08/07/2022
ARRÊT N° 2022/386
N° RG 21/00402 - N° Portalis DBVI-V-B7F-N6B6
SB/KS
Décision déférée du 15 Décembre 2020 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Toulouse ( )
M [O]
SECTION COMMERCE CHAMBRE 1
[D] [O]
C/
S.A.S.U SO.BIO
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 1
***
ARRÊT DU HUIT JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANTE
Madame [D] [O]
2 rue des Ifs
31410 Noé
Représentée par Me Thuy TRAN, avocat au barreau de TOULOUSE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/002322 du 08/02/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)
INTIMÉE
S.A.S.U SO.BIO
4 Voie Romaine Espace France
33610 CANEJAN
Représentée par Me Brigitte LOOTEN du cabinet FIDAL, avocat au barreau de BORDEAUX et par Me Sophie CREPIN de la SELARL SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant [V]
et N [R], chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
S. BLUME, présidente
M. DARIES, conseillère
N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier, lors des débats : C. DELVER
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par S. BLUME, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre.
FAITS - PROCÉDURE - PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [D] [O] a été embauchée le 5 octobre 2015 par la SASU So Bio en qualité de vendeuse polyvalente suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale du commerce de détail de fruits et légumes, épicerie et produits laitiers.
Le 30 mars 2018, Mme [O] a sollicité une rupture conventionnelle de son contrat de travail.
Le 27 avril 2018 a été signée par les parties une convention de rupture.
Le 23 mai 2018, le contrat de travail de Mme [O] a été rompu à la suite de l'homologation de la rupture par la DIRECCTE.
Mme [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse le 7 décembre 2018 pour contester la rupture conventionnelle.
Le conseil de prud'hommes de Toulouse, section Commerce, par jugement du 15 décembre 2020, a :
-dit et jugé parfaitement fondée la rupture conventionnelle de Madame [D] [O],
-débouté Mme [O] de l'ensemble de ses demandes,
-dit qu'il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
-débouté la SARL So Bio Muret de sa demande reconventionnelle,
-condamné Madame [O] aux entiers dépens.
***
Par déclaration du 25 janvier 2021, Mme [O] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 30 décembre 2020, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.
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Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 22 avril 2021, Mme [D] [O] demande à la cour de :
-infirmer le jugement en ce qu'il a :
*rejeté la demande de requalification au niveau V de Mme [O],
*débouté Mme [O] de l'ensemble de ses demandes,
*condamné Mme [O] aux dépens,
-statuer sur les chefs infirmés et y ajouter,
-dire que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception de la société de la convocation devant le bureau de conciliation du Conseil de prud'hommes de Toulouse et que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition de l'arrêt à venir,
-condamner la société à payer à Mme [O] les sommes suivantes :
*13 913,66 euros au titre rappel des salaires en raison de la reclassification au poste de vendeur hautement qualifié niveau 5 outre 1 391,36 euros au titre des indemnités de congés payés y afférentes,
*12 904,80 euros au titre des paiements de salaires des heures supplémentaires
outre 1 290,48 euros au titre des indemnités de congés payés y afférentes,
*9 838,38 euros au titre des dommages-intérêts forfaitaires pour le travail dissimulé,
*10 000 euros à titre des dommages-intérêts pour avoir subi un harcèlement moral,
*8 000 euros au titre de réparation forfaitaire du préjudice résultant de l'absence de prévention de l'employeur,
*4 919,73 euros au titre de l'indemnité de préavis outre 491,97 euros au titre des indemnités de congés payés y afférentes,
*16 399,91 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement injustifié,
*3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
-condamner la société aux entiers dépens,
-condamner la société à payer à Mme [O] au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647
du 10 juillet
1991 relative à l'aide juridique et de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 4 478 euros dont distraction au profit de Maître Thuy Tran, avocat au Barreau de Toulouse,
-débouter la société de l'ensemble de ses demandes.
