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11/07/2022 | FRANCE | N°20/00241

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 11 juillet 2022, 20/00241


11/07/2022



ARRÊT N°



N° RG 20/00241

N° Portalis DBVI-V-B7E-NNH2

CR / RC



Décision déférée du 28 Novembre 2019

Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE 16/03731

Mme [S]

















[D] [T]

SARL SAINT CYPRIEN RIVE GAUCHE





C/



[F] [H]

[X] [H]

[O] [H]

[D] [T]

[U] [G]

[A] [G]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE GA RONNE

GROUPE PASTEUR MUTUALITE































































CONFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU ONZE JUILLET DEUX MILLE...

11/07/2022

ARRÊT N°

N° RG 20/00241

N° Portalis DBVI-V-B7E-NNH2

CR / RC

Décision déférée du 28 Novembre 2019

Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE 16/03731

Mme [S]

[D] [T]

SARL SAINT CYPRIEN RIVE GAUCHE

C/

[F] [H]

[X] [H]

[O] [H]

[D] [T]

[U] [G]

[A] [G]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE GA RONNE

GROUPE PASTEUR MUTUALITE

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU ONZE JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTS

Monsieur [D] [T]

Clinique [17] [Adresse 13]

[Localité 10]

Représenté par Me Sophie CREPIN de la SELARL LEXAVOUE PAU-TOULOUSE, avocat au barreau de TOULOUSE

SARL SAINT CYPRIEN RIVE GAUCHE

Venant aux droits de la CLINIQUE [17], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 13]

[Localité 6]

Représentée par Me Daniel FLINT de la SCP D'AVOCATS FLINT- SAINT GENIEST - GINESTA, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Mademoiselle [F] [H]

[Adresse 1]

[Localité 9]

Représentée par Me Laurent DE CAUNES de la SCP DE CAUNES L.- FORGET J.L., avocat au barreau de TOULOUSE

Madame [X] [M] épouse [H]

[Adresse 15]

[Localité 8]

Représentée par Me Laurent DE CAUNES de la SCP DE CAUNES L.- FORGET J.L., avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur [O] [H]

[Adresse 16]

[Localité 8]

Représenté par Me Laurent DE CAUNES de la SCP DE CAUNES L.- FORGET J.L., avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur [D] [T]

Clinique [17] [Adresse 13]

[Localité 10]

Représenté par Me Sophie CREPIN de la SELARL LEXAVOUE PAU-TOULOUSE, avocat au barreau de TOULOUSE

Mademoiselle [U] [G]

Représentée par son père Monsieur [A] [G], représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 11]

Représentée par Me Laurent DE CAUNES de la SCP DE CAUNES L.- FORGET J.L., avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur [A] [G]

Agissant tant en son nom personnel qu'ès qualité de représentant de sa fille mineure [U] [G]

[Adresse 2]

[Localité 11]

Représenté par Me Laurent DE CAUNES de la SCP DE CAUNES L.- FORGET J.L., avocat au barreau de TOULOUSE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE GA RONNE

Prise en la personne de son directeur général domicilié ès-qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représentée par Me Stéphanie DUARTE, avocat au barreau de TOULOUSE

GROUPE PASTEUR MUTUALITE

Union de mutuelles soumise aux dispositions du livre II du Code de la mutualité, enregistrée sous le n°775 666 340

[Adresse 12]

[Localité 14]

Représentée par Me Emmanuelle LECLERC, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 13 Décembre 2021 en audience publique, devant la Cour composée de :

M. DEFIX, président

C. ROUGER, conseiller

J.C. GARRIGUES, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : K. BELGACEM

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par R. [X], faisant fonction de greffier, ayant prêté serment le 11 avril 2022.

EXPOSE DU LITIGE

Le 21 octobre 2009, Mme [W] [H] épouse [G], âgée de 31 ans, médecin urgentiste et enceinte de son deuxième enfant, alors à 33 semaines d'aménorrhée, soit 7 mois de grossesse, s'est plainte d'une douleur abdominale accompagnée de contractions.

Après appel du Samu en fin de journée par son époux, médecin généraliste, elle a été admise au sein de la clinique Sarrus Teinturier où officiait le docteur [T], gynécologue obstétricien, par lequel elle était suivie.

Mme [G] a alors été prise en charge par Mme [Z], sage-femme salariée de la clinique qui a mis en place un monitoring et a procédé à un examen clinique, puis appelé le docteur [T], lequel a préconisé au vu des explications de la sage-femme de mettre en 'uvre le protocole « menace d'accouchement prématuré » avec traitement par cotolyse pour bloquer les contractions et corticoïdes.

Les douleurs, initialement atténuées, sont réapparues plus violentes et plus fréquentes vers 22h55. Sur appel de Mme [Z] à 23h19, le docteur [T] a préconisé un traitement par Salbutamol, qui a été administré progessivement, puis sur 3ème appel de la sage-femme vers 2 h du matin, le docteur [T] a autorisé l'administration de Spasfon et d'Atarax. L'enregistrement du monitorage du f'tus a alors été arrêté par la sage-femme.

A 3h 30, sur appel de Mme [G], une autre sage-femme, Mme [B], a constaté que la patiente était très pâle, et très essoufflée, présentant des douleurs abdominales importantes, notamment sous-diaphragmatiques. Elle a signalé à Mme [Z] qu'elIe trouvait I'état de Mme [G] préoccupant a alors demandé au docteur [T] de venir, lequel à 4h00 du matin, a réalisé une échographie qui a révélé la mort du bébé, confirmée par le docteur [I], médecin gynécologue de garde appelé par le docteur [T].

Au regard de l'état dégradé de Mme [G], les deux médecins ont alors décidé de pratiquer une césarienne.

Mme [G], transportée à 5h05 au bloc opératoire était victime d'un premier arrêt cardiaque, et après récupération, d'un second arrêt cardiaque ayant entraîné son décès déclaré le [Date décès 4] 2009 à 6h05.

L'autopsie réalisée au sein de l'Institut médico-légal de [Localité 18] a établi que le décès de Mme [G] était dû à un choc hémorragique et hypovolémique consécutif à la rupture spontanée d'un anévrisme de l'artère splénique survenue au cours de la grossesse.

Le 4 novembre 2009, M. [G] déposait plainte entre les mains du Procureur de la république suite au décès de son épouse auquel ses parents et la soeur de Mme [G] de se sont joints.

Une information judiciaire était ouverte le 18 février 2010 contre X pour homicide involontaire dans le cadre de laquelle une expertise était ordonnée le 10 mai 2010, confiée à deux médecins experts près la cour d'appel de Montpellier, les docteurs [K] et [E], aux fins notamment de déterminer si la prise en charge médicale mise en 'uvre au profit de Mme [H] épouse [G] était adaptée aux symptômes qu'elle présentait et aux données de la science.

Les experts établissaient leur rapport le 8 octobre 2010 retenant une prise en charge inadaptée de la patiente qui aurait dû être examinée par un médecin dés son admission à la clinique et aurait dû faire l'objet d'une échographie vers 23 h, qui aurait sans doute montré un épanchement intra abdominal, signe d'alerte de la possibilité d'une hémorragie, ce qui aurait permis d'écarter le diagnostic initial erroné et peut-être, à défaut de pouvoir mettre en évidence l'anévrisme, aurait permis de poser l'indication d'une chirurgie par laparotomie exploratrice dans les plus brefs délais. Ils relevaient aussi diverses négligences dans la prise en charge thérapeutique de la patiente et estimaient qu'il aurait été possible avec des examens et des soins adaptés d'éviter le décès de Mme [H] et celui du f'tus qu'elle portait. Ils observaient « Il n'y a pas de statistiques permettant de dire précisément qu'elles auraient été les chances de survie de Mme [G] mais on peut dire que en cas d'intervention en fin de soirée ou en début de nuit, elles étaient d'environ 70 % au début puis de l'ordre de 25 % en fin de nuit, pour arriver à une situation imparable à 5 heures du matin. Les chances de survie du f'tus sont encore plus difficiles à préciser mais n'étaient sûrement pas nulles si une intervention avait été pratiquée en fin de soirée. » Ils relevaient des fautes et négligences à la charge du docteur [T] qui ne s'était déplacé que près de 7 heures après l'admission de sa patiente alors que la description des symptômes présentés aurait dû le conduire à se déplacer ou à solliciter l'intervention de l'obstétricien de garde. Ils s'interrogeaient sur la responsabilité des deux premières sages femmes intervenantes qui avaient manqué d'attention et négligé de prendre en considération des éléments inhabituels et cardinaux.

