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08/07/2022 | FRANCE | N°21/04493

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 2, 08 juillet 2022, 21/04493


08/07/2022



ARRÊT N°2022/310



N° RG 21/04493 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OOVX

AB/AR



Décision déférée du 04 Octobre 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( 18/0129) FUZEAU



















S.E.L.A.R.L. PHARMACIE DE PARISOT FOURNIER





C/



[R] [P] épouse [C]



AGS /C.G.E.A. MIDI PYRENEES

Société MJ [Z]























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INFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le 8/7/22



à Me Xavier RIBAUTE

Me Frédérique BELLINZONA

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU HUIT JUILLET DEUX M...

08/07/2022

ARRÊT N°2022/310

N° RG 21/04493 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OOVX

AB/AR

Décision déférée du 04 Octobre 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( 18/0129) FUZEAU

S.E.L.A.R.L. PHARMACIE DE PARISOT FOURNIER

C/

[R] [P] épouse [C]

AGS /C.G.E.A. MIDI PYRENEES

Société MJ [Z]

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le 8/7/22

à Me Xavier RIBAUTE

Me Frédérique BELLINZONA

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU HUIT JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

S.E.L.A.R.L. PHARMACIE DE PARISOT FOURNIER

liquidation judiciaire prononcée le 8/12/2020 par le TC de Montauban

INTIMEE

Madame [R] [P] épouse [C]

Les Claouzats

82160 CAYLUS

Représentée par Me Frédérique BELLINZONA, avocat au barreau de TOULOUSE

PARTIES INTERVENANTES

S.E.L.A.R.L. M.J. [Z] prise en la personne de Maître [M] [U] [Z] es qualité de mandataire judiciaire de la société Pharmacie de Parisot Fournier

13 rue de L'Hotel de Ville

82000 MONTAUBAN

Représentée par Me Xavier RIBAUTE, avocat au barreau de TOULOUSE

AGS /C.G.E.A. MIDI PYRENEES

1 RUE DES PENITENTS BLANCS

CS 81510

31015 TOULOUSE CX 6

non représentée

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant A. PIERRE-BLANCHARD et F.CROISILLE-CABROL, conseillères, chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

Greffier, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

- REPUTE CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre

EXPOSE DU LITIGE :

Mme [C] a été embauchée à compter du 23 avril 2008 par la SELARL Pharmacie De Parisot Fournier en qualité de pharmacienne adjointe, suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, pour un temps de travail hebdomadaire de 8h30.

Plusieurs avenants ont modifié la durée et les horaires de travail, le dernier étant régularisé le 27 août 2010 pour une durée hebdomadaire de travail de 19h30.

La convention collective applicable à la cause est celle de la pharmacie d'officine.

Après entretien préalable du 17 février 2018, Mme [C] a été licenciée pour motif économique par courrier du 8 mars 2018.

Par requête du 11 juin 2018, Mme [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Montauban d'une demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein, de la contestation de son licenciement, de demandes de dommages-d'intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnités de rupture, et de rappels de salaire.

Par jugement du 4 octobre 2019, le conseil de prud'hommes de Montauban a :

-requalifié le contrat de travail à temps partiel de Mme [C] en contrat de travail à temps plein,

- dit que le licenciement de Mme [C] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné la Pharmacie De Parisot Fournier à payer à Mme [C] les sommes suivantes :

* 48 877,92 € à titre de rappel de salaire sur les trois dernières années,

* 4 887,79 € au titre des congés payés y afférents,

* 23 778 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 11 889 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 1188,90 € au titre des congés payés y afférents,

-condamné la Pharmacie De Parisot Fournier aux dépens,

-débouté les parties du surplus de leurs demandes.

La Pharmacie De Parisot Fournier a relevé appel de ce jugement le 25 octobre 2019, énonçant à l'acte d'appel les chefs critiqués du jugement.

