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01/07/2022 | FRANCE | N°20/03783

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 2, 01 juillet 2022, 20/03783


01/07/2022



ARRÊT N°2022/306



N° RG 20/03783 - N° Portalis DBVI-V-B7E-N4LB

AB/AR



Décision déférée du 25 Novembre 2020 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( 18/02073)

MISPOULET

















[M] [O]





C/



S.A.R.L. AYGUESVIVES AMBULANCE













































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confirmation partielle







Grosse délivrée



le 1 7 22



à Me Déborah GUTIERREZ,

Me Emmanuelle DESSART

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU PREMIER JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANTE



Madame [M] [O]

LIEU DI...

01/07/2022

ARRÊT N°2022/306

N° RG 20/03783 - N° Portalis DBVI-V-B7E-N4LB

AB/AR

Décision déférée du 25 Novembre 2020 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( 18/02073)

MISPOULET

[M] [O]

C/

S.A.R.L. AYGUESVIVES AMBULANCE

confirmation partielle

Grosse délivrée

le 1 7 22

à Me Déborah GUTIERREZ,

Me Emmanuelle DESSART

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU PREMIER JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

Madame [M] [O]

LIEU DIT LA DEVEZE 34220 RIOLS

Représentée par Me Déborah GUTIERREZ, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

S.A.R.L. AYGUESVIVES AMBULANCE

LE FARGAT 26 CHEMIN DE TOULOUSE- 31450 AYGUESVIVES

Représentée par Me Hélène CAUSSANEL de la SCP SUD LEX, avocat au barreau de TOULOUSE (plaidant) et par Me Emmanuelle DESSART de la SCP DESSART-DEVIERS, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant)

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant C. BRISSET, présidente et A.PIERRE-BLANCHARD, conseillère, chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

Greffier, lors des débats : A. RAVEANE

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre

EXPOSE DU LITIGE :

Mme [O] a été embauchée à compter du 27 octobre 2004 par la société Ayguesvives Ambulance en qualité d'ambulancière, suivant contrat de travail à durée déterminée de 7 mois, lequel s'est poursuivi sous la forme d'un contrat à durée indéterminée au même poste à compter du 1er juillet 2005.

La convention collective applicable à la cause est celle des transports routiers et activités auxiliaires de transport, complétée par l'accord du 4 mai 2000 applicable au transport sanitaire étendu par arrêté du 30 juillet 2001 ainsi que ses annexes.

La société Ayguesvives Ambulance occupait moins de 11 salariés à la date du litige.

A l'issue de ses congés payés le 29 avril 2018, Mme [O] n'a pas repris son poste. Elle a été vainement mise en demeure par l'employeur d'y procéder, par courrier du 16 mai 2018.

Convoquée le 4 juin 2018 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 20 juin 2018, Mme [O] a été licenciée pour faute grave par courrier du 23 juin 2018.

Contestant son licenciement, et formulant un certain nombre de demandes relatives au temps de travail, Mme [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse le 17 décembre 2018 de demandes de dommages et intérêts, d'indemnités de rupture, de rappels de salaire et de congés payés y afférents.

Par jugement du 25 novembre 2020, le conseil de prud'hommes de Toulouse a :

-Dit que la société Ayguesvives Ambulance a respecté les dispositions relatives à la durée du travail,

-Rejeté les demandes formulées à ce titre,

-Dit que la société Ayguesvives Ambulance a rémunéré les tâches complémentaires effectuées par Madame [O],

-Rejeté les demandes formulées à ce titre,

-Dit que la société Ayguesvives Ambulance n'a pas respecté les dispositions relatives aux congés payés,

En conséquence,

-Condamné la société Ayguesvives Ambulance, prise en la personne de son représentant ès qualités, à régler à Madame [M] [O] les sommes suivantes':

*2 960,78 € bruts à titre de rappel de salaire pour congés payés,

*317,52 € bruts à titre de rappel de congés payés pour fractionnement,

-Dit que la société Ayguesvives Ambulance a manqué à son obligation de contreparties en repos en cas de dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires,

En conséquence,

-condamné la société Ayguesvives Ambulance, prise en la personne de son représentant ès qualités, à régler à Madame [M] [O] la somme suivante':

* 566,75€ bruts au titre du dépassement du contingent.

