La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/07/2022 | FRANCE | N°19/05481

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 11 juillet 2022, 19/05481


11/07/2022



ARRÊT N°



N° RG 19/05481 - N° Portalis DBVI-V-B7D-NLWQ

MD / ASC



Décision déférée du 19 Novembre 2019

Tribunal de Grande Instance d'ALBI ( 16/00856)

(M. [T])

















EARL PEPINIERES BIANCHI GUIGUE

SARL LES PEPINIERISTES PRODUCTEURS DU COMTAT

SARL PEPINIERES BIANCHI GUIGUE

SCA PEPINIERISTES PRODUCTEURS DU COMTAT





C/



[W] [L]

[J] [C]

[U] [O]

Association GROUPEMENT DE VULGARI

SATION AGRICOLE DU CHASSELAS

EARL LE FIGUE HAUT

EARL LES BARRIERES

SARL LES PEPINIERISTES PRODUCTEURS DU COMTAT

SARL PEPINIERES VITICOLES PHILIPPE DAYDÉ

Société GROUPAMA MÉ DITERRANÉE

SCA PEPINIERISTES PRODUCTEURS DU COMTAT...

11/07/2022

ARRÊT N°

N° RG 19/05481 - N° Portalis DBVI-V-B7D-NLWQ

MD / ASC

Décision déférée du 19 Novembre 2019

Tribunal de Grande Instance d'ALBI ( 16/00856)

(M. [T])

EARL PEPINIERES BIANCHI GUIGUE

SARL LES PEPINIERISTES PRODUCTEURS DU COMTAT

SARL PEPINIERES BIANCHI GUIGUE

SCA PEPINIERISTES PRODUCTEURS DU COMTAT

C/

[W] [L]

[J] [C]

[U] [O]

Association GROUPEMENT DE VULGARISATION AGRICOLE DU CHASSELAS

EARL LE FIGUE HAUT

EARL LES BARRIERES

SARL LES PEPINIERISTES PRODUCTEURS DU COMTAT

SARL PEPINIERES VITICOLES PHILIPPE DAYDÉ

Société GROUPAMA MÉ DITERRANÉE

SCA PEPINIERISTES PRODUCTEURS DU COMTAT

GAEC DE [Localité 19]

Association GRAIN D AVENIR

EARL DE SAINT LAURENT

EARL DORADO

Société GROUPAMA D'OC

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU ONZE JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTES

EARL PEPINIERES BIANCHI GUIGUE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège (et INTIMEE)

[Adresse 14]

[Localité 15]

Représentée par Me Sophie CREPIN de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de TOULOUSE

SARL LES PEPINIERISTES PRODUCTEURS DU COMTAT

[Adresse 8]

[Localité 15]

Représentée par Me Philippe PRESSECQ de la SELARL TRIVIUM CABINET D'AVOCATS, avocat au barreau D'ALBI

SARL PEPINIERES BIANCHI GUIGUE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège (et INTIMEE)

[Adresse 14]

[Localité 15]

Représentée par Me Sophie CREPIN de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de TOULOUSE

SCA PEPINIERISTES PRODUCTEURS DU COMTAT

[Adresse 8]

[Localité 15]

Représentée par Me Philippe PRESSECQ de la SELARL TRIVIUM CABINET D'AVOCATS, avocat au barreau D'ALBI

INTIMES

Monsieur [W] [L]

[Adresse 22]

[Localité 10] / FRANCE

Représenté par Me Yves PHILIP DE LABORIE de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de LYON

Représenté par Me Delphine CHANUT, avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur [J] [C]

Paillole

[Localité 12] / FRANCE

Représenté par Me Yves PHILIP DE LABORIE de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de LYON

Représenté par Me Delphine CHANUT, avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur [U] [O]

[Adresse 16]

[Localité 10]

Représenté par Me Yves PHILIP DE LABORIE de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de LYON

Représenté par Me Delphine CHANUT, avocat au barreau de TOULOUSE

ASSOCIATION GROUPEMENT DE VULGARISATION AGRICOLE DU CHASSELAS

[Adresse 2]

[Localité 11]

Représentée par Me Yves PHILIP DE LABORIE de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de LYON

Représentée par Me Delphine CHANUT, avocat au barreau de TOULOUSE

EARL LE FIGUE HAUT

Figue Haut

[Localité 13]

Représentée par Me Yves PHILIP DE LABORIE de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de LYON

Représentée par Me Delphine CHANUT, avocat au barreau de TOULOUSE

EARL LES BARRIERES

[Adresse 17]

[Localité 10]

Représentée par Me Yves PHILIP DE LABORIE de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de LYON

Représentée par Me Delphine CHANUT, avocat au barreau de TOULOUSE

SARL PEPINIERES VITICOLES PHILIPPE DAYDÉ prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au dit siège.

[Localité 18]

[Localité 9]

Représentée par Me Jean-marc CLAMENS de la SELAS CLAMENS CONSEIL, avocat au barreau de TOULOUSE

Société GROUPAMA MÉDITERRANÉE

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Emmanuel GIL de la SCPI BONNECARRERE SERVIERES GIL, avocat au barreau de TOULOUSE

GAEC DE [Localité 19]

[Adresse 20]

[Localité 10]

Représentée par Me Yves PHILIP DE LABORIE de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de LYON

Représentée par Me Delphine CHANUT, avocat au barreau de TOULOUSE

Association GRAIN D'AVENIR

[Adresse 2]

[Localité 11]

Représentée par Me Yves PHILIP DE LABORIE de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de LYON

Représentée par Me Delphine CHANUT, avocat au barreau de TOULOUSE

EARL DE SAINT LAURENT

[Adresse 6]

[Localité 11]

Représentée par Me Yves PHILIP DE LABORIE de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de LYON

Représentée par Me Delphine CHANUT, avocat au barreau de TOULOUSE

EARL DORADO

Petitou

[Localité 10]

Représentée par Me Yves PHILIP DE LABORIE de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de LYON

Représentée par Me Delphine CHANUT, avocat au barreau de TOULOUSE

GROUPAMA D'OC, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au dit sège.

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me Jean-marc CLAMENS de la SELAS CLAMENS CONSEIL, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

Aprés audition du rapport, l'affaire a été débattue le 07 Février 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. DEFIX, président

C. ROUGER, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

Greffier, lors des débats : A. RAVEANE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par R. CHRISTINE, faisant fonction de greffier, ayant prété serment le 11 avril 2022

FAITS - PROCÉDURE - PRÉTENTIONS :

Neuf exploitants agricoles producteurs de raisin de table ont créé, d'une part l'association Grain d'avenir afin d'inscrire, de promouvoir et d'organiser la mise sur le marché de nouvelles variétés de raisins de table et, d'autre part le Groupement de vulgarisation agricole du Chasselas (Gvac) pour la gestion des vignes mères de greffon, qui a pour objectif de diffuser du matériel végétal.

Dans le cadre du développement d'une nouvelle variété de raisin, Ie Gvac a récolté des boutures greffables de la variété 'Belair' dans Ia parcelle '[Z]' puis, a conclu le 20 février 2009 un contrat de façonnage avec la société les Pépinières Viticoles Philippe Daydé, qui devait assembler sur des porte-greffes fournis par cette dernière des greffons fournis par le Gvac.

De janvier à mars 2010, huit exploitants ont planté sur leurs parcelles respectives du matériel ainsi produit par les Pepinières Daydé.

Les analyses réalisées le 28 novembre 2012 par l'organisme public FranceAgriMer, pour faire certifier la production, ont révélé la présence du virus dénommé court-noué sur le plant de vigne standard de référence qui avait été créé sur la parcelle appartenant à M. [O].

Par acte signifié le 19 février 2014, le Gvac, l'association Grain d'avenir, M. [O], l'Earl Dorado, M. [L], le Gaec de [Localité 19], l'Earl Cap del pech, la Scea Le figue haut, l'Earl de Saint Laurent, l'Earl les barrières et M. [C] ont fait assigner la Sarl Pépinières Viticoles Philippe Daydé et FranceAgriMer devant le juge des référés du tribunal de grande instance d'AIbi aux fins de voir désigner un expert avec pour mission d'examiner les porte-greffes fournis par la société les Pepinières Daydé.

Par ordonnance de référé du 25 avril 2014, une expertise a été confiée à M. [G].