Mme [Z] et le docteur [T] étaient respectivement mis en examen le 27 janvier et le 8 février 2012 du chef d'homicide involontaire.

A la demande des mis en examen, une nouvelle expertise était ordonnée le 16 mars 2012, confiée par le magistrat instructeur à un collège d'experts spécialisés en gynécologie obstétrique et chefs de services, les professeurs [V], [P] et [N], dont le rapport était déposé le 5 septembre 2012, suivi d'un rapport complémentaire du 26 avril 2013.

Ces experts confirmaient que le décès de la patiente était la conséquence de la rupture d'un anévrisme de l'artère splénique, expliquant : « Les anévrismes de l'artère splénique sont en général asymptomatiques, peuvent être la source de douleurs intermittentes et sont en général découverts soit de façon fortuite à l'occasion d'une exploration intra-abdominale, soit en cas de survenue de complications, la complication majeure étant la rupture qui survient dans 5 à 10 % des cas environ. Dans la littérature mondiale une centaine de cas de rupture d'anévrisme de l'artère splénique au cours de la grossesse sont décrits. Ces ruptures surviennent en général au 3ème trimestre de la grossesse. La rupture lors de la grossesse est sans doute liée à des modifications de la paroi de l'artère splénique induites par les variations hormonales de la grossesse et par un certain degré d'hypertension portale liée à la grossesse. Dans les observations publiées à ce jour, le diagnostic d'hémopéritoine par rupture de l'artère splénique n'est jamais porté avant la laparotomie, intervention décidée en vertu d'arguments cliniques à savoir :

- constatation de l'aggravation progressive d'un état de choc hypovolémique sans hémorragie extériorisée, plus ou moins constatation d'un épanchement liquidien intra-abdominal à l'échographie

- altération de l'état foetal avec anomalies du rythme cardiaque évoquant une détresse

- constatation d'une mort du f'tus in utero.

C'est au cours de la laparotomie que l'on constate l'existence d'un épanchement sanguin intra-péritonéal dont l'origine n'est en général retrouvée qu'après évacuation de l'utérus (extraction première de l'enfant par césarienne) ; les opérateurs sont en général obligés d'agrandir leur incision initiale ou de refaire une seconde incision verticale sous et sus-ombilicale pour pouvoir mettre en évidence l'origine du saignement. Le traitement consiste en une ligature artérielle et ablation de la rate (splénectomie) permettant l'hémostase de l'artère splénique.

Compte tenu de tous ces éléments, le diagnostic est souvent tardif. Dans la littérature, la mortalité maternelle est élevée, de l'ordre de 50 % et la mortalité foetale de l'ordre de 90 %. ».

Ils relevaient différentes insuffisances de prise en charge de Mme [H] épouse [G], notamment l'absence de déplacement du docteur [T] au chevet de sa patiente à l'issue du 2ème appel téléphonique se situant vers 23h19, estimant que si le médecin s'était déplacé à ce moment là il aurait pu constater par lui-même l'état de santé de Mme [G], apprécier l'intensité des phénomènes douloureux, et peut être suspecter une complication grave qui à ce moment là ne mettait pas en jeu à court terme le pronostic vital. Ils relevaient néanmoins qu'il était extrêmement peu probable que le docteur [T] suspecte à ce moment là une rupture de l'artère splénique, et estimaient que les éléments cliniques et paracliniques réunis n'étaient pas suffisants pour justifier la pratique d'examens complémentaires, notamment de radiologie. Ils relevaient des imperfections dans la surveillance et la prise en charge (absence de feuille de surveillance précise des paramètres maternels, tels pouls, pression artérielle, essentiels dans les traitements tocolytiques, notamment par Salbumol) et que les sages femmes auraient dû insister pour que le docteur [T] se déplace et auraient dû prévenir l'un des autres médecins présents sur place, retenant des manquements caractérisant une sous-estimation réitérée de la gravité de l'état de santé de Mme [G]. Ils estimaient toutefois que,  compte tenu de l'extrême rareté et extrême gravité de la rupture d'anévrisme splénique au cours de la grossesse, de la difficulté du traitement chirurgical ne relevant pas des compétences d'un gynécologue obstétricien il n'était pas certain qu'une prise en charge adaptée permettant d'établir un diagnostic plus précoce d'hémopéritoine aurait pu éviter le décès de la mère et de l'enfant, concluant à une perte de chance modérée de 20 % d'éviter le décès maternel et minime (5%) d'éviter le décès foetal.

Une ordonnance de non lieu était rendue par le juge d'instruction près le tribunal de grande instance de Toulouse le 4 juillet 2014 confirmée par arrêt de la chambre de l'instruction du 30 avril 2015.

Sur plaintes de M.[G] auprès des instances ordinales respectives de la sage-femme et du médecin, d'une part, la chambre disciplinaire de l'ordre départemental des sages-femmes de la Haute-Garonne a prononcé à l'encontre de Mme [Z] une interdiction temporaire d'exercer ses fonctions pour une durée de 12 mois assortie d'un sursis de six mois par décision du 18 octobre 2010, sanction ramenée à trois mois d'interdiction avec sursis par décision de la chambre disciplinaire nationale du 29 avril 2011, d'autre part, par décision rendue le 7 juillet 2010, la chambre disciplinaire de première instance de l'Ordre des médecins de Midi-Pyrénées a infligé au docteur [T] la sanction d'interdiction d'exercer la médecine pour une durée d'un an dont six mois avec sursis, sanction confirmée par décision de la chambre disciplinaire nationale le 10 juin 2011.

Ces instances ordinales ont notamment retenu :

- à l'encontre de Mme [Z], des manquements déontologiques lui reprochant de ne pas avoir su, en l'absence d'amélioration de l'état de santé de la patiente qui l'avait conduite à appeler le docteur [T] à quatre reprises au cours de la nuit, modifier ou à tout le moins, remettre en cause le diagnostic posé initialement de menace d'accouchement prématuré et prendre des mesures appropriées en reconnaissant que la prise en charge ne pouvait relever de sa seule compétence en qualité de sage-femme alors que l'examen par un médecin s'avérait nécessaire.

- à l'encontre du docteur [T], qu'il ne s'était pas donné les moyens de faire un diagnostic plus approprié que celui posé sur la base des informations transmises par téléphone par la sage-femme et que même si l'accident survenu à Mme [G] était un accident rare et de diagnostic difficile , et si ses chances de survie et celles de son enfant étaient réduites, il résultait du rapport circonstancié fortement argumenté des experts commis par le juge d'instruction que ces chances n'étaient pas nulles en cas de prise en charge précoce et d'utilisation de moyens d'investigations appropriées.

M. [G] a par ailleurs parallèlement saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation de la région Midi-Pyrénées d'une demande d'indemnisation du fait tant du docteur [T] que de la clinique [17] devenue la Sarl Saint Cyprien Rive Gauche. Le docteur [J] et le professeur [C], désignés en qualité d'experts lesquels ont déposé leur rapport le 29 décembre 2010. Ils ont conclu que :

- le tableau des douleurs abdominales était compatible avec celui d'une rupture utérine,

- la prise en charge dans le diagnostic et dans la surveillance étaient conformes à la pratique médicale,

- il n'y avait pas eu défauts d'organisation de service,

- l'équipe médicale avait été confrontée à une patiente dont les signes cliniques évoquaient le diagnostic de menace d'accouchement naturel puis de rupture utérine sur utérus cicatriciel,

- les signes de gravité sont survenus trop tard et trop brutalement pour que Mme [G] soit sauvée des conséquences d'une pathologie rarissime au pronostic catastrophique.

Constatant qu'une procédure ordinale et une procédure pénale étaient alors en cours, la commission a décidé le 13.04.2011 de surseoir à son avis jusqu'aux résultats des procédures en cours.

Par actes d'huissier en date des 30 septembre et 6 octobre 2016, M. [G] agissant à titre personnel et en tant que représentant légal de sa fille [U] [G], née le [Date naissance 3] 2006, Mme [X] [M] épouse [H], M. [H] et Mme [F] [H] ont saisi le tribunal de grande instance de Toulouse aux fins d'indemnisation, assignant M.[D] [T], la Sarl Saint Cyprien Rive Gauche venant aux droits de la clinique Sarrus Teinturier, la Cpam de la Haute-Garonne et le Groupe Pasteur Mutualité. Ce dernier, assigné assigné à domicile à une personne ayant accepté de recevoir l'acte, n'a pas constitué avocat.

