01/07/2022
ARRÊT N°2022/303
N° RG 21/01131 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OA2P
AB/AR
Décision déférée du 10 Février 2021 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( 19/00133)
Mispoulet
Association AGAPEI
C/
[D] [Z]
INFIRMATION
Grosse délivrée
le 1/7/22
à Me Gilles SOREL
Me Jean-marc DENJEAN
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 2
***
ARRÊT DU PREMIER JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANTE
Association AGAPEI
8 place Alphonse Jourdain CS 51507 - 31015 TOULOUSE CEDEX 6
Représentée par Me Jade ROQUEFORT de la SELAFA FIDAL, avocat au barreau de TOULOUSE (plaidant) et par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant)
INTIMEE
Madame [D] [Z]
8, place de l'Eglise 81370 SAINT SULPICE LA POINTE
Représentée par Me Jean-marc DENJEAN de la SCP CABINET DENJEAN ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant A.PIERRE-BLANCHARD, conseillère, chargée du rapport. Ce magistrats a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BRISSET, présidente
A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère
F. CROISILLE-CABROL, conseillère
Greffier, lors des débats : A. RAVEANE
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre
EXPOSE DU LITIGE
Mme [Z] a été embauchée à compter du 17 décembre 2001 par l'association ADAPEI (devenue AGAPEI) en qualité d'aide médico-psychologue suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel régi par la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées.
En dernier lieu, elle occupait cette fonction à temps plein au sein du foyer d'accueil médicalisé Le Lauragais.
Après avoir été convoquée par courrier du 27 novembre 2018 à un entretien préalable au licenciement fixé au 7 décembre suivant assorti d'une mise à pied à titre conservatoire, Mme [Z] a été licenciée par courrier du 14 décembre 2018 pour faute grave; l'employeur lui reproche des faits de maltraitance, plus particulièrement à l'égard de deux résidents.
La salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse le 25 janvier 2019 pour contester son licenciement et solliciter le versement de diverses sommes.
Par jugement du 10 février 2021, le conseil de prud'hommes, a :
- dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- fixé le salaire de référence à 2 237,16 €,
-en conséquence, condamné l'association AGAPEI à régler à Mme [Z] les sommes suivantes :
* 22 371,60 € net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle
et sérieuse,
* 13 422,96 € net au titre de l'indemnité légale de licenciement,
* 4 474,32 € brut à titre de l'indemnité de préavis,
* 447,43 € brut au titre des congés payés afférents au préavis,
* 909,33 € brut à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire,
* 90,93 € brut au titre des congés payés afférents au rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire,
- condamné l'association AGAPEI à remettre à Mme [Z] le certificat de travail et l'attestation Pôle emploi rectifiés conformément à la présente décision,
- ordonné à l'association AGAPEI à rembourser les indemnités de chômage versées à Mme [Z] dans la limite de six mois d'ancienneté (sic),
- rappelé que les créances salariales produisaient intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation, soit le 30 janvier 2019 et qu'elles étaient assorties de plein droit de l'exécution provisoire, la moyenne reconstituée des trois derniers mois étant de 2 237,16 €,
- rappelé que les créances indemnitaires produisaient intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement,
- dit n'y avoir lieu à exécution autre que de droit,
- condamné l'association AGAPEI à payer à Mme [Z] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'association AGAPEI a régulièrement relevé appel de ce jugement le 10 mars 2021, énonçant dans sa déclaration les chefs critiqués du jugement.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 30 novembre 2021, auxquelles il est expressément fait référence, l'association AGAPEI demande à la cour de réformer en toutes ses dispositions le jugement de première instance;
- rejeter toute demande adverse comme irrecevable ou mal fondée,
- débouter Mme [Z] de l'intégralité de ses demandes,
- condamner Mme [Z] à verser à l'AGAPEI la somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [Z] aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 29 avril 2022, auxquelles il est expressément fait référence, Mme [Z] demande à la cour de confirmer la décision déférée en ce :
- qu'elle a dit le licenciement de Mme [Z] dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- qu'elle a condamné l'AGAPEI à lui payer les sommes suivantes :
* 4.474,32 € au titre de l'indemnité de préavis, outre celle de 447,43 € au titre des congés payés y afférents,
* 13.422,96 € au titre de l'indemnité de licenciement,
* 909,33 € au titre du remboursement de la mise à pied, outre la somme de 90,93€ au titre des congés payés,
* 1.500 € au titre de l'article 700 du CPC,
- qu'elle a condamné l'AGAPEI à remettre à Mme [Z] un certificat de travail ainsi qu'une attestation Pôle emploi conformes à la décision,
- qu'elle a ordonné à l'AGAPEI de rembourser les indemnités chômage versées à Mme [Z] dans la limite de six mois,
-infirmer la décision déférée pour le surplus,
Statuant à nouveau,
- condamner l'AGAPEI à verser à Mme [Z] la somme de 31.200 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel et moral pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
y ajoutant,
- condamner l'AGAPEI à verser à Mme [Z] la somme supplémentaire de 3.500 € sur le fondement de l'article 700 du C.P.C.