La Pharmacie De Parisot Fournier a fait l'objet de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire prononcée par jugement du tribunal de commerce de Montauban du 21 juillet 2020, convertie en liquidation judiciaire le 8 décembre 2020, Me [Z] étant désigné liquidateur judiciaire.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 6 mai 2022, auxquelles il est expressément fait référence, Me [Z], ès qualités de liquidateur de la Pharmacie De Parisot Fournier demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et de :

Vu l'article L3123-6 (et suivants) du code du travail,

- constater que la société Pharmacie De Parisot Fournier rapporte la preuve de la durée exacte du travail convenue,

- constater surabondamment que la société Pharmacie De Parisot Fournier rapporte la preuve que Mme [C] n'était pas constamment à la disposition de son employeur,

En conséquence

- débouter Mme [C] de l'intégralité de ses demandes au titre de rappel de salaires,

Très subsidiairement en application de l'article L 3245-1 du code du travail,

- déclarer irrecevable toute demande en paiement ou en répétition de salaire excédant 3 ans de différentiel entre le salaire versé à Mme [C] et un salaire à temps complet,

Vu l'article L1233-3 du code du travail,

- constater et dire que le licenciement pour motif économique de Mme [C] est bien fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Vu l'article 1233-5 du code du travail,

- constater et dire que l'ordre des licenciements ne pouvait recevoir application en l'absence d'autres salariés en contrat à durée indéterminée,

En conséquence, débouter Mme [C] de l'intégralité de ses demandes indemnitaires,

Vu l'article L.3121 du code du travail,

- débouter Mme [C] de son appel incident et de ses demandes indemnitaires corrélatives,

En toutes hypothèses,

- Condamner Mme [C] au paiement de la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 11 janvier 2022 auxquelles il est expressément fait référence, Mme [C] demande à la cour de :

-confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il rejette la demande de condamnation au titre des heures d'astreinte,

-confirmer le jugement en ce qu'il dit que Mme [C] est créancière à l'encontre de la liquidation de la Pharmacie De Parisot Fournier des sommes suivantes :

* 48 877,92 € au titre du différentiel entre le salaire reçu et le salaire à temps complet,

* 4 887,79 € au titre des indemnités de congés payés afférents,

Subsidiairement, fixer sa créance au passif de la liquidation de la Pharmacie De Parisot Fournier à 3 615,37 € au titre de la revalorisation des heures complémentaires 361,54€ au titre des congés payés afférents,

-confirmer le jugement en ce qu'il dit et juge que le licenciement pour motif économique de Mme [C] s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il fixe la créance de Mme [C] au passif de la liquidation de la Pharmacie De Parisot Fournier aux sommes suivantes :

* 11 889 € au titre du préavis de licenciement,

* 1 188,90 € au titre des congés payés afférents,

* 23 778 € au titre de l'indemnité pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

-subsidiairement, fixer sa créance à 23 778 € au titre des dommages et intérêts pour non-respect de l'ordre des licenciements,

-subsidiairement, fixer la créance de Mme [C] à 23 778 € en réparation du préjudice résultant du non-respect de la priorité d'emploi,

-infirmer le jugement en ce qu'il déboute Mme [C] de sa demande de paiement des heures d'astreinte et fixer la créance de Mme [C] au passif de la liquidation de la Pharmacie De Parisot Fournier aux sommes suivantes :

* 1 128,82 € au titre des heures d'astreintes

* 112,88 € au titre des congés payés afférents

-dire et juger la décision opposable à la SELARL M.J. [Z] prise en la personne de Maître [W] [Z], ès qualités de mandataire judiciaire de la Société Pharmacie De Parisot Fournier et à l'AGS CGEA,

-condamner les parties qui succombent au paiement de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

L'AGS - CGEA de Toulouse, régulièrement appelée en cause par assignation signifiée le 19 octobre 2021 à personne habilitée à recevoir l'acte, n'a pas constitué avocat.

MOTIFS :

Sur la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein :

Il résulte des dispositions des articles L 3123-14 et suivants du code du travail, dans leur version applicable au présent litige, que le contrat de travail à temps partiel est soumis à un certain formalisme, en ce qu'il doit mentionner notamment la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

En l'absence de ces éléments, le contrat de travail est présumé à temps complet et il appartient alors à l'employeur d'apporter la preuve du temps partiel, et de prouver que le salarié n'a pas été placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devrait travailler ni obligé de se tenir constamment à la disposition de son employeur.

En l'espèce, Mme [C] soutient que les heures effectuées ne correspondent pas à son dernier avenant, et en effet la cour relève au vu des bulletins de paie produits qu'elle est rémunérée sur la base de 104 heures par mois soit 24 heures par semaine et non 19 heures 30 comme le stipule cet avenant. Au demeurant l'employeur ne conteste pas avoir appliqué cette durée du travail de 24h hebdomadaires depuis 2013, sans régulariser de nouvel avenant précisant la répartition des jours et horaires travaillés.

Pour justifier que la salariée connaissait ses horaires de travail à l'avance et ne se tenait pas à la disposition de la Pharmacie De Parisot Fournier, cette dernière produit des plannings, dont elle soutient sans le démontrer (sauf pour le planning de juillet 2016) qu'elle les communiquait à la salariée en respectant un délai de prévenance d'au moins 7 jours.

