La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/07/2022 | FRANCE | N°20/03485

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 2, 08 juillet 2022, 20/03485


08/07/2022



ARRÊT N°328/2022



N° RG 20/03485 - N° Portalis DBVI-V-B7E-N3IB

FCC/AR



Décision déférée du 17 Novembre 2020 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTAUBAN ( F 18/00123)

Tissendie J-J

















[E] [K]





C/



S.A.S. ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE









































<

br>


















CONFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le 8 7 22

à

Me Olivier ISSANCHOU

Me Isabelle BAYSSET

CCC à pole emploi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU HUIT JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELAN...

08/07/2022

ARRÊT N°328/2022

N° RG 20/03485 - N° Portalis DBVI-V-B7E-N3IB

FCC/AR

Décision déférée du 17 Novembre 2020 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTAUBAN ( F 18/00123)

Tissendie J-J

[E] [K]

C/

S.A.S. ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le 8 7 22

à

Me Olivier ISSANCHOU

Me Isabelle BAYSSET

CCC à pole emploi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU HUIT JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

Madame [E] [K]

16 rue Lamartine

66250 ST LAURENT DE LA SALANQUE

Représentée par Me Olivier ISSANCHOU, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

INTIMEE

S.A.S. ELIOR SERVICES PROPRETE ET SANTE

9-11 Allée de l'Arche

92032 PARIS LA DEFENSE

Représentée par Me Isabelle BAYSSET de la SCP D'AVOCATS MARGUERIT- BAYSSET-RUFFIE, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant C.BRISSET, Présidente et F. CROISILLE-CABROL, conseillère chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

Greffier, lors des débats : A. RAVEANE

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [E] [K] a été embauchée en qualité d'agent de service par la SAS Elior Services Propreté et Santé suivant plusieurs contrats de travail à temps partiel :

- contrat à durée déterminée du 30 mars au 7 avril 2015 (143,65 heures par mois) ;

- contrat à durée déterminée du 17 au 25 mai 2015 (143,65 heures par mois) ;

- contrat à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2015 (32,50 heures par mois).

Elle était affectée sur le site du centre hospitalier de Montauban.

La relation contractuelle était soumise à la convention collective nationale des entreprises de propreté.

Des difficultés sont apparues entre, d'une part, plusieurs salariés dont Mme [E] [K] et sa mère Mme [Z] [L] [K], et, d'autre part, Mme [H], chef d'équipe, les premières accusant la seconde de harcèlement moral. De son côté, Mme [E] [K] a elle aussi fait l'objet d'une plainte d'une autre salariée, Mme [D]. Le CHSCT qui a été saisi a effectué une enquête.

Par LRAR des 10 et 16 mai 2017, la SAS Elior Services Propreté et Santé a convoqué Mme [E] [K] à un entretien préalable à un éventuel licenciement du 24 mai 2017, puis l'a licenciée pour faute grave par LRAR du 2 juin 2017 pour non-respect des directives, comportement injurieux envers Mme [H] et non-respect des horaires.

Mme [K] a saisi le 1er juin 2018 le conseil de prud'hommes de Montauban aux fins notamment de paiement de rappels de salaires et primes, de dommages et intérêts pour harcèlement moral, de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier, et de remise sous astreinte des documents sociaux conformes.

Par jugement du 17 novembre 2020, le conseil de prud'hommes de Montauban a :

- dit et jugé que :

* Mme [K] a droit au rappel de prime annuelle,

* le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

- condamné la SAS Elior Services Propreté et Santé à payer à Mme [K] les sommes suivantes :

* 78,90 € au titre de la prime annuelle,

* 1.200 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [K] des autres demandes et du surplus,

- débouté la SAS Elior Services Propreté et Santé de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [K] a relevé appel de ce jugement le 9 décembre 2020, dans des conditions de forme et de délai non discutées, en énonçant dans sa déclaration d'appel les chefs critiqués.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 19 fevrier 2021, auxquelles il est expressément fait référence, Mme [K] demande à la cour de :

- infirmer le jugement sauf en ses dispositions relatives à la prime annuelle, à l'indemnité pour frais irrépétibles allouée à Mme [K] et au rejet de la demande formulée par la SAS Elior Services Propreté et Santé au titre des frais irrépétibles,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

- requalifier la relation de travail ayant existé entre les parties en contrat de travail à temps plein,