Par jugement réputé contradictoire du 28 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Toulouse a :

- jugé que les deux expertises, diligentées dans le cadre de la procédure pénale par le docteur [K] et le professeur [E] d'une part et le collège d'experts le professeur [V], le professeur [P] et le professeur [N], d'autre part, ont une valeur probante et doivent rester aux débats pour être utilisées dans la solution du litige,

- jugé que le docteur [T] a commis des fautes dans les soins qu'il a prodigués à Mme [G] [W] née [H] les 21 et 22 octobre 2009, engageant sa responsabilité,

- jugé que la responsabilité de la Sarl Saint Cyprien Rive Gauche (ancienne clinique Sarrius Teinturier) est également engagée, du fait des fautes de sa salariée Mme [Z], sage-femme, en sa qualité d'employeur et conformément à l'article 1242 alinéa 5 du code civil et du fait d'un défaut dans l'organisation de son établissement,

- jugé que, compte tenu du caractère gravissime de la rupture d'un anévrisme de l'artère splénique et de son extrême rareté et considérant I'extrême difficulté de diagnostic qui a été relevée par les experts, les manquements retenus à I'encontre du médecin, de la sage-femme et de la clinique ont été de nature à faire perdre une chance de survie de Mme [G] de l'ordre de 35% et une perte chance de survie du foetus de 10%, ce qui oblige le docteur [T] et la clinique à indemniser les consorts [G] de leur préjudice à hauteur de cette perte de chance,

- jugé que dans le cadre de leur action récursoire, le docteur [T] assumera 50 % de l'indemnisation et que la clinique la Sarl Saint Cyprien Rive Gauche en assumera l'autre moitié,

- condamné in solidum le docteur [T] et la Sarl Saint Cyprien Rive Gauche à payer les sommes comme suit, qui porteront intérêts au taux légal à compter du jugement :

* au titre du préjudice d'affection résultant du décès de [W] [G] née [H] :

** M. [G] (époux): 12 250 €,

** Mme [U] [G] (fille) représentée par son père M. [G], représentant légal: 10 500€,

** Mme [X] [M] épouse [H] (mère) : 7 000 €,

** M. [H] (père) : 7 000 €,

** Mme [F] [H] (soeur) : 3 500 €,

* au titre du préjudice d'affection résultant du décès du foetus :

** M. [G] (père): 1 000 €

** Melle [U] [G] (soeur), représentée par son père M. [G], représentant légal : 500€

** Mme [X] [M] épouse [H] (grand-mère) : 200 €

** M. [H] (grand- père) : 200 €

** Mme [F] [H] (tante) : 100 €

* au titre des frais d'obsèques :

** M. [G]: 3 638,34 € au titre des frais d'obsèques

* au titre du préjudice économique :

** M. [G]: 470 605,41 €,

** Melle [U] [G] : 59 487,46 €,

* au titre du préjudice personnel de Mme [W] [G] née [H] :

** à M. [G] en sa qualité personnelle et en sa qualité de représentant de sa fille [U], née le [Date naissance 3] 2006, la somme de 8750 €,

- condamné in solidum le docteur [T] et la Sarl Saint Cyprien Rive Gauche à payer à la Caisse primaire d'assurance maladie (Cpam) de la Haute Garonne la somme de 3.001 ,95 € en remboursement du capital versé qui portera intérêts au taux légal à compter à compter du 12 septembre 2019,

- jugé que dans leur cadre de leur action récursoire, le docteur [T] assumera 50 % des indemnisations accordées ci-dessus et la Sarl Saint Cyprien Rive Gauche en assumera 50 %,

- dit que le jugement sera communiqué au juge aux affaires familiales, exerçant les fonctions de juge à la protection des mineurs du tribunal de grande instance du domicile de M. [G],

- dit que le jugement est opposable au Groupe Pasteur mutualité,

- ordonné l'exécution provisoire à hauteur de 50% des sommes allouées,

- condamné in solidum le docteur [T] et la Sarl Saint Cyprien Rive Gauche aux dépens,

- condamné in solidum le docteur [T] et la Sarl Saint Cyprien Rive Gauche à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

* aux consorts [G]/[H] la somme de 6 000 €

** à la CPAM de la Haute Garonne la somme de 800 € outre 1080 € au titre de l'indemnité forfaitaire,

- jugé que dans le cadre de leur action récursoire, le docteur [T] devra assumer 50% des sommes allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au titre des dépens et la Sarl Saint Cyprien Rive Gauche devant assumer 50 %,

- autorisé la distraction des dépens en conformité avec l'article 699 du code de procédure civile.

En substance le premier juge a retenu que les expertises réalisées dans le cadre de la procédure pénale avaient pu être discutées par le docteur [T] et Mme [Z] après leur mise en examen, lesquels ont par la suite obtenu la désignation d'un collège d'experts, Mme [Z], salariée de la clinique qui en est civilement responsable, ayant en outre après le dépôt du rapport obtenu un complément d'expertise ; que les deux expertises avaient été soumises au débat contradictoire dans le cadre de l'instance civile, la clinique ayant été en mesure d'apporter des arguments en défense sur les constatations et évaluations des six experts, faites à partir du dossier médical et des informations recueillies dans les registres de la clinique et de l'autopsie de Mme [G] ainsi que des pièces et auditions contenues dans le dossier d'instruction, de sorte que les deux expertises réalisées au pénal revêtaient un certain caractère probant, notamment s'agissant des reprises de la chronologie des faits à partir du dossier médical et des informations recueillies sur le registre de la clinique qui étaient concordantes, des analyses techniques ayant pu en résulter et des références de publications émanant d'experts spécialistes ; que leur caractère probant était complété par les autres éléments produits au débat tels l'expertise de la Crci, opposable à tous et reprenant la chronologie des faits par référence au dossier médical et au registre tenu par la clinique de la même façon que l'ont fait les autres experts, les différentes décisions ordinales, les décisions du juge d'instruction et de la chambre de l'instruction. Du tout il a déduit que ces deux expertises émanant de techniciens habilités à donner un avis scientifique objectif et documenté, pouvaient valablement être utilisées pour la solution du litige.

Après un examen très détaillé et circonstancié de la chronologie des faits et des différents avis médicaux, tenant compte :

- d'une part, du caractère gravissime de la rupture d'un anévrisme de l'artère splénique, de son évolution lente et silencieuse et de sa rareté, à relativiser cependant dans le cas d'une femme enceinte en fin de grossesse, ainsi que de l'extrême difficulté de diagnostic,

- d'autre part, de manquements relevés à l'égard du médecin pour ne pas s'être déplacé ni à 23h19 et ni à 2h afin de vérifier le véritable état de la patiente et procéder à un examen attentif et consciencieux au vu des résultats techniques déjà en sa possession ce qui aurait pu l'amener à envisager une complication et à procéder à une échographie suivie d'une laparotomie, à l'égard de la sage femme pour avoir mal évalué ses compétences, n'avoir pas su alerter le médecin de l'état de la patiente alors que sa présence aurait été nécessaire au moins à partir de 23h19, enfin à l'égard de la clinique pour avoir mis en place une organisation privilégiant l'appel du médecin suivant la patiente plutôt que l'appel au médecin de garde se trouvant sur place et fait preuve de défaillances dans le recueil des informations,

il a retenu que Mme [G] et le f'tus avaient respectivement perdu une chance de survie de 35 % pour la mère et de 10 % pour le f'tus obligeant le docteur [T] et la clinique à en indemniser les conséquences dommageables à la hauteur de ces proportions, et qu'au regard des fautes respectives, dans leurs rapports entre eux, le docteur [T] et la clinique en tant que civilement responsable de sa salariée et responsable de l'organisation de son établissement devaient respectivement assumer 50 % des condamnations prononcées.

Par déclaration en date du 20 janvier 2020, le docteur [T] a relevé appel de ce jugement en ce qu'il a, au vu des expertises réalisées lors de l'instruction pénale, retenu sa responsabilité et prononcé des condamnations à son encontre.