Mme [C] produit d'ailleurs un courrier du 9 juin 2016 rappelant à son employeur les multiples remplacements 'au pied levé' qu'elle avait dû effectuer et les problèmes engendrés par les changements incessants sur le planning de juillet 2016 jusqu'au dernier moment avant son application, et elle réclamait un avenant à son contrat que l'employeur lui avait dit accepter de régulariser si la salariée prenait en charge le coût de rédaction par le comptable soit 300 €, alors que la régularisation de cet avenant était une obligation légale.

Il est également versé aux débats les nombreux SMS adressés par la gérante à Mme [C], la sollicitant pour la remplacer en urgence sur certaines journées non travaillées, ainsi qu'une demande par SMS de Mme [C] en 2016 pour obtenir un planning stable sur trois mois.

Elle produit enfin un courrier de son conseil du 13 novembre 2017 par lequel elle se plaignait auprès de l'employeur de la variabilité de ses horaires l'empêchant d'occuper un autre emploi à temps partiel.

Ainsi, la cour estime comme le conseil de prud'hommes que Mme [C] était soumise à une variabilité des jours et horaires travaillés telle que la salariée se trouvait dans l'impossibilité de prévoir le rythme auquel elle devait travailler, et se tenait en réalité à la disposition de l'employeur.

L'attestation de Mme [N], préparatrice en pharmacie depuis 2011, selon laquelle Mme [C] travaillait 'sur une base de 24h par semaine', avec des changements 'd'un commun accord pour répondre aux besoins personnels et familiaux de chacune' ne vient pas utilement contredire les maintes sollicitations de l'employeur par SMS pour modifier parfois au dernier moment les horaires et jours travaillés.

Dans ces conditions, l'employeur échouant à renverser la présomption de travail à temps plein, la cour confirmera le jugement ayant requalifié le contrat à temps partiel en contrat à temps plein et alloué à Mme [C] les rappels de salaires sur la période non prescrite fixés à 48 877,92 € bruts outre 4887,79 € bruts, sommes dont le calcul n'est pas remis en cause par l'appelant. Ces sommes, créances antérieures à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, seront fixées au passif de la liquidation intervenue après le jugement entrepris.

Sur le paiement des heures d'astreinte :

Selon l'article L.3121-9 du code du travail « Une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise.

La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif.

La période d'astreinte fait l'objet d'une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos.

Les salariés concernés par des périodes d'astreinte sont informés de leur programmation individuelle dans un délai raisonnable. »

Par ailleurs, selon la convention collective nationale des pharmacies d'officine :

'Les périodes pendant lesquelles le salarié est tenu de rester à domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour assurer un service de garde ou d'urgence constituent des périodes d'astreinte.

En cas d'astreinte un jour ouvrable, le salarié perçoit, pour chaque heure d'astreinte et après déduction du temps passé en intervention, une indemnisation forfaitaire égale à 10 % de son salaire horaire. Le temps passé en intervention (trajet aller/retour domicile-officine et activité dans l'officine) est considéré comme un temps de travail effectif. La rémunération due à ce titre est calculée sur la base de 100 % du temps d'intervention.'

En l'espèce, Mme [C] indique qu'elle n'a jamais été rémunérée de ses heures d'astreinte qu'elle effectuait la nuit un jeudi par mois, pendant 12 heures, et réclame à ce titre l'indemnisation forfaitaire de 1 128,82 € (12h X 36 astreintes X 26h 13X 10%) augmentée de 112,88 € de congés payés afférents.

Me [Z], ès qualités de liquidateur de la Pharmacie De Parisot Fournier, conteste toute astreinte et indique que Mme [C] n'en apporte pas la preuve, alors que l'employeur concluait en première instance qu'il avait 'compensé' ces astreintes par une revalorisation du coefficient de Mme [C] en le passant de 500 à 600 outre une rémunération des interventions effectives qui, en réalité, n'ont jamais eu lieu car la salariée n'a jamais été appelée pendant ses gardes.

Il s'agit donc là d'affirmations contradictoires ; au demeurant la salariée se plaignait de la non rémunération de ses gardes par courrier du 9 juin 2016 en ces termes : ' je vous rappelle que j'effectue par conscience professionnelle (la préparatrice n'étant pas bien sûr apte légalement à le faire) la garde de nuit du jeudi soir, une fois par mois, et pour laquelle vous touchez une indemnité de 150 000 € et que vous ne me reversez pas malgré mes demandes' ; l'employeur a répondu le 14 juin 2016 sans contester ces affirmations, mais en proposant simplement un entretien.