- condamner la SAS Elior Services Propreté et Santé à verser à Mme [K] les sommes de 22.799,36 € bruts à titre de rappel de salaire, outre congés payés de 2.279,93 € bruts, ou subsidiairement, 5.864,77 € bruts outre congés payés de 586,47 € bruts,

- dire que Mme [K] a subi des agissements de harcèlement moral,

- condamner la SAS Elior Services Propreté et Santé à lui verser une indemnité d'un montant de 8.000 €,

- juger le licenciement de Mme [K] nul,

- condamner la SAS Elior Services Propreté et Santé à lui verser la somme de 9.110 € à titre de dommages intérêts ou subsidiairement, de 4.161 €,

subsidiairement,

- juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la SAS Elior Services Propreté et Santé à verser à Mme [K] la somme de 3.036 € à titre de dommages intérêts ou, subsidiairement, celle de 1.387 €,

- condamner la SAS Elior Services Propreté et Santé à verser à Mme [K] les sommes suivantes :

* une indemnité compensatrice de préavis de 1.518,21 € bruts outre congés payés de 151,82 € bruts, ou subsidiairement, de 693,49 € bruts outre congés payés de 69,35 € bruts,

* une indemnité de licenciement d'un montant de 556,64 € et, subsidiairement, de 254,28 €,

- juger le licenciement irrégulier en la forme,

- condamner en conséquence la SAS Elior Services Propreté et Santé à verser à Mme [K] la somme de 1.000 € à titre de dommages et intérêts,

- ordonner la remise à Mme [K] d'un bulletin de paie et d'une attestation d'assurance chômage conformes à l'arrêt à intervenir dans le délai d'un mois suivant sa signification,

- condamner la SASU Elior Services Propreté et Santé à verser à Mme [K] une indemnité de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même aux dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 18 mai 2021, auxquelles il est expressément fait référence, la SAS Elior Services Propreté et Santé demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [K] de ses demandes de requalification de la relation de travail à temps complet, au titre de la contestation de son licenciement, au titre du prétendu harcèlement moral et de ses demandes afférentes,

subsidiairement, si la cour prononçait la nullité de la rupture,

- fixer le salaire de Mme [K] à la somme de 326,31 €,

- déclarer que Mme [K] ne saurait prétendre à une somme supérieure à 1.957,86 € au titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, 652,62 € au titre du préavis outre congés payés de 65,26 €, et 149,58 € au titre de l'indemnité de licenciement,

à titre subsidiaire, si la cour déclarait le licenciement intervenu dénué de cause réelle et sérieuse,

- réduire à de plus justes proportion le quantum des éventuels dommages et intérêts alloués,

- déclarer que Mme [K] ne saurait prétendre à une somme supérieure à 652,62 € au titre du préavis outre congés payés de 65,26 €, et 149,58 € au titre de l'indemnité de licenciement,

- réformer le jugement pour le surplus au titre de la prime annuelle et de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [K] au paiement de la somme de la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 1 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

MOTIFS

1 - Sur les rappels de salaires :

Mme [K] fait valoir qu'elle travaillait sans rythme précis, qu'elle était sans cesse sollicitée pour effectuer des heures complémentaires en dehors des horaires prévus au contrat pour remplacer des salariés absents, et ce sans respect du délai de prévenance contractuel de trois jours, et qu'elle n'a signé aucun avenant ; que sa durée du travail variait ainsi sensiblement d'un mois à l'autre.

Elle demande, à titre principal, la requalification en temps complet à compter de la date de la première irrégularité, soit le 1er juillet 2015, avec un rappel de salaire sur la base d'un temps plein, et, subsidiairement, un rappel de salaire sur la base de 16 heures hebdomadaires (durée minimale prévue par l'article 6.2.4.2. de la convention collective).

La société Elior s'oppose à la requalification en indiquant que la salariée était en mesure de prévoir le rythme auquel elle devait travailler et n'était pas à disposition permanente, que d'ailleurs elle avait d'autres emplois et trichait sur son planning afin de concilier ses emplois.

Sur la demande subsidiaire, elle précise que, lors de son embauche en contrat à durée indéterminée, la salariée a demandé à travailler 7h30 par semaine c'est-à-dire en dessous du minimum conventionnel de 16 heures par semaine pour compléter son contrat à durée déterminée avec la SAS Elior Services Propreté et Santé par d'autres emplois, la convention collective permettant cette dérogation à la demande du salarié.

