01/07/2022
ARRÊT N°2022/307
N° RG 20/03784 - N° Portalis DBVI-V-B7E-N4LD
AB/AR
Décision déférée du 25 Novembre 2020 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( 18/02072)
MISPOULET
[C] [P]
C/
S.A.R.L. AYGUESVIVES AMBULANCE
CONFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le 1 7 22
à Me Déborah GUTIERREZ
Me Emmanuelle DESSART
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 2
***
ARRÊT DU PREMIER JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANT
Monsieur [C] [P]
[Adresse 3] [Localité 1]
Représenté par Me Déborah GUTIERREZ, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEE
S.A.R.L. AYGUESVIVES AMBULANCE
[Adresse 4] [Localité 2]
Représentée par Me Hélène CAUSSANEL de la SCP SUD LEX, avocat au barreau de TOULOUSE (plaidant) et par Me Emmanuelle DESSART de la SCP DESSART-DEVIERS, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant)
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant C. BRISSET, présidente et A.PIERRE-BLANCHARD, conseillère, chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BRISSET, présidente
A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère
F. CROISILLE-CABROL, conseillère
Greffier, lors des débats : A. RAVEANE
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre
EXPOSE DU LITIGE :
M. [P] a été embauché à compter du 23 février 2015 par la société Ayguesvives Ambulance en qualité d'ambulancier, suivant contrat de travail à durée indéterminée.
La convention collective applicable à la cause est celle des transports routiers et activités auxiliaires de transport, complétée par l'accord du 4 mai 2000 applicable au transport sanitaire étendu par arrêté du 30 juillet 2001 ainsi que ses annexes.
La société Ayguesvives Ambulance occupait moins de 11 salariés à la date du litige.
A l'issue de ses congés payés le 29 avril 2018, M. [P] n'a pas repris pas son poste. Il a été vainement mis en demeure par l'employeur d'y procéder, par courrier du 16 mai 2018.
Convoqué le 4 juin 2018 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixée le 20 juin 2018, M. [P] a été licencié pour faute grave par courrier du 23 juin 2018.
Contestant son licenciement, et formulant un certain nombre de demandes relatives au temps de travail, M. [P] a saisi le prud'hommes de Toulouse le 17 décembre 2018 de demandes de dommages et intérêts, d'indemnités de rupture, et de rappels de salaire et congés payés y afférents.
Par jugement du 25 novembre 2020, le conseil de prud'hommes de Toulouse a :
-Dit que la société Ayguesvives Ambulance a respecté les dispositions relatives à la durée du travail,
-Rejeté les demandes formulées à ce titre,
-Dit que la société Ayguesvives Ambulance a rémunéré les tâches complémentaires effectuées par M. [P],
-Rejeté les demandes formulées à ce titre,
-Dit que la société Ayguesvives Ambulance n'a pas respecté les dispositions relatives aux congés payés,
En conséquence,
-Condamné la société Ayguesvives Ambulance, prise en la personne de son représentant ès qualités, à régler à M. [P] les sommes suivantes':
*1755,90 € bruts à titre de rappel de salaire pour congés payés,
*158,62 € bruts à titre de rappel de congés payés pour fractionnement,
-Dit que la société Ayguesvives Ambulance a manqué à son obligation de contreparties en repos en cas de dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires,
En conséquence,
-condamné la société Ayguesvives Ambulance, prise en la personne de son représentant ès qualités, à régler à M. [P] la somme suivante':
* 566,75€ bruts au titre du dépassement du contingent.
-Rejeté le surplus des demandes,
-Dit que le licenciement repose sur une faute grave,
En conséquence,
-Rejeté l'ensemble des demandes de M. [P],
-Dit que les conditions relatives à la compensation judiciaire ne sont pas remplies,
-Rejeté l'ensemble des demandes,
-Rejeté la demande d'expertise judiciaire,
-Rappelé que les créances salariales (soit les sommes de 566,75€, 1755,90€, 158,62€) produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation, soit le 21/12/2018 et qu'elles sont assorties de plein droit de l'exécution provisoire, la moyenne reconstituée des trois derniers mois étant de 2 410,13 €,
-Condamné la société Ayguesvives Ambulance, prise en la personne de son représentant ès qualités, à régler à M. [P] la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire autre que de droit de la décision,
-Condamné la société Ayguesvives Ambulance, prise en la personne de son représentant ès qualités, aux dépens.