- condamner l'AGAPEI aux dépens.
MOTIFS
Sur le licenciement de Mme [Z] :
L'association AGAPEI soutient que la matérialité et la gravité des faits reprochés à Mme [Z] sont établies par l'enquête qu'elle a diligentée auprès des salariés et résidents. Elle indique que Mme [Z] avait un comportement intolérable en particulier face à deux résidents, Mme [E] et M. [U]
Mme [Z] réplique que l'association échoue à démontrer que les faits litigieux peuvent recevoir la qualification d'actes s'apparentant à de la maltraitance comme ayant été commis très régulièrement et depuis plusieurs mois.
En outre, elle relève qu'elle a continué à travailler jusqu'au 24 novembre 2018 alors que l'employeur avait eu connaissance des faits qu'il lui reproche le 18 octobre précédent de sorte que la tardiveté de l'engagement de la procédure disciplinaire ôte à ces faits leur caractère grave.
Sur ce,
La faute grave se définit comme un fait ou un ensemble de faits, personnellement imputables au salarié, constituant une violation d'une obligation contractuelle ou un manquement à la discipline de l'entreprise, d'une gravité telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise.
Lorsque l'employeur retient la qualification de faute grave dans la lettre de licenciement, il lui incombe de rapporter la preuve matérielle des faits reprochés à son salarié.
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi motivée :
'Comme indiqué lors de l'entretien préalable, il a été porté à notre connaissance, le 18 octobre 2018, des faits extrêmement graves vous concernant. Nous avons naturellement cherché à vérifier leur réalité et réalisé une enquête interne aux termes de laquelle il est apparu que vous vous livrez très régulièrement et depuis plusieurs mois, à ce qui s'apparente à des actes de maltraitance envers les résidents du FAM Lauragais et plus particulièrement envers deux d'entre eux.
Nous vous reprochons ainsi les faits suivants:
- Vous adoptez un comportement verbal agressif envers les résidents et spécifiquement envers deux d'entre eux diminués physiquement.
Il ressort en effet de plusieurs témoignages, de salariés et de résidents, que vous vous adressez systématiquement aux résidents en hurlant. Plusieurs résidents s'en sont d'ailleurs plaints. Au-delà des cris et hurlements, qui sont totalement inappropriés dans un environnement professionnel, a fortiori dans un établissement comme le nôtre accueillant un public fragile, vous adoptez un ton agressif et irrespectueux envers les personnes accueillies.
- Vous menacez et punissez les résidents.
L'enquête menée a révélé que vous menacez et punissez certains résidents. Il est notamment fait état de menaces liées au droit de visite des résidents ou à la confiscation d'objets personnels. Des salariés indiquent également que vous menacez certains résidents de remplacer le repas spécialement préparé pour eux, le WE appelé repas "amélioré", par un repas Sodexo. Il ressort de l'enquête que vous mettez régulièrement vos menaces à exécution.
Ces comportements ont de graves conséquences sur les résidents. L'un d'entre eux a d'ailleurs exprimé le souhait de ne plus être en contact avec vous. D'autres salariés constatent également les conséquences néfastes de votre comportement sur les résidents.
Par ailleurs, le climat de travail ainsi instauré nuit au bon fonctionnement de notre structure et crée un sentiment de malaise chez certains salariés qui ne cautionnent pas vos actes.
Il est précisé que lors de l'entretien préalable vous avez, après les avoir niés, cherché à justifier les comportements susmentionnés.