Sur ce,

Selon l'article 6.2.2 de la convention collective des entreprises de propreté et services associés, reprenant les dispositions de l'article L. 3123-6 du code du travail, le contrat de travail des salariés à temps partiel est un contrat écrit. Il comporte les mentions légales spécifiques au travail à temps partiel et notamment la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail ainsi que la répartition de cette durée sur la semaine ou le mois.

En outre, aux termes du dernier alinéa de l'article 6.2.2 précité, conforme aux articles L. 3123-25, devenus L. 3123-22, et L. 3123-6 dernier alinéa du code du travail, l'employeur qui entend augmenter temporairement la durée de travail de son salarié doit lui remettre un avenant à son contrat conformément à l'article L. 3123-25, devenu L. 3123-22 du code du travail ; cet avenant doit mentionner les modalités selon lesquelles des compléments d'heures peuvent être accomplis au-delà de la durée du travail fixée par le contrat de travail.

L'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps plein, sauf pour l'employeur à rapporter la preuve de la durée exacte de travail convenue et de ce que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir son rythme de travail et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à sa disposition.

En l'espèce, le contrat à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2015 mentionne un travail à temps partiel de 32,50 heures par mois avec une annexe répartissant les horaires travaillés : 7h30 par semaine à raison de 1h30 travaillées du lundi au vendredi de 8h à 9h30.

En revanche, il est exact que, dès le mois de juillet 2015, la salariée a été amenée à effectuer des heures complémentaires comme le mentionnent les bulletins de paie, la réalisation d'heures complémentaires de volumes variables se poursuivant par la suite, sans qu'un avenant ne lui soit proposé, ce qui instaure une présomption simple de travail à temps complet au regard des dispositions susvisées.

Or, les éventuelles 'tricheries' de la salariée sur ses horaires de début et fin de travail pour le compte de la SAS Elior Services Propreté et Santé ne seraient pas de nature à renverser la présomption, d'autant que les éléments produits font état de non-respects d'horaires de travail à compter de décembre 2015, alors que le contrat à durée indéterminée litigieux a débuté en juillet 2015.

Par ailleurs, il est exact que Mme [K] occupait un autre emploi auprès du centre hospitalier de Montauban, par le biais de divers contrats à durée déterminée. Toutefois, Mme [K] indique n'avoir commencé à travailler pour le compte du centre hospitalier qu'en décembre 2015, soit plusieurs mois après le début du contrat à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2015, et de surcroît de façon épisodique, produisant les contrats en cause. Or, la SAS Elior Services Propreté et Santé ne justifie pas que Mme [K] aurait commencé à travailler pour le compte du centre hospitalier avant le mois de décembre 2015 ; de plus, à compter de décembre 2015 ces contrats ont été irréguliers, de courte durée et séparés par de longues périodes d'interruption, ce qui ne permet pas d'affirmer que Mme [K] n'était pas placée dans l'impossibilité de prévoir son rythme de travail et qu'elle n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'intimée.

Par infirmation du jugement, la cour ne peut donc que requalifier le contrat à durée indéterminée à temps partiel à compter du 1er juillet 2015, en contrat à durée indéterminée à temps plein, avec rappel de salaire afférent. Dans un document annexé à ses conclusions, Mme [K] détaille le rappel de salaire réclamé pour la période du 1er juillet 2015 au 2 juin 2017, d'un total de 22.799,36 € bruts, et la SAS Elior Services Propreté et Santé n'émet aucune critique sur ce calcul.

Il convient donc de condamner la SAS Elior Services Propreté et Santé au paiement de rappels de salaires de 22.799,36 € bruts, outre congés payés de 2.279,93 € bruts.

2 - Sur la prime annuelle :

En vertu des dispositions conventionnelles de l'accord du 3 mars 2015 relatif à la prime annuelle, étendu par arrêté du 2 novembre 2015, tout salarié qui compte un an d'expérience professionnelle à la date de son versement, soit au 1er novembre de chaque année, a droit à une prime annuelle équivalente à un pourcentage de la rémunération minimale mensuelle hiérarchique correspondant à l'échelon de l'AS1 A (6,67 % jusqu'au 19 septembre 2017 et 7,70 % au-delà de cette date).