M. [P] a relevé appel de ce jugement, énonçant dans sa déclaration d'appel les chefs critiqués du jugement.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 30 août 2021, auxquelles il est expressément fait référence, M. [P] demande à la cour :
-de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- jugé que l'employeur n'avait pas appliqué la méthode du maintien de salaire pour le calcul des congés payés de M. [P],
- condamné la société Ayguesvives Ambulance à verser 1755,90 € bruts à titre de rappel de salaire pour congés payés,
- jugé que l'employeur n'avait pas respecté les règles relatives aux congés pour fractionnement,
- condamné la société Ayguesvives Ambulance à verser 158,62 € bruts de rappel de salaire sur ce fondement,
- condamné la société Ayguesvives Ambulance à verser 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile à M. [P],
- jugé que la société Ayguesvives Ambulance a manqué à son obligation de contreparties obligatoires en repos, mais réformer le jugement de première instance sur le quantum,
-d'infirmer le jugement sur le surplus et statuant à nouveau, de :
-prononcer que la société Ayguesvives Ambulance n'a pas respecté les dispositions relatives à la durée du travail,
par conséquent,
-condamner la société Ayguesvives Ambulance à verser :
- 898,93 € bruts à titre de rappel d'IDAJ (indemnité de dépassement de l'amplitude journalière), outre 10% de congés payés y afférents, pour un montant de 89,89 € bruts;
- 2 717,36 € bruts au titre du rappel de salaire pour les services de permanence effectués les week-ends et jours fériés ;
- 5 000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du non-respect des dispositions relatives à la durée hebdomadaire maximale de travail (44h), aux heures supplémentaires, à la communication dans un délai raisonnable du planning de travail du lendemain et au repos hebdomadaire ;
-prononcer que la société Ayguesvives Ambulance a manqué à son obligation de faire bénéficier M. [P] des contreparties obligatoires en repos en cas de dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires,
par conséquent,
-condamner la société Ayguesvives Ambulance à verser 12 000 € de dommages et intérêts sur ce fondement à M. [P],
-prononcer que la société Ayguesvives Ambulance a manqué à son obligation de sécurité de résultat,
par conséquent,
-requalifier le licenciement pour faute grave de M. [P] en licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,
-condamner la société Ayguesvives Ambulance à verser :
* 4 500 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 2900,30 € au titre du préavis,
* 1207,25 € à titre d'indemnité de licenciement,
en toute hypothèse,
-condamner la société Ayguesvives Ambulance au paiement d'une somme de 2 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-prononcer que les conditions des articles 1289 et 1347 et suivants du code civil, relatifs à la compensation judiciaire, ne sont pas remplies,
-rejeter la demande reconventionnelle de compensation judiciaire sollicitée par la société Ayguesvives Ambulance et la demande reconventionnelle afférente de 9861,93€,
-rejeter la demande d'expertise judiciaire formulée par la société Ayguesvives Ambulance,
-rejeter la demande reconventionnelle de la société Ayguesvives Ambulance à hauteur de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
-condamner la société Ayguesvives Ambulance aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 17 juin 2021, auxquelles il est expressément fait référence, la société Ayguesvives Ambulance sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a :
-débouté M. [P] de l'ensemble de ses demandes,
-constaté le non-respect de la règle du 10ème et des congés de fractionnement et condamné la société Ayguesvives Ambulance à payer 1755,90 € bruts et 158,62 € bruts,
-constaté le dépassement du contingent annuel au titre de l'année 2016 et fait droit au règlement de l'indemnité au titre du repos compensateur, soit la somme de 566,75 € bruts,
-infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :
-dit que les conditions de la compensation judiciaire n'étaient pas remplies,
-condamné la société Ayguesvives Ambulance au paiement de la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-en conséquence, dire que le trop perçu par M. [P] s'élève à la somme de 13706,98 € bruts,
-ordonner la compensation judiciaire avec la somme de 566,75 € bruts due par la société Ayguesvives Ambulance,
-faire droit à l'appel incident de la société Ayguesvives Ambulance,
-condamner M. [P] au paiement de la somme de 13140,23 € bruts,
-la condamner à verser à la société Ayguesvives Ambulance la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
MOTIFS :
Les dispositions du jugement relatives au non-respect par l'employeur de la règle du 10ème et des congés de fractionnement, et la condamnation de la société Ayguesvives Ambulance à payer à M. [P] les sommes de 1755,90 € bruts et 158,62 € bruts sur ces fondements, ne font l'objet ni de l'appel principal ni de l'appel incident de sorte qu'elles sont désormais définitives.