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Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique
le 22 juillet 2021, la SASU So Bio demande à la cour de :
-confirmer dans son intégralité le jugement rendu,
- rejeter l'ensemble des demandes de Mme [O],
-condamner Mme [O] au versement de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner Mme [O] aux entiers dépens.
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La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance en date du 6 mai 2022.
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Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de reclassification
La qualification professionnelle se détermine par référence au contrat de travail, à la convention collective applicable et aux fonctions réellement exercées.
Engagée en qualité de vendeuse polyvalente au niveau 3A de la convention collective du commerce de détail de fruits, légumes, épicerie, et produits laitiers, Mme [O] revendique la qualification de vendeuse hautement qualifiée et sa classification au niveau 5 de la convention collective ainsi que le complément de salaire correspondant.
Aux termes de l'avenant à la convention collective n°40 du 5 octobre 2000 relatif à la grille de classification conventionnelle, auquel les parties font expressément référence, la catégorie employés s'applique aux emplois classés 1A à 4B ; la catégorie agents de maîtrise correspondant aux emplois classés N5 à N6 se définit comme suit:
'les agents de maîtrise doivent :
- soit avoir une responsabilité de commandement et de contrôle du personnel;
- soit avoir une fonction d'importance équivalente en raison de la compétence technique ou commerciale ou de la responsabilité assumée.
Tout agent de maîtrise doit faire respecter les règles de discipline générale, les consignes de sécurité et d'hygiène et de rendre compte du non-respect de celles-ci.'
Relève du niveau 5, par exemple pour un poste de vendeur hautement qualifié, le 'titulaire d'un bac professionnel 'commerce et services' ou son équivalent (voir annexe 'équivalences des formations') et ayant une expérience d'au moins 2 ans dans la fonction'.
Le poste de vendeur de niveau 3A, est ainsi défini: 'employé affecté à la vente ayant le CAP ou le BEP ou une expérience professionnelle équivalente dans le secteur d'activité' . Apte à tenir la caisse. Effectue le nettoyage des rayons, du magasin, des réserves et met en rayon les marchandises. Vérifie les DLC et les DLUO et en informe son responsable. Informe et conseille la clientèle. Dans l'activité sur marché, doit assurer le montage et démontage du matériel et des marchandises.'
Le poste de vendeur hautement qualifié du niveau 5 est défini comme ' agent de maîtrise chargé d'un rayon alimentaire traditionnel et/ou libre service, contrôle les DLC et DLUO, organise la vente. Apte à passer les commandes , assure le bon écoulement des marchandises, en réserve. Peut répartir le travail des vendeurs sous sa responsabilité. Apte à tenir la caisse. Peut également participer au nettoyage des rayons, du magasin et des réserves. Assure le respect des règles d'hygiène. Dans l'activité sur marché, doit assurer le montage et le démontage des éventaires, et la manutention du matériel et des marchandises'.
Si les éléments produits par la salariée établissent qu'elle disposait d'une licence et assurait la passation de commandes ainsi que l'écoulement des marchandises en réserve pour le rayon santé, tâches pouvant relever de la définition du poste de vendeuse polyvalente, elle ne justifie pas d'une ancienneté de deux ans dans sa fonction lors de son recrutement. Cette condition d'ancienneté requise pour la classification de niveau 5 vient s'ajouter au niveau de diplôme requis , soit le niveau bac professionnel 'commerce et services' ou son équivalent ( le niveau équivalent à celui du BEP ou du CAP). Il ne résulte pas de la lecture de l'avenant précité à la convention collective une dérogation à cette condition d'ancienneté par des dispositions particulières propres au poste de vendeur hautement qualifié, ce poste étant expressément cité comme exemple dans la définition précitée du niveau 5.
A défaut pour la salariée de justifier d'une ancienneté de deux années dans la fonction, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande de reclassification au niveau 5.