-Rejeté le surplus des demandes,

-Dit que le licenciement repose sur une faute grave,

En conséquence,

-Rejeté l'ensemble des demandes de Madame [M] [O],

-Dit que les conditions relatives à la compensation judiciaire ne sont pas remplies,

-Rejeté l'ensemble des demandes,

-Rejeté la demande d'expertise judiciaire,

-Rappelé que les créances salariales (soit les sommes de 566,75€, 2 960,78€, 317,52€) produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation, soit le 21/12/2018 et qu'elles sont assorties de plein droit de l'exécution provisoire, la moyenne reconstituée des trois derniers mois étant de 2 398,62 €,

-Condamné la société Ayguesvives Ambulance, prise en la personne de son représentant ès qualités, à régler à Madame [O] la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire autre que de droit de la décision,

-Condamné la société Ayguesvives Ambulance, prise en la personne de son représentant ès qualités, aux dépens.

Mme [O] a relevé appel de ce jugement le 23 décembre 2020, énonçant dans sa déclaration d'appel les chefs critiqués du jugement.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 30 août 2021, auxquelles il est expressément fait référence, Mme [O] demande à la cour :

-de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- jugé que l'employeur n'avait pas appliqué la méthode du maintien de salaire pour le calcul des congés payés de Mme [O],

- condamné la société Ayguesvives Ambulance à verser 2 960,78 € bruts à titre de rappel de salaire pour congés payés,

- jugé que l'employeur n'avait pas respecté les règles relatives aux congés pour fractionnement,

- condamné la société Ayguesvives Ambulance à verser 317,52 € bruts de rappel de salaire sur ce fondement,

- condamné la société Ayguesvives Ambulance à verser 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile à Mme [O],

- jugé que la société Ayguesvives Ambulance a manqué à son obligation de contreparties obligatoires en repos, mais réformer le jugement de première instance sur le quantum,

-d'infirmer le jugement sur le surplus et statuant à nouveau, de :

-prononcer que la société Ayguesvives Ambulance n'a pas respecté les dispositions relatives à la durée du travail,

par conséquent,

-condamner la société Ayguesvives Ambulance à verser :

- 871,53 € bruts à titre de rappel d'IDAJ (indemnité de dépassement de l'amplitude journalière), outre 10% de congés payés y afférents, pour un montant de 87,15 € bruts;

- 2 223,04 € bruts au titre du rappel de salaire pour les services de permanence effectués les week-ends et jours fériés ;

- 5 000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du non-respect des dispositions relatives à la durée hebdomadaire maximale de travail (44h), aux heures supplémentaires, à la communication dans un délai raisonnable du planning de travail du lendemain et au repos hebdomadaire ;

-prononcer que la société Ayguesvives Ambulance a manqué à son obligation de faire bénéficier Mme [O] des contreparties obligatoires en repos en cas de dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires,

par conséquent,

-condamner la société Ayguesvives Ambulance à verser 12 000 € de dommages et intérêts sur ce fondement à Mme [O],

-prononcer que la société Ayguesvives Ambulance a manqué à son obligation de sécurité de résultat,

par conséquent,

-requalifier le licenciement pour faute grave de Mme [O] en licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

-condamner la société Ayguesvives Ambulance à verser :

* 7 500 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 5 132,94 € au titre du préavis (2 mois de salaire),

* 2 330,03 € à titre d'indemnité de licenciement,

en toute hypothèse,

-condamner la société Ayguesvives Ambulance au paiement d'un rappel de salaire de 114,82 € bruts pour les heures supplémentaires effectuées au mois d'avril 2018, outre 11,48 € bruts de congés payés y afférents,