Sur le dépassement de la durée maximale des amplitudes journalières de travail:
Il résulte de l'article 2 de l'accord cadre du 4 mai 2000 qu'une amplitude journalière ne peut dépasser 12h, l'amplitude étant entendue comme le laps de temps entre la prise de poste et la débauche.
Il existe une exception prévue par ce même texte : l'amplitude des personnels concernés peut excéder cette durée, dans la limite maximale de 15 heures, en raison du caractère imprévisible de l'activité et afin d'être en mesure de répondre à certaines demandes de missions sanitaires comme d'accomplir la mission jusqu'à son terme (c'est-à-dire lorsque le patient se trouve dans le véhicule), et dans la limite de 1 fois par semaine en moyenne excepté pour les activités saisonnières comme pour des rapatriements sanitaires pour les compagnies d'assurance ou d'assistance, situations dans lesquelles cette limite est portée à 75 fois par année civile.
A défaut de respect de ces amplitudes maximales, le dépassement donne droit au salarié :
-soit à une IDAJ (indemnité de dépassement d'amplitude journalière) correspondant à la durée du dépassement (prise en compte à 75% pour la 1ère heure de dépassement, puis à 100% pour les heures suivantes),
-soit à l'attribution d'un repos équivalent au dépassement constaté dans les mêmes conditions que ci-dessus, qui doit être pris par journée entière réputée correspondre à 7 heures ; ce repos ne peut être accolé ni à une période de congés quelle qu'en soit la nature ni, le cas échéant, aux jours de réduction du temps de travail (JRTT).
Enfin, le temps de travail dans le secteur des ambulances fait l'objet d'un décompte particulier fixé à l'article 3 de l'avenant n°3 de l'accord cadre du 4 mai 2000 :
'Afin de tenir compte des périodes d'inaction (notamment au cours des services de permanence), de repos, repas, coupures et de la variation de l'intensité de leur activité, le temps de travail effectif des personnels ambulanciers roulants est décompté dans les conditions visées ci-dessous, sur la base du cumul hebdomadaire de leurs amplitudes journalières d'activité, prises en compte :
1. services de permanence pour 75% de leur durée,
2. en dehors des services de permanence pour 90% de leur durée.'
C'est la somme des amplitudes qui constitue l'assiette sur laquelle va s'appliquer le coefficient pour le calcul de la durée du travail de référence servant au décompte des heures supplémentaires. La durée du travail ainsi calculée constitue la «durée équivalente » à rapprocher de la durée légale du travail de 35 h.
En l'espèce, M. [P] soutient qu'il a de nombreuses fois dépassé l'amplitude maximale de 12h et réclame l'IDAJ. Il produit ses feuilles de route à partir desquelles l'employeur établissait la paie et comptabilisait les heures supplémentaires.
Pour s'opposer à ces demandes, la société Ayguesvives Ambulance réplique avoir rémunéré l'intégralité des heures effectuées hors service de permanence sans appliquer le régime d'équivalence impliquant a minima une décote de 10% prévue par le texte conventionnel, et soutient que, sur la base du relevé produit par le salarié, si l'on applique cette pondération conventionnelle, il y a un trop perçu par M. [P] de plus de 13000 €.