Par actes d'huissier des 11 et 16 juin 2014, le Gvac, l'association Grain d'avenir, M. [O], l'Earl Dorado, M. [L], le Gaec de [Localité 19], l'Earl Cap del pech, la Scea Le figue haut, l'Earl de Saint laurent, l'Earl les barrières et M. [C] ont fait assigner devant le tribunal de grande instance d'Albi la Sarl Pépinières Viticoles Philippe Daydé et son assureur, la compagnie Groupama d'Oc, dans l'attente du rapport d'expertise et aux fins d'obtenir indemnisation de leur préjudice.

Par ordonnance du 22 octobre 2014, sur demande des requérants, le juge de la mise en état a sursis à statuer jusqu'au dépôt du rapport d'expertise de M. [G].

L'Earl Cap del pech s'est désistée de ses demandes.

La société Les Pépinières Viticoles Philippe Daydé et son assureur, la compagnie Groupama d'Oc ont fait étendre par assignations du 18 août 2014 les opérations d'expertise à la Sca Pépiniéristes producteurs du Comtat et à la Sarl les Pepiniéristes producteurs du Comtat auprés desquelles elle s'était approvisionnée. Il a été fait droit à cette demande par ordonnance de référé du 19 septembre 2014.

Par ordonnance en date du 13 mars 2015 rendue à la demande de la Sarl et de la Sca Pépiniéristes producteurs du Comtat suivant assignations du 6 février 2015, les opérations d'expertise ont ensuite été étendues à l'Earl Pepinières Bianchi-Guigue.

Par assignation délivrée le 22 avril 2015, la Sarl Pépinières Viticoles Daydé et Groupama d'Oc ont fait appeler en la cause la Sarl et de la Sca Pépiniéristes producteurs du Comtat et la Sarl Pépinières Bianchi-Guigue. Cette procédure a été jointe à I'affaire par ordonnance du 25 novembre 2015.

Par acte signifié le 27 octobre 2015, la Sarl Pepinières Bianchi-Guigue a fait appeler en la cause son assureur professionnel, la compagnie Groupama Méditérranée. Cette procédure a été jointe à l'affaire par ordonnance du 27 janvier 2016.

Par ordonnance du 24 février 2016, en raison du défaut de diligence des parties, le juge de la mise en état a ordonné la radiation de l'affaire.

Le dossier a été réinscrit au rôle sous le numéro RG n° 16-856 et par une assignation au fond en date du 13 juin 2016, la Sarl Pepinières Viticoles Daydé et Groupama d'Oc ont fait assigner l'Earl Pepinières Bianchi-Guigue laquelle, par acte signifié le 8 août 2016, a fait appeler en la cause son assureur, la Groupama Meditérranée. Les instances ont été jointes par deux ordonnances en date du 28 septembre 2016.

Par acte du 22 septembre 2016, la société Pepinières Bianchi-Guigue a fait appeler en la cause l'établissement public administratif FranceAgriMer en sa qualité d'organisme contrôleur et certificateur des plants sur le marché français aux fins que ce dernier la relève et la garantisse. Par ordonnance du 25 janvier 2017, l'incompétence du tribunal de grande instance au profit du tribunal administratif a été accueillie.

Par acte notifié le 24 avril 2017, la société les Pepiniéristes producteurs du Comtat et la société coopérative agricole les Pepiniéristes producteurs du Comtat ont fait appeler en la cause la compagnie Groupama Méditérranée en qualité de réassureur de la caisse locale d'assurance mutuelle agricole du comtat venaissin. L'appel a été joint à l'affaire par ordonnance du 24 mai 2017.

L'expert [G], dont la demande de récusation a été définitivement rejetée par arrêt de la cour d'appel de Toulouse en date du 10 novembre 2015, a déposé son rapport le 14 septembre 2015.

Par ordonnance du 27 juillet 2017, le juge de la mise en état a débouté les requérants de leur demande incidente de condamnation 'conjointe et solidaire' des sociétés Pépinières Viticoles Daydé, Groupama d'Oc, Pépiniéristes producteurs du Comtat, Pépinières Bianchi-Guigue et Groupama Méditérranée à leur payer des sommes à titre provisionnel.

-:-:-:-:-

Par un jugement contradictoire en date du 19 novembre 2019, le tribunal de grande instance d'Albi a :

- rejeté les exceptions de prescription soulevées sur le fondement des articles 1648 du code civil et L. 110-4 du code de commerce,

- rejeté l'exception de prescription soulevée par Groupama Méditérranée au sujet de l'action intentée par la Sarl et l'Earl Bianchi-Guigue, en application de l'article L. 114-1 du code des assurances,

- déclaré prescrite l'action intentée par la Sarl Pépiniéristes producteurs du Comtat et la Sca Pépiniéristes producteurs du Comtat à l'encontre de Groupama Méditérranée, conformément à l'article L. 114-1 du code des assurances,

- ordonné, pour le surplus, la mise hors de cause de Groupama Méditérranée,

- retenu, sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil, la responsabilité de la société la société Pépinière Viticoles Philippe Daydé, et son assureur Groupama d'Oc, la Sarl Pépiniéristes producteurs du Comtat et la Sca Pépiniéristes producteurs du Comtat, la Sarl Bianchi-Guigue et l'Earl Bianchi-Guigue, dans la contamination des porte-greffes approvisionnés par la societé les Pépinières Viticole Philippe Daydé,

En conséquence,

- condamné in solidum la société Pépinières Viticoles Philippe Daydé et son assureur Groupama d'Oc, la Sarl Pépiniéristes producteurs du Comtat et la Sca Pepiniéristes producteurs du Comtat, la Sarl Bianchi-Guigue et l'Earl Bianchi-Guigue à payer les sommes de :

* 34 757 euros à l'association Grain d'avenir,

* 536 840 euros à M. [O],

* 124 161 euros à M. [M], pour l'Earl Dorado,

* 77 043 euros à M. [L],

* 27 766 euros à M. [C] (Gaec de [Localité 19])

* 121 125 euros à M. [X] (Scea Le Figue haut)

* 46 312 euros à M. [C],

* 61 462 euros à M. [P] (parcelle [F]),

* 156 276 euros à M. [D] (parcelle [B]).

- constaté que le plafond de garantie du contrat d'assurance souscrit par la société Pépinières Viticoles Philipppe Daydé auprès de Groupama d'Oc est de 760 000 euros,

- dit que la compagnie Groupama d'Oc ne pourra être tenue au-delà de cette somme et qu'elle est en droit d'opposer à son assurée et aux tiers le montant de la franchise qui est prévue à son contrat,

- condamné le Groupement de vulgarisation agricole du Chasselas à payer à la société Pepinières Viticoles Philippe Daydé la somme de 14 986,44 euros augmentée de l'intérét au taux légal à compter du 29 février 2016,

- condamné in solidum les Pepinières Viticoles Philippe Daydé et son assureur Groupama d'Oc, la Sarl Pépiniéristes producteurs du Comtat et la Sca Pepiniéristes producteurs du Comtat, la Sarl Bianchi-Guigue et l'Earl Bianchi-Guigue, à payer à chacun des demandeurs la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum la société Pepinières Viticoles Philippe Daydé et son assureur Groupama d'Oc, la Sarl Pépiniéristes producteurs du Comtat et la Sca Pepiniéristes producteurs du Comtat, la Sarl Bianchi-Guigue et l'Earl Bianchi-Guigue aux dépens de l'instance, incluant les frais d'expertise distraits et les dépens de l'incident au profit de Maître Albarède, avocat au barreau d'Albi,

- rejeté le surplus des demandes, fins et prétentions.

Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré que :

- le vice caché a été révélé le 28 novembre 2012 par les analyses réalisées par FranceAgriMer faisant courir le délai de prescription de deux ans sans que le dépôt du rapport d'expertise judiciaire ait une vertu interruptive de telle sorte que l'action engagée en référé le 19 février 2014 et au fond les 11 et 16 juin 2014, suivie au fond par un sursis à statuer, contre les sociétés Bianchi-Guigue n'est pas prescrite,

- la prescription quinquennale prévue par l'article L.110-4 du code de commerce n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce en raison de l'existence de délais spéciaux de prescription plus courts relatifs à une action ayant le même objet et, qu'en tout état de cause, l'action en référé le 19 février 2014 ayant été engagée à l'endroit des sociétés Pépiniéristes du Comtat, veille du terme du délai quinquennal ayant débuté le jour du contrat de façonnage, n'est pas prescrite,

- la prescription de deux ans prévue par l'article L. 114-1 du code des assurances, ne pouvait courir qu'à partir du moment où la garantie de l'assureur pouvait être potentiellement recherchée, à savoir à compter de la date d'assignation au fond des assurés, soit les 22 avril 2015 pour les sociétés Pépiniéristes du Comtat et 13 juin 2016 pour les sociétés Pépinières Bianchi-Guigue de telle sorte que l'action était prescrite de deux jours à l'égard de l'assureur pour les premières et ne l'était pas les secondes,

- la société Groupama Méditerranée devait être mise hors de cause à l'égard des sociétés Pépinières Bianchi-Guigue en raison de l'absence de garantie des dommages résultant des maladies, de la présence d'agents pathogènes ou de parasites et à l'égard des sociétés Pépiniéristes du Comtat qui ne démontrent pas être assurées auprès de cet assureur,

- l'expertise a démontré d'une part que le développement explosif de la maladie découle de la plantation de plants déjà infectés par le virus court-noué et non de la transmission de plante à plante par vecteur biologique, conduisant ainsi à désigner les boutures greffables de porte-greffe comme étant la source de contamination, vice antérieur au contrat de façonnage les rendant impropres à leur usage de greffes soudés et d'autre part que la chaîne de traçabilité conduit à relever que les boutures greffables de porte-greffe founis par l'Earl Bianchi-Guigue sont à l'origine de l'infection virale litigieuse,

- chacun des vendeurs professionnels intermédiaires à la chaîne contractuelle ont contribué au processus global de contamination justifiant leur obligation in solidum à réparer les préjudices que le tribunal a définis par demandeur et dans la limite, pour l'assureur Groupama d'Oc, du plafond de garantie souscrit.

-:-:-:-:-:-

I - Par déclaration en date du 20 décembre 2019, la Sarl Pépiniéristes producteurs du Comtat et la Sca Pépiniéristes producteurs du Comtat, ont relevé appel de ce jugement.

II - Par déclaration en date du 20 décembre 2019 au nom de 'la Sarl Bianchi-Guigue' et 'l'Earl Bianchi-Guigue', il a été relevé appel de ce même jugement.

Le 26 octobre 2020, le magistrat chargé de la mise en état a rendu une ordonnance de jonction des procédures pour les affaires suivies sous les numéros RG19/5492 et RG 19/5481 sous le seul n° RG 19/5481.

-:-:-:-:-:-

Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 20 août 2020, la Sarl Pépinières Bianchi-Guigue et l'Earl Pépinières Bianchi-Guigue, appelants et intimés, demandent à la cour, au visa des articles L. 110-4 du code de commerce, 1641 et 1648 du code civil, 122 du code de procédure civile et L.251-3 à L.251-20 et D. 251-1 à R. 251-41 du code rural, de réformer les dispositions du jugement, critiquées dans l'acte d'appel et, statuant à nouveau, de :

À titre principal,

- 'dire et juger' prescrite l'action du Groupement de Vulgarisation Agricole, de l'association Grain d'Avenir, et des viticulteurs à son encontre,

- 'dire et juger' prescrite l'action de la Sarl Pepinière Daydé et Groupama d'Oc à son encontre,

- 'dire et juger'prescrite l'action de la Sca Pépiniéristes producteurs du Comtat et de la Sarl Pépiniéristes producteurs du Comtat à son encontre,

À titre subsidiaire,

- annuler le rapport d'expertise,

- 'dire et juger' qu'ils sont hors de cause,

- 'dire et juger' qu'aucune faute ni manquement aux obligations de sécurité de résultat en matière de santé des végétaux ne peut leur être reprochée,

- rejeter la demande d'indemnisation de Gvac, de l'association Grain d'avenir et des Viticulteurs, la démonstration de la perte financière n'étant pas établie,

- dire n'y avoir lieu à les condamner à relever et garantir les sociétés Gvac, de l'association Grain d'avenir et Alii de toute condamnation au titre du sinistre allégué,

- dire n'y avoir lieu à les condamner à relever et garantir la Sarl Daydé et Groupama d'Oc de toute condamnation à leur encontre,

- dire n'y avoir lieu à les condamner à relever et garantir la Sca Pépiniéristes producteurs du Comtat et la Sarl Pépiniéristes producteurs du Comtat de toute condamnation à leur encontre,

- dire qu'il serait inéquitable de laisser les frais irrépétibles résultant de la présente procédure à la charge des concluantes,

- condamner in solidum le Groupement de vulgarisation agricole, l'association Grain d'Avenir et les viticulteurs, à leur payer respectivement une somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

À titre infiniment subsidiaire, et si par impossible les concluantes devaient être condamnées,

- dire que les concluantes sont assurées auprès de Groupama Meditérranée dument appelée en cause dès le 7 mai 2015,

- condamner Groupama Meditérranée à les relever et les garantir de toute condamnation prononcée à leur encontre,

- 'dire et juger' qu'elles seront relevées et garanties indemnes par la Sarl Pepiniéristes producteurs du Comtat, la Sca Pepiniéristes producteurs du Comtat, et leur assureur Groupama Meditérranée, lesquels seront tenus à leur égard in solidum,

- 'dire et juger' que les concluantes seront relevées et garanties indemnes par la Sarl Daydé et son assureur Groupama d'Oc, lesquels seront tenus à leur égard in solidum,

- condamner toute partie succombant à leur payer à chacune, la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner toute partie succombante aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Crépin en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 19 mars 2020, la Sarl Pepiniéristes producteurs du Comtat et la Sca Pepiniéristes producteurs du Comtat, appelants, demandent à la cour, au visa des articles 1231, 1641 et suivants du code civil et L. 110-4 alinéa 1 du code de commerce, de réformer le jugement dont appel en ce qu'il a:

- déclaré prescrite l'action qu'elles ont intenté à l'encontre de Groupama Meditérranée conformément à l'article L114-1 du code des assurances,

- mis hors de cause Groupama Méditérranée,

- retenu sur le fondement de l'article 1641 et suivants du code civil, leur responsabilité avec la société les Pépinières Viticoles Philippe Daydé et son assureur Groupama d'Oc, la Sarl Bianchi-guigue et l'Earl Bianchi-guigue dans la contamination des porte-greffes approvisionnés par la Société Les Pépinières Viticoles Philippe Daydé,

- 'dire et juger' qu'elles doivent être mises hors de cause, aucune faute ne leur incombant et n'étant pas partie à la chaine de contrats à l'origine des préjudices,

- débouter purement et simplement les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à leur encontre,

- condamner les intimés, conjointement et solidairement à payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à la Sarl les pépiniéristes producteurs du Comtat,

- condamner les intimés, conjointement et solidairement à payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à la Sca les pépiniéristes producteurs du Comtat,

- condamner les intimés à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Pressecq, avocat, qui sera en droit de les recouvrer, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

À titre subsidiaire, sur la responsabilité du Gvac et des viticulteurs, elles ont demandé à la cour de :

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a retenu l'absence de faute du Gvac et des viticulteurs et de :

- 'dire et juger' que la garantie des vices cachés ne peut plus bénéficier au Gvac et aux viticulteurs, le contrôle n'ayant pas été effectué, la défaillance est directement à l'origine de la contamination des parcelles,

- débouter les viticulteurs et le Gvac de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ou, à tout le moins, une part de responsabilité sera retenue à l'encontre du Gvac,

Sur la garantie due par groupama aux appelantes,

- 'dire et juger' que les concluantes étaient assurées auprès de Groupama meditérranée qui doit sa garantie,

- 'dire et juger' qu'elles seront relevées et garanties indemnes par les Pépinières Viticoles Daydé et son assureur, Groupama d'Oc, l'Earl et la Sarl Bianchi Guigue, et leur assureur Groupama Méditerranée, lesquelles seront tenues, à leur égard, in solidum,

À titre infiniment subsidiaire,

- réformer le jugement dont appel sur le chef de la décision relative aux indemnisations accordées au Gvac et aux viticulteurs,

- 'dire et juger' que les indemnisations fixées dans le jugement querellé reposent sur une approche erronée des pertes financières alléguées,