-condamner la société Ayguesvives Ambulance au paiement d'une somme de 2 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-prononcer que les conditions des articles 1289 et 1347 et suivants du code civil, relatifs à la compensation judiciaire, ne sont pas remplies,

-rejeter la demande reconventionnelle de compensation judiciaire sollicitée par la société Ayguesvives Ambulance et la demande reconventionnelle afférente de 9485,17€,

-rejeter la demande d'expertise judiciaire formulée par la société Ayguesvives Ambulance,

-rejeter la demande reconventionnelle de la société Ayguesvives Ambulance à hauteur de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

-condamner la société Ayguesvives Ambulance aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 18 juin 2021, auxquelles il est expressément fait référence, la société Ayguesvives Ambulance sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a :

-débouté Mme [O] de l'ensemble de ses demandes,

-constaté le non-respect de la règle du 10ème et des congés de fractionnement et condamné la société Ayguesvives Ambulance à payer 2 960,78 € bruts et 317,52 € bruts,

-constaté le dépassement du contingent annuel au titre de l'année 2016 et fait droit au règlement de l'indemnité au titre du repos compensateur, soit la somme de 566,75 € bruts,

-infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

-dit que les conditions de la compensation judiciaire n'étaient pas remplies,

-condamné la société Ayguesvives Ambulance au paiement de la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-en conséquence, dire que le trop perçu par Mme [O] s'élève à la somme de 13330,22 € bruts,

-ordonner la compensation judiciaire avec la somme de 566,75 € bruts due par la société Ayguesvives Ambulance,

-faire droit à l'appel incident de la société Ayguesvives Ambulance,

-condamner Mme [O] au paiement de la somme de 9485,17 € bruts,

-la condamner à verser à la société Ayguesvives Ambulance la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

MOTIFS :

Les dispositions du jugement relatives au non-respect par l'employeur de la règle du 10ème et des congés de fractionnement, et la condamnation de la société Ayguesvives Ambulance à payer à Mme [O] les sommes de 2 960,78 € bruts et 317,52 € bruts sur ces fondements, ne font l'objet ni de l'appel principal ni de l'appel incident de sorte qu'elles sont désormais définitives.

Sur le dépassement de la durée maximale des amplitudes journalières de travail:

Il résulte de l'article 2 de l'accord cadre du 4 mai 2000 applicable à la cause que l'amplitude journalière de travail des ambulanciers ne peut dépasser 12h, l'amplitude étant entendue comme le laps de temps entre la prise de poste et la débauche.

Il existe une exception prévue par ce même texte : l'amplitude des personnels concernés peut excéder cette durée, dans la limite maximale de 15 heures, en raison du caractère imprévisible de l'activité et afin d'être en mesure de répondre à certaines demandes de missions sanitaires comme d'accomplir la mission jusqu'à son terme (c'est-à-dire lorsque le patient se trouve dans le véhicule), et dans la limite d'une fois par semaine en moyenne excepté pour les activités saisonnières comme pour des rapatriements sanitaires pour les compagnies d'assurance ou d'assistance, situations dans lesquelles cette limite est portée à 75 fois par année civile.

A défaut de respect de ces amplitudes maximales, le dépassement donne droit au salarié :

-soit à une IDAJ (indemnité de dépassement d'amplitude journalière) correspondant à la durée du dépassement (prise en compte à 75% pour la 1ère heure de dépassement, puis à 100% pour les heures suivantes),

-soit à l'attribution d'un repos équivalent au dépassement constaté dans les mêmes conditions que ci-dessus, qui doit être pris par journée entière réputée correspondre à 7 heures ; ce repos ne peut être accolé ni à une période de congés quelle qu'en soit la nature ni, le cas échéant, aux jours de réduction du temps de travail (JRTT).