Cependant, la cour rappelle que les dispositions conventionnelles sur le calcul du temps de travail et la durée maximale de l'amplitude dans le secteur ambulancier sont d'application impérative, et que seuls un accord d'entreprise ou des dispositions contractuelles plus favorables au salarié pourraient y déroger.
Or, non seulement cet accord d'entreprise et ces dispositions contractuelles sont inexistants en l'espèce, mais encore, malgré ses affirmations, l'employeur ne démontre pas que son système de décompte du temps de travail était plus favorable aux salariés.
En effet, le système de rémunération adopté par l'employeur consiste, à partir des feuilles de route, à rémunérer à hauteur de 100% les heures de service effectuées entre la prise de poste et la fin de poste, certes sans appliquer le système conventionnel des heures d'équivalence (comptabilisation des heures à 90% ou 75%), mais sans respecter non plus la règle d'indemnisation, par l'IDAJ ou par un repos équivalent, des dépassements d'amplitude.
L'absence de versement de l'IDAJ n'est pas discutée, et l'octroi de jours de repos, que l'employeur attribue aux dépassements d'amplitude, correspond en réalité, à la lecture des feuilles de route, à l'octroi de jours de repos hebdomadaires tels qu'imposés par le code du travail.
Et pour critiquer le décompte de M. [P], la société Ayguesvives Ambulance applique d'abord le système conventionnel des heures d'équivalence (ce qu'il n'a pas fait durant la relation contractuelle) sur l'amplitude de travail, pour soutenir ensuite qu'après cette opération l'amplitude n'est pas dépassée ; il s'agit d'une lecture erronée des dispositions conventionnelles puisqu'il a été rappelé que la notion d'amplitude était totalement distincte de la notion de travail effectif, et que la somme des amplitudes hebdomadaires constitue précisément l'assiette de calcul de la durée du travail servant au décompte des heures supplémentaires.
M. [P] justifie par les feuilles de route produites avoir, sur la période du 2 juillet 2015 au 23 février 2018, accompli 55,03 h de dépassement de l'amplitude journalière de travail fixée à 12h, après application de la pondération de 75% prévue pour la première heure de dépassement, étant précisé que l'employeur ne revendique nullement l'application des circonstances exceptionnelles prévues par les dispositions conventionnelles permettant ponctuellement de porter l'amplitude journalière maximale à 15h.
Il est exact que ces feuilles de route ne sont pas contresignées par l'employeur, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, néanmoins l'employeur ne soutient pas que les mentions apposées au jour le jour sur ces feuilles de route par le salarié, comme il est d'usage dans le secteur, seraient erronées, et bien au contraire, il a rémunéré des heures supplémentaires sur cette base qu'il considère donc comme fiable.
Au demeurant, face à ces éléments précis sur le temps de travail, il ne produit aucun élément distinct et objectif pour justifier du temps de travail effectif de ses salariés conformément à la règle probatoire de l'article L 3171-4 du code du travail.
Par ailleurs, c'est à tort que la société Ayguesvives Ambulance soutient que les calculs de M. [P] seraient erronés pour ne pas exclure les jours de congés et de repos, alors que les feuilles de route ne comportent que les horaires des jours effectivement travaillés et, sur les journées non travaillées, comportent la mention 'arrêt maladie', 'congés payés', ou une croix sur les journées de repos.
Dans ces conditions, la cour retiendra comme base de calcul les mentions figurant sur ces feuilles de route dont l'intégralité est produite sur l'ensemble de la période contractuelle.
M. [P] verse également aux débats un tableau récapitulatif des IDAJ dues au titre des dépassements d'amplitude, confectionné à partir des feuilles de route précitées.
Il est vrai, comme l'indique l'employeur, que M. [P] a calculé ces IDAJ année après année à partir d'un taux horaire moyen annuel, qu'il calcule en divisant par 12 puis par 151,67 sa rémunération annuelle (tous éléments confondus y compris les heures supplémentaires), alors que les dispositions conventionnelles conduisent à appliquer à chaque IDAJ le taux horaire du salaire de base alors en vigueur pour le salarié concerné.
