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04/07/2022 | FRANCE | N°21/00252

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 04 juillet 2022, 21/00252


04/07/2022





ARRÊT N°287/2022



N° RG 21/00252

N° Portalis DBVI-V-B7F-N5OG

SL / RC



Décision déférée du 06 Novembre 2020

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de FOIX (1119000464)

M. [T]

















S.C.P. [I]- [I] [D]





C/



S.C.I. SCI CHAPASS











































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CONFIRMATION







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANTE



S.C.P. [X] [I] - [W] [I] [D]

Société civile professionnelle titulaire d'un office notarial, agi...

04/07/2022

ARRÊT N°287/2022

N° RG 21/00252

N° Portalis DBVI-V-B7F-N5OG

SL / RC

Décision déférée du 06 Novembre 2020

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de FOIX (1119000464)

M. [T]

S.C.P. [I]- [I] [D]

C/

S.C.I. SCI CHAPASS

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

S.C.P. [X] [I] - [W] [I] [D]

Société civile professionnelle titulaire d'un office notarial, agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social de la société.

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Nicolas LARRAT de la SCP LARRAT, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

S.C.I. SCI CHAPASS

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Regis DEGIOANNI de la SCP GOGUYER-LALANDE DEGIOANNI PONTACQ, avocat au barreau D'ARIEGE

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 09 Mai 2022, en audience publique, devant M. DEFIX, et S. LECLERCQ, magistrats chargés de rapporter l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

M. DEFIX, président

J.C. GARRIGUES, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

Greffier, lors des débats : N. DIABY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par R. CHRISTINE, faisant fonction de greffier, ayant prêté serment le 11 avril 2022.

EXPOSÉ DU LITIGE ET PROCÉDURE

Par acte authentique du 23 juillet 2015 établi par la Scp [X] [I] - [W] [I]-[D], notaires à Ax-les-Thermes, la Sci Chapass a acquis de M. et Mme [E] une construction à usage de chalet-refuge, sans terrain, située [Adresse 5].

La commune d'Ax-les-Thermes est intervenue à l'acte, en qualité de seule et incommutable propriétaire de la parcelle de terrain où est implantée la construction à usage de chalet-refuge.

Ladite construction a été qualifiée de bien mobilier par le notaire, au sein de l'acte authentique.

Le prix était de 200.000 euros. Un droit fixe de 125 euros a été appliqué à la cession.

Dans le même acte, un fonds de commerce de restauration connu sous le nom commercial 'Le chalet de la Hulotte', exploité dans le chalet-refuge, a été cédé à la Sarl Louzat, moyennant le prix de 150.000 euros.

Par courrier du 21 décembre 2018, la direction générale des finances publiques a indiqué à la Sci Chapass qu'elle envisageait de procéder à une taxation de droits d'enregistrement.

Elle a indiqué que l'objet de la vente établie par l'acte notarié du 23 juillet 2015 était non pas un bien meuble mais un bien immeuble, et a également informé la Sci Chapass que la taxation aux droits d'enregistrement s'élevait à la somme de 11 488 euros et que des intérêts de retard seraient également dus, à hauteur de 1 585 euros.

La Sci Chapass a réglé la somme de 11.488 euros au titre des droits d'enregistrement, et la somme de 1.585 euros au titre des intérêts de retard.

Par acte d'huissier en date du 13 novembre 2019, la Sci Chapass a fait assigner la Scp [I] et [I]-[D] devant le tribunal de grande instance de Foix aux fins d'indemnisation, lui reprochant de ne pas lui avoir réparé le préjudice subi par sa faute.

Par jugement du 6 novembre 2020 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal judiciaire de Foix a :

- condamné la Scp [I] et [I]-[D] à verser à la Sci Chapass la somme de 2 585 euros à titre de réparation,

- débouté la Scp [I] et [I]-[D] de sa demande reconventionnelle pour procédure abusive,

- condamné la Scp [I] et [I]-[D] à verser à la Sci Chapass la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la Scp [I] et [I]-[D] de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Scp [I] et [I]-[D] à supporter la charge des entiers dépens de l'instance.