Par ailleurs, le temps de travail effectif dans le secteur des ambulances, à distinguer de l'amplitude, fait l'objet d'un décompte particulier dit 'régime d'équivalence' fixé à l'article 3 de l'avenant n°3 de l'accord cadre du 4 mai 2000 :

'Afin de tenir compte des périodes d'inaction (notamment au cours des services de permanence), de repos, repas, coupures et de la variation de l'intensité de leur activité, le temps de travail effectif des personnels ambulanciers roulants est décompté dans les conditions visées ci-dessous, sur la base du cumul hebdomadaire de leurs amplitudes journalières d'activité, prises en compte :

1. services de permanence pour 75% de leur durée,

2. en dehors des services de permanence pour 90% de leur durée.'

C'est la somme des amplitudes qui constitue l'assiette sur laquelle va s'appliquer le coefficient pour le calcul de la durée du travail de référence servant au décompte des heures supplémentaires. La durée du travail ainsi calculée constitue la «durée équivalente » à rapprocher de la durée légale du travail de 35 h.

En l'espèce, Mme [O] soutient qu'elle a de nombreuses fois dépassé l'amplitude maximale de 12h et réclame l'IDAJ. Elle produit ses feuilles de route à partir desquelles l'employeur établissait la paie et comptabilisait les heures supplémentaires.

Pour s'opposer à ces demandes, la société Ayguesvives Ambulance réplique avoir rémunéré l'intégralité des heures effectuées hors service de permanence sans appliquer le régime d'équivalence impliquant a minima une décote de 10% prévue par le texte conventionnel, et soutient que, sur la base du relevé produit par la salariée, si l'on applique cette pondération conventionnelle, il y a un trop perçu de Mme [O] de plus de 13000 €.

Cependant, la cour rappelle que les dispositions conventionnelles sur le calcul du temps de travail et la durée maximale de l'amplitude dans le secteur ambulancier sont d'application impérative, et que seuls un accord d'entreprise ou des dispositions contractuelles plus favorables au salarié pourraient y déroger.

Or, non seulement cet accord d'entreprise et ces dispositions contractuelles sont inexistants en l'espèce, mais encore, malgré ses affirmations, l'employeur ne démontre pas que son système de décompte du temps de travail était plus favorable aux salariés.

En effet, le système de rémunération adopté par l'employeur consiste, à partir des feuilles de route, à rémunérer à hauteur de 100% les heures de service effectuées entre la prise de poste et la fin de poste, certes sans appliquer le système conventionnel des heures d'équivalence (comptabilisation des heures à 90% ou 75%), mais sans respecter non plus la règle d'indemnisation, par l'IDAJ ou par un repos équivalent, des dépassements d'amplitude.

L'absence de versement de l'IDAJ n'est pas discutée, et l'octroi de jours de repos, que l'employeur attribue aux dépassements d'amplitude, correspond en réalité, à la lecture des feuilles de route, à l'octroi de jours de repos hebdomadaires tels qu'imposés par le code du travail.

Et pour critiquer le décompte de Mme [O], la société Ayguesvives Ambulance applique d'abord le système conventionnel des heures d'équivalence (ce qu'il n'a pas fait durant la relation contractuelle) sur l'amplitude de travail, pour soutenir ensuite qu'après cette opération l'amplitude n'est pas dépassée ; il s'agit d'une lecture erronée des dispositions conventionnelles puisqu'il a été rappelé que la notion d'amplitude était totalement distincte de la notion de travail effectif, et que la somme des amplitudes hebdomadaires constitue précisément l'assiette de calcul de la durée du travail servant au décompte des heures supplémentaires.

Mme [O] justifie par les feuilles de route produites avoir, sur la période du 7 octobre 2015 au 23 février 2018, accompli 51,63 h (44,13 h outre pour juillet et août 2015, 7,5h) de dépassement de l'amplitude journalière de travail fixée à 12h, après application de la pondération de 75% prévue pour la première heure de dépassement, étant précisé que l'employeur ne revendique nullement l'application des circonstances exceptionnelles prévues par les dispositions conventionnelles permettant ponctuellement de porter l'amplitude journalière maximale à 15h.

Il est exact que ces feuilles de route ne sont pas contresignées par l'employeur, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, néanmoins l'employeur ne soutient pas que les mentions apposées au jour le jour sur ces feuilles de route par la salariée, comme il est d'usage dans le secteur, seraient erronées, et bien au contraire, il a rémunéré des heures supplémentaires sur cette base qu'il considère donc comme fiable.