Ainsi, alors que M. [P] applique pour l'année 2015 un taux horaire de 17,97 €, pour 2016 un taux horaire de 18,44 €, et pour 2017 et 2018 un taux horaire de 16,67 €, la cour retient que le taux horaire pour 2015 est de 10,10 € (1531,87 € /151,67 h), et pour 2016, 2017 et 2018, de 11,33 € (1719,13 €/ 151,67 h).
Après rectification des calculs, la cour retient que la demande de M. [P] est fondée à hauteur de 598,22 € bruts outre les congés payés y afférents à hauteur de 59,82 € bruts.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce sens.
Sur le dépassement des durées maximales de travail :
Le cumul des amplitudes doit respecter les limites maximales suivantes :
' par semaine : la durée hebdomadaire de 48 h avec application des coefficients de pondération du régime d'équivalence ;
' par trimestre : la durée moyenne de 48 h, sans pondération, prévue par l'avenant du 16 janvier 2008 (sur le trimestre ou sur une période plus courte si prévue par accord d'entreprise) ; et la durée moyenne de 44h de travail effectif c'est-à-dire après application des coefficients de pondération ;
' par période quelconque de 4 mois : la durée moyenne de 48 h, sans pondération, prévue par le décret de janvier 2009.
Le contingent annuel d'heures supplémentaires était, à la date du litige, de 385 heures.
En l'espèce, pour solliciter des dommages-intérêts, le salarié soutient :
-avoir accompli de très nombreuses fois des semaines de travail excédant 44 voire 48 heures, et cite un certain nombre d'exemples dans ses conclusions,
-que le nombre d'heures supplémentaires effectuées dépassait largement le contingent annuel,
-qu'il a travaillé régulièrement plus de six jours consécutifs en violation des dispositions de l'article L3132-1 du code du travail, et ne bénéficiait pas du repos de 48h consécutifs.
La cour, après vérification des feuilles de route, constate que le cumul d'amplitudes a dépassé le seuil maximal de 48h sur 73 semaines différentes durant la relation contractuelle, c'est-à-dire très fréquemment et même la majorité du temps sur les années 2015 à 2017.
S'agissant des heures supplémentaires, la salariée présente un tableau récapitulatif afin d'illustrer le dépassement du contingent annuel, toutefois la cour observe qu'elle a repris le nombre d'heures supplémentaires tel que reporté sur les bulletins de paie or il a été vu que l'employeur n'appliquait pas le système de temps d'équivalence prévu par la convention collective, ce qui aurait mécaniquement minoré, non pas l'amplitude, mais le temps de travail effectif et donc le calcul des heures supplémentaires.
Néanmoins, la cour peut retenir qu'au regard du nombre d'heures supplémentaires comptabilisé par les parties (767h en 2015, 723 h en 2016, 595,25 h en 2017 et 172,75h en 2018), l'application du système de temps d'équivalence (comptabilisation à 90% ou 75 % du temps de service) aboutit en tout état de cause à un nombre d'heures supplémentaires sur les années 2015 à 2017 encore largement au dessus du contingent annuel de 385h.
S'agissant de la privation du repos hebdomadaire obligatoire après six jours de travail consécutifs, celui-ci est également démontré par la lecture des feuilles de route ; à titre d'exemple M. [P] a travaillé plus de 6 jours consécutifs (souvent 8 ou 9 jours) sans repos 16 fois entre le 1er octobre 2015 et le 9 décembre 2016.
La surcharge de travail et le manquement de l'employeur à ses obligations relatives au temps maximal de travail et au repos hebdomadaire sont avérés.
M. [P] produit trois attestations de proches sur son état d'épuisement professionnel.
En considération de ces éléments, il sera alloué à M. [P], par infirmation du jugement entrepris, la somme de 3000 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect par l'employeur des règles relatives à la durée maximale de travail et au repos hebdomadaire.
Sur les repos compensateurs :
M. [P] fait valoir qu'il n'a jamais bénéficié des repos compensateurs à raison du dépassement du contingent annuel et que ses bulletins de paie n'ont jamais mentionné son droit à repos compensateur ce qui est exact au vu des éléments produits et déjà examinés.