Par déclaration en date du 20 janvier 2020, la Sarl Saint Cyprien Rive Gauche a elle aussi relevé appel de ce jugement en ce qu'il a retenu sa responsabilité et prononcé des condamnations à son encontre.

Les deux instances d'appel ont été jointes par ordonnance du conseiller de la mise en état du 5 novembre 2020.

DEMANDES DES PARTIES

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 15 octobre 2020, M. [T], appelant et intimé, demande à la cour de :

- le recevoir en ses écritures, le disant bien fondé,

A titre liminaire,

- déclarer irrecevables les demandes formulées pour la première fois en cause d'appel du Groupe Pasteur mutualité,

A titre principal,

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il retenait des manquements qui lui sont imputables dans sa prise en charge de Mme [W] [G],

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il retenait un lien de causalité entre ces prétendus manquements et le décès de Mme [W] [G],

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il retenait sa responsabilité au titre d'une perte de chance de survie de Mme [G] de 35% et d'une perte de chance de survie du foetus de 10%,

En conséquence,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il allouait aux consorts [H]-[G] la somme globale de 577 731,21 €,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il allouait à la Cpam de la Haute Garonne la somme globale de 4 881,65 € au bénéfice,

- débouter les consorts [H]-[G], la Cpam de la Haute Garonne et la clinique Sarrus Teinturier désormais dénommée Sarl Saint Cyprien Rive Gauche de l'intégralité de leurs demandes formulées à son encontre,

- ordonner la restitution desdites sommes,

A titre subsidiaire,

- réformer le jugement entrepris et limiter le taux de perte de chance de survie de Mme [G] à 5% et le taux de perte de chance de survie du foetus à 5 % ;

- condamner la clinique Sarrus Teinturier désormais dénommée Sarl Saint Cyprien Rive Gauche à le garantir totalement de toute condamnation prononcée à son encontre,

En conséquence,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il mettait partiellement à sa charge l'indemnisation des consorts [H]-[G] et de la Cpam de la Haute Garonne,

- rejeter toute demande indemnitaire formulée à son encontre,

- débouter la clinique Sarrus Teinturier désormais dénommée Sarl Saint Cyprien Rive Gauche de sa demande de garantie formulée à son encontre,

- rejeter toute demande de condamnation aux frais irrépétibles formulée à son encontre,

A titre infiniment subsidiaire,

- réformer le jugement entrepris et limiter le taux de perte de chance de survie de Mme [G] à 5% et le taux de perte de chance de survie du foetus à 5 %,

- condamner la clinique Sarrus Teinturier désormais dénommée Sarl Saint Cyprien Rive Gauche à le garantir de toute condamnation prononcée à son encontre à hauteur de 90%,

- constater l'absence d'intérêt à agir du Groupe Pasteur mutualité en l'absence de caractère indemnitaire des sommes versées au titre du capital décès,

- en conséquence, débouter le Groupe Pasteur mutualité de toutes ses demandes formulées à son encontre,

- réformer la décision entreprise en ce qu'elle allouait des sommes au titre du préjudice d'affection consécutif au décès in utero du foetus à l'égard d'[U] [H], de Mme [X] [H], de M. [O] [H] et de Mme [F] [H] et des souffrances endurées par Mme [H] [G]; et statuant à nouveau, rejeter ces demandes ;

- limiter l'évaluation du préjudice d'affection des consorts [H]-[G] lié au décès de Mme [G] avant imputation de la perte de chance et avant déduction des sommes versées par le Groupe Pasteur mutualité si sa demande était jugée recevable et bien fondée :

* au bénéfice de M. [G] : 30 000 €

* au bénéfice de Mme [U] [G] : 25 000 €

* au bénéfice de Mme [F] [H] : 6 000 €

- confirmer l'évaluation par le tribunal des préjudices d'affection liés au décès de Mme [G] des parents de cette dernière avant imputation de la perte de chance,

- confirmer l'évaluation par le tribunal du préjudice d'affection lié au décès du foetus au bénéfice de M. [A] [G],

- confirmer l'évaluation par le tribunal du préjudice matériel au titre des frais d'obsèques,

- limiter l'évaluation du préjudice économique de M. [A] [G] et de sa fille à la somme totale de 336.217,51 € dont 41 147,56 € au bénéfice de Mme [U] [H] [G], avant déduction des débours de la Cpam et des sommes versées par le Groupe Pasteur mutualité si sa demande était jugée recevable et bien fondée,

- déduire des sommes allouées à M. [G] au titre de son préjudice économique les sommes éventuellement allouées à la Cpam de Haute Garonne, et par le Groupe Pasteur mutualité si sa demande était jugée recevable et bien fondée,

- appliquer le taux de perte de chance retenu aux demandes formulées par le Groupe Pasteur mutualité si sa demande était jugée recevable et bien fondée,

- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il rejetait la demande formulée au titre de la perte de chance de promotion de M. [G],

- débouter la clinique Sarrus Teinturier désormais dénommée Sarl Saint Cyprien Rive Gauche de sa demande de garantie formulée à son encontre,

- rejeter toute demande de condamnation aux frais irrépétibles formulée à son encontre.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 4 novembre 2020, la Sarl Saint Cyprien Rive Gauche, venant aux droits de la Clinique [17], appelante et intimée, demande à la cour, au visa des articles R. 4127-318, L. 1142-1 et L. 4151-1 et suivants du code de la santé publique, de :

A titre liminaire,

- écarter le rapport d'expertise déposé par les docteurs [K] et [E],

A titre principal,

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a retenu des manquements qui lui sont imputables dans la prise en charge de Mme [G],

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a retenu un lien de causalité entre les manquements qui lui sont reprochés et le dommage survenu,

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a retenu sa responsabilité et l'a condamnée à indemniser les préjudices résultant du décès de Mme [G] et de son enfant à naître,

- ordonner la restitution des sommes allouées aux consorts [H]-[G] et à la Cpam de la Haute-Garonne,

- débouter les consorts [G]-[H] de leur appel incident,

Statuant de nouveau,

- débouter les consorts [G],-[H], la Cpam de la Haute-Garonne, le Groupe Pasteur Mutualité et toute autre partie, de l'intégralité de leurs demandes formées à son encontre,

- condamner les consorts [G] à lui verser la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a évalué à 35% la perte de chance de survie de Mme [G], à 10% celle de l'enfant à naître, l'a condamnée à assumer la moitié de l'indemnisation allouée, et surévalué les indemnités accordées aux consorts [H]-[G],

Statuant de nouveau,

- dire et juger que le retard de prise en charge reproché n'est à l'origine que d'une perte de chance de survie, évaluée à 5%,

- dire et juger que cette perte de chance de 5% sera imputée sur l'ensemble des postes de préjudices indemnisables, en ce compris la créance de la Cpam de la Haute-Garonne,

- débouter les consorts [H]-[G] et toute autre partie de leurs demandes excédant la perte de chance de 5% retenue,

- condamner le docteur [T] à la relever et la garantir indemne des éventuelles condamnations prononcées à son encontre,

- débouter le docteur [T] de sa demande de condamnation en garantie à son encontre,

- débouter les consorts [H]-[G] de leurs prétentions au titre des préjudices suivants :

*préjudice d'affection des grands parents et de [F] [H] au titre du décès de l'enfant à naître

*préjudices subis par Mme [H] [G] avant son décès

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M.[G] au titre de la perte de chance de promotion et débouter ce dernier de son appel incident sur ce poste,

- réduire à de plus justes proportions les indemnités sollicitées au titre des postes suivants :

*préjudice d'affection des consorts [H] [G] du fait du décès de Mme [H] [G]

*préjudice économique de M.[G] et de [U] [G]

*frais irrépétibles

Dans l'hypothèse où la demande du Groupe Pasteur Mutualité serait déclarée recevable et bien fondée,

- déduire les sommes allouées par le Groupe Pasteur mutualité du préjudice économique de M.[G]

- juger que la créance de la Cpam de la Haute-Garonne correspondant au capital décès servi à M.[G] viendra s'imputer sur l'indemnité éventuellement allouée au titre de son préjudice économique

- débouter les consorts [H]-[G] de leurs prétentions formées en appel au titre des frais irrépétibles,

A titre infiniment subsidiaire,

Statuant à nouveau,

- infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a retenu sa responsabilité et celle du docteur [T] à part égale,

- condamner le docteur [T] à garantir et relever et garantir indemne la clinique Saint Cyprien Rive Gauche venant aux droits de la clinique [17] à hauteur de 90 % des condamnations prononcées à son encontre.