Au demeurant, face à ces éléments précis sur le temps de travail, il ne produit aucun élément distinct et objectif pour justifier du temps de travail effectif de ses salariés conformément à la règle probatoire de l'article L 3171-4 du code du travail.

Par ailleurs, c'est à tort que la société Ayguesvives Ambulance soutient que les calculs de Mme [O] seraient erronés pour ne pas exclure les jours de congés et de repos, alors que les feuilles de route ne comportent que les horaires des jours effectivement travaillés et, sur les journées non travaillées, comportent la mention 'repos' ou'cp'.

Dans ces conditions, la cour retiendra comme base de calcul les mentions figurant sur ces feuilles de route dont l'intégralité est produite sur l'ensemble de la période contractuelle.

Mme [O] verse également aux débats un tableau récapitulatif des IDAJ dues au titre des dépassements d'amplitude, confectionné à partir des feuilles de route précitées.

Il est vrai, comme l'indique l'employeur, que Mme [O] a calculé ces IDAJ année après année à partir d'un taux horaire moyen annuel, qu'elle calcule en divisant par 12 puis par 151,67 sa rémunération annuelle (tous éléments confondus y compris les heures supplémentaires), alors que les dispositions conventionnelles conduisent à appliquer à chaque IDAJ le taux horaire du salaire de base alors en vigueur pour le salarié concerné.

Ainsi, alors que Mme [O] applique pour l'année 2015 un taux horaire de 17,41 €, pour 2016 un taux horaire de 18,11 €, pour 2017 un taux horaire de 16,76 € et pour 2018 un taux horaire de 19,06 €, la cour retient que le taux horaire pour 2015 est de 10,10 € (1531,87 € /151,67 h), et pour 2016, 2017 et 2018, de 11,33 € (1719,13 €/ 151,67 h).

Après rectification des calculs, la cour retient que la demande de Mme [O] est fondée à hauteur de 559,02 € bruts outre les congés payés y afférents à hauteur de 55,90 € bruts.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce sens.

Sur le dépassement des durées maximales de travail :

Il résulte des dispositions conventionnelles que le cumul des amplitudes doit respecter les limites maximales suivantes :

' par semaine : la durée hebdomadaire de 48 h avec application des coefficients de pondération du régime d'équivalence ;

' par trimestre : la durée moyenne de 48 h, sans pondération, prévue par l'avenant du 16 janvier 2008 (sur le trimestre ou sur une période plus courte si prévue par accord d'entreprise) ; et la durée moyenne de 44h de travail effectif c'est-à-dire après application des coefficients de pondération ;

' par période quelconque de 4 mois : la durée moyenne de 48 h, sans pondération, prévue par le décret de janvier 2009.

Le contingent annuel d'heures supplémentaires était, à la date du litige, de 385 heures.

En l'espèce, pour solliciter des dommages-intérêts, la salariée soutient :

-avoir accompli de très nombreuses fois des semaines de travail excédant 44 voire 48 heures, et cite un certain nombre d'exemples dans ses conclusions,

-que le nombre d'heures supplémentaires effectuées dépassait largement le contingent annuel,

-qu'elle a travaillé régulièrement plus de six jours consécutifs en violation des dispositions de l'article L3132-1 du code du travail, et ne bénéficiait pas du repos de 48h consécutifs.

La cour, après vérification des feuilles de route, constate que le cumul d'amplitudes a dépassé le seuil maximal de 48h sur 75 semaines différentes durant la relation contractuelle, c'est-à-dire très fréquemment et même la majorité du temps sur les années 2015 à 2017.

S'agissant des heures supplémentaires, la salariée présente un tableau récapitulatif afin d'illustrer le dépassement du contingent annuel, toutefois la cour observe qu'elle a repris le nombre d'heures supplémentaires tel que reporté sur les bulletins de paie or il a été vu que l'employeur n'appliquait pas le système de temps d'équivalence prévu par la convention collective, ce qui aurait mécaniquement minoré, non pas l'amplitude, mais le temps de travail effectif et donc le calcul des heures supplémentaires.