- limiter le montant des préjudices alloués aux demandeurs aux sommes proposées par Mme [R] dans son mémoire et confirmé dans ses observations datées du 19 octobre 2016,

- statuer alors ce que droit quant aux dépens, dont distraction au profit de Maître Pressecq, avocat qui sera en droit de les recouvrer, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 18 juin 2020, l'association Groupement de vulgarisation agricole du Chasselas (Gvac), M. [W] [L], M. [J] [C], M. [U] [O], Gaec [H], Earl Saint- Laurent, Earl Dorado, l'association Grain d'avenir, Earl le Figue haut, Earl les Barrières, intimés, demandent à la cour, au visa des articles 1641 et suivants du code civil, 2231 et 2241 du code de procédure civile de :

Sur l'exception de prescription soulevée par la Sarl et l'Earl Bianchi-Guigue,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté les exceptions de prescription soulevées sur le fondement des articles 1648 du code civil et L. 110-4 du code de commerce,

Sur les responsabilités,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a retenu sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil la responsabilité pleine et entière de la société les Pépinières Viticoles Philippe Daydé, Groupama d'Oc, l'Earl et la Sarl Bianchi Guigue, la Sarl et la Sca Pepiniéristes producteurs du Comtat, dans la contamination des porte-greffes approvisionnés par la société les Pépinières Viticoles Philippe Daydé,

- débouter les appelants de l'ensemble de leurs moyens, fins et prétentions comme non fondés,

En conséquence, sur les préjudices,

À titre principal,

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a omis de condamner les parties adverses au paiement des sommes correspondant au préjudice subi par le Gvac, et limité le quantum des préjudices subis par l'association Grain d'avenir et les viticulteurs aux sommes retenues par l'expert judiciaire,

Statuant à nouveau,

- condamner in solidum la société les Pépinières Viticoles Philippe Daydé, Groupama d'Oc, l'Earl et la Sarl Bianchi Guigue, la Sarl et la Sca Pepiniéristes producteurs du Comtat, et Groupama méditerranée à payer :

* 49 800 euros au Gvac ;

* 54 018,60 euros à l'association Grain d'avenir ;

* 585 341,40 euros à M. [O] ;

* 243 001,50 euros à l'Earl Dorado ;

* 85 495,40 euros à M. [L] ;

* 38 808,40 euros au Gaec de [Localité 19] ;

* 168 037 euros à la Scea le Figue haut ;

* 85 472,60 euros à M. [C] ;

* 153 243 euros à l'Earl reconnue de Saint-laurent ;

* 322 265 euros à l'Earl Les barrières ;

À titre subsidiaire,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné in solidum la société les Pépinières Viticoles Philippe Daydé, Groupama d'Oc, l'Earl et la Sarl Bianchi Guigue, la Sarl et la Sca Pepiniéristes producteurs du Comtat, à payer :

* 34 757 euros à l'association Grain d'avenir ;

* 536 840 euros à M. [O] ;

* 124 161 euros à l'Earl Dorado ;

* 77 043 euros à M. [L] ;

* 27 766 euros au Gaec de [Localité 19] ;

* 121 125 euros à la Scea le Figue haut ;

* 46 312 euros à M. [C] ;

* 61 462 euros à l'Earl reconnue de Saint-laurent ;

* 156 276 euros à l'Earl Les barrières ;

En tout état de cause,

- condamner in solidum les mêmes à payer à chacun des demandeurs à la procédure la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les parties qui succombent aux entiers dépens, d'instance et d'appel.

Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 22 mai 2020, la Sarl Pepinières Viticoles Philippe Daydé et son assureur Groupama d'oc, intimés, demandent à la cour, au visa de l'article 1231 et suivants du code civil, et 1641 et suivants du code civil, de réformer le jugement dont appel et de :

À titre liminaire, rejeter les demandes de mises hors de cause,

À titre principal,

- faire droit à leur appel incident,

- 'dire et juger' que les demandeurs sont directement à l'origine du préjudice dont ils demandent la réparation,

- en conséquence, les débouter purement et simplement de leur action, mal fondée,

- reconventionnellement, les condamner au paiement d'une indemnité de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens l'incident, dont distraction au profit de Maître Clamens, avocat qui sera en droit de les recouvrer, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

À titre subsidiaire,

- 'dire et Juger' qu'aucune faute ou manquement ne saurait être reproché à la société Pépiniéristes viticoles Daydé, dont le vice est antérieur au contrat de façonnage,

- constater que le Gvac, les sociétés Pépiniéristes Producteurs du Comtat, Scea les Pépiniéristes Producteurs du Comtat, la Sarl Bianchi Guigue et l'Earl Pépinières Bianchi Guigue, ont commis une faute qui a concouru à la réalisation du dommage, n'ont pas satisfait à leur engagement contractuel et pour ces dernières ont fourni un produit non conforme, défectueux,

- en conséquence, les déclarer, in solidum, responsables des conséquences de leur faute et manquement, et les condamner, sous la même solidarité, à relever et garantir les concluantes de toutes condamnations pouvant être prononcées à leur encontre,

En toutes hypothèses,

- rejeter la demande d'indemnisation des demandeurs, celle-ci reposant sur une approche erronée des pertes financières alléguées,

- dans le cas contraire, limiter le montant des préjudices alloués aux requérants aux sommes proposées par M. [G] dans son rapport,

- statuer alors ce que droit quant aux dépens, dont distraction au profit de Maître Clamens, avocat qui sera en droit de les recouvrer, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 14 mai 2020, la Compagnie Groupama méditérranée, intimée, demande à la cour, au visa des articles 9, 15 et suivants du code de procédure civile, 1104 et 1353 (1315 et 1134 anciens) du code civil, L.114-1 du code des assurances, de :

- confirmer le jugement,

- déclarer prescrite l'action intentée par la Sarl Pépiniéristes producteur du Comtat et la Sca Pépiniéristes producteurs du Comtat,

- ordonner pour le surplus sa mise hors de cause ;

Y ajoutant,

- condamner enfin toutes parties succombantes d'avoir à lui régler la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 janvier 2022 et l'affaire a été examinée à l'audience du 7 février 2022.

MOTIVATION DE LA DÉCISION :

- sur les fins de non-recevoir soulevées :

1. Il convient de rappeler, à titre liminaire, que suivant contrat du 20 février 2009, le Gvac a signé avec la société Pépinières Philippe Daydé un contrat de façonnage de matériel végétal pour l'assemblage des greffons confiés par le client sur des porte-greffes. Ces derniers ont été fournis par la société Pépiniéristes producteurs du Comtat s'étant elle-même fournie auprès de la société Pépinières Bianchi-Guigue, ou directement pour une partie par cette dernière. Le client, après la réalisation de ces prestations et dans le cadre des accords passés avec l'association Grain d'avenir, les répartissait ensuite entre ses membres aux fins de mise en production.

Le Gvac, l'association et les viticulteurs qui ont d'abord agi contre le façonnier, ont présenté en cours de première instance au fond des demandes de condamnation in solidum à l'endroit de fournisseurs, dans le cadre de la chaîne de contrat, sur le fondement de la garantie des vices cachés que le façonnier peut invoquer à l'égard des vendeurs des produits intégrés dans les opérations de façonnage.

2. Les sociétés Pépinières Bianchi-Guigue ont fourni le 13 mars 2009 des porte-greffes à la coopérative Pépiniéristes du Comtat, lesquels ont été ensuite vendus à la Sarl Pépiniéristes du Comtat qui les a elle-même revendus à la Sarl Pépiniéristes viticoles Philippe Daydé qui les a reçus le 17 mars 2009.

3. Selon l'article 1648 du code civil, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice. Toutefois, l'action récursoire fondée sur la garantie de tels vices, exercée par le vendeur intermédiaire ou l'entrepreneur à l'encontre de son fournisseur, ne court pas à compter du jour de cette révélation mais à compter de la date à laquelle l'intermédiaire ou l'entrepreneur est lui-même assigné.

3.1 Selon l'article L. 110-4, al. 1er du code de commerce, 'le délai de prescription est fixé à cinq ans pour les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non commerçant si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes'. En présence d'une vente commerciale, l'action récursoire fondée sur la garantie des vices rédhibitoires est enfermée dans le délai de prescription prévu par cet article, qui court à compter de la vente commerciale mais qui est suspendue jusqu'à la date de l'assignation du vendeur intermédiaire ou de l'entrepreneur par le maître de l'ouvrage.