Dans leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 12 novembre 2020, M. [A] [G] agissant tant en son nom personnel qu'en tant que représentant légal de sa fille [U] [G], Mme [X] [M] épouse [H], M.[O] [H], et Mme [F] [H], intimés, appelants incidents, demandent à la cour, au visa des articles L 1142-1 du code de la santé publique et 1231-1 et 1242 alinéa 5 du code civil, de :

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté la demande du titre de la perte de chance de promotion,

Et statuant de nouveau :

- condamner in solidum le docteur [T] et la Sarl Saint Cyprien Rive Gauche à verser à M. [G] la somme de 70 000 € au titre de la perte de chance de promotion.

En tout état de cause,

- condamner in solidum le docteur [T] et la Sarl Saint Cyprien Rive Gauche à verser au titre de l'article 700 du code de procédure civile la somme de :

* 5.000 € à M. [A] [G],

* 5.000 € à Mme [X] [M] épouse [H] et M. [O] [H],

* 2.000 € à Mme [F] [H].

- condamner in solidum le docteur [T] et la Sarl Saint Cyprien Rive Gauche aux entiers dépens.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 16 juillet 2020, le Groupe Pasteur mutualité, intimé, demande à la cour, au visa de l'article L224-9 du code de la mutualité, de :

- condamner solidairement la clinique Saint Cyprien Rive Gauche et le Dr [T] d'avoir à lui payer la somme de 34.848,56 €,

- condamner solidairement la clinique Saint Cyprien Rive Gauche et le Dr [T] en tous dépens de la présente instance conformément aux termes de l'article 699 du code de procédure civile,

- condamner solidairement la clinique Saint Cyprien Rive Gauche et le Dr [T] à lui payer la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 5 mai 2020, la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, intimée, demande à la cour, au visa de l'article L376-1 du code de la sécurité sociale, de :

- confirmer le jugement dont appel,

- actualiser le montant de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux alinéas 8 et 9 de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale,

Ce faisant,

- constater qu'à la date du 18 octobre 2016, sa créance définitive au titre du capital-décès servi au veuf s'élève à la somme totale de 8 577 €,

- condamner in solidum le Dr. [T] et la Sarl Saint Cyprien Rive Gauche à lui régler la somme de 8.577 €, au titre de sa créance définitive, avec intérêts au taux légal à compter du jour de la demande, à savoir du 12 septembre 2019,

- condamner in solidum le Dr. [T] et la Sarl Saint Cyprien Rive Gauche à lui régler la somme actualisée de 1.091 € au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale,

- condamner in solidum le Dr. [T] et la Sarl Saint Cyprien Rive Gauche à lui régler la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

Y ajoutant :

- condamner in solidum le Dr. [T] et la Sarl Saint Cyprien Rive Gauche à lui régler la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont la distraction au profit Maître Luc Moreau de la Scp Vinsonneau-Paliès- Noy Gauer & associés sur affirmation de son droit conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 30 novembre 2021.

SUR CE, LA COUR,

1°/ Sur les responsabilités

En application des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile, le juge ne peut retenir dans sa décision les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

En application de ce texte, tout rapport amiable ou judiciaire, même si toutes les parties au litige n'y ont pas été représentées, peut valoir à titre de preuve des faits nécessaires à la solution du litige dès lors qu'ils ont été régulièrement versés au débat et soumis à la libre discussion des parties. En l'espèce tous les rapports d'investigations effectués dans le cadre de la procédure pénale et devant la CRCI ont été produits au débat et soumis à la discussion contradictoire. Ils tiennent compte du même historique médical s'agissant d'investigations sur pièces, se complètent s'agissant des références de publications de doctrine médicale, le juge n'étant quant à lui pas tenu par les avis respectifs des experts s'agissant de l'appréciation des manquements des professionnels à leurs obligations. S''y adjoignent, sur la base du même historique médical, d'autres éléments de preuve, eux-mêmes soumis au débat contradictoire dans le cadre de la présente instance, telles les différentes décisions intervenues dans le cadre de l'information pénale et celles des instances ordinales.

Le premier juge a donc justement considéré que les rapports d'expertise déposés dans le cadre de la procédure pénale constituaient au même titre que les autres pièces versées au débat des pièces utiles et recevables pour parvenir à la solution du litige.

Au visa des articles L 1142-1 alinéa 1 et L 1110-5 du code de la santé publique et 1242 alinéa 5 du code civil, le premier juge a justement apprécié que le docteur [T] avait manqué à ses obligations pour ne pas avoir fait toutes les diligences lui permettant l'établissement d'un diagnostic approprié à l'état de Mme [G], notamment à partir de 23h19 puis à 2 h les 21 et 22 octobre 2009, ni assuré la surveillance qui lui incombait en sa qualité de médecin chargé du suivi de Mme [G], que Mme [Z], sage-femme salariée de la clinique Saint Cyprien Rive Gauche, anciennement Sarrus Teinturier, avait elle-même sous-évalué ses compétences et n'avait pas su alerter, voire insister auprès du médecin sur l'état de Mme [G] lequel nécessitait la présence de ce dernier au moins à partir de 23h19, et que la clinique elle-même était responsable d'un défaut d'organisation pour avoir accepté des règles contraires aux bonnes pratiques médicales s'agissant de l'appel au médecin de garde sur place, ne pas être en mesure de justifier de la feuille de surveillance précise concernant les constantes de Mme [G], ni d'une évaluation de la douleur, ni de produire un compte-rendu écrit des modalités de circuit et de réception de l'analyse des résultats biologiques.

Aux justes motifs du premier juge que la cour adopte il convient juste d'ajouter que :

- compte tenu du suivi de la patiente qu'il assurait depuis plusieurs années et de ses antécédents (fausse couche spontanée le 15 juillet 2005, un accouchement prématuré à 36 semaines d'aménorrhée le 2 mai 2006 par césarienne générant un utérus cicatriciel, une fausse couche spontanée en 2008), de l'arrivée à la clinique de Mme [G], en urgence via le Samu à 33 semaines d'aménorrhée alors qu'il l'avait vue en consultation le 15 octobre 2009, se plaignant de douleurs utérines et de malaises vagaux à répétition à la verticalisation, le déroulement de cette grossesse étant devenu pathologique, le docteur [T], sans se contenter des informations sommaires de la sage-femme transmises par téléphone en 61 secondes concluant à un accouchement prématuré, aurait dû, dès le premier appel de la sage-femme de garde, soit se rendre au chevet de la patiente, soit exiger que l'obstétricien de garde à la clinique se déplace pour l'examiner attentivement, ne serait-ce que pour prendre ses constantes dont on sait qu'elles révélaient une tachycardie à 124/mn et une hypotension à 9.4/5.4 md Hg, et localiser le siège des douleurs, avant de se contenter de prescrire par téléphone la mise en place du protocole dit standardisé en cas de menace d'accouchement prématuré,

- à tout le moins, à 23h21, lors de son rappel de la sage-femme qui avait cherché à le joindre à trois reprises dans les minutes précédentes, les indications sur la fiche de transmissions ciblées étant toujours aussi sommaires, lui précisant qu'après l'effet sédatif du protocole initié par Célestène et Adalate les contractions et les douleurs étaient réapparues depuis 22h45, entretien qui ne durera que 48 secondes, avant de prescrire un traitement par Salbutamol, le docteur [T] aurait dû se déplacer pour assurer un examen attentif et minutieux de sa patiente ou au moins faire alerter l'obstétricien de garde pour réaliser cet examen s'il ne pouvait lui-même se déplacer.

Le collège d'experts indique en effet, sans être techniquement démenti, qu'avant la mise en place de la perfusion de Salbutamol auraient dû être réalisés un certain nombre d'examens comme un électro-cardiogramme ou un ionogramme.

Un ionogramme avait été sollicité lors du prélèvement sanguin réalisé à l'arrivée de la patiente à 21h30 avec demande de numération globulaire. Il ressort de l'historique médical retracé par le collège d'experts que le prélèvement réalisé à 21h30 ne serait arrivé au laboratoire de la clinique qu'à 22h13 sans que les raisons de ce délai ne soient expliquées, le résultat ayant été faxé à la clinique à 23h26.