Sur les heures supplémentaires
L'article L 3171-4 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié . Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié au soutien de sa demande, le juge forme sa conviction, après avoir ordonné en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.
Mme [O] expose que selon les plannings hebdomadaires établis par l'employeur elle devait effectuer 35 heures par semaine réparties sur 6 jours, soit une moyenne de 6 heures par jour avec une pause obligatoire de 15mn par tranche de 4 heures de travail continu et une pause déjeuner de 1h à 3h de mai 2016 à janvier 2017. Elle soutient qu'elle a dû quotidiennement prendre sur ses temps de pause ou rester tard après son service pour accomplir des tâches administratives. Elle précise qu'outre les tâches habituelles de vendeuse du rayon santé, elle assurait des fonctions propres au responsable de ce rayon (notamment passages de commandes, surveillance des stocks, DLUO, promotions outre diverses tâches énumérées avec détail de ses attributions sur cinq pages de ses écritures qui ne donnent lieu à aucune remise en cause par l'employeur) ainsi que des tâches de vendeuse au rayon épicerie selon le planning établi par l'employeur à raison de 30 mn par jour de 15h à 15h30 , la gestion du rayon livres, l'intérim de la vente et de la gestion dans le rayon 'beauté'pour combler le déficit de personnel pendant une durée cumulée
de 11 mois.
Elle fait valoir que les tâches cumulées qui lui étaient confiées ne pouvaient être accomplies dans le délai hebdomadaire de 35heures sur la base duquel elle était rémunérée, ce que l'employeur ne pouvait ignorer.
Elle soutient avoir effectué 520 heures supplémentaires de novembre 2015 à fin 2016 sur la base de 1h54 supplémentaire par jour, 360 heures supplémentaires en 2017 sur la base de 0,76 heure supplémentaire par jour, 80 heures supplémentaires en 2018 sur la base de 0,76 heure supplémentaire par jour.
A l'appui de sa demande elle verse aux débats les éléments suivants:
- une attestation de Mme [T], salariée, qui déclare que 'la tâche (nous) est petit à petit apparue insurmontable', 'nous avons continué à faire des heures supplémentaires non comptabilisées.'
- une attestation de M.[G], employé libre-service du 1er octobre 2015
au 12 avril 2016,dans laquelle il indique qu'avec Mme [O] 'ils étaient
aux 35h semaine ; et malgré cela, au vu de la charge de travail demandée, il nous était impossible de prendre nos pauses pourtant obligatoires'. 'Nous avions interdiction de faire des heures supplémentaires, mais il nous était impossible en 35 heures de faire tout ce que nous devions(...)Nous faisions donc tous des heures supplémentaires sans le dire à M.[L], mais il était inévitable qu'il s'en rende compte(...) Et quand nous l'avertissions du fait que nous allions dépasser notre temps de travail, il nous disait:'C'est votre problème si vous ne savez pas organiser votre temps, rien ne vous sera payé!'.
- le compte rendu d'évaluation annuelle du 17 mars 2017 sur la période d'octobre 2015 à fin 2016 dans lequel l'employeur mentionne: 'attention TG (tête de gondole) Beauté en attendant notre future esthéticienne'; 'engagement tout au long de l'année notamment en l'absence des esthéticiennes sur la gestion du rayon beauté.( Commandes, gestion facture et rangement réserve).'
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à la société SO-BIO de fournir les éléments utiles à la détermination des heures de travail réellement accomplies par le salarié.
La société SO-BIO objecte que la demande de la salariée est insuffisamment étayée alors que les plannings qu'elle produit aux débats pour les années 2016, 2017 et 2018 ont été signés par la salariée et mentionnent ses horaires de travail sur la période considérée dans une limite de 35h hebdomadaire. Il observe que Mme [T] ne peut attester que pour la période d'emploi au sein de l'entreprise entre le 3 novembre 2015 et le 12 juillet 2016, de même pour M.[G] qui n'a travaillé avec Mme [O] que pendant 3 mois. Il souligne l'imprécision des témoignages produits sur les horaires de travail de Mme [O].
