08/07/2022
ARRÊT N° 2022/388
N° RG 21/04017 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OMN2
MD/KS
Décision déférée du 06 Septembre 2021 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( F 19/02025)
D ARJO
SECTION ENCADREMENT
S.A.S. ICRHNET
C/
[K] [B]
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 1
***
ARRÊT DU HUIT JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANTE
S.A.S. ICRHNET
40 boulevard de Dunkerque
13002 MARSEILLE
Représentée par Me Sabine MOUGENOT de la SELEURL SABINE MOUGENOT, avocat au barreau de PARIS et par Me Ophélie BENOIT-DAIEF de la SELARL SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉ
Monsieur [K] [B]
27 rue de la Cocagne
81500 MASSAC SERAN / FRANCE
Représenté par Me Cécile ROBERT de la SCP CABINET SABATTE ET ASSOCIEES, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. DARIES, Conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
S. BLUME, présidente
M. DARIES, conseillère
N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier, lors des débats : C. DELVER
ARRET :
-
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par S. BLUME, président, et par C. DELVER, greffier de chambre
FAITS ET PROCÉDURE:
M. [K] [B] a été embauché le 4 janvier 2016 par la SAS Icrhnet en qualité de consultant SIRH suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale des personnels des bureaux d'études techniques dite SYNTEC.
Après avoir été convoqué par courrier du 5 août 2019 à un entretien préalable au licenciement fixé au 29 août 2019, M. [B] a été licencié par courrier
du 4 septembre 2019 pour faute grave.
M. [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse le 13 décembre 2019 pour contester son licenciement et demander le versement de diverses sommes.
Le conseil de prud'hommes de Toulouse, section Encadrement, par jugement
du 6 septembre 2021, a :
-fixé la moyenne des 3 derniers mois de salaire à 5 000 euros,
-dit et jugé que le licenciement de Monsieur [K] [B] est dénué de cause réelle et sérieuse et condamné la SAS Icrhnet à verser à Monsieur [K] [B] les sommes de :
*15 000 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
*1 500 euros au titre des congés payés sur préavis,
*3 472, 22 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
*15 000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
-dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire autre que de droit,
-débouté la SAS Icrhnet de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 23 septembre 2021, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 16 septembre 2021, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.
PRETENTIONS DES PARTIES:
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique
le 20 décembre 2021, la SAS Icrhnet demande à la cour de :
-infirmer le jugement en ce qu'il a :
*fixé la moyenne des 3 derniers mois de salaire à 5 000 euros,
*jugé que le licenciement de M. [B] était dénué de cause réelle et sérieuse,
*condamné la société à verser à M. [B] les sommes de :
15 000 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
1 500 euros au titre des congés payés sur préavis,
3 472,22 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
15 000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
*débouté la société de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-y faisant droit et statuant à nouveau,
-débouter M. [B] de l'intégralité de ses demandes,
-condamner M. [B] à verser à la société la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 9 mars 2022, M. [K] [B] demande à la cour de :
-confirmer le jugement déféré en ce qu'il a:
. jugé le licenciement comme étant dénué de cause réelle et sérieuse,
. alloué une indemnité compensatrice de préavis sauf à la fixer à la somme
de 15 678,75 euros outre les congés payés afférents à hauteur de 1 567 euros,
. alloué une indemnité de licenciement sauf à la fixer à la somme de 6 097,29 euros,
. alloué des dommages et intérêts sauf à les fixer à la somme de 20 905 euros,
-condamner la société Icrhnet à lui verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance en date du 6 mai 2022.
Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS:
Il convient de rappeler que par arrêt du même jour ayant statué sur l'appel d'un jugement rendu le 17 décembre 2020 entre Monsieur [B] et la Sas Icrhnet sur une demande de paiement d'indemnité compensatrice de congés en application des dispositions de l'article L 3142 - 121 du code du travail figurant dans une section relative au congé pour la création ou la reprise d'entreprise, la cour a préalablement analysé la nature du congé sollicité par le salarié et contestée par l'employeur et a jugé
qu'il s'agissait d'un congé pour création ou reprise d'entreprise d'une durée d'un an et non de mobilité externe sécurisée pour 6 mois comme opposé par la
société (RG N° 21/0039).
Aussi il n'y a pas lieu, dans le cadre de la contestation sur le licenciement de Monsieur [B], de reprendre le débat sur la nature juridique du congé.
Sur le licenciement:
Tout licenciement doit être fondé sur une cause à la fois réelle et sérieuse.
Aux termes de l'article L. 1232-6 du code du travail, l'employeur est tenu d'énoncer dans la lettre de licenciement, le ou les motifs du licenciement. La lettre de licenciement fixe les limites du litige. Il ressort de ces termes que l'employeur retient la qualification de faute grave comme motif de licenciement du salarié.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. La charge de la preuve de la faute grave incombe à l'employeur. Le juge doit tenir compte des éléments qui lui sont alors soumis pour apprécier la gravité de la faute soutenue. En cas de doute, celui-ci profite au salarié.
La lettre de licenciement du 05 août 2019 est ainsi libellée:
'Par courrier, en date du 05/08/2019, nous vous avons convoqué à un entretien préalable qui devait avoir lieu le 29/08/2019 à 14h00 dans nos bureaux situés 4 avenue de Dunkerque, 13002 Marseille, France au sujet du licenciement envisagé à votre encontre. Vous ne vous y êtes pas présenté.
Nous avons décidé, au terme de notre délai de réflexion, de procéder à votre licenciement pour faute grave.