3.2 Le délai pour agir sur le fondement de l'article 1648 précité est un délai de forclusion qui n'est pas susceptible de suspension mais qui, en application de l'article 2242 du code civil, peut être interrompu par une demande en justice jusqu'à la décision qui met fin à l'instance.

4. La connaissance du vice par le Gvac, l'association et les viticulteurs, constituée par la présence du virus de court-noué doit être fixée à la date du 28 novembre 2012 qui est celle du rapport de l'établissement public FranceAgriMer dont les contrôles l'ont mis évidence sur le plant de vigne standard de référence créé sur une parcelle de l'un des agriculteurs concernés.

5. Il convient tout d'abord de constater que la société Pépinières Viticoles Philippe Daydé n'oppose aucune fin de non-recevoir au Gvac, à l'association et aux viticulteurs, demandeurs initiaux à l'instance de référé engagée à leur endroit le 19 février 2014 et à l'instance principale au fond engagée les 11 et 16 juin 2014 contre elles et leur assureur.

Ensuite, les sociétés Pépiniéristes producteurs du Comtat n'opposent pas plus une quelconque prescription à l'endroit de l'action récursoire engagée par la société Pépinières Viticoles Philippe Daydé à leur endroit ni aux demandes de condamnation directement formulées à leur endroit par le Gvac, l'association et les viticulteurs en réparation des conséquences dommageables de ce vice.

6. Les sociétés Pépinières Bianchi-Guigue opposent tout d'abord la prescription tirée de l'article L. 110-4 du code de commerce des actions récursoires respectivement engagées par la société Daydé et des sociétés Pépiniéristes producteurs du Comtat à leur endroit en considérant que cette prescription commence à courir à compter de la date de la naissance de l'obligation de telle sorte que l'action engagée par ces sociétés à leur encontre serait éteinte en février 2014, en prenant pour point de départ celui fixé par le premier juge au 20 février 2009, date de conclusion du contrat de façonnage avec la Sarl Daydé.

6.1 Il est certes constant que leurs mises en cause respectivement les 22 avril 2015 et 5 février 2015 en référé, puis le 13 juin 2016 au fond par les sociétés Pépiniéristes Producteurs du Comtat sont postérieures de cinq ans à la fourniture par les sociétés Pépinières Bianchi-Guigue le 13 mars 2009 des porte-greffes à la coopérative Pépiniéristes du Comtat, lesquels ont été ensuite vendus à la Sarl Pépiniéristes du Comtat qui les a elle-même revendus à la Sarl Pépiniéristes viticoles Philippe Daydé qui les a reçus le 17 mars 2009.

Toutefois, en raison de la suspension de la prescription commerciale jusqu'à la date de la première assignation de l'acquéreur (les sociétés Pépiniéristes du Comtat) par le sous-acquéreur (la société Daydé) soit le 19 septembre 2014 en référé, le délai de cinq ans initialement couru à compter du 13 mars 2009 à l'endroit des sociétés Pépiniéristes du Comtat devant expirer le 13 mars 2014 était suspendu jusqu'au 19 septembre 2014 de sorte que sauf à porter une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge en privant de fait le revendeur du pouvoir d'exercer une action récursoire, la prescription tirée des dispositions précitées de l'article L. 110-4 ne peut être valablement opposée aux sociétés Pépiniéristes du Comtat ni à la société Pépinières Philippe Daydé en tant qu'acquéreur direct ayant reçu en mars 2009 le matériel végétal parti le 16 mars 2009. des pépinières Bianchi-Guigue vers cette société qui n'a été assignée en référé en février 2014.

Les sous-acquéreurs sont par ailleurs en droit d'exercer directement à l'encontre du vendeur initial les droits et actions de son vendeur immédiat de telle sorte qu'une pareille prescription n'est pas plus opposable à la société Daydé qu'elle soit considérée au fond comme l'acquéreur direct ou le sous-acquéreur à l'égard des sociétés Bianchi-Guigue.

6.2 Les sociétés Pépinières Bianchi-Guigue opposent ensuite la 'prescription' de l'action fondée sur les dispositions de l'article 1641 du code civil.

Il sera rappelé que le Gvac, l'association et les viticulteurs situés en fin de cette chaîne non homogène de contrats n'ont jamais assigné tant en référé qu'au fond les sociétés Pépinières Bianchi-Guigue mais seulement le façonnier ayant incorporé à son ouvrage le bien fourni par les autres sociétés mises en cause.

Les clients du façonnier ont bien agi contre ce dernier dans le délai de forclusion prescrit par l'article 1648 du code civil, valablement interrompu par l'action en référé, puis au fond dans le délai de deux ans qui a suivi la décision ordonnant l'expertise.

En vertu de la règle plus haut rappelée selon laquelle le point de départ d'un tel délai doit être fixé à la date à laquelle l'intermédiaire ou l'entrepreneur est lui-même assigné sur le fondement de la garantie des vices rédhibitoires, l'action en référé engagée le 6 février 2015 à l'endroit des sociétés Bianchi-Guigue en référé par les sociétés Pépiniéristes du Comtat elles-mêmes assignées en référé le 18 août 2014 a interrompu le délai jusqu'au 13 mars 2015, date de l'ordonnance de référé étendant à nouveau les opérations d'expertise.

Toutefois, si la société Daydé a bien pris l'initiative d'agir au fond contre les sociétés Bianchi-Guigue, force est de constater les sociétés Pépiniéristes du Comtat n'ont nullement fait assigner ces dernières de sorte que ne justifiant pas avoir déposé des conclusions au fond portant des demandes de condamnation à leur endroit avant le 13 mars 2017 soit dans les deux ans ayant suivi l'ordonnance de référé du 13 mars 2015 leur ayant étendu l'expertise, les sociétés Pépiniéristes du Comtat se trouvent irrecevables dans leur action récursoire, étant d'ailleurs constaté qu'il résulte de la lecture de l'ordonnance du juge de la mise en état du 27 juillet 2017 qu'après une période de radiation de l'affaire en 2016 et l'appel en cause en août 2016 des sociétés Bianchi-Guigue, les seules conclusions des sociétés Pépiniéristes du Comtat datent du 10 mai 2017 en défense à une demande de provision formée par les viticulteurs et leurs groupements.

6.3 L'action en garantie des vices rédhibitoires est un accessoire du bien vendu, et en tant que tel, le titulaire de l'action est l'acquéreur intermédiaire ou final qui l'exerce contre le vendeur initial ou un vendeur intermédiaire de sorte que la mise en oeuvre de l'action ne dépend pas dans ce cas précis de l'exercice d'une action récursoire par le vendeur intermédiaire actionné en justice par l'acquéreur final et notamment du fait que l'un des vendeurs intermédiaires serait prescrit faute pour lui d'avoir agi dans le délai biennal.

Les viticulteurs et leurs groupements, sous-acquéreurs au travers du contrat de façonnage ayant incorporé les biens vendus, ne sont pas titulaires d'une action récursoire mais d'un droit d'action directe contre le vendeur initial devant être engagé dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice lui même enserré dans le délai de prescription de cinq ans courant à compter de la vente commerciale réalisée par le vendeur initial sans que puisse jouer les interruptions ou suspensions propres aux actions récursoires.

En l'espèce, il est constant que cette vente initiale est intervenue le 13 mars 2009 et les premières demandes présentées par le Gvac, l'association et les viticulteurs à l'endroit des sociétés Bianchi-Guigue bien postérieurement au 13 mars 2014 en ne les ayant jamais assignées ni en référé ni au fond avant cette date mais en ayant conclu devant le premier juge directement contre elles bien après l'introduction de l'instance au fond.

7. En résumé :

- la fin de non-recevoir tirée de la precription soulevée par les sociétés Bianchi-Guigue à l'endroit des demandes formées par la société Pépinières Philippe Daydé sera rejetée,

- la fin de non-recevoir tirée de la precription soulevée par les sociétés Bianchi-Guigue à l'endroit des demandes formées par les sociétés Pépiniéristes du Comtat sera accueillie,

- la fin de non-recevoir tirée de la precription soulevée par les sociétés Bianchi-Guigue à l'endroit des demandes formées par le Gvac, l'association et les viticulteurs sera accueillie.

Le jugement entrepris sera donc partiellement infirmé sur cette première vague de fins de non-recevoir.