Néanmoins, la cour peut retenir qu'au regard du nombre d'heures supplémentaires comptabilisé par les parties (873h50 en 2015, 722,75 h en 2016, 587,25 h en 2017 et 133h en 2018), l'application du système de temps d'équivalence (comptabilisation à 90% ou 75 % du temps de service) aboutit en tout état de cause à un nombre d'heures supplémentaires sur les années 2015 à 2017 encore largement au dessus du contingent annuel de 385h.

S'agissant de la privation du repos hebdomadaire obligatoire après six jours de travail consécutifs, celui-ci est également démontré par la lecture des feuilles de route ; à titre d'exemple Mme [O] a travaillé plus de 6 jours consécutifs (souvent 8 ou 9 jours) sans repos 13 fois entre le 30 octobre 2015 et le 24 mars 2017.

La surcharge de travail et le manquement de l'employeur à ses obligations relatives au temps maximal de travail et au repos hebdomadaire sont avérés.

Mme [O] produit trois attestations de proches sur son état d'épuisement professionnel, étant précisé que les éléments médicaux qu'elle verse aux débats (analyses sanguines et certificat médical sur des céphalées) ne permettent pas à la cour de tirer de conclusion particulière sur l'évaluation de son préjudice.

En considération de ces éléments, il sera alloué à Mme [O], par infirmation du jugement entrepris, la somme de 3000 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect par l'employeur des règles relatives à la durée maximale de travail et au repos hebdomadaire.

Sur les repos compensateurs :

Mme [O] fait valoir qu'elle n'a jamais bénéficié des repos compensateurs à raison du dépassement du contingent annuel et que ses bulletins de paie n'ont jamais mentionné son droit à repos compensateur, ce qui est exact au vu des éléments produits et déjà examinés.

Ces derniers permettent d'allouer à Mme [O], par infirmation du jugement déféré, la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice issu des 851 h de dépassement du contingent annuel sans repos compensateur sur les années 2015 à 2017, que la cour est parvenue à identifier à la lecture des pièces produites.

Sur les temps de permanence :

L'article 1-1 de l'accord cadre du 4 mai 2000 modifié par les avenants du 30 juin 2000 et du 16 janvier 2008 précise : ' afin de tenir compte des périodes d'inaction, ainsi que des repos, repas et coupures, le temps de travail effectif des personnels ambulanciers roulants à temps plein est compté sur la base du cumul hebdomadaire de leur amplitude journalière d'activité prise en compte pour 75 % de leur durée pendant le service de permanence qui est considéré comme un temps de travail effectif.'

Par ailleurs l'article 2 prévoit que 'les services de permanence, indispensables pour assurer la continuité du service des entreprises privées de transports sanitaires, sont les périodes de nuit, les samedis, dimanches, et jours fériés au cours desquels le salarié est en permanence prêt à intervenir immédiatement pour effectuer un travail au service de l'entreprise.

Ces services de permanence constituent un temps de travail effectif.

L'amplitude normale d'un service de permanence est limitée à 12h sans pouvoir être inférieure à 10h.'

En l'espèce Mme [O] demande un rappel de salaire de 2223,04 € bruts et soutient avoir effectué de nombreuses permanences qui n'étaient rémunérées que 40€ de manière forfaitaire, pour une permanence effectuée de 8 heures à 20 heures les week-ends et jours fériés.

Elle ajoute qu'en outre il était prévu un transport systématiquement le samedi à 6h30, ce qui portait l'amplitude des permanences à 14 heures le samedi.

Elle conteste avoir bénéficié de jours de repos supplémentaires, il s'agissait en fait du jour de repos hebdomadaire.

La société Ayguesvives Ambulance explique qu'elle rémunérait les permanences sur la base de 40 € bruts outre un jour de repos supplémentaire, et qu'en cas d'intervention, les heures effectuées étaient rémunérées à 100 %.