Au-delà de la violation des principes de professionnalisme et de respect des personnes que nous défendons, vous comprendrez que des manquements aussi graves et nombreux, sont intolérables, et ce d'autant plus de la part d'une aide médico-psychologique contribuant quotidiennement au bien-être (tant physique que psychique) des résidents.
En effet, non seulement votre comportement se révèle nocif pour les résidents, mais il est également préjudiciable au bon fonctionnement de notre structure, au climat social et au bien être du personnel. Au surplus, vos manquements nuisent gravement à l'image de notre structure (...)'.
Le pavillon au sein duquel Mme [Z] travaillait, qui accueille 12 résidents, était composé d'une équipe de sept salariés. Parmi ces salariés, Mme [T] a alerté, quelques mois après son embauche, la direction sur le comportement de Mme [Z] notamment à l'égard de deux résidents, Mme [E] et M. [U] Le compte-rendu de cet entretien est versé aux débats.
Aux termes de cet entretien, Mme [T] indique que Mme [Z] crie sur les résidents 'les pousse à bout'; elle qualifie son comportement de maltraitant. Mme [T] relate notamment deux situations. La première concernant Mme [E], elle indique que 'dimanche matin, quand je suis arrivée, j'ai trouvé [H] (Mme [E]) en pleure. Mme [Z] m'a sauté dessus et devant la résidente a dit 'elle a pissé au lit', c'est inadmissible, elle doit aller aux toilettes. Si elle continue de pisser au lit, j'appellerai sa soeur et elle ne sortira plus de chez elle'. Mme [T] expose 'je ne suis pas arrivée à l'arrêter. Puis j'ai pris [D] (Mme [Z]) à part dans le bureau. Elle m'a dit que j'étais juste AS et que je venais d'arriver. (...)'. Elle ajoute que 'dernièrement, cela s'est mal passé quand elle (Mme [E]) est allée faire une angio. J'ai transmis à [D] le fait que cela s'est mal passé. [H] a pris un abatage par [D]'.
La seconde situation concerne M.[U], Mme [T] indique que Mme [Z] a dit à ce résident 'vas-y fous moi sur la gueule et je vais porter plainte contre toi'.
Mme [T] poursuit 'Mme [Z] a décidé que les résidents ne mangeraient pas de pain. Elle les prive de fromage (...). Pour [A] (un résident) (...), elle le fait déjeuner ainsi sans lui changer sa protection de nuit qui est très souillée'.
Le 31 octobre suivant, Mme [Z] a ainsi fait l'objet d'un protocole de signalement d'événement grave et acte de maltraitance par Mme [T].
La direction a alors diligenté une enquête en interrogeant Mme [E] et M.[U] ; s'ils connaissent une situation de handicap, ils sont lucides et ne présentent aucun trouble dissociatif, ni de délire, tel qu'il ressort des certificats médicaux établis par leur médecin traitant, le Dr [G].
Les comptes-rendus de ces entretiens sont produits pour la première fois en appel.
Lors de son entretien du 13 novembre 2018, la direction a indiqué à M. [U] que le but de cet échange était de savoir comment 'cela se passe sur le pavillon'. M. [U] a spontanément indiqué qu'il n'aimait pas Mme [Z] car 'elle crie, elle hurle'. Suite aux différentes questions posées, il répond que Mme [Z] lui dit qu'elle va lui confisquer les classeurs de recettes et que 'la fille de nuit (la veilleuse) elle me les rend après. (...) Elle crie pour m'enlever le pyjama (...)'. M. [U] poursuit en indiquant qu'il ignore les raisons pour lesquelles Mme [Z] lui confisque ses classeurs et que cela le rend triste. Il ajoute qu'il a peur. A la question 'vous pleurez'', M. [U] répond 'oui, j'ai la trouille, j'ai peur. Elle me prend aussi le sac de peluches (...) Parce qu'elle croit que je vais les jeter par terre'. M. [U] indique que Mme [Z] lui a confisqué ses peluches depuis longtemps.
Mme [E] a été reçue en entretien le 15 novembre 2018 et la direction, tout comme pour M. [U], lui a indiqué l'objectif de cet échange. Mm [E], suite aux différentes questions posées, répond que Mme [Z] lui crie dessus, elle relate l'incident exposé par Mme [T] 'si tu n'arrêtes pas de faire pipi au lit, j'appelle ta soeur'. (...) Elle gueule quand on se fait pipi dessus, elle n'aime pas ça'. (...) J'ai peur de faire pipi au lit et que [D] (Mme [Z]) si elle le voit elle va dire 'ah, [H] a fait pipi au lit je vais appeler [F] '(sa soeur).