8. La compagnie Groupama Méditerranée qui dénie être l'assureur des sociétés Pépiniéristes du Comtat a été appelée en la cause au fond par ces dernières suivant acte d'huissier délivré le 24 avril 2017 et oppose la prescription biennale édictée par l'article L. 114-1 du code des assurances.

Ce dernier dispose dans sa rédaction applicable au litige 'Toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance.

Toutefois, ce délai ne court :

1° En cas de réticence, omission, déclaration fausse ou inexacte sur le risque couru, que du jour où l'assureur en a eu connaissance ;

2° En cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s'ils prouvent qu'ils l'ont ignoré jusque-là.

Quand l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai de la prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ou a été indemnisé par ce dernier.

(...)'

Les sociétés Pépiniéristes du Comtat ayant été elles-mêmes attraites au fond par exploits délivrés le 22 avril 2015 et la déclaration de sinistre alléguée (18 août 2014) étant antérieure à cette date, le premier juge a, à bon droit, accueilli cette fin de non-recevoir et sa décision sera confimée sur ce point.

- sur le fond :

9. Dans leurs conclusions, les sociétés Bianchi-Guigue ont demandé à titre subsidiaire, le prononcé de la nullité du rapport d'expertise judiciaire. Ces sociétés critiquent en réalité le raisonnement suivi par l'expert, alléguent des omissions ou erreurs que celui-ci aurait commis dans l'analyse des faits de l'espèce sans pour autant caractériser un manquement aux règles de conduite de la mission d'expertise propre à justifier l'annulation du rapport dont la pertinence de ses conclusions sont seulement soumises au débat contradictoire devant la cour. Il est spécialement constaté que l'expert a répondu méthodiquement à chaque dire, visé les pièces qui fondaient ses réponses et que les conclusions ne reprennent à aucun moment un grief de nature à caractériser une atteinte aux principes fondammentaux du contradictoire et de l'impartialité.

Cette demande sera donc rejetée.

10. L'expert judiciaire a rappelé à titre liminaire que les deux virus responsables du court-noué sont des népovirus, à savoir des virus transmis par des nématodes ectoparasites qui sont des animaux vermiformes vivant dans le sol et s'alimentant par piqûre à partir des racines de végétaux spécifiques comme la vigne. L'analyse nématologique pratiquée au cours de l'expertise a permis de vérifier que sur les seules parcelles ayant eu un passé viticole récent, seule l'une d'entre elle ([F]) présentait des nématodes capables de transmission virale.

Sur ces huit parcelles, six ne présentaient pas de nématodes vecteurs et cette absence ajoutée à la similarité des taux de contamination massive (88 à 100 %), à la pratique d'un repos d'au moins six ans sur cinq de ces parcelles et de l'intensité de la maladie virale, l'expert a pu en déduire que le développement explosif de la maladie découle de la plantation de plants déjà infectés par le virus court-noué et non de la transmission de plante à plante par vecteur biologique.

L'analyse virologique également réalisée au cours de l'expertise a mis en évidence la contamination des huit parcelles concernées avec des taux de contamination élevés alors que la parcelle [Z] ayant fourni les boutures-greffables de greffon était saine à 100 % et qu'il pouvait en être déduit qu'elle était saine lors de la campagne 2008/2009 lorsque les boutures greffables de Bélair ont été récoltées soit deux ans après la plantation.

L'expert a relevé que, selon les résultats des auto-contrôles organisés par l'Earl Bianchi-Guigue ainsi que les analyses effectuées en cours d'expertise judiciaire comme à l'initiative de cette société, la parcelle n° [Cadastre 1] dont est issu le lot 1667/7 assemblé avec les greffons Bélair en 2009 avait été dépistée négative en 2010 mais présentait au jour de l'expertise une contamination importante au court-noué. Le développement épidémiologique rapide d'une parcelle plantée de la vigne mère des porte-greffes, saine 36 ans après sa plantation et contaminée cinq ans plus tard à plus de 25 % a conduit l'expert judiciaire à conclure que les boutures greffables de porte-greffe sont la source de contamination des plants.

11. Dans sa réponse aux dires, l'expert judiciaire a, en page 31 de son rapport, indiqué à la lumière des documents fournis en cours d'expertise par les parties que 'D'après ces éléments, lors de la campagne 2008/2009, les Pépinières Daydé ont commandé 60 000 greffes-boutures de 110R CI. 118 auprès de la société des Pépiniéristes du Comtat (approvisionnés auprès de la Earl Bianchi-Guigue via la coopérative des Pépiniéristes du Comtat dont l'Earl était adhérente) et 50 000 greffe-boutures de la même qualité (clone et longueur) auprès des Pépiniéres Bianchi-Guigue. Ce matériel serait parti le même jour (16/3/2009) des pépinières Bianchi (Bulletin de transport B2.20) et de la société des Pépiniéristes Producteurs du Comtat (Bulletin de transport B1.4). FranceAgriMer dans son dire du 27 mars 2015 (B2.14) confirme que lors de la campagne 2008/2009, les Pépinières Daydé se sont bien fournies auprès de 2 fournisseurs différents, la société des Pépiniéristes Producteurs du Comtat et la Earl Bianchi-Guigue. Les documents produits par les parties (déclaration de récolte, bons de transport, factures) ne permettent pas de savoir quels sont les n° de lots constitués par l'Earl Bianchi-Guigue (B2.31) qui ont transité par la coopérative et ceux qui ont été livrés directement au Pépiniériste Daydé'.

Certes, il ressort de ces éléments que seule une partie des 110 000 greffe-boutures 110R CI. 118 provenant du producteur Bianchi-Guigue a été utilisée pour le greffage du Bélair par les Pépinières Daydé pour le compte du Gvac mais il n'est pas discutable, à la lumière des vérifications de l'expert faites sur la traçabilité sur la base des pièces apportées par l'établissement public FranceAgriMer que l'ensemble de ces éléments a été incorporé dans le produit végétal façonné par les Pépinières Daydé pour répondre à la commande du Gvac.

11.1 La société Pépinières Daydé sera donc tenue, au regard de l'ensemble des constatations qui précèdent, de la réparation des dommages résultant des vices cachés affectant le produit végétal livré dans l'intérêt du Gvac, de l'association et des viticulteurs.

11.2 En lecture des réponses, précises et argumentées de l'expert, aux dires très nombreux, notamment de ceux déposés par les sociétés Bianchi-Guigue, il convient de relever que les Pépinières Daydé, seules recevables à agir de manière récursoire contre les sociétés Bianchi-Guigue, sont fondées à le faire contre ce producteur qui ne parvient pas à justifier ses critiques mettant en cause le sérieux de la méthodologie employée par l'expert dans la reconstitution de la traçabilité du matériel végétal incriminé et l'analyse des éléments recueillis.

11.3 Les Pépiniéristes Producteurs du Comtat ont fourni aux Pépinières Daydé des greffe-boutures provenant du même producteur et elles opposent l'existence de deux chaînes de contrat distinctes dont l'une seulement concerne cet intermédiaire.

L'expert a relevé 'la coïncidence de la récolte au même moment de la même quantité du même type de matériel végétal pour la coopérative des Pépiniéristes du Comtat (à destination de Daydé) et pour la Pépinière Daydé' après avoir constaté 'une chaîne de traçabilité apparaît (B1.15pour les pépinières Bianchi-Guigue, transit par la coop et la société des Pépiniéristes du Comtat, avec pour destination finale les pépinières Daydé à des fins de greffage avec les greffons de Bélair fournis par le GVA' (page 51 du rapport) étant ajouté que Mr [A] [E] a confirmé avoir utilisé 110 000 fractions de 110R CI. 118 lors de cette campagne en provenance de l'Earl Bianchi-Guigue et dont une partie a transité par les Pépinières du Comtat' (page 52 du rapport).

Les viticulteurs et leurs groupements sont donc en droit d'agir directement contre les

Pépiniéristes Producteurs du Comtat en garantie des dommages résultant des vices cachés affectant le produit végétal livré au façonnier dans leur intérêt. Pour sa part, le façonnier est en droit d'agir contre ces mêmes Pépiniéristes Producteurs du Comtat dans le cadre de l'action récursoire.