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Il appartient à la juridiction de vérifier si les heures supplémentaires revendiquées ont été rendues nécessaires par le travail confié à la salariée, l'opposition à l'exécution de celle-ci de l'employeur se trouvant alors indifférente.
A cet égard trois salariés attestent de façon concordante que Mme [O] ne pouvait accomplir l'ensemble des tâches confiées dans le respect de l'horaire hebdomadaire de 35h . Il ressort des éléments fournis par la salariée, notamment l'évaluation annuelle en mars 2017 de son travail par l'employeur à compter d'octobre 2015 qu'elle accomplissait des tâches supplémentaires dans les périodes où elle était amenée à remplacer le vendeur absent dans le rayon beauté, soit pendant une période cumulée de plus de 10 mois au cours de la période contractuelle , et qu'elle ne pouvait manifestement assurer l'ensemble des tâches administratives et de vente afférentes aux deux rayons Santé et Beauté avec tenue de la caisse, outre la contribution d'une demi heure par jour au rayon épicerie , sans accomplir des heures de travail au-delà de la durée hebdomadaire de 35 heures.
La cour a ainsi la conviction, au vu des pièces produites de part et d'autre, que la salariée a accompli des heures supplémentaires qui n'ont pas été rémunérées, ouvrant droit à un rappel de salaire de 4 820,20 euros , outre 482 euros d'indemnité de congés payés afférente, avec intérêts légaux à compter de la réception de la société de la convocation devant le bureau de conciliation du Conseil de prud'hommes le 14 décembre 2018, et capitalisation annuelle des intérêts par années entières en application de l'article 1343-2 du code civil
Le jugement est infirmé de ce chef
Sur le travail dissimulé
En application de l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les
bulletins de salaire un nombre de travail inférieur à celui réellement accompli.
Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
La cour estime que le caractère intentionnel de la dissimulation d'emploi ne peut se déduire du seul accomplissement d'heures supplémentaires par Mme [O] et que le défaut de contrôle des heures de travail effectivement réalisées ne permet pas de caractériser l'intention frauduleuse nécessaire à l'établissement du travail dissimulé. Mme [O] sera déboutée de sa demande en ce sens.
Le rejet de cette demande sera confirmé
Sur le harcèlement moral
En application des dispositions de l'article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article 1154-1 du code de travail dispose qu'il appartient au salarié de présenter
des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu
de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après
avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il en résulte que s'il appartient au salarié d'établir la matérialité des faits qu'il invoque, les juges doivent quant à eux, appréhender ces faits dans leur ensemble et rechercher s'ils permettent de présumer l'existence du harcèlement allégué. En ce cas alors, il revient à l'employeur d'établir qu'ils ne caractérisent pas une situation de harcèlement.
Mme [O] fait valoir à l'appui de sa demande :
- qu'elle a été victime d'un épuisement physique et moral en raison de sa surcharge de travail impliquant l'accomplissement d'heures supplémentaires restées impayées,
- que les modes de gestion du directeur de magasin sont marqués par: des consignes contradictoires et non réalisables, des méthodes de management contestables pour fédérer le personnel par l'obligation imposée aux salariés d'offrir sur leurs deniers personnels un petit déjeuner ou goûter à l'ensemble de l'équipe lors d'un départ en vacances,
- qu'elle a été victime de façon répétée dès 2015 de sautes d'humeur et de propos vexatoires du directeur portant atteinte à sa dignité et ayant provoqué ses pleurs en salle de repos ou dans la réserve. Elle fait valoir que lors de convocations dans son bureau il lui adressait des propos méprisants , 'quelle ne sera jamais à la hauteur', 'qu'elle n'est jamais contente',
- de sa dévalorisation par des remarques injustifiées dans l'évaluation annuelle ayant permis au directeur de refuser de lui allouer sa prime annuelle,
- deux certificats médicaux du Dr [F] médecin généraliste des 28 décembre 2017 et 21 avril 2018,
- un avis d'arrêt de travail du 8 au 20 janvier 2018
Elle produit les éléments suivants:
-les évaluations annuelles des 17 mars 2017 et 10 février 2018.