Pour les salariés à temps partiel, le montant de cette prime est calculé au prorata de leur temps de travail à la date du versement de la prime. En cas de départ en cours d'année, la prime est due prorata temporis.

Mme [K] demande un rappel de prime annuelle fondé sur un travail à temps complet. Elle demande la confirmation du jugement qui lui a alloué cette prime - alors même qu'il avait écarté la requalification.

Compte tenu de la requalification effectuée, le rappel de prime est dû.

3 - Sur le licenciement :

Dans sa lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, l'employeur a licencié la salariée pour faute grave. La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise ; la charge de la preuve de la faute grave pèse sur l'employeur.

La lettre de licenciement pour faute grave était ainsi motivée :

'Nous vous rappelons que vous travaillez pour le compte de notre Société depuis le 1er juillet 2015 en qualité d'Agent de Service Hospitalier au sein du Site Hôpital de Montauban.

Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements constitutifs de fautes graves et rendant de facto impossible la poursuite de notre relation contractuelle.

Le 03 mai 2017, et alors que votre Chef d'Equipe, Madame [S] [H], vous faisait part de consignes à exécuter dans le cadre de vos missions et dans le parfait respect du cahier des charges en vigueur au sein de votre site d'affectation, vous avez refusé de manière réitérée de respecter et d'appliquer lesdites consignes et rejetant vigoureusement l'autorité de votre Chef d'Equipe.

Alors que cette dernière, et malgré de très nombreux rappels à l'ordre verbaux à ce sujet, vous expliquait l'utilisation adéquate des produits en fonction de vos zones d'intervention, elle s'est rendue compte que vous dissimuliez sous les serpillères de votre chariot les produits Sprint impact et Good Sence Frech, produits dont vous n'avez pas à employer mais que vous vous obstiniez à le faire.

En effet, les protocoles d'utilisation des produits en fonction des zones du centre hospitalier ne prévoient nullement une telle utilisation.

De par vos actes, force est de constater que d'une part vous faites volontairement fi des instructions et protocoles que l'on vous donnent, et que d'autre part vous vous obstiniez à ne pas observer les consignes qui vous sont données et à mettre à mal l'organisation du site et ses ressources matérielles en vous permettant de dissimuler des produits, privant de facto vos collègues de leur emploi et de votre Chef d'équipe de sa faculté à faire respecter et déployer les procédures à mettre en place en s'aidant des ressources matérielles lui étant confiées par la Direction.

Sur ces éléments, force est de constater votre souhait patent de ne pas vous conformer aux dispositions du Règlement Intérieur, et en l'espèce de l'article 6-1 disposant « Dans l'exécution de son travail, le personnel est placé sous la subordination hiérarchique de l'employeur ou de son représentant. Dans ce cadre, le personnel est tenu de respecter les instructions de ses supérieurs hiérarchiques. »

De plus, le même jour, soit le 03 mai 2017, vous avez fait preuve d'un comportement intolérable et insultant envers votre supérieure hiérarchique.

En effet, et alors que votre Chef d'Equipe avait constaté que vous aviez subtilisé et caché des produits dont vous n'aviez à l'utilité à votre poste, et alors même qu'elle vous rappelait les innombrables rappels verbaux quant à l'utilisation des produits, vous avez tenu à son égard des propos inacceptables : « Tu me fais chier avec ton protocole de merde » ; « Lâche moi, rend moi mes produits » ; « Tu m'emmerdes, ferme là » en joignant vos insultes au mime de « fermer sa bouche ».

Non contente d'avoir eu de tels propos envers votre hiérarchie, et quand cette dernière partit, vous lui avez fait un doigt d'honneur.

Cette attitude ne peut absolument pas être tolérée parce qu'elle fait part de propos irrespectueux et insultants à l'égard d'une de vos collègues, et en l'espèce à l'égard de votre responsable, et met en exergue votre volonté manifeste de ne pas adopter une attitude de service et une retenue dans votre langage et dans votre comportement telle qu'imposée par l'article 6-1 du Règlement Intérieur.

Ces éléments dénotent manifestement votre volonté manifeste de ne pas vouloir vous conformer aux règles en vigueur dans notre entreprise, ces manquements perdurant depuis un certain temps.

En effet, pour rappel, il a été mis en exergue que vous manquiez très régulièrement à vos obligations contractuelles et ce malgré les très nombreux rappels à l'ordre de votre Chef d'équipe.