Dans sa déposition du 2 juillet 2010 (cote D207 identifiée au complément d'expertise du collège d'experts réalisé le 21 octobre 2013), le docteur [T] indique que le bilan biologique (sanguin) était strictement normal aussi bien en hémoglobine qu'en hématies.

Or selon le collège d'experts, non techniquement démenti sur ce point (page 10 de leur premier rapport), cette analyse, si elle n'établissait pas une anémie vraie, montrait une leucocytose, à savoir une augmentation du nombre des globules blancs à 24120/mm3, ce qui pouvait constituer dans un contexte d'accélération du pouls et d'hypotension, un élément évocateur d'hémorragie en l'absence de contexte infectieux.

Mme [Z] indique quant à elle lors de son interrogatoire du 27 janvier 2012 (cote D379) qu'elle avait précisé à ce moment là au docteur [T] que Mme [G] se plaignait d'une douleur au niveau du fond utérin, situation qui méritait une vérification.

- enfin, à 2h du matin, le docteur [T], toujours sans avoir procédé à un examen médical de sa patiente, a autorisé la prescription d'Atarax, de Spasfon ainsi que l'arrêt de la surveillance du monitoring foetal, alors que par ailleurs le « scope » permettant la surveillance des constantes de Mme [G] était lui aussi arrêté ainsi que l'a précisé Mme [Z], et ce alors que la tension était selon la sage-femme labile (variant en intensité), le pouls restant élevé, la patiente restant agitée et se plaignant de douleurs persistantes bien que les contractions aient diminué et que la dose maximum de la posologie de Salbutamol ait été atteinte à 1h20.

Or selon les dispositions des articles R 4127-32 et R 4123-33 du code de la santé publique, dès qu'il a accepté de répondre à une demande, le médecin s'engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s'il y a lieu, à l'aide de tiers compétents. Il doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s'aidant, dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s'il y a lieu, de concours appropriés.

En s'abstenant de procéder à un examen attentif de Mme [G] entre son arrivée à la clinique à 21h30, en tous cas à 23h21, et au plus tard à 2 heures du matin avant les décisions d'arrêt du monitoring foetal ainsi que de l'appareil de surveillance des paramètres vitaux de la mère et d'administration d'Atarax pour la faire dormir, situation qui s'est suivie d'une absence totale de surveillance de la parturiente et du f'tus entre 2h et 3h30 du matin, le docteur [T] n'a pas respecté ses obligations professionnelles de soins attentifs et consciencieux, et s'est privé de la possibilité d'identifier une hémorragie interne comme cause potentielle des chutes de tension, de la tachycardie et des douleurs persistantes de Mme [G] malgré les traitements entrepris ce qui aurait permis d'envisager de manière précoce une laparotomie avant le décès du f'tus et l'aggravation irrémédiable de l'état de la patiente vers 3h du matin, en tout cas d'envisager une complication grave de nature à justifier une surveillance rapprochée et très vigilante et des investigations complémentaires, et potentiellement, même si le diagnostic de rupture d'anévrysme splénique était extrêmement difficile à poser, d'intervenir de manière plus précoce et plus adaptée s'agissant de la prise en charge médicale de Mme [G], tout comme il s'est privé du maintien de la surveillance du rythme cardiaque du f'tus qui s'imposait en cas de complication grave de l'état de la mère, ne découvrant le décès in utero qu'après son arrivée à 4h du matin.

La responsabilité d'un établissement de santé au titre des soins prodigués en son sein est elle aussi soumise à l'exigence d'une faute dont la preuve incombe en principe au demandeur tout comme celle du lien de causalité entre la faute et le dommage dont la réparation est sollicitée.

La preuve d'une faute et d'un lien de causalité peut être apportée par tous moyens, y compris par des présomptions graves, précises et concordantes appréciées souverainement par le juge. De telles preuves ne sont susceptibles d'être apportées par le patient ou ses ayants droit que dans la mesure où ils peuvent disposer d'informations suffisantes relatives aux conditions de la prise en charge. Or en l'espèce, l'absence de feuille de surveillance précise mentionnant le pouls et la pression artérielle maternels pendant toute la période de traitement tocolytique soit du 21 octobre à 21h15 jusqu'au 22 octobre à 5h05, l'absence d'évaluation de la douleur selon une échelle EA, l'absence d'indications quant au circuit des analyses de sang institué au sein de l'établissement et de commentaires écrits quant à la réception et l'analyse des résultats biologiques révélant une anormalité s'agissant des leucocytes, révèlent des insuffisances d'organisation interne de l'établissement, tout autant que des manquements de la sage-femme salariée ayant pris en charge Mme [G] à compter de son arrivée à la clinique.

Selon les dispositions de l'article L4151-1 du code de la santé publique, l'exercice de la profession de sage-femme comporte la pratique des actes nécessaires au diagnostic, à la surveillance de la grossesse et à la préparation psychoprophylactique à l'accouchement, ainsi qu'à la surveillance et à la pratique de l'accouchement et des soins postnataux en ce qui concerne la mère et l'enfant, sous réserve des dispositions des articles L.4151-2 à L. 4151-4 et suivant les modalités fixées par le code de déontologie de la profession, mentionné à l'article L. 4127-1.

Selon celles de l'article L4151-3 du même code, en cas de pathologie maternelle, foetale ou néonatale pendant la grossesse, l'accouchement ou les suites de couches, et en cas d'accouchement dystocique, la sage-femme doit faire appel à un médecin. Les sages-femmes peuvent pratiquer les soins prescrits par un médecin en cas de grossesse ou de suites de couches pathologiques.

Enfin, selon les dispositions de l'article R 4127-325 du même code, dès lors qu'elle a accepté de répondre à une demande, la sage-femme s'engage à assurer personnellement avec conscience et dévouement les soins conformes aux données scientifiques du moment que requièrent la patiente et le nouveau-né. Sauf cas de force majeure, notamment en l'absence de médecin ou pour faire face à un danger pressant, la sage-femme doit faire appel à un médecin lorsque les soins à donner débordent sa compétence professionnelle ou lorsque la famille l'exige.

En l'espèce, Mme [Z] a pris en charge Mme [G] dès son arrivée à la clinique via le Samu. Elle n'a mentionné sur les fiches de transmissions ciblées que des mentions sommaires. Nonobstant la tension basse et la tachycardie, la signalisation de malaises vagaux à répétition à la verticalisation à l'arrivée, la suspicion d'un accouchement prématuré pour une patiente à 33 semaines d'aménorrhée ayant déjà subi trois ans plus tôt un accouchement prématuré par césarienne caractérisant un état pathologique en raison d'un utérus cicatriciel, les plaintes réitérées de Mme [G] s'agissant des douleurs abdominales, persistantes malgré les traitements prescrits destinés à calmer les contractions, l'instabilité du scope destiné à surveiller les constantes de la mère dont les pièces pénales produites établissent qu'il sonnait à répétition jusqu'à ce qu'il soit purement et simplement débranché, l'absence de modification du col de l'utérus de nature à remettre en cause le diagnostic initial d'accouchement prématuré, elle n'a jamais exigé avant 3h30-4h le 22 octobre, un examen médical obstétrique que ce soit par le médecin suivant la grossesse de Mme [G], contacté uniquement téléphoniquement de manière succincte, ou par l'obstétricien de garde, surestimant ses compétences et sous estimant l'état de la patiente. De surcroît après l'arrêt du scope et de l'enregistrement foetal concomitamment à 2 h du matin, elle a laissé Mme [G] et consécutivement le f'tus sans aucune surveillance jusqu'à 3h30, soit pendant une heure et demi, avant qu'une autre sage-femme de service à la clinique cette nuit là, Mme [B] , ne réponde à un appel de Mme [G] qui se plaignait de douleurs persistantes, notamment d'une douleur sous diaphragmatique persistante, et qui, l'ayant trouvée très algique, pâle, essoufflée et dyspnéïque ainsi que relevé sur la fiche de transmissions, a insisté, selon ce qu'elle a déclaré dans son audition du 18/06/2010 (cote D184), auprès de Mme [Z] pour que le médecin se déplace.