Ces compte rendus d'évaluation ne portent mention d'aucune remarque humiliante ou blessante pour la salariée. Certaines réserves formulées le10 février 2018 sur l'accueil client étaient déjà présentes dans la précédente évaluation du 17 mars 2017. Si la qualification de son travail 'juste satisfaisant' a induit le versement d'une prime annuelle correspondant à 25% de son salaire mensuel et a suscité un vif resssenti chez la salariée qui a refusé de signer l'évaluation écrite, l'évaluation relève du pouvoir de direction de l'employeur et il ne résulte pas du contenu de celle-ci un abus dans l'exercice de son pouvoir d'évaluation.
- quatre attestations émanant d'anciens salariés : Mme [T], M.[G],Mme [N], M.[M].
Aux termes de leur témoignage, M.[M] et Mme [N] attestent de faits personnels qui ne concernent pas Mme [O].
Mme [T], qui a quitté l'entreprise en août 2016, soit plus d'un an et 10 mois avant la rupture du contrat de travail de Mme [O], fait état d'une charge de travail importante et d'un surmenage, et énonce des reproches à l'égard du directeur en termes généraux sur des consignes floues ou contradictoires, des rappels à l'ordre injustifiés, sans autre précision sur les ordres visés de nature à caractériser un management inapproprié.
M.[G] évoque une pression constante du directeur par des réflexions brutales et vexantes, et indique avoir vu Mme [O] pleurer dans les réserves ou salle de pause.Outre le caractère imprécis et non circonstancié des remarques énoncées, il est relevé que ce salarié a quitté l'entreprise en avril 2016, soit plus de deux ans avant la rupture du contrat de travail de Mme [O].
- les témoignages de quatre clients qui attestent des qualités professionnelles
de Mme [O] mais qui ne relatent aucun fait précis dont ils auraient été le témoin susceptible de présumer une situation de harcèlement.
- des extraits du cahier 'debrief' mentionnant une référence à l'usage instauré
par le directeur d'une collation à l'occasion du départ en vacances des salariés,
soit un petit déjeuner ou goûter offert à leurs collègues par le salarié concerné.
Au-delà de toute appréciation sur le bien fondé de cet usage instauré par l'employeur pour fédérer l'équipe du magasin et sur les critiques émises par la salariée à cet égard, il ne résulte pas des éléments produits que la salariée ne pouvait s'y soustraire . Il ne saurait en tout état de cause caractériser un fait susceptible de présumer un agissement harcelant.
- deux certificats médicaux du Dr [F], médecin généraliste, des 28 décembre 2017 et 21 avril 2018 et un avis d'arrêt de travail du 8 janvier 2018. Ces certificat médicaux qui font état d'un état anxio dépressif de la salariée nécessitant une prescription médicamenteuse, émanent d'un médecin qui n'a aucune connaissance de l'environnement de travail au sein de l'entreprise et qui reprend les propres dires de la salariée , sans sollicitation du médécin du travail. L'avis d'arrêt de travail intervenu deux mois environ avant la rupture n'a pas été précédé d'autres arrêts durant la durée de la relation contractuelle de plus de deux ans et demi.
Ces éléments médicaux n'établissent pas de lien entre les manifestations anxio dépressives et les conditions de travail de la salariée.
Les éléments produits par la salariée, pris dans leur ensemble, ne permettent pas de présumer l'existence d'un harcèlement.
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande à ce titre.
Sur la rupture conventionnelle
Selon l'article L.1237-11 du code du travail, "l'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.
La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties.
Elle résulte d'une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties."