Il a pu être souligné des irrégularités sur vos pointages (horaires d'arrivée ou de départ mal ou non pointés), des retards réguliers de prise de poste, de réguliers manques de respects des protocoles et de votre fiche de poste, de très nombreux actes d'insubordination sur le cahier de liaison (y compris des remarques fort désobligeantes à l'encontre de votre Chef d'équipe ou certains de vos collègues.

Ces manquements réitérés soulignent la gravité de vos manquements et votre attitude du 03 mai 2017 envers votre Chef d'équipe, de par vos insultes ou envers vos collègues et notre Entreprise, de par la subtilisation régulière de produits, ne font que nous confirmer que vous persistiez à ne pas vouloir vous conformer aux consignes ou règles de vie dans votre équipe, ce dont nous ne pouvons tolérer davantage.

Vos propos et attitudes intolérables distillent et font perdurer un climat délétère et ont pour effet, au-delà de créer une certaine désorganisation sur votre site, d'instaurer un certain mat-être pour votre Chef d'équipe ou pour certains de vos collègues, ce dont nous ne pouvons accepter plus longtemps.

Aussi et compte tenu des faits qui vous sont reprochés et de leur gravité, nous nous voyons contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave, le maintien dans nos effectifs s'avérant impossible...'

Mme [K] soutient, à titre principal, que son licenciement est nul car intervenu dans un contexte de harcèlement moral subi de la part de sa supérieure hiérarchique Mme [H], et subsidiairement elle soutient qu'il est sans cause réelle et sérieuse car les griefs ne sont pas établis.

Sur la nullité du licenciement :

Aux termes de l'article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Aux termes de l'article L 1152-2, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L'article L 1152-3 dispose que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de ces textes est nulle.

En application de l'article L 1154-1, il appartient au salarié qui se prétend victime d'agissements répétés de harcèlement moral d'établir des faits permettant de présumer l'existence d'un tel harcèlement (version antérieure à la loi du 8 août 2016) ou de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un tel harcèlement (version issue de la loi du 8 août 2016). Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme [K] soutient qu'elle a été victime du comportement de Mme [H], autoritaire et tenant à son égard des propos injurieux et infamants, et lui interdisant d'utiliser certains produits d'entretien, et ajoute que ses collègues étaient également affectés par une ambiance de travail délétère du fait de Mme [H].

Mme [K] produit aux débats :

- le compte-rendu d'une 'réunion' du 12 octobre 2016 qui semble être un regroupement improvisé de salariées, et dont les participants sont inconnus ; il s'agit en réalité d'une liste de reproches concernant Mme [H] adressés à la direction ;

- un courrier de plusieurs salariées, dont Mme [E] [K] et sa mère Mme [Z] [L] [K], également employée sur le même site, du 15 décembre 2016, précisant les conditions dans lesquelles s'était tenue la 'réunion' du 12 octobre et demandant à la direction des réponses ;

- un courrier du 17 février 2017 par lequel quatre salariées dont Mme [K] et sa mère se plaignent auprès de la direction du comportement de Mme [H], chef d'équipe, et demandent une intervention ;

- un courrier de réponse de l'employeur en date du 24 février 2017, précisant avoir saisi le CHSCT ;

- une attestation de M. [V] affirmant que, le 3 mai 2017, Mme [H] a 'hurlé' sur Mme [K] en lui reprochant d'utiliser certains produits d'entretien.

Ces écrits font état de faits précis de Mme [H] à l'égard de Mme [K] et ses collègues : elle dénigrerait systématiquement les agents, prendrait des pauses intempestives, elle refuserait de fournir le matériel à un agent, emploierait un langage grossier et choquant en parlant à certains agents, subtiliserait le cahier de présence, chronomètrerait les agents, interdirait à tout remplaçant de leur parler, salirait volontairement les secteurs déjà nettoyés.

Ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral, que Mme [K] a effectivement dénoncé avec certaines de ses collègues à l'employeur.