Elle ajoute que si la permanence était effectuée un jour férié, elle était rémunérée sept heures en plus ; qu'il s'agissait d'un usage non remis en cause par les salariés, et qu'en comparant les deux méthodes la salariée ne prouve pas une perte de salaire, il y aurait eu au contraire un trop-perçu de 464,33 € bruts en 2016 ; de 415,71 € bruts en 2017, et en 2018 une perte de salaire de 17,51 € bruts.

Cependant, la cour rappelle que les dispositions conventionnelles, protectrices des salariés, sont impératives à défaut pour l'employeur d'avoir contractualisé une méthode de calcul du temps de travail et de la rémunération plus favorable aux salariés.

Elle rappelle également que le temps d'équivalence de 75% ne sert qu'à décompter le temps de travail effectif et non l'amplitude de travail, et que la société Ayguesvives Ambulance ne peut, en appliquant un tel régime aux calculs de la salariée, s'affranchir des règles particulières d'amplitudes applicables aux services de permanence (10h minimum, 12h maximum).

Et même si la cour se place sur le terrain de l'usage invoqué par la société Ayguesvives Ambulance, la lecture des bulletins de paie et des feuilles de route de Mme [O] ne permet pas de retrouver la règle prétendument instaurée sur les jours de repos supplémentaires ni la rémunération de 7h supplémentaires en cas de permanence un jour férié, alors que les seuls 40 € forfaitaires ne couvrent pas la rémunération pondérée à 75% des services de permanence (exemple : une permanence de 10 h effectuée par Mme [O], ce qui est le minimum conventionnel, payée au taux horaire de 11,33 €, avec pondération de 75%, serait rémunérée 84,97 €).

Les deux attestations de salariés produites par la société Ayguesvives Ambulance confirment la rémunération à 40€ des permanences et les 7h de plus rémunérées pour les jours fériés mais n'évoquent à aucun moment des jours de repos supplémentaires en cas de permanence, Mme [N] évoque simplement sans précision que 'le jour de repos ne nous étaient pas imposées'(sic) sans préciser s'il s'agit du repos hebdomadaire ou autre.

En revanche, les calculs présentés par Mme [O] en pièces 12 et 12-1 sont erronés car ils n'appliquent pas le régime d'équivalence à 75% sur les heures de permanence et ne font pas état des éventuelles interventions impliquant une rémunération supérieure.

Après reprise des calculs, la cour fixe à 342,58 € bruts le rappel de salaire dû à Mme [O] sur l'ensemble de la période contractuelle au titre des permanences de week-ends et jours fériés.

Sur la demande de rappel de salaire pour le mois d'avril 2018 :

Mme [O] réclame, à partir de ses feuilles de route, le paiement de 6,75h supplémentaires majorées à 50% mais non rémunérées car l'employeur n'aurait payé que 11,75 h sur les 18,5h accomplies ; toutefois même en prenant en compte la dernière semaine de mars comme elle l'indique (car il y a un décalage dans les bulletins de paie), la cour constate que les calculs présentés sont erronés car Mme [O] calcule ses heures supplémentaires sur les journées d'amplitude et non de travail effectif ; or elle ne peut pas revendiquer à son profit une application distributive des dispositions conventionnelles (temps de travail conventionnel pour les IDAJ et durées maximales d'amplitude, et temps de travail tel que calculé par l'employeur pour les heures supplémentaires).

Après application du régime d'équivalence aux heures d'amplitude reportées sur les feuilles de route en avril 2018, il apparaît que Mme [O] a effectué les heures supplémentaires suivantes :

-8,9 h supplémentaires sur la semaine du 26/03 au 01/04, donc 8h majorées à 25% et 0,9h à 50%,

-aucune heure supplémentaire sur la semaine du 02/04 au 08/04

-12,02 h supplémentaires sur la semaine du 09/04 au 15/04 dont 8h majorées à 25% et 4,02 h majorées à 50%,

-5,27h supplémentaires majorées à 25% sur la semaine du 16/04 au 22/04.