Le premier juge a en conséquence justement retenu que des fautes avaient été commises par la sage-femme, engageant la responsabilité de la clinique en qualité d'employeur, dès lors que la salariée n'avait pas dépassé le cadre de la mission qui lui était confiée au sein de la clinique, qu'elle avait respecté le protocole mis en place au sein même de la clinique pour l'appel prioritaire au médecin traitant, aucun transfert de lien de préposition n'ayant pu s'opérer entre ledit médecin et la sage-femme salariée.

Compte tenu du caractère gravissime de la rupture d'un anévrisme de l'artère splénique, de son évolution lente et silencieuse, de sa relative rareté au 3ème trimestre de grossesse, de la difficulté du diagnostic, le premier juge a justement retenu au regard des statistiques médicales fournies, que les fautes conjuguées du docteur [T] et de Mme [Z] avaient privé Mme [G] d'une chance de survie de 35 % et privé le f'tus d'une chance de survie de 10%. Il sera juste rappelé qu'une perte de chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu'est constatée la disparition d'une éventualité favorable, de sorte que sa réparation ne peut être écartée que s'il peut être tenu pour certain que la faute n'a pas eu de conséquence sur l'état de santé du patient. Or en l'espèce, les négligences fautives du médecin et de la sage-femme telles que retenues les ont privé de la possibilité de suspecter dès 23h 19 une complication grave de nature à remettre en cause le diagnostic initial d'accouchement prématuré, qui aurait nécessité des investigations, d'assurer une surveillance constante et vigilante des paramètres vitaux de Mme [G] et du f'tus sans décider à 2h du matin d'arrêter le scope maternel et le monitoring du f'tus, décision qui a eu pour conséquence d'empêcher en temps utile l'identification d'une souffrance foetale majeure nécessairement survenue entre 2 et 4 heures, heure à laquelle a été constatée l'absence de battements cardiaques du f'tus.

S'agissant des rapports respectifs entre les responsables de l'entier dommage, le premier juge a justement retenu qu'au regard des manquements respectifs du médecin et de la sage-femme salariée à leurs obligations professionnelles, dans le cadre des actions récursoires, le docteur [T] devait assumer 50% de l'indemnisation et la Sarl Saint Cyprien Rive Gauche 50%.

Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en ses dispositions relatives aux responsabilités du docteur [D] [T] et de la clinique Saint Cyprien Rive Gauche ainsi que sur celles relatives à l'évaluation de la perte de chance de survie en découlant tant pour Mme [G] que pour le f'tus.

2°/ Sur les préjudices

L'indemnisation allouée par le premier juge au titre des frais d'obsèques n'est pas contestée dans son quantum.

a) Sur l'évaluation des préjudices d'affection

Le premier juge a justement évalué les préjudices d'affection des proches des suites du décès de Mme [G] et du futur bébé.

La petite [U] [G], certes âgée de 3 ans à la date du décès du f'tus, était tout à fait en âge de percevoir qu'elle allait bientôt être une grande s'ur. Elle s'est trouvée brutalement privée de cette joie, nécessairement partagée en famille depuis l'annonce de la grossesse, et en a été nécessairement affectée. L'indemnisation de son préjudice moral telle qu'accordée par le premier juge à son père ès qualités de représentant légal est parfaitement justifiée.

Une future naissance presque arrivée à son terme impliquant affectivement l'ensemble des membres de la famille, le décès brutal du f'tus dans les circonstances de l'espèce a nécessairement affecté les futurs grands parents et tante de cet enfant attendu, ce qui justifie les indemnisations allouées par le premier juge aux parents et à la s'ur de Mme [H] épouse [G] du fait du décès du f'tus.

b) Sur les préjudices économiques

* Sur l'indemnisation de la perte de revenus résultant du décès de Mme [W] [H] épouse [G]

Il ressort de l'avis d'impôt sur le revenu 2009 (sur les revenus 2008) que le revenu global sur l'année ayant précédé le décès de Mme [G] s'élevait pour cette dernière à 57.167 € et non 51.167, et pour M.[D] [G] à 64.926 €, soit un total de revenus du foyer de 122.093 €.

S'agissant d'un couple avec un enfant à charge, la part d'autoconsommation de la défunte a justement été retenue par le premier juge à hauteur de 20%, soit 24.418,60 €. Les revenus annuels du foyer avant décès, ressortent en conséquence, déduction faite de la part d'autoconsommation de la victime, à 97.674,40 € (122.093-24.418,60). Déduction faite du montant des revenus du conjoint survivant subsistant après le décès, soit 64.926 €, la perte annuelle patrimoniale du foyer des suites du décès de Mme [G] ressort en conséquence à 32.748,40 € ainsi que retenu par le premier juge.

Le préjudice économique global de la famille doit être calculé en capitalisant cette perte annuelle, c'est à dire en multipliant ce préjudice annuel par le prix de l'euro de rente viagère correspondant à l'âge et au sexe de celui des deux conjoints qui serait normalement décédé le premier, en l'espèce compte tenu de l'âge respectif des deux époux, l'homme qui a une espérance de vie moindre, soit pour un homme de 32 ans, âge de M.[G] à la date du décès de son épouse, un euro de rente viagère de 41,320 tel qu'il résulte des tables de capitalisation publiées par la Gazette du Palais le 28 novembre 2017 tenant compte de données d'espérance de vie et d'un taux de rémunération actualisés. Le capital représentatif de la perte de revenus subie par le foyer survivant (père et enfant) ressort ainsi, tel que calculé par le premier juge, à 1.353.163,88 €.

Sur la perte annuelle de revenus du foyer, [U] [G] , âgée de trois ans à la date du décès de sa mère, et fille unique du couple, peut prétendre compte tenu du niveau de vie de la famille à une part de consommation de 25% et ce jusqu'à l'âge de 25 ans dès lors qu'aucun élément objectif n'indique qu'elle ne sera pas en mesure d'effectuer des études supérieures. Son préjudice économique annuel ressort à 32.748,40 €x25% soit 8.187,10 €. Compte tenu de son âge à la date du décès de sa mère (3 ans) et du prix de l'euro de rente temporaire féminin jusqu'à 25 ans soit 20,760 selon les mêmes tables de capitalisation, son préjudice économique personnel ressort à 169.964,19 €, soit une indemnité devant lui revenir compte tenu du taux de perte de chance de survie de sa mère de 169.964,19 € x35% = 59.487,46 € telle que retenue par le premier juge. Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en ce que le premier juge a condamné in solidum le docteur [D] [T] et la Sarl Saint Cyprien Rive Gauche, à payer à [U] [G] ladite somme de 59.487, 46 € outre intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance.

S'agissant de M. [G], déduction faite de la part de revenus revenant à sa fille (169.964,19 €) sa perte globale de revenus ressort à 1.183.199,69 € (1.353.163,88 ' 169.964,19), soit, compte tenu du taux de perte de chance de survie de l'épouse décédée retenu ci-dessus, un droit à indemnisation ressortant à 414.119,89 € (1.183.199,69x35%).

En application de l'article L 376-1 alinéa 3 du code de la sécurité sociale, le recours subrogatoire de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Haute-Garonne, laquelle a versé à M.[A] [G] un capital-décès de 8.577 € des suites du décès de son épouse, peut s'exercer sur la part d'indemnité revenant à M.[G] au titre du préjudice économique résultant pour lui de la perte de revenus des suites du décès de son épouse. L'assiette du recours est en effet constituée, pour chaque prestation, par l'indemnité à la charge du responsable au titre du poste de préjudice correspondant à la prestation versée. Or le capital décès versé par une caisse de sécurité sociale qui dépend, selon l'article L 361-1 du code susvisé, des revenus du défunt indemnise la perte de revenus résultant du décès.

Le docteur [T] et la Sarl Saint Cyprien, tiers responsables, doivent en conséquence être condamnés in solidum à payer à M.[A] [G] au titre de la perte de revenus subie des suites du décès de son épouse, infirmant partiellement le jugement entrepris sur ce point, la somme de 405.542,89 €, outre intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance, partiellement infirmé, en application des dispositions de l'article 1231-7 du code civil.

Ils doivent en outre, infirmant le jugement entrepris sur le quantum, être condamnés in solidum à payer à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Haute-Garonne au titre de son recours subrogatoire, la somme de 8.577 € au titre du capital décès versé, ainsi que cette dernière le sollicite. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2020 date des écritures portant demande en paiement à titre subrogatoire conformément aux dispositions de l'article 1231.6 du code civil. L'indemnité forfaitaire de gestion allouée par le premier juge à ladite caisse en application de l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale, doit en outre être actualisée à la somme de 1.091 €.