Pour statuer ainsi, le tribunal a d'abord considéré que l'argument de la Scp notariale selon lequel le terrain sur lequel avait été construit le chalet appartient à la commune d'Ax-Les-Thermes était insuffisant pour justifier la qualification de la construction en bien meuble, et qu'il n'était pas apporté d'éléments sur la structure du chalet ni la façon dont il est rattaché au sol, ce qui ne permettait pas de corroborer la qualification choisie par la Scp notariale.

Ensuite, le tribunal a estimé que la Scp notariale n'avait pas respecté son devoir de conseil vis-à-vis de la Sci Chapass et avait ainsi commis une faute au sens de l'article 1382 ancien du code civil.

En effet, la Scp notariale n'a produit aucun élément permettant d'établir qu'elle avait informé la Sci Chapass d'un éventuel dissensus juridique sur la qualification à retenir.

Il a jugé que le fait que la Sci Chapass n'ait pas exercé de recours à l'encontre de la décision de l'administration fiscale n'avait aucune incidence sur le non-respect par la Scp notariale de son devoir de conseil, mais venait au contraire confirmer ce non-respect, puisque si elle avait correctement renseigné la Sci Chapass sur l'éventuelle difficulté relative à la qualification du bien, cette dernière aurait pu décider de former un recours contre la décision de l'administration fiscale afin de faire valoir ses arguments en faveur de la qualification en bien meuble.

Il a retenu que le préjudice consistait en les intérêts de retard dus à l'administration fiscale, d'un montant de 1.585 euros, et en un préjudice moral de 1.000 euros.

Par déclaration en date du 13 janvier 2021, la Scp [I] et [I]-[D] a relevé appel de ce jugement en ce qu'il a :

- retenu la responsabilité civile professionnelle de la Scp [I] et [I]-[D] ;

- condamné la Scp [I] et [I]-[D] à verser à la Sci Chapass la somme de 2 585 euros à titre de réparation,

- débouté la Scp [I] et [I]-[D] de sa demande reconventionnelle pour procédure abusive,

- condamné la Scp [I] et [I]-[D] à verser à la Sci Chapass la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Scp [I] et [I]-[D] à supporter la charge des entiers dépens de l'instance.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 9 avril 2021, la Scp [X] [I] - [W] [I]-[D], appelante, demande à la cour, au visa de l'article 1382 ancien du code civil, de :

- réformer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à verser à la Sci Chapass la somme de 2 585 euros à titre de réparation et la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,

Statuant à nouveau,

- débouter la Sci Chapass de l'intégralité de ses demandes,

- la condamner au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle soutient qu'elle n'avait pas à se déplacer sur site ; qu'elle n'avait pas à remettre en cause les informations communiquées par les parties, ne disposant d'aucun élément de nature à les rendre suspectes ; que tous les éléments en la possession du notaire lui permettaient de retenir que le chalet-refuge présentait bien un caractère mobilier, notamment des transactions antérieures portant sur ce chalet-refuge.

Elle soutient que la stratégie de la Sci Chapass a été de ne pas contester la qualification donnée par l'administration fiscale, alors qu'il apparaît que ce seraient les piliers en béton qui étaient ancrés au sol, et non le chalet-refuge ; qu'il appartenait à la Sci Chapass de faire un recours contre l'administration fiscale.

S'agissant du préjudice, elle soutient que les intérêts ont été compensés par l'avantage retiré de la conservation de la somme due au titre des droits d'enregistrement pendant plus de 4 ans. Elle ajouteque le notaire n'est pas à l'origine des tracas subis qui ne sont que la conséquence d'une démarche contestable de l'administration fiscale.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 12 mai 2021, la Sci Chapass, intimée, demande à la cour de :

- confirmer en tout point le jugement déféré,

En conséquence,

- condamner la Scp [I] et [I]-[D] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens.