11.4 Enfin, comme l'a rappelé le premier juge et ainsi que cela ressort des conclusions de l'expert, la fourniture des greffons par le Gvac était exempte de vices et il n'est établi aucun manquement de ce dernier aux obligations contractées envers le façonnier tant à l'occasion de la fourniture des greffons qu'à celle de la livraison du produit végétal fini et à l'entretien des parcelles par les viticulteurs présents dans la cause.

Les demandes de rejet, total ou partiel, des prétentions formulées par le Gvac, l'association et les viticulteurs seront écartées en l'absence de fautes établies à la charge de ces derniers.

11.5 En conséquence, le jugement sera émendé en ce sens que :

- le Gvac, l'association et les viticulteurs sont en droit de demander la condamnation in solidum la réparation des vices litigieux à la société Pépinières Daydé et aux sociétés Pépiniéristes Producteur du Comtat,

- la société Pépinières Daydé est en droit de demander la condamnation in solidum des sociétés Pépiniéristes Producteurs du Comtat et les sociétés Pépinières Bianchi-Guigue au titre de cette même réparation.

12. Sur la garantie due par les assureurs, il convient de rappeler que la société Groupama d'Oc est l'assureur incontesté de la Sarl Pépinières Viticoles Philippe Daydé et n'oppose aucune absence, exclusion ou limitation de garantie à l'exception du plafond de garantie souscrit justement retenu par le premier juge.

12.1 Les sociétés Pépiniéristes Producteurs du Comtat soutiennent dans le dernier état de leurs écritures que 'Groupama d'Oc était bien l'assureur de la coopérative Producteurs du Comtat au titre de sa responsabilité civile des produits livrés et ce, en vertu d'un contrat collectif ayant pris effet le 1er novembre 1990 (pièce 13)'. Le contrat figurant sous cette pièce est en réalité signé 'Groupama Vaucluse' et 'le syndicat des producteurs de bois et plants de vigne du département du Vaucluse et des communes voisines'.

D'une part, la société Groupama d'Oc et la société Groupama Mediterranée sont deux Caisses distinctes, la première étant manifestement étrangère au lien d'assurance évoqué par les sociétés Pépiniéristes Producteurs du Comtat, ces dernières ne justifiant pas avoir fait partie du syndicat mentionné dans le contrat invoqué ni de l'existence d'un contrat distinct, applicable au présent litige. D'autre part et surtout, il doit être rappelé que la mise en cause de la compagnie Groupama Méditerranée par cette partie a été déclarée irrecevable.

12.2 La société Groupama Mediterranée a opposé en première instance aux sociétés Bianchi-Guigue une exclusion de garantie concernant les dommages résultant de maladies, de la présence d'agents pathogènes ou de parasites, aux termes du contrat 'responsabilité civile', les bois et plants de vignes n'étant par ailleurs pas couverts au titre de la responsabilité civile des produits livrés. Les sociétés Bianchi-Guigue soutiennent en cause d'appel que la clause d'exclusion sur les maladies des plants serait intervenue postérieurement à la signature du contrat d'origine par la conclusion d'un contrat d'assurance professionnelle du 4 février 2008 souscrit par la Scea Pépinières Bianchi-Guigue devenue par la suite Earl Pépinières Bianchi-Guigue. Or, comme le premier contrat, la garantie B1 relative à la responsabilité du fait des produits livrés, effectivement souscrite par la nouvelle police, exclut clairement de la garantie la responsabilité résultant de 'maladies, de la présence d'agents pathogènes ou de parasites' de sorte que la mise hors de cause par le premier juge de cette compagnie doit être confirmée.

13. Sur la réparation du préjudice, le Gvac, l'association Grain d'avenir et les viticulteurs ont fait valoir devant le premier juge le montant des préjudices qu'ils estimaient avoir chacun subi. Le Gvac affirme qu'il a été omis de statuer sur sa propre demande et les demandeurs à la réparation estiment que les sommes allouées sur la base du rapport d'expertise sont insuffisantes. Les sociétés responsables critiquent ces sommes définies par l'expert sur la base de simples projections.

Il convient de reprendre l'état des demandes initiales et des indemnisations allouées par le premier juge :

demandeur

montant de la demande

décision du tribunal

Association Grain d'Avenir

54 018,60 €

34 757,00 €

Gvac

49 800,00 €

rejeté

M. [U] [O]

585 341,40 €

536 840,00 €

Earl Dorado

243 001,50 €

124 161,00 €

M. [W] [L]

85 495,40 €

77 043,00 €

Gaec de [Localité 19]

38 808,40 €

27 766,00 €

Scea Le Figue Haut

168 037,00 €

121 125,00 €

M. [J] [C]

85 472,60 €

46 312,00 €

'M. [V] [P]'

(Earl de [Localité 21])

153 243,00 €

61 462,00 €

'M. [Y] [S]' (Earl les Barrières)

322 265,00 €

156 276,00 €

Si l'ensemble des demandeurs à l'indemnisation ont un intérêt à agir en réparation des préjudices soufferts en raison des dégâts causés par le virus court-noué, il convient d'analyser ces préjudices au regard de la place de chacun dans le dispositif de production et de diffusion du produit commercialisé.

13.1 Les producteurs de raisin de table sont principalement victimes des conséquences dommageables de ce vice caché. Leurs explications ou contestations sont pour le moins sommaires dans leurs conclusions, le débat technique étant développé et noyé dans les dires et les réponses à ceux-ci, insérés dans le rapport d'expertise judiciaire.

Le préjudice dont la réparation est demandée par les viticulteurs consiste essentiellement en un manque à gagner par défaut de production ajoutés aux frais d'arrachage et de replantation, étant relevé par l'expert qu'il n'était pas possible d'envisager une replantation avant 2016. Il se caractérise par une diminution progressive de rentabilité des jeunes vignes au fur et à mesure de l'évolution de la maladie et par une rupture de production liée à l'arrachage et à la replantation rendus nécessaires par la maladie avec des périodes de jachère imposées pour éviter la recontamination, variables selon les parcelles concernées.

L'expert judiciaire a ainsi défini un préjudice financier établi pour chaque parcelle 'à partir du déficit de récolte exprimé en kg de raisin/ha, multiplié par le prix de vente du raisin Bélair (déduction faite des frais non engagés pour la récolte la préparation et le conditionnement)' étant ajouté que 'le prix de vente pris en compte [...] est vraisemblable au regard de la cotation en raisin de table pour novembre 2014 [...] publié sur le site de FranceAgriMer'.

Le calcul de l'expert est critiqué en raison de certains paramètres ou références retenus (durée de repos du sol, coefficient de qualité d'exploitation, taux de production, évaluation du prix au kilogramme de la variété Bélair qui est une production exclusive sans cotation possible sur le marché).

Ainsi que l'a relevé le premier juge, l'expert a répondu, sans réplique pertinente à ses explications, que le coefficient retenu tenait compte des différents modes de conduite de l'exploitation, différence ignorée des calculs des demandeurs et non contredite par des pièces déterminantes en phase d'appel.

L'expert conseil des sociétés Pépiniéristes Producteurs du Comtat (Mme [R]), par ailleurs expert inscrite sur la liste de la cour d'appel de Nimes et la cour d'appel administrative d'appel de Marseille a, selon des observations produites au dossier et soumises à la libre discussion des parties, validé plusieurs des analyses de l'expert judiciaire dans son rapport déposé en septembre 2015 mais a tenu compte des accidents climatiques survenus depuis août 2015 et notamment de l'épisode de grêle de 2016 sur lequel les demandeurs n'apportent pas d'éléments contraires autrement que par des considérations générales non étayées sur les protections qui auraient été mises en place. Ensuite, les projections sur l'avenir du raisin de table Bélair ont pu être relativisées au regard de la documentation professionnelle postérieure au rapport de l'expert de telle sorte que, sans infirmer les orientations principales du rapport d'expertise judiciaire, l'analyse motivée de Mme [R] apporte des corrections pertinentes non contredites par la production de pièces contraires.