Ces derniers permettent d'allouer à M. [P], par infirmation du jugement déféré, la somme de 6800 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice issu des 580 h de dépassement du contingent annuel sans repos compensateur sur les années 2015 à 2017, que la cour est parvenue à identifier à la lecture des pièces produites.
Sur les temps de permanence :
L'article 1-1 de l'accord cadre du 4 mai 2000 modifié par les avenants du 30 juin 2000 et du 16 janvier 2008 précise : ' afin de tenir compte des périodes d'inaction, ainsi que des repos, repas et coupures, le temps de travail effectif des personnels ambulanciers roulants à temps plein est compté sur la base du cumul hebdomadaire de leur amplitude journalière d'activité prise en compte pour 75 % de leur durée pendant le service de permanence qui est considéré comme un temps de travail effectif.'
Par ailleurs l'article 2 prévoit que 'les services de permanence, indispensables pour assurer la continuité du service des entreprises privées de transports sanitaires, sont les périodes de nuit, les samedis, dimanches, et jours fériés au cours desquels le salarié est en permanence prêt à intervenir immédiatement pour effectuer un travail au service de l'entreprise.
Ces services de permanence constituent un temps de travail effectif.
L'amplitude normale d'un service de permanence est limitée à 12h sans pouvoir être inférieure à 10h.'
En l'espèce M. [P] demande un rappel de salaire de 2717,36 € bruts et soutient avoir effectué de nombreuses permanences qui n'étaient rémunérées que 40 € de manière forfaitaire, pour une permanence de 8 heures à 20 heures les week-ends et jours fériés.
Il ajoute qu'en outre il était prévu un transport systématiquement le samedi à 6h30, ce qui portait l'amplitude des permanences à 14 heures le samedi.
Il conteste avoir bénéficié de jours de repos supplémentaires, il s'agissait en fait du jour de repos hebdomadaire.
La société Ayguesvives Ambulance explique qu'elle rémunérait les permanences sur la base de 40 € bruts outre un jour de repos supplémentaire, et qu'en cas d'intervention, les heures effectuées étaient rémunérées à 100 %.
Elle ajoute que si la permanence était effectuée un jour férié, elle était rémunérée sept heures en plus ; qu'il s'agissait d'un usage non remis en cause par les salariés, et qu'en comparant les deux méthodes le salarié ne prouve pas une perte de salaire, il y aurait eu au contraire un trop-perçu de 733,70 € bruts en 2016 ; de 201,92 € bruts en 2017, et en 2015 une perte de salaire de 88 € bruts.
Cependant, la cour rappelle que les dispositions conventionnelles, protectrices des salariés, sont impératives à défaut pour l'employeur d'avoir contractualisé une méthode de calcul du temps de travail et de la rémunération plus favorable aux salariés.
Elle rappelle également que le temps d'équivalence de 75% ne sert qu'à décompter le temps de travail effectif et non l'amplitude de travail, et que la société Ayguesvives Ambulance ne peut, en appliquant un tel régime aux calculs du salarié, s'affranchir des règles particulières d'amplitudes applicables aux services de permanence (10h minimum, 12h maximum).
Et même si la cour se place sur le terrain de l'usage invoqué par la société Ayguesvives Ambulance, la lecture des bulletins de paie et des feuilles de route de M. [P] ne permet pas de retrouver la règle prétendument instaurée sur les jours de repos supplémentaires ni la rémunération de 7h supplémentaires en cas de permanence un jour férié, alors que les seuls 40 € forfaitaires ne couvrent pas la rémunération pondérée à 75% des services de permanence (exemple : une permanence de 10 h effectuée par M. [P], ce qui est le minimum conventionnel, payée au taux horaire de 11,33 €, avec pondération de 75%, serait rémunérée 84,97 €).
Les deux attestations de salariés produites par la société Ayguesvives Ambulance confirment la rémunération à 40€ des permanences et les 7h de plus rémunérées pour les jours fériés mais n'évoquent à aucun moment des jours de repos supplémentaires en cas de permanence, Mme [W] évoque simplement sans précision que 'le jour de repos ne nous étaient pas imposées'(sic) sans préciser s'il s'agit du repos hebdomadaire ou autre.