Elle soutient qu'en déclarant le bien objet de la vente comme étant un bien immobilier, le notaire rédacteur a commis une faute lors de la rédaction et de l'enregistrement de l'acte authentique, cause de la rectification ; que le préjudice consiste en les intérêts de retard et également l'emprunt contracté pour faire face à ce soudain besoin en trésorerie.

Motifs de la décision :

Sur la saisine de la cour :

La cour n'est pas saisie d'un appel sur la disposition du jugement ayant débouté la Scp notariale de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur la responsabilité du notaire :

Vu l'article 1382 du code civil dans sa rédaction applicable à la date du contrat de vente.

La responsabilité civile professionnelle des notaires, qui ne peut avoir qu'un fondement délictuel lorsqu'elle est recherchée en raison d'un manquement au devoir de conseil, suppose que la victime apporte la démonstration d'une faute, d'un préjudice qui doit être né, actuel et certain et d'un lien de causalité qui doit être direct entre la faute et le préjudice.

Sur la faute :

L'administration fiscale a considéré que le chalet était un immeuble, car il ne peut être déplacé et repose sur des piliers en béton ancrés au sol.

Le notaire rédacteur, avant de choisir une qualification ou de confirmer la qualification précédente, se devait d'interroger ses clients sur les éléments permettant d'opter pour une qualification de meuble plutôt que d'immeuble, et notamment quant à son ancrage au sol. Or, il ne justifie pas l'avoir fait.

Dès lors, la Scp [X] [I] - [W] [I]-[D] a manqué à son devoir de diligence. Elle a donc commis une faute.

Sur le préjudice en lien de causalité :

Le caractère d'immeubles par nature est reconnu aux biens sans prise au sol lorsque ces dernier sont assemblés avec une structure incorporée au sol, et ce même lorsqu'ils sont démontables. C'est pourquoi le chalet-refuge a été requalifié en bien immeuble.

Le rappel de droits lié à la mauvaise qualification retenue est de 11.488 euros.

Les intérêts de retard s'élèvent à 1.585 euros.

La Scp Scp [X] [I] - [W] [I]-[D] fait valoir que le montant des intérêts de retard a été compensé par la conservation de la somme de 11.488 euros pendant plus de 4 ans. Cependant, la Sci Chapass objecte qu'elle ne détenait pas une telle somme. Elle dit qu'au contraire, elle a dû contracter un emprunt pour payer les droits d'enregistrement. Il n'est pas démontré que la Sci Chapass a pu faire fructifier la somme de 11.488 euros.

Le préjudice moral lié aux tracasseries subies, notamment les courriers envoyés et reçus à la suite de la proposition de rectification de l'administration fiscale, peut être évalué à 1.000 euros.

Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a condamné la Scp [X] [I] - [W] [I]-[D] à verser à la Sci Chapass la somme de 2.585 euros à titre de réparation.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :

Il a été reconnu que la Scp notariale a commis une faute.

Le jugement dont appel sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la Scp [X] [I] - [W] [I]-[D] de sa demande reconventionnelle pour procédure abusive.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

La Scp [X] [I] - [W] [I]-[D], partie perdante, doit supporter les dépens de première instance, ainsi que décidé par le premier juge, et les dépens d'appel.

Elle se trouve redevable d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, que le premier juge a justement estimée au titre de la procédure de première instance, et dans les conditions définies par le dispositif du présent arrêt au titre des frais non compris dans les dépens exposés en appel.

La Scp [X] [I] - [W] [I]-[D], étant condamnée aux entiers dépens, n'est pas fondée à solliciter une indemnité au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Elle sera déboutée de cette demande.

Par ces motifs,

La Cour,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Foix du 6 novembre 2020 ;

Y ajoutant,

Condamne la Scp [X] [I] - [W] [I]-[D] aux dépens d'appel ;

La condamne à payer à la Sci Chapass la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

La déboute de sa demande sur le même fondement.

Le présent arrêt a été signé par M.DEFIX, président et par R.CHRISTINE, faisant fonction de greffier, ayant prété serment le 11 avril 2022.

Le GreffierLe Président

R. CHRISTINEM. DEFIX

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 21/00252
Date de la décision : 04/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-04;21.00252 ?
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