Les questions posées à M. [U] et Mme [E] n'induisaient aucune réponse préétablie et visaient l'intégralité des salariés de sorte que la cour considère que ces entretiens présentent une force probatoire suffisante. Les reproches exprimés par M. [U] et Mme [E] concernaient uniquement Mme [Z]. Mme [E] et M. [U] ont ainsi confirmé les propos relatés par Mme [T].
La direction a, dans le cadre de son enquête, également interrogé l'équipe avec laquelle Mme [Z] travaillait.
Mesdames [Y], [X] et [W] ont confirmé que Mme [Z] 'criait' / 'gueulait' sur les résidents dès son arrivée. Ces trois salariées ont également confirmé les propos de Mme [T] ainsi que ceux de M. [U] et de Mme [E], lesquels étaient, selon le témoignage de Mme [W], les 'têtes de turcs' de Mme [Z].
Concernant M. [U], Mme [X] a indiqué avoir été témoin de la confiscation de ses classeurs de recettes et de ses peluches. Elle précise que cette punition a duré plusieurs jours, qu'elle ne l'a pas cautionnée et a rendu ses affaires à M. [U], qui criait et n'arrivait pas à dormir. L'employeur produit un récapitulatif des transmissions intitulé 'repos sommeil' du 20 octobre 2018 qui confirme les propos de ce témoin.
Mme [Y] évoque elle aussi ces confiscations et indique que Mme [Z] a agressé verbalement M. [U] car il n'avait pas répondu à son 'bonjour'. Elle ajoute qu'il y a 3 mois environ, elle a été choquée lors d'une transmission avec Mme [Z], celle-ci lui a indiqué que M. [U] a mangé le repas 'Sodexo' de la veilleuse de nuit et non le repas confectionné par l'équipe car il était 'infernal'.
Mme [W] indique que Mme [Z] était méchante et utilisait un ton agressif à l'égard de M. [U] Elle lui dit qu'il va manger un repas 'Sodexo' dans sa chambre et non le repas confectionné sur le pavillon. Elle confirme que M. [U] est souvent sanctionné notamment 'quand il n'obéit pas ou qu'il répond'. Ce témoin affirme que Mme [Z] fait preuve 'd'abus d'autorité'. Elle poursuit en indiquant avoir 'vu Mme [Z], à 5-10 cm du visage de [R] (M.[U]), qui lui hurlait dessus parce que [R] voulait prendre son fauteuil roulant et pas le déambulateur préconisé par le kiné'. Mme [Z] a menacé [R] ce jour là que l'on ne s'occuperait plus de lui'.
Concernant Mme [E], Mme [W] indique que, tout comme pour M. [U], Mme [Z] dit à cette résidente qu'elle va manger un repas 'Sodexo' dans sa chambre et non le repas confectionné sur le pavillon. Elle ajoute que Mme [Z], lors du petit-déjeuner, a hurlé sur Mme [E] 'mâche, mâche, mâche...' et que celle-ci pleurait. Ce témoin expose également que Mme [Z] 'fait du chantage à Mme [E]', si celle-ci refuse de faire les séances de kinésithérapeute, elle lui hurle dessus 'la menace' en lui indiquant que dans le cas contraire 'elle n'ira pas chez sa soeur'.
Ces trois témoins ont dénoncé ces faits après le signalement effectué par Mme [T], qui pour rappel venait d'être embauchée. Elles expliquent aux termes de leurs entretiens être restées taisantes sur ces faits en ce que 'la communication n'est pas facile' avec Mme [Z], qu'il s'agit 'd'un sujet explosif' (Mme [X]); qu'elle 'avait peur', était 'angoissée de travailler' avec la salariée et qu'elle avait 'la boule au ventre' (Mme [W]). Ce dernier témoin indique qu'elle n'en pouvait plus d'entendre crier et qu'elle était prête à demander une mutation dans un autre établissement.
L'employeur verse aux débats un récapitulatif des transmissions intitulé 'comportement' aux termes duquel Mme [Z] a indiqué le 3 novembre 2018 avoir confisqué un sac à un résident suite à son comportement.