Aucun élément ne permet par ailleurs de rattacher l'attribution du coefficient 600 à l'accomplissement de gardes de nuit.

Au vu de ces éléments, la cour infirmera le jugement ayant rejeté la demande de Mme [C] et allouera à celle-ci l'indemnisation conventionnelle correspondant à 1128,82€ bruts outre 112,88 € bruts au titre des congés payés y afférents.

Sur le licenciement pour motif économique :

Selon les dispositions de l'article L.1233-3 du code du travail : « Constitue un licenciement pour motif économique, le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1°) A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2°) A des mutations technologiques ;

3°) A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité;

4°) A la cessation d'activité de l'entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.

Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l'une des causes énoncées au présent article, à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants et de la rupture d'un commun accord dans le cadre d'un accord collectif visée aux articles L. 1237-17 et suivants.'

En l'espèce, Mme [C] a été licenciée pour motif économique par courrier du 8 mars 2018 visant les difficultés économiques de l'entreprise notamment la baisse significative du chiffre d'affaires sur plus de trois mois consécutifs impactant la compétitivité de la pharmacie, laquelle devait baisser ses charges en supprimant le poste de Mme [C].

Me [Z], ès qualités de liquidateur de la Pharmacie De Parisot Fournier, justifie effectivement de la baisse significative du chiffre d'affaires entre l'année 2017 et l'année 2018 en produisant les données comptables permettant de constater que, compte tenu de la marge commerciale et des charges salariales, la baisse de 15% enregistrée en fin d'année 2017 et en début d'année 2018 sur quatre mois, juste avant le licenciement de Mme [C], ne permettait pas d'escompter un résultat d'exploitation positif sur 2018 ni un chiffre d'affaires permettant simplement de couvrir les charges fixes. Par ailleurs l'officine ne comptait que deux pharmaciennes, Mme [C] et la gérante, ainsi qu'une préparatrice en pharmacie. La suppression du poste de Mme [C] était donc justifiée par les difficultés économiques observées, lesquelles ont d'ailleurs perduré malgré cette mesure puisque la société a été placée en redressement puis en liquidation judiciaire en 2020.

Il est exact que l'employeur a embauché en contrat à durée déterminée à temps partiel une autre salariée en début d'année 2017 pour compléter les horaires de Mme [C], toutefois s'il peut s'agir d'une erreur de gestion qui reste à démontrer, la cour n'y voit aucune légèreté blâmable comme le soutient Mme [C].

Par conséquent, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement économique de Mme [C], et alloué à celle-ci des indemnités de rupture et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Les demandes formulées à ce titre par l'intimée seront rejetées.

Sur les critères d'ordre des licenciements :

Sauf accord collectif conclu au niveau de l'entreprise ou à un niveau plus élevé, les critères relatifs à l'ordre des licenciements s'appliquent à l'ensemble du personnel de l'entreprise dans la catégorie professionnelle à laquelle appartient le salarié dont l'emploi est supprimé et ce même en cas de fermeture d'un seul service, d'un seul atelier ou d'un seul établissement.

La catégorie professionnelle est définie comme l'ensemble des salariés qui exercent au sein de l'entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune. L'employeur peut toutefois scinder des fonctions en deux catégories professionnelles s'il parvient à démontrer qu'elles nécessitent une formation de base spécifique ou une formation complémentaire excédant l'obligation d'adaptation.

En application de l'article L 1233-5 lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des après consultation du comité social et économique, lesquels doivent être appréciés dans la catégorie professionnelle à laquelle appartient le salarié telle que définie ci-dessus.

L'inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements n'a pas pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse. Cette illégalité entraîne un préjudice, pouvant aller jusqu'à la perte injustifiée de l'emploi, qui doit être intégralement réparé, par des dommages-intérêts qui ne se cumulent pas avec les dommages et intérêts en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, Mme [C] soutient que les critères d'ordre des licenciements n'ont pas été respectés, par rapport à une autre salariée embauchée un an auparavant en contrat à durée déterminée en qualité de pharmacienne, et que l'ancienneté de Mme [C] devait conduire à licencier cette autre salariée, Mme [E].