Il convient donc d'infirmer le jugement entrepris et de condamner in solidum la société Pépinières Viticoles Philippe Daydé et son assureur Le Groupama d'Oc dans la limite du plafond de garantie souscrit et les sociétés Pépiniéristes Producteurs du Comtat au paiement des sommes réparties selon le tableau suivant :

M. [U] [O]

442 069,19 €

Earl Dorado

103 079,16 €

M. [W] [L]

64 084,84 €

Gaec de [Localité 19]

23 400,62 €

Scea Le Figue Haut

100 832,28 €

M. [J] [C]

38 582,53 €

'M. [V] [P]'

(Earl de [Localité 21])

51 231,71 €

'M. [Y] [S]' (Earl les Barrières)

128 419,51 €

13.2 Le Gvac gère les vignes mères de greffons en assurant la diffusion du matériel végétal. Il a calculé son préjudice financier sur la base d'une perte de production de greffons de la variété Bélair estimée à 300 000 yeux sur trois ans soit l'équivalent de 180 000 plants et une redevance de 0,25 € par plant et un volume de commercialisation des plants de 30 ha/an de plantation. La demande du Gvac, limitée à la somme de 49 800 euros suite à la rectification par Mme [R] de l'erreur affectant le calcul opéré par le Gvac, n'a pas été retenue par l'expert au motif qu'il n'était pas possible d'apprécier un préjudice pour défaut de production de bois de greffon Bélair à partir de la parcelle Soubirous qui est celle appartenant à M. [O], la plus importante en superficie. Force est de constater qu'au-delà de l'affirmation que la position de l'expert est 'fermement contestée', il n'est produit en appel aucun éléments de nature à modifier l'appréciation du premier juge qui a rejeté cette demande et dont la décision sera confirmée sur ce point.

13.3 L'association Grain d'Avenir a pour objet d'inscrire, de promouvoir et d'organiser la mise sur le marché des nouvelles variétés de raisin de table.

Elle a demandé l'indemnisation des frais de marketing chiffrés à 0,13 euros par plant soit une somme de 20 280 euros non retenue par l'expert étant relevé par ce dernier, sans aucune contradiction dans les conclusions des demandeurs, que les frais de communication et de marketing sont couverts, en vertu des statuts de l'association, par les redevances versées par les producteurs et des metteurs en marché à Grain d'Avenir. Ce poste de préjudice ne sera donc pas retenu.

Ensuite, l'indemnisation de la perte de greffons sur la vigne mère sur la parcelle de M. [U] [O] chiffrée à la somme de 2 400 euros n'a pas été retenue par l'expert au motif que la parcelle [Z], actuellement seule vigne mère agréée et saine, avait un potentiel suffisant de greffons et si celle-ci a été radiée comme l'affirment les demandeurs il n'est apporté aucun élément propre à caractériser l'existence d'un préjudice, la mise en place d'une parcelle similaire par le Gaec de Magdellaine en prévision du développement de la variété ayant été affirmée dans leurs conclusions sans autre précision sur les dates, modalités et causes réelles de la radiation de la parcelle [Z] précitée ni sur les résultats concrets enregistrés depuis. Ce poste de préjudice ne sera donc pas plus retenu.

Enfin, l'essentiel du préjudice allégué consiste en la perte de cotisations de 0,06 €/kg sur le tonnage non commercialisé pour lequel l'association réclame la somme de 54 042,60 euros. L'expert judiciaire a retenu un prejudice évalué à 34 757 euros HT en modulant son évaluation en fonction des rendements potentiels et sur la base des pesées réalisées en 2014. En cohérence avec les observations précédentes sur les accidents météorologiques postérieurs au rapport et les perspectives commerciales actualisées, il convient de retenir la correction proposée par Mme [R] et d'infirmer le jugement entrepris en condamnant in solidum les sociétés Pépinières Viticoles Philippe Daydé et leur assureur Le Groupama d'Oc dans la limite du plafond de garantie souscrit et les sociétés Pépiniéristes Producteurs du Comtat au paiement de la somme de 27 658,20 euros à l'association Grain d'Avenir.

14. La société Pépinières Viticoles Philippe Daydé et son assureur sont en droit, pour les motifs qui viennent d'être amplement développés sur le vice caché affectant le matériel livré, à solliciter la condamnation des sociétés Pépinières Bianchi-Guigue à les relever et garantir de l'ensemble des condamnations prononcées à leur endroit par le présent arrêt.

15. La société Pépinières Viticoles Philippe Daydé et son assureur Le Groupama d'Oc et les sociétés Pépiniéristes Producteurs du Comtat, les sociétés Pépinières Bianchi-Guigue seront condamnés in solidum aux dépens de première instance qui doivent effectivement comprendre les frais de référé et d'expertise judiciaire ordonnée en référé ainsi qu'aux dépens d'appel.

16. Les viticulteurs, l'association et le Gva sont en droit de réclamer l'indemnisation des frais non compris dans les dépens qu'ils ont dû exposer à l'occasion de cette procédure. La société Pépinières Viticoles Philippe Daydé et l'assureur Le Groupama d'Oc et les sociétés Pépiniéristes Producteurs du Comtat seront condamnés in solidum à payer à chacun d'eux la somme de trois mille euros sur le fondement de l'article 700 al. 1er ,1° du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.

17. La société Groupama Méditerranée est en droit de réclamer l'indemmnisation des frais non compris dans les dépens qu'elle a dû exposer à l'occasion de cette procédure. Les sociétés Pépinières Bianchi-Guigue et les sociétés Pépiniéristes Producteurs du Comtat qui l'ont appelée en la cause seront condamnée à lui payer la somme de trois mille euros sur le fondement de l'article 700 al. 1er ,1° du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, contradictoírement et en dernier ressort, dans les limites de sa saisine,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance d'Albi du 19 novembre 2019 en ce qu'il a :

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action engagée par les sociétés Pépinières Viticole Philippe Daydé à l'endroit des sociétés Pépinières Bianchi-Guigue,

- déclaré prescrite l'action intentée par la Sarl Pépiniéristes Producteurs du Comtat et la Sca Pépiniéristes Producteurs du Comtat à l'endroit de la société Groupama Méditerranée,

- mis hors de cause la société Groupama Méditerranée pour le surplus,

- rejeté la demande d'indemnisation présentée par le Gvac,

- constaté que le plafond de garantie souscrit par la société Pépinières Viticole Philippe Daydé auprès de la société Groupama d'Oc est de 760 000 euros et dit que cette dernière ne peut être tenue au-delà de cette somme.

L'infirme pour le surplus.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare irrecevables en raison de la prescription les demandes formées par les sociétés Pépiniéristes Producteurs du Comtat à l'endroit des sociétés Bianchi-Guigue.

Déclare irrecevables en raison de la prescription les demandes formées par le Gvac, l'association Grain d'avenir et les viticulteurs à l'endroit des sociétés Bianchi-Guigue.

Rejette l'exception de nullité de l'expertise judiciaire.

Condamne in solidum la société Pépinières Viticoles Philippe Daydé et son assureur Le Groupama d'Oc dans la limite du plafond de garantie souscrit et les sociétés Pépiniéristes Producteurs du Comtat au paiement des sommes de :

- 442 069,19 euros à M. [U] [O],

- 103 079,16 euros à l'Earl Dorado,

- 64 084,84 euros à M. [W] [L],

- 23 400,62 euros au Gaec de [Localité 19],

- 100 832,28 euros à la Scea Le Figue Haut,

- 38 582,53 euros à M. [J] [C],

- 51 231,71 euros à l'Earl de [Localité 21],

- 128 419,51 euros à l'Earl les Barrières,

- 27 658,20 euros à l'association Grain d'avenir.

Condamne les sociétés Pépinières Bianchi-Guigue à relever et garantir la société Pépinières Viticoles Philippe Daydé et son assureur Le Groupama d'Oc de l'ensemble des condamnations prononcées à leur endroit par le présent arrêt.

Condamne in solidum la société Pépinières Viticoles Philippe Daydé et son assureur Le Groupama d'Oc, les sociétés Pépiniéristes Producteurs du Comtat et les sociétés Pépinières Bianchi-Guigue aux dépens de première instance et d'appel.

Condamne in solidum la société Pépinières Viticoles Philippe Daydé et son assureur Le Groupama d'Oc, les sociétés Pépiniéristes Producteurs du Comtat à payer la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à chacune des parties suivantes : M. [U] [O], l'Earl Dorado, M. [W] [L], le Gaec de [Localité 19], la Scea Le Figue Haut, M. [J] [C], l'Earl de Saint Laurent, l'Earl les Barrières, l'association Grain d'aveniret le Gvac.

Le Greffier Le Président

R. CHRISTINEM. DEFIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 19/05481
Date de la décision : 11/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-11;19.05481 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award