En réponse, l'employeur produit aux débats les éléments objectifs suivants :

- le rapport d'incident du 29 décembre 2016 établi par Mme [H] concernant Mme [E] [K], pour un non-respect des horaires, un comportement menaçant et injurieux de la part de celle-ci, disant à Mme [H] qu'elle faisait ce qu'elle voulait et se moquait de ses ordres, et traitant Mme [H] de 'débile' ;

- le courrier de Mme [H] du 16 février 2017 par lequel elle se plaignait auprès de l'employeur d'être elle-même victime de harcèlement moral de la part de Mme [Z] [L] [K] (remarques déplacées et insultes de manière récurrente) ;

- le courrier de Mme [D] du 7 mai 2017 se plaignant du comportement agressif à son égard de Mme [E] [K] ;

- le procès-verbal de réunion du CHSCT du 22 mars 2017 dont il ressort qu'après enquête du 6 mars 2017, 'il n'y a pas assez d'éléments concrets pour pouvoir prendre une décision' et concluant qu''il fallait approfondir les faits relatés'.

Ainsi, il en résulte que les comportements de Mme [K] et de sa mère n'étaient pas étrangers à l'attitude imputée à Mme [H].

La société Elior Services Propreté et Santé ne produit pas d'élément postérieur au procès-verbal du CHSCT susvisé, mais il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'une ambiance délétère régnait au sein de l'équipe de nettoyage sur le site montalbanais, sans qu'il en résulte la caractérisation d'un harcèlement moral à l'encontre de Mme [K].

Dans ces conditions, la cour estime qu'il n'y a pas lieu de retenir l'existence d'un harcèlement moral commis à l'égard de Mme [K], qui ne peut donc revendiquer la protection de l'article L 1152-2 du code du travail et solliciter la nullité de son licenciement.

Cette demande sera donc rejetée par confirmation du jugement déféré.

Sur le caractère fondé du licenciement :

S'agissant des faits ayant donné lieu à l'incident du 3 mai 2017, la SAS Elior Services Propreté et Santé verse aux débats :

- le protocole de nettoyage et de désinfection DISTREP au sein du centre hospitalier de Montauban, mentionnant le produit à utiliser (Bactopin Plus) ;

- un extrait du cahier de liaison du 29 mars 2017 où Mme [H] indiquait à Mme [K] qu'elle devait respecter le protocole et ne pas utiliser d'autres produits, ni utiliser des serpillières ;

- un extrait du cahier de liaison du 14 avril 2017 où Mme [H] reprochait à Mme [K] le non-respect du protocole ;

- le rapport d'incident du 3 mai 2017, où Mme [H] relatait qu'elle avait vu Mme [K] en possession de produits d'entretien (Sani Cal, Good Sence Fresch, Sprint Impact) non autorisés par le protocole, qu'elle le lui avait fait remarquer et que Mme [K] avait 'hurlé' sur Mme [H] et lui avait répondu qu'elle 'la faisait chier' avec son protocole ;

- deux attestations de Mme [D], témoin des faits du 3 mai 2017, relatant que Mme [K] hurlait sur Mme [H] au sujet des produits et lui avait dit qu'elle 'la faisait chier avec son protocole de merde', 'la ferme', et lui avait fait un 'doigt d'honneur' ; elle ajoute ne pas avoir entendu Mme [H] hurler, celle-ci étant au contraire restée 'stoïque' face à l'insubordination et aux injures de Mme [K].

Mme [K] réplique que sa fiche de poste l'autorisait à utiliser du Sprint Impact, qu'elle n'utilisait pas de Good Sence Fresh, qu'elle n'avait pas connaissance du protocole du centre hospitalier, et qu'elle n'a pas crié ni insulté Mme [H], qu'au contraire c'est Mme [H] qui hurlait. Elle se fonde sur l'attestation de M. [V] disant que Mme [K] était restée calme et respectueuse envers Mme [H].

Toutefois, le protocole sanitaire du centre hospitalier doit primer sur la fiche de poste ; Mme [K] connaissait ce protocole qui lui avait été rappelé à plusieurs reprises ; l'insubordination est donc établie. Quant aux propos et au geste injurieux, ils sont décrits avec précision par Mme [D] qui était témoin de la scène et confirme les dires de Mme [H]. La matérialité des griefs est donc établie.

S'agissant du non-respect des horaires de pointage, la SAS Elior Services Propreté et Santé produit :

- le rapport d'incident du 29 décembre 2016 évoquant ce non-respect ;

- le rapport d'incident du 10 mars 2017 évoquant les manquements passés de Mme [K] en 2016 (oubli de pointage, fraude sur heure de départ ou heure d'arrivée...) et une réitération le 7 mars 2017 (oubli de pointage), le 9 mars 2017 (fraude sur l'heure de début) et le 10 mars 2017 (une collègue ayant pointé à sa place) ;

- un extrait du cahier de pointage du centre hospitalier pour les 9 et 10 mars 2017 et un extrait du cahier de présence de la SAS Elior Services Propreté et Santé pour le 10 mars 2017.

