de la décision de première instance à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de l'appel;

Infirme le jugement attaqué en ce qu'il a:

- dit nul le mariage célébré le 26 juin 2018 à Rélizane (Algérie) entre Mme [K] [U] et M. [D] [H],

- dit que mention de cette annulation doit être portée sur la transcription tenue au service d'état civil des étrangers à Nantes des actes étrangers de naissance de chacun des intéressés,

- condamné M. [D] [H] à verser la somme de 1 000 euros au titre des dommages et intérêts,

- condamné M. [D] [H] à verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant sur les chefs infirmés :

Déboute Mme [K] [U] de l'ensemble de ses demandes,

Rejette toute demande plus ample ou contraire,

Condamne Mme [K] [U] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

M. TACHON C.GUENGARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 2
Numéro d'arrêt : 21/02299
Date de la décision : 25/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-25;21.02299 ?
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