En revanche, les calculs présentés par M. [P] en pièces 13 et 13-1 sont erronés car ils n'appliquent pas le régime d'équivalence à 75% sur les heures de permanence et ne font pas état des éventuelles interventions impliquant une rémunération supérieure.
Après reprise des calculs, la cour fixe à 699,55 € bruts le rappel de salaire dû à M. [P] sur l'ensemble de la période contractuelle au titre des permanences de week-ends et jours fériés.
Sur la compensation judiciaire :
La société Ayguesvives Ambulance sollicite le remboursement d'un prétendu trop perçu par la salariée à hauteur de 13 140,23 € bruts et une compensation judiciaire partielle avec les sommes réclamées ; or non seulement cette somme résulte d'un calcul effectué à partir d'une application erronée des dispositions conventionnelles puisque distributive en écartant certaines règles (IDAJ, jours de repos compensateurs notamment), mais encore l'employeur ne démontre pas l'existence d'un indu alors qu'il a fait sciemment un choix de décompte particulier du temps de travail et de la rémunération appliqué à ses salariés.
Les demandes reconventionnelles de la société Ayguesvives Ambulance seront donc rejetées, par confirmation du jugement déféré.
Sur le licenciement :
Il appartient à la société Ayguesvives Ambulance qui a procédé au licenciement pour faute grave de M. [P] de rapporter la preuve de la faute grave qu'elle a invoquée à l'encontre de son salarié, étant rappelé que la faute grave se définit comme un manquement ou un ensemble de manquements qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; la cour examinera les motifs du licenciement énoncés dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige.
En l'espèce, M. [P] a été licencié pour faute grave le 23 juin 2018 en raison de son absence injustifiée depuis le 29 avril 2018.
Cette absence n'est pas contestée mais M. [P] l'explique par son épuisement et le surmenage imposé par l'employeur.
Il est toutefois observé que M. [P] n'a pas répondu à la mise en demeure de l'employeur du 4 juin 2018 afin d'expliquer sa position, et ne s'est pas présenté à l'entretien préalable.
Il n'a pas davantage formulé d'observation sur ses conditions de travail durant la relation contractuelle, ni pris acte de la rupture du contrat aux torts de l'employeur, ni demandé la résiliation judiciaire de ce contrat.
Par conséquence, la cour ne peut que considérer comme les premiers juges, que le licenciement est justifié par la faute grave que constitue l'abandon de poste.
Les demandes de M. [P] présentées au titre de cette rupture seront donc rejetées par confirmation du jugement entrepris.
Sur le surplus des demandes:
La société Ayguesvives Ambulance, succombante, sera condamnée aux dépens de première instance par confirmation du jugement, ainsi qu'aux dépens d'appel, et à payer à M. [P] la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme s'ajoutant à celle allouée à M. [P] sur le même fondement en première instance.
PAR CES MOTIFS :
Statuant dans les limites de la saisine,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a jugé fondé le licenciement de M. [P] pour faute grave et rejeté les demandes y afférentes, débouté la société Ayguesvives Ambulance de ses demandes reconventionnelles en paiement et de compensation judiciaire, et condamné la société Ayguesvives Ambulance aux dépens et à payer à M. [P] 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
L'infirme sur le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Condamne la société Ayguesvives Ambulance à payer à M. [P] [C] les sommes suivantes :
-598,22 € bruts à titre de rappel d'IDAJ, outre les congés payés y afférents à hauteur de 59,82 € bruts,
-3000 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect par l'employeur des règles relatives à la durée maximale de travail et au repos hebdomadaire,
-6800 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice issu du dépassement du contingent annuel sans repos compensateur sur les années 2015 à 2017,
- 699,55 € bruts à titre de rappel de salaire sur les permanences de week-ends et jours fériés,
-2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne la société Ayguesvives Ambulance aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Catherine BRISSET, présidente, et par Arielle RAVEANE, greffière.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,
Arielle RAVEANECatherine BRISSET.