Il résulte de ces dispositions que la convention de rupture du contrat de travail ne peut être valablement conclue que si elle manifeste le consentement libre et non équivoque du salarié pour mettre fin à son contrat et si elle respecte les droits auxquels il peut prétendre.
Pour garantir la liberté du consentement des parties, les articles L1237-12 et suivants du code du travail prévoient :
-l'organisation d'un ou plusieurs entretiens au cours desquels le salarié peut se faire assister, sans obligation pour l'employeur d'en informer le salarié, aucun délai n'étant par ailleurs prévu entre d'une part, l'entretien au cours duquel les parties au contrat de travail conviennent de la rupture du contrat, et d'autre part la signature de la convention de rupture, cette dernière pouvant ainsi être conclue à l'issue d'un seul entretien entre l'employeur et le salarié,
- un délai de rétractation de 15 jours calendaires à compter de la date de la signature de la convention,
-à l'issue du délai de rétractation, l'homologation de la convention par l'autorité administrative.
Aux termes des dispositions de l'article L.1237-14 du code du travail, ' lorsque les parties au contrat de travail ont conclu une convention de rupture, le litige relatif à la convention, son homologation ou son refus d'homologation doit être porté devant la juridiction prud'homale, à peine d'irrecevabilité, avant l'expiration d'un délai de 12 mois à compter de la date d'homologation de la convention par application de l'article L.1237-14 dernier alinéa du code du travail, «'les parties disposent d'un délai de 12 mois à compter de la date de l'homologation de la convention pour former un recours juridictionnel'.
En l'espèce, Mme [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse
le 7 décembre 2018 d'une demande d'annulation de la convention de rupture conventionnelle , soit dans le délai de 12 mois à compter de l'homologation de la rupture qui est en date du 9 mai 2018. Sa demande est donc recevable.
Mme [O] sollicite l'annulation de la convention de rupture conventionnelle
en raison d'une situation de violence morale subie dans le cadre d'un harcèlement
moral et de circonstances vexatoires dont elle a fait l'objet lors de la rupture.
Il importe de préciser qu'en vertu d'une jurisprudence établie de la cour de
cassation l'existence d'un différend entre les parties et de faits de harcèlement
moral au moment de la conclusion de la convention n'a aucune conséquence sur la
validité de la rupture conventionnelle, tant qu'aucun vice du consentement n'est établi.
Il incombe dès lors à la salariée de rapporter la preuve d'un vice de consentement par suite d'erreur, de dol ou de violence.
A cet égard, les réclamations salariales de la salariée au titre d'un reclassement et de l'accomplissement d'heures supplémentaires n'affectent pas en soi la validité de la convention.
La salariée se prévaut du contexte vexatoire de la rupture, évoquant son désaccord sur les réserves émises sur son travail par son supérieur hiérarchique lors de son évaluation annuelle en février 2018. Cette opposition de la salariée à son évaluation, si légitime
soit-elle, ne révèle aucune manifestation de violence de l'employeur, qu'elle soit physique ou morale, concomitante à la signature de la convention de rupture le 27 avril 2018.
Quant aux certificats médicaux des 28 décembre 2017 et 21 avril 2018 versés aux débats par la salariée, ils ne comportent aucune constatation médicale permettant d'objectiver, au-delà de la seule relation de 'soucis professionnels' par la salariée et d'un état anxio dépressif présenté par celle- ci, une situation d'atteinte psychologique telle qu'elle ait pu altérer son consentement.
Il sera relevé de surcroît que c'est sur une proposition de rupture conventionnelle formée par la salariée le 30 mars 2018 que l'employeur lui a proposé par courrier du 4 avril un entretien fixé au 12 avril 2018 en l'informant de la possibilité d'être assistée à cette date par un salarié de l'entreprise ou choisi sur une liste établie par le préfet consultable à la mairie de Noé ou à l'inspection du travail, et de la possibilité de contacter le service public de l'emploi afin de prendre sa décision en pleine connaissance de ses droits, lui rappelant en outre le délai de rétractation de 15 jours après signature de la convention. Ladite convention signée le 27 avril 2018 a été homologuée le 9 mai 2018 par la DIRECCTE.