Mme [K] indique à juste titre que les faits de 2016 sont prescrits, ayant été signalés plus de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement du 10 mai 2017.

En revanche, les faits des 7, 9 et 10 mars 2017, signalés à l'employeur par rapport du 10 mars 2017, ne sont pas prescrits. Sur le fond, Mme [K] se borne à soutenir que le grief n'est pas démontré, mais ne donne aucune explication sur le déroulement des faits.

La cour estime donc le grief non prescrit comme étant établi.

La cour considère donc que l'ensemble des griefs constituait une faute grave justifiant ce licenciement.

C'est donc à juste titre que le conseil de prud'hommes a débouté Mme [K] de ses demandes de dommages et intérêts pour harcèlement moral, de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité de licenciement.

5 - Sur la procédure de licenciement :

La SAS Elior Services Propreté et Santé ayant son siège social à La Défense a, dans un premier temps, par LRAR du 10 mai 2017, convoqué Mme [K] à un entretien préalable au licenciement du 24 mai 2017 sur le site du centre hospitalier de Montauban. Mme [K] a souhaité être assistée par Mme [U], déléguée du personnel, qui se trouvait le 24 mai 2017 dans les locaux de la direction régionale d'Elior à Fonsorbes. Par

LRAR du 16 mai 2017, la SAS Elior Services Propreté et Santé a alors maintenu la date du 24 mai 2017 mais déplacé le lieu à Fonsorbes, en indiquant que les frais de déplacement lui seraient remboursés sur justificatif. Par courrier du 19 mai 2017, Mme [K] a toutefois indiqué qu'elle n'avait pas de moyen de locomotion pour Fonsorbes et demandé à ce que l'entretien se tienne à Montauban, pendant ses horaires de travail. Elior a maintenu la date du 24 mai 2017 et le lieu de Fonsorbes et Mme [K] ne s'est pas déplacée à l'entretien.

Mme [K] estime que la procédure de licenciement est entachée d'une irrégularité car Fonsorbes n'est ni le siège social de l'entreprise ni le lieu de travail.

Néanmoins, la SAS Elior Services Propreté et Santé a fixé le lieu de l'entretien à Fonsorbes pour un motif légitime, qui était de permettre à Mme [K] de se faire assister par la personne de son choix, sans être obligée de reporter l'entretien à une date où Mme [U] aurait été disponible sur Montauban.

La cour déboutera donc la salariée de sa demande de dommages et intérêts de ce chef, étant relevé que le jugement l'a déboutée du surplus de ses demandes sans motiver sur le respect de la procédure.

6 - Sur le surplus des demandes :

L'employeur succombant sur le rappel de salaire devra délivrer à la salariée un bulletin de paie et une attestation Pôle Emploi rectifiés sous un mois à compter de l'arrêt ; il supportera les dépens, sur lesquels le conseil de prud'hommes n'a pas statué, ses frais irrépétibles, et ceux exposés par Mme [K] en première instance (1.200 €) et en appel (1.500 €).

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté Mme [K] de ses demandes de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, de rappels de salaires et de remise de documents sociaux rectifiés,

Statuant à nouveau sur ces points, et y ajoutant,

Prononce la requalification du contrat à durée indéterminée à temps partiel en contrat à durée indéterminée à temps plein,

Condamne la SAS Elior Services Propreté et Santé à payer à Mme [E] [K] les sommes suivantes :

- 22.799,36 € bruts à titre de rappels de salaires, outre congés payés de 2.279,93 € bruts,

- 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne à la SAS Elior Services Propreté et Santé de délivrer à Mme [E] [K] un bulletin de paie et une attestation Pôle Emploi rectifiés, dans le délai d'un mois à compter du présent arrêt,

Condamne la SAS Elior Services Propreté et Santé aux dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Catherine BRISSET, présidente, et par Arielle RAVEANE, greffière.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,

Arielle RAVEANECatherine BRISSET

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 2
Numéro d'arrêt : 20/03485
Date de la décision : 08/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-08;20.03485 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award