Le Groupe Pasteur Mutualité, quoique régulièrement assigné en première instance n'a pas constitué devant le premier juge. N'ayant formalisé aucune demande en première instance quant à l'exercice d'un recours subrogatoire contre les tiers responsables au titre du capital décès versé à M.[A] [G] le 17 novembre 2019, il se trouve irrecevable en application des dispositions de l'article 564 du code de procédure à formaliser une telle demande devant la cour, peu important qu'il ait été intimé, une telle demande constituant une demande nouvelle devant la cour non soumise au premier juge qui ne résulte ni de l'intervention d'un tiers, ni de la survenance ou de la révélation d'un fait. Sa demande de condamnation du docteur [T] et de la Sarl Saint Cyprien Rive Gauche au titre d'un recours subrogatoire fondé sur l'article L 224-9 du code de la mutualité doit en conséquence être déclarée irrecevable devant la Cour.

*Sur le préjudice économique invoqué par M.[G] au titre d'une perte de chance de promotion

Il appartient à celui qui entend obtenir réparation au titre de la perte de chance de réalisation d'un événement futur favorable de démontrer la réalité et le sérieux de la chance perdue en établissant que la survenance de l'événement dont il a été privé était certaine avant la survenance du fait dommageable.

En l'espèce, il ressort des pièces produites qu'en juin 2009, M.[A] [G] a sollicité un expert comptable pour un projet de rachat de la clientèle du docteur [L] [R], médecin généraliste à Auterive, ainsi que des parts détenues par ce dernier dans une Sci La Briqueterie et une Scm Michelet. Ce projet nécessitait le financement d'une somme totale de l'ordre de 184.000 €, dont rien n'établit que M.[G] était en capacité de les financer ou avait entrepris des démarches en ce sens à la date du décès de son épouse survenu le [Date décès 4] 2009. Par ailleurs, bien que le docteur [L] atteste que M.[G] envisageait d'intégrer le groupe médical officiellement le 1/11/2009, devant lui succéder au cabinet médical Michelet, il n'est produit aucun engagement contractuel à ce titre (projet de cession de clientèle et de parts notamment avec accord sur la chose et sur le prix).

En l'absence de toute certitude sur l'état effectif de ce projet, dont les incidences financières avaient été chiffrées 4 mois auparavant, en terme d'accords et de financement, à la date du décès de Mme [G], aucune perte de chance réelle et sérieuse de réalisation n'est caractérisée comme pouvant être liée à ce décès.

Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en ce que le premier juge a débouté M.[A] [G] de sa demande d'indemnisation à ce titre.

c) Sur le préjudice personnel de Mme [G] avant son décès

Mme [G] a subi des douleurs, certes liées à sa pathologie, mais qui n'ont pas été prises en compte à leur juste mesure, aucun mesurage au demeurant de l'intensité des douleurs n'ayant été réalisé à compter de son admission à la clinique. Très agitée, elle était manifestement inquiète de la persistance de ses douleurs puisque Mme [Z] déclare au juge d'instruction dans son audition du 27 janvier 2012 qu'elle a dû employer un terme équivalent à « contractouillettes » pour la rassurer. Aucun médecin ne s'est présenté à son chevet avant 4 H du matin pour l'examiner. Elle a été laissée de 2 h à 3h30 du matin sans surveillance ni mesurage de ses constantes vitales pas plus que de celles du f'tus afin de « la laisser se reposer », toujours sans avoir vu un médecin. C'est elle qui a sonné à 3h30 du matin alors qu'elle se trouvait dans une phase aigüe de douleur, avec une tension très basse, très essoufflée et de la dyspnée. Médecin urgentiste de profession, elle n'a pu qu'être très angoissée de la situation alors que souffrant de douleurs abdominales depuis son arrivée à la clinique sans qu'il n'y ait plus de contractions et que son col ne dilatait pas,elle ne pouvait plus entendre le bruit des battements du c'ur de son enfant puisque le monitoring avait été débranché à 2h. Hyperalgique à 3h30 mais encore consciente, à 4H20 du matin elle a enfin été vue le docteur [T] lequel a confirmé après échographie la mort du f'tus . Cette terrible nouvelle, signe d'une anomalie pathologique majeure, alliée à son propre état physique, n'a pu que générer chez elle, outre la souffrance liée à l'annonce de la mort de l'enfant à naître qu'elle portait depuis sept mois, une angoisse de mort imminente dont elle n'a pu qu'être consciente, au point que mise sur le brancard en direction du bloc opératoire, man'uvre douloureusement réalisée, elle a demandé à deux reprises à Mme [Y], auxiliaire de puériculture qui aidait à son installation, de lui lever les jambes car elle « se sentait partir » (cote D 192). L'arrêt de la chambre de l'instruction du 30 avril 2015 révèle même qu'entre 4h et 5H du matin les époux [G] ont demandé à Mme [Z] de procéder à un remplissage vasculaire. Mme [G] a donc suspecté avant son décès l'existence d'une hémorragie.

Au regard de ces éléments le premier juge a justement retenu qu'outre les souffrances physiques dont la nature et l'origine n'ont pu être correctement identifiées et qui ont été mal prises en compte, Mme [G] avait pu avoir conscience lors de son transfert au bloc opératoire du risque vital encouru, conscience s'ajoutant à la souffrance morale liée à la confirmation de la mort du f'tus à 4H du matin, l'ensemble de ces souffrances étant justement réparées par l'indemnité allouée en première instance, dans la limite de la perte de chance retenue, à hauteur de 8.750 €, la décision entreprise devant être confirmée sur ce point.

3°/ Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Confirmé pour l'essentiel de ses dispositions le jugement entrepris doit aussi être confirmé quant à ses dispositions relatives aux dépens de première instance et aux indemnités allouées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance.

Parties perdantes en appel, M.[D] [T] et la Sarl Saint Cyprien Rive Gauche supporteront in solidum les dépens d'appel et se trouvent redevables, au titre de la procédure d'appel d'indemnités sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dans les conditions définies au dispositif du présent arrêt. Dans leurs rapports entre eux, ces condamnations seront supportées à hauteur de 50% chacun.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge du Groupe Pasteur Mutualité les frais non compris dans les dépens. Il sera débouté de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce que le premier juge a fixé le préjudice économique de M.[G] des suites de la perte de revenus de son épouse à 470.605, 41 € et limité le recours subrogatoire de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Haute-Garonne à 3.001, 95 €

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne in solidum M.[D] [T] et la Sarl Saint Cyprien Rive Gauche à payer à M.[A] [G] au titre du préjudice économique résultant de la perte de revenus de son épouse, dans la limite du droit à indemnisation, la somme de 405.542,89 €, outre intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance

Les condamne en outre in solidum à payer à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Haute-Garonne la somme de 8.577 € au titre du capital décès versé outre intérêts aux taux légal à compter du 5 mai 2020

Dit que l'indemnité forfaitaire de gestion due à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Haute-Garonne doit être actualisée à la somme de 1.091 €

Déclare irrecevable en cause d'appel l'action subrogatoire diligentée par le Groupe Pasteur Mutualité

Condamne in solidum M.[D] [T] et la Sarl Saint Cyprien Rive Gauche aux dépens d'appel avec autorisation de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de M.Hubert Cargill, Avocat, et de M. Luc Moreau, Avocat associé de la Scp Vinsonneau-Paliès Noy Gauer et Associés

Condamne in solidum M.[D] [T] et la Sarl Saint Cyprien Rive Gauche à payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure d'appel, aux consorts [H]/[G] pris ensemble une indemnité de 5.000 € et à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Haute-Garonne une indemnité de 800 €

Déboute le Groupe Pasteur Mutualité de sa demande d'indemnité sur ce même fondement

Dit que dans leurs rapports entre eux M.[D] [T] et la Sarl Saint Cyprien Rive Gauche supporteront les condamnations ci-dessus prononcées in solidum à hauteur de 50% chacun et les condamne mutuellement à se relever et garantir dans ces proportions.

Le présent arrêt a été signé par M.DEFIX, président et par R.CHRISTINE, faisant fonction de greffier, ayant prété serment le 11 avril 2022.

La GreffièreLe Président

R. CHRISTINEM. DEFIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 20/00241
Date de la décision : 11/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-11;20.00241 ?
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