Il se déduit de ce rappel que la procédure de rupture conventionnelle a été respectée, un entretien préalable à la signature ayant été organisé, et la salariée ayant bénéficié du délai de réflexion légal.
Les circonstances susvisées attestent d'une absence de précipitation dans la régularisation de la convention qui est exclusive d'une situation de contrainte exercée par l'employeur.
Il n'est donc pas justifié par la salariée d'un vice du consentement justifiant l'annulation de la convention de rupture conventionnelle. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes d'annulation, d'indemnité de préavis et de congés payés ainsi que de dommages et intérêts.
Sur l'absence de prévention
La salariée qui sollicite la condamnation de l 'employeur au paiement de la somme
de 8000 euros pour manquement à l'obligation de prévention, ne développe aucun moyen au soutien de sa demande qui n'est par ailleurs étayée par aucune pièce.
Cette demande sera donc rejetée par confirmation du jugement déféré.
Sur l'exécution déloyale du contrat de travail
L'article L. 1222-1 du code du travail pose le principe de l'exécution de bonne foi du contrat de travail.
Les manquements de l'employeur dont excipe la salariée ne sont pas retenus par la cour et la salariée qui obtient un rappel de salaire pour heures supplémentaires impayées ne justifie pas avoir subi un préjudice financier spécifique, distinct du retard de paiement de salaire compensé par les intérêts au taux légal.
La décision des premiers juges qui l'ont débouté de sa demande à ce titre sera donc confirmée.
Sur les demandes annexes
La société SO-BIO, partie perdante , supportera les entiers dépens de première instance et d'appel.
Mme [O] est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale et son conseil, Maître [K] TRAN. sollicite la condamnation de la société SO-BIO à lui payer la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et repris à l'article 700 du code de procédure civile. La SO-BIO partie perdante sera tenue de faire face aux frais et honoraires non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide et qui peuvent être évalués à la somme de 2.500 € .
Il y a lieu, en conséquence, de condamner la société SO-BIO à payer à Maître [K] [A]. avocat de la béné'ciaire de l'aide qui en fait la demande, la somme de 2.500 € au titre de la procédure d'appel, ce qui impliquera sa renonciation à percevoir la contribution de l'Etat.
Les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ne sont pas applicables en matière prud'homale. En effet, le ministère d'avocat n'est pas obligatoire, le salarié pouvant être représenté par un défenseur syndical. La demande de distraction formée par le conseil de la salariée sera rejetée.
La société SO-BIO, partie perdante ne peut prétendre à une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le jugement déféré sera infirmé en ses dispositions concernant les frais et dépens de première instance.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort
Confirme le jugement déféré sauf en ses dispositions ayant débouté [C] [O] de ses demandes au titre des heures supplémentaires, de l'indemnité de congés payés correspondante, des frais irrépétibles et dépens,
Statuant à nouveau des chefs infirmés
Condamne la SASU SO-BIO payer à Mme [D] [O] :
- 4 820,20 eurosà titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires
- 482 euros d'indemnité de congés payés afférente
le tout avec intérêts légaux à compter de la réception par la SASU SO-BIO de la convocation devant le bureau de conciliation du Conseil de prud'hommes de Toulouse, soit le 14 décembre 2018, avec capitalisation des intérêts par années entières en application de l'article 1343-2 du code civil
Condamne la SASU SO-BIO à payer à Maître [K] [A] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991
Rejette toute demande plus ample ou contraire
Condamne la société SO-BIO au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel
Le présent arrêt a été signé par S.BLUMÉ, présidente et par C.DELVER, greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
C.DELVER S.BLUMÉ
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