Ainsi il est dû à Mme [O] 21,27 h majorées à 25% et 4,92 h majorées à 50% ; or sur la même période l'employeur lui a réglé 32 h majorées à 25% et 11,75 h majorées à 50%, elle a donc été largement remplie de ses droits.

Sur la compensation judiciaire :

La société Ayguesvives Ambulance sollicite le remboursement d'un prétendu trop perçu par la salariée à hauteur de 13 330,22 € bruts et une compensation judiciaire partielle avec les sommes réclamées ; or non seulement cette somme résulte d'un calcul effectué à partir d'une application erronée des dispositions conventionnelles puisque distributive en écartant certaines règles (IDAJ, jours de repos compensateurs notamment), mais encore l'employeur ne démontre pas l'existence d'un indu alors qu'il a fait sciemment un choix de décompte particulier du temps de travail et de la rémunération appliqué à ses salariés.

Les demandes reconventionnelles de la société Ayguesvives Ambulance seront donc rejetées, par confirmation du jugement déféré.

Sur le licenciement :

Il appartient à la société Ayguesvives Ambulance qui a procédé au licenciement pour faute grave de Mme [O] de rapporter la preuve de la faute grave qu'elle a invoquée à l'encontre de sa salariée, étant rappelé que la faute grave se définit comme un manquement ou un ensemble de manquements qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; la cour examinera les motifs du licenciement énoncés dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige.

En l'espèce, Mme [O] a été licenciée pour faute grave le 23 juin 2018 en raison de son absence injustifiée depuis le 29 avril 2018.

Cette absence n'est pas contestée mais Mme [O] l'explique par son épuisement et le surmenage imposé par l'employeur.

Il est toutefois observé que Mme [O] n'a pas répondu à la mise en demeure de l'employeur du 4 juin 2018 afin d'expliquer sa position, et ne s'est pas présentée à l'entretien préalable.

Elle n'a pas davantage formulé d'observation sur ses conditions de travail durant la relation contractuelle, ni pris acte de la rupture du contrat aux torts de l'employeur, ni demandé la résiliation judiciaire de ce contrat.

Par conséquence, la cour ne peut que considérer comme les premiers juges, que le licenciement est justifié par la faute grave que constitue l'abandon de poste.

Les demandes de Mme [O] présentées au titre de cette rupture seront donc rejetées par confirmation du jugement entrepris.

Sur le surplus des demandes:

La société Ayguesvives Ambulance, succombante, sera condamnée aux dépens de première instance par confirmation du jugement, ainsi qu'aux dépens d'appel, et à payer à Mme [O] la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme s'ajoutant à celle allouée à Mme [O] sur le même fondement en première instance.

PAR CES MOTIFS :

Statuant dans les limites de la saisine,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [O] de ses demandes de rappel de salaire et congés payés sur le mois d'avril 2018, jugé le licenciement pour faute grave fondé et rejeté les demandes y afférentes, débouté la société Ayguesvives Ambulance de ses demandes reconventionnelles en paiement et de compensation judiciaire, et condamné la société Ayguesvives Ambulance aux dépens et à payer à Mme [O] 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

L'infirme sur le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne la société Ayguesvives Ambulance à payer à Mme [O] [M] les sommes suivantes :

-559,02 € bruts à titre de rappel d'IDAJ, outre les congés payés y afférents à hauteur de 55,90 € bruts,

-3000 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect par l'employeur des règles relatives à la durée maximale de travail et au repos hebdomadaire,

-10 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice issu du dépassement du contingent annuel sans repos compensateur sur les années 2015 à 2017,

-342,58 € bruts à titre de rappel de salaire sur les permanences de week-ends et jours fériés,

-2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société Ayguesvives Ambulance aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Catherine BRISSET, présidente, et par Arielle RAVEANE, greffière.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,

Arielle RAVEANECatherine BRISSET.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 2
Numéro d'arrêt : 20/03783
Date de la décision : 01/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-01;20.03783 ?
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