Toutefois, la cour rappelle que Mme [E] étant en contrat à durée déterminée, les règles du licenciement économique ne lui étaient pas applicables puisqu'il ne s'agit pas d'un mode de rupture du contrat à durée déterminée, de sorte qu'il n'y avait pas lieu à application des critères d'ordre : Mme [C] était la seule salariée à durée indéterminée de sa catégorie, l'autre pharmacienne étant la gérante.

La demande de Mme [C] sera donc rejetée par ajout au jugement entrepris, lequel n'a pas examiné cette demande subsidiaire puisqu'il a accueillie la demande principale.

Sur le non-respect de la priorité d'emploi :

Mme [C] invoque les dispositions de l'article L3123-3 du code du travail selon lesquelles :

'Les salariés à temps partiel qui souhaitent occuper ou reprendre un emploi d'une durée au moins égale à celle mentionnée au premier alinéa de l'article L. 3123-7 ou un emploi à temps complet et les salariés à temps complet qui souhaitent occuper ou reprendre un emploi à temps partiel dans le même établissement ou, à défaut, dans la même entreprise ont priorité pour l'attribution d'un emploi ressortissant à leur catégorie professionnelle ou d'un emploi équivalent ou, si une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche étendu le prévoit, d'un emploi présentant des caractéristiques différentes.

L'employeur porte à la connaissance de ces salariés la liste des emplois disponibles correspondants.'

Elle indique que ces dispositions n'ont pas été respectées par l'employeur, malgré sa demande du 6 octobre 2016, car il a embauché une autre salariée en contrat à durée déterminée au lieu de lui proposer l'augmentation de son temps de travail vers un temps plein.

Cette demande indemnitaire est nouvelle en cause d'appel, et la question de sa recevabilité ne fait pas débat entre les parties.

Il est exact au regard des pièces produites que Mme [C] avait manifesté par SMS du 6 octobre 2016 son souhait de voir augmenter ses heures de travail, en proposant à l'employeur d'effectuer pour lui davantage d'heures 'au lieu de trouver une autre remplaçante', et la gérante lui avait répondu le même jour 'merci je vais y réfléchir'.

La Pharmacie De Parisot Fournier a cependant embauché Mme [E] en qualité de pharmacienne par plusieurs contrats à durée déterminée successifs à temps plein à compter de novembre 2016, au lieu d'augmenter, même temporairement, le temps de travail de Mme [C].

La cour constate que la priorité d'emploi visée à l'article L3123-3 du code du travail n'a pas été respectée par la Pharmacie De Parisot Fournier alors qu'elle applicable même vers des postes en contrat à durée déterminée ; le préjudice subi par Mme [C] est néanmoins modéré puisque celle-ci a obtenu dans le cadre de l'instance un rappel de salaire sur une durée de travail à temps plein ce qui indemnise déjà le préjudice financier ; il subsiste un préjudice moral, lequel sera réparé par l'allocation de la somme de 2000 €.

Sur le surplus des demandes :

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.

Dans la mesure où chacune des parties succombe partiellement en appel, elles conserveront la charge de leurs propres frais irrépétibles et dépens.

La présente décision sera déclarée opposable à l'AGS-CGEA de Toulouse.

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

- requalifié le contrat à temps partiel de Mme [C] en contrat à temps complet,

- alloué à Mme [C] les sommes de 48 877,92 € bruts à titre de rappel de salaire outre 4887,79 € bruts, avec la précision que ces sommes seront fixées au passif de la liquidation de la Pharmacie De Parisot Fournier, représentée par la SELARL M.J. [Z] prise en la personne de Me [Z],

et en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens,

L'infirme sur le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Fixe la créance de Mme [C] [R] au passif de la liquidation de la Pharmacie De Parisot Fournier, représentée par la SELARL M.J. [Z] prise en la personne de Me [Z], aux sommes suivantes :

-1128,82 € bruts au titre des astreintes,

-112,88 € bruts au titre des congés payés y afférents,

-2000 € à titre de dommages-intérêts pour non respect de la priorité d'emploi,

Dit que le licenciement économique de Mme [C] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Déboute Mme [C] de ses demandes d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts formulées au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Déboute Mme [C] de sa demande indemnitaire relative au non respect des critères d'ordre des licenciements,

Déclare le présent arrêt opposable à l'AGS-CGEA,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Laisse les dépens d'appel à la charge de chaque partie les ayant exposés.

Le présent arrêt a été signé par Catherine BRISSET, présidente, et par Arielle RAVEANE, greffière.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,

Arielle RAVEANECatherine BRISSET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 2
Numéro d'arrêt : 21/04493
Date de la décision : 08/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-08;21.04493 ?
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