Dans le cadre de l'enquête diligentée, la direction a en outre interrogé Mme [J], psychologue, dont le compte-rendu de l'entretien est versé pour la première fois en appel. Si ce témoin évoque les difficultés rencontrées par 'l'équipe', il fait toutefois état des objets confisqués à M. [U] et indique en avoir discuté avec Mme [Z], laquelle lui a parlé de 'ses réactions violentes'. A cette époque, elle était consciente qu'à des moments elle allait trop loin (...)'.
Les faits dénoncés par Mme [T] ont engendré une dégradation du climat social, provoquant un conflit entre celle-ci et Mme [Z]. Mme [L], responsable hiérarchique, a alerté le 8 novembre 2018 de l'existence de ce conflit a organisé une réunion le même jour en présence de ces deux salariées. Aux termes de son attestation, Mme [L] relate les échanges de cet entretien. Elle fait notamment état d'échanges violents et non productifs. Elle indique que le lendemain, Mme [Z] a sollicité un entretien; elle a alors reconnu ' qu'elle peut s'emballer et crier et que cela fait partie de ses points faibles; qu'elle peut répondre mal mais que c'est parce qu'elle est fatiguée'. Mme [Z] justifie ses propos à l'égard de M. [U] par le fait 'qu'ils forment un vieux couple et que c'est leur manière de fonctionner'. Mme [Z] indique enfin que son comportement est justifié car elle souhaite 'donner un cadre et faire un rappel aux règles'.
Ce témoignage est certes indirect mais il corrobore les faits tels que décrits par M. [U], Mme [E] et Mesdames [T], [Y], [X] et [W] de sorte que la cour considère qu'il présente une force probatoire suffisante.
Les attestations précitées sont précises et concordantes et relatent de façon circonstanciée les faits auxquels ces témoins ont personnellement assisté ; elles permettent d'établir que Mme [Z] criait sur les résidents et plus particulièrement sur M. [U] et Mme [E]. Mme [Z] proférait en outre des menaces, liées au droit de visite pour Mme [E], à la confiscation d'objets personnels pour M. [U] et au remplacement du repas dit 'amélioré' par un repas 'Sodexo' pour ces deux résidents. La lecture des attestations produites permet en outre d'établir que Mme [Z] mettait régulièrement ses menaces à exécution.
La matérialité des griefs mentionnés dans la lettre de licenciement est ainsi établie.
Mme [Z] conteste la gravité de ces faits et oppose à l'association AGAPEI que toutes les décisions concernant les résidents étaient prises en concertation de sorte que ses collègues agissaient de la même façon, en mettant en oeuvre les mêmes pratiques. Elle se prévaut à ce titre des comptes-rendus d'entretien de M. [P] et de Mesdames [B] et [K], produits pour la première fois en appel.
Ces trois salariés indiquent que, dans le cadre éducatif, ils haussent occasionnellement le ton avec des résidents. Mais ils ne reconnaissent pas 'crier/gueuler' sur ces derniers.
En outre, Mme [K] reconnaît avoir retiré à M. [U] des affaires mais conteste toute confiscation. Mme [B] indique à ce titre que 'hier, [S] (Mme [K]) surveillait le bain d'un résident et [R], [I] et [A] (résidents) se disputaient. Elle a pris le livre de [R] le temps de sa surveillance du bain et lui a expliqué qu'elle allait lui rendre après le bain'.
Au regard de ces explications, le comportement de Mme [K] à l'égard de M. [U] ne revêt aucun caractère violent, ni punitif.
Contrairement aux dires de Mme [Z], la lecture de ces comptes-rendus ne permet pas d'établir que M. [P] et Mesdames [B] et [K] criaient sur les résidents, proféraient des menaces liées, au droit de visite, à la confiscation d'objets personnels et au remplacement du repas dit 'amélioré' par un repas 'Sodexo'.
En tout état de cause, il ressort des témoignages de M. [U] et Mme [E], corroborés par Mesdames [Y], [X] et [W] que c'est bien le comportement de Mme [Z] qui est le plus fautif, laquelle agissait de façon violente et régulière.