Les motifs de cette décision sont les suivants :
Vous occupez depuis le 04/01/2016 le poste de consultant senior. A ce titre, vous participez à des projets d'intégration, de maintenance ou de développement de l'outil HR Access pour les clients de l'entreprise.
Vous avez fait une demande de congé pour création d'entreprise le 4 janvier 2018.
Suite à discussion, et d'un commun accord, nous avons revu la nature du congé, et accepté le 30 janvier 2018 votre départ en congé pour mobilité externe pour une durée de 6 mois à compter du 15/02/2018 et jusqu'au 14/08/2018. La nature de l'activité que vous souhaitiez exercer ne rentrant pas dans le cadre légal du congé pour création d'entreprise.
Le 25 juillet 2018 la société vous rappelait la date d'échéance de votre congé. Vous êtes donc, depuis cette date, en absence injustifiée.
Le 4 août 2018, par courrier recommandé, vous affirmez être en congé pour création d'entreprise, et non en congé pour mobilité externe.
Depuis nous avons échangé divers courriers, notamment par l'intermédiaire de nos avocats. Lors de ces échanges, vous avez confirmé être en congé pour création d'entreprise, ce que nous avons toujours contesté.
Vous avez demandé un renouvellement du congé pour création d'entreprise, que nous avons refusé pour les mêmes raisons.
Nous vous avons demandé, par l'intermédiaire d'une sommation de communiquer du 17 juin 2019, de justifier de votre activité professionnelle, vous n'avez apporté aucune justification. Or vous devez nous apporter toute précision sur l'activité que vous entendez exercer. Toute dissimulation constitue une faute.
De vos courriers, il semble que votre activité est bien directement concurrente à la nôtre.
Votre attitude constitue donc un manquement à votre obligation de loyauté auprès de notre société.
Vous êtes également en absence injustifiée depuis la fin de votre congé.
Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible, y compris pendant la durée de votre préavis. Votre licenciement intervient donc à la première présentation de cette lettre, sans préavis ni indemnité de licenciement. (..)'.
La cour rappelle que le congé pour création d'entreprise sollicité par Monsieur [B] à compter du 08 mars 2018, était pour une durée d'un an, tel que figurant dans le courrier réceptionné par la société le 8 janvier 2018, lequel précisait également que le projet était d'assurer des missions dans le domaine HR Access en portage salarial en région parisienne.
Monsieur [B] a confirmé la durée du congé, la nature de l'activité, par mail
du 19 janvier 2018 et le lieu d'exécution, ce qui n'a pas empêché l'employeur, parfaitement informé, de lui permettre d'exercer celle-ci malgré la nature alléguée concurrentielle car dans le même domaine d'activité, mais en réduisant de façon non justifiée la durée à six mois.
Monsieur [B] n'était donc pas en absence injustifiée depuis le 14 août 2018 et il y a lieu de relever que malgré un refus de renouvellement de la durée du congé opposé par la société par courrier du 15 janvier 2019, celle-ci n'a pas engagé de procédure disciplinaire avant le 05 août 2019, soit un an après, ce qui à tout le moins exclut tout caractère de gravité à un quelconque manquement.
Par ailleurs le caractère concurrentiel allégué et donc le défaut de loyauté ne sont pas avérés, dès lors que la société ne les démontre pas en écrivant : ' De vos courriers, il semble que votre activité est bien directement concurrente à la nôtre. '.
Aussi le licenciement sera considéré comme sans cause réelle et sérieuse et le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé sur ce chef.
Sur l'indemnisation:
La société conclut au débouté. Elle objecte que:
- le salarié n'entendait pas reprendre son poste de travail en raison de son nouvel emploi auprès de la société Total depuis plus d'un an et demi avant la rupture du contrat,
- s'agissant de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
l'article L 1235-3 du code du travail prévoit pour une ancienneté de 2 ans, un montant maximal de 3,5 mois de salaire et non 4 comme sollicité par le salarié.
Sur ce:
Le jugement du conseil de prud'hommes sera confirmé en ce qu'il a alloué sur la base d'un salaire mensuel brut de 5000 € et d'une ancienneté de 2 ans et un mois,
- une indemnité compensatrice de préavis de 3 mois de salaire au titre de la qualité de cadre soit 15'000 € outre 3500 € au titre des congés payés afférents,
- une indemnité de licenciement en application de la convention collective
de 3472,22 €,
le salarié n'explicitant pas le calcul des sommes qu'il réclame à ces titres.
Si Monsieur [B] conteste avoir travaillé pour la société Total, il ne verse aucun élément sur sa situation professionnelle et financière.
En application de l'article L 1235-3 du code du travail ( ordonnance
du 22 septembre 2017), l'entreprise disposant d'un effectif d'au moins 10 salariés sera condamnée à payer une somme de 15'000 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ( soit une indemnité minimale de 3 mois de salaire) telle qu'elle a été fixée par le conseil de prud'hommes.
Sur les demandes annexes:
La Sas Icrhnet, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel.
Monsieur [B] est en droit de réclamer l'indemnisation des frais non compris dans les dépens exposés à l'occasion de la procédure. La société sera condamnée à lui verser une somme de 1500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La Sas Icrhnet sera déboutée de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS:
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en date du 06 septembre 2021 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la Sas Icrhnet aux dépens d'appel et à verser à Monsieur [B] une somme de 1500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,
Déboute la Sas Icrhnet de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par S.BLUMÉ, présidente et par C.DELVER, greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
C.DELVER S.BLUMÉ
.