Mme [Z] oppose également à l'association AGAPEI que l'ensemble des décisions concernant les résidents étaient prises en concertation dans le cadre de réunions. Si certaines attestations produites par Mme [Z] mentionnent effectivement que l'ensemble des décisions étaient prises en réunion de GAPP (groupe d'analyse de la pratique professionnelle) ou d'équipe pluridisciplinaire, ces témoins ne précisent pas en revanche la teneur de ces décisions.
Il n'est donc pas établi que les pratiques appliquées par Mme [Z] à l'égard des résidents résultaient d'une concertation des salariés, validées par la direction.
Par ailleurs, il ressort du compte-rendu de l'entretien de M. [C], psychologue clinicien, également interrogé dans le cadre de l'enquête diligentée par la direction, qu'il n'était pas informé des pratiques appliquées par Mme [Z] à l'égard des résidents, précisant en outre que celles-ci n'ont jamais été évoquées lors des GAPP. Sur les confiscations, il indique 'si j'en avais été informé, je n'aurai jamais validé ce type de pratique'; sur le fait que M. [U] ait été privé de repas confectionné sur le pavillon, il qualifie cet acte de 'sadique'; enfin sur la façon dont Mme [Z] s'adresse aux résidents, il souligne le caractère violent de ces échanges.
La circonstance tirée de la tardiveté de l'engagement de la procédure disciplinaire dont se prévaut Mme [Z] est inopérante en ce que, lorsque l'association a eu connaissance des faits le 18 octobre 2018, elle a diligenté une enquête dès le 22 octobre 2018, à l'issue de laquelle elle a engagé la procédure disciplinaire à l'encontre de la salariée le 27 novembre 2018, de sorte que cette procédure a été engagée sans délai après les résultats de l'enquête nécessaire à la pleine connaissance des faits par l'employeur.
Est tout aussi inopérante la circonstance tirée du fait que Mme [Z] était délaissée par l'employeur en dépit de la difficulté de ses tâches en ce que l'association AGAPEI justifie d'un dispositif de prévention des risques par l'intermédiaire de GAPP, de réunions pluridisciplinaires, de réunions avec l'équipe mobile d'intervention du handicap psychique et bénéficie de la présence d'un psychologue au sein de l'établissement.
L'ensemble de ces éléments, qui ne sont pas utilement contredits par les attestations de moralité produites par Mme [Z], établit la réalité de son comportement verbal agressif, des menaces et punitions /confiscations commis à l'égard des résidents et plus précisément sur les personnes de M. [U] et Mme [E], personnes vulnérables, qui ont exprimé à plusieurs reprises leur colère, leur tristesse et leur peur qu'ils avaient ressenties.
Certes, les fonctions exercées par Mme [Z] sont difficiles mais cette difficulté ne peut justifier les actes particulièrement graves qu'elle a commis à l'égard des résidents alors qu'il s'agit d'une salariée expérimentée dont l'activité est d'accompagner et de veiller au bien-être de personnes vulnérables.
En conséquence, la cour considère que le comportement de Mme [Z] est constitutif d'une faute grave qui justifie, en dépit de son ancienneté et de l'absence de passif disciplinaire, la rupture immédiate de son contrat de travail.
Infirmant le jugement déféré, la cour juge que le licenciement de Mme [Z] reposait sur une faute grave et déboutera celle-ci de ses demandes de dommages et intérêts et de paiement de ses indemnités de rupture et de remboursement du salaire pendant la mise à pied et des congés payés y afférents. Les demandes accessoires de Mme [Z] de remise de documents sociaux et de remboursement de sommes à Pôle Emploi seront également rejetées.
Sur le surplus des demandes
Mme [Z] succombant supportera les entiers dépens de première instance et d'appel et ses propres frais irrépétibles, ainsi que les frais irrépétibles exposés par l'association AGAPEI en appel, soit 200 €, le jugement étant infirmé sur les dépens et les frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Juge le licenciement de Mme [Z] fondé sur une faute grave,
Déboute Mme [Z] de ses demandes en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnités de rupture et de remboursement du salaire pendant la mise à pied et des congés payés y afférents,
Déboute Mme [Z] du surplus de ses demandes,
Condamne Mme [Z] à payer à l'association AGAPEI la somme de 200 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,
Condamne Mme [Z] au dépens de première instance et d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Catherine BRISSET, présidente, et par Arielle RAVEANE, greffière.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,
Arielle RAVEANECatherine BRISSET
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