24/06/2022
ARRÊT N°2022/294
N° RG 21/01171 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OBBQ
AB/AR
Décision déférée du 15 Octobre 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTAUBAN ( F18/00150)
BLILITA
S.A.R.L. NETTEX MULTISERVICES
C/
[N] [K]
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le 24 6 22
à Me Patrick LAGASSE
Me Laurie GARRIC
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 2
***
ARRÊT DU VINGT QUATRE JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANTE
S.A.R.L. NETTEX MULTISERVICES
[Adresse 2]
Représentée par Me Patrick LAGASSE de la SCP LAGASSE GOUZY, avocat au barreau D'ALBI
INTIMEE
Madame [N] [K]
[Adresse 1]
Représentée par Me Laurie GARRIC de la SELAS AGN AVOCATS TOULOUSE, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant A. PIERRE-BLANCHARD,conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BRISSET, présidente
A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère
F. CROISILLE-CABROL, conseillère
Greffier, lors des débats : A. RAVEANE
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre
EXPOSE DU LITIGE :
Mme [K] a été embauchée à compter du 19 mars 1999 par la société C'NETT en qualité de technicienne de surface AP2, coefficient 155, suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel pour une durée de travail de 20,5 h hebdomadaires.
Le contrat de travail a été transféré à plusieurs employeurs successifs au gré des transferts de marchés de nettoyage, et notamment le 1er avril 2006 à l'entreprise Bionet; à cette occasion un nouveau contrat à durée indéterminée a été signé par les parties, à temps complet, toujours au poste de technicienne de surface AP2, coefficient 155.
Le 1er septembre 2012, ce contrat de travail a été transféré à la société Nettex Multiservices ayant acquis le fonds de commerce de la société Bionet.
À compter du 4 novembre 2013, la salariée a notamment été affectée au chantier de la CPAM de Figeac.
A compter du mois de janvier 2015, l'employeur a réduit la durée du travail de Mme [K] à 102,92 h par mois dans des conditions faisant débat entre les parties.
Plusieurs avertissements ont été délivrés à Mme [K] entre le mois de novembre 2015 et le mois de juillet 2017.
Mme [K] a été convoquée par lettre du 9 septembre 2017 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 25 septembre 2017.
Elle a été licenciée pour faute grave par courrier du 30 septembre 2017.
Le 10 juillet 2018, Mme [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Montauban de la contestation de son licenciement, et de demandes d'indemnités de rupture, de dommages et intérêts et de rappels de salaire.
Par jugement du 15 octobre 2019, le conseil de prud'hommes de Montauban a :
- dit que le licenciement de Mme [K] est fondé,
- dit que la société Nettex Multiservices a modifié la rémunération dès le mois de janvier 2015 pour formaliser un avenant (sic),
- condamné la société Nettex Multiservices à payer à Mme [K] les sommes suivantes :
* 19 908,11 € à titre de rappel de salaire de septembre 2015 à septembre 2017,
* 1990,81 € au titre des congés payés y afférents,
* 500 € à titre de dommages-intérêts,
* 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné à la société Nettex Multiservices de formaliser les documents sociaux eu égard au présent jugement,
- ordonné l'exécution provisoire au visa de l'article R1454-28 du code du travail,
- fixé la moyenne des salaires à 1605,51 €,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
-condamné la société Nettex Multiservices aux dépens de l'instance.
La société Nettex Multiservices a relevé appel partiel de ce jugement le 22 octobre 2019, énonçant dans l'acte d'appel les chefs critiqués du jugement.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 26 avril 2022, auxquelles il est expressément fait référence, la société Nettex Multiservices demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Nettex à payer à Mme [K] les sommes suivantes :
- 19 908,11 € au titre du rappel de salaire de septembre 2015 à septembre 2017
- 1 990,81 € au titre des congés payés ;
- 500 € au titre des dommages et intérêts ;
Et, statuant à nouveau,
-A titre principal :
-juger que Mme [K] a signé un avenant à son contrat de travail, en date du 11 décembre 2014, avec la SAS PLD Garonne, aux termes duquel cette dernière l'employait sur le chantier de la CPAM pour un temps de travail hebdomadaire de 11,15 heures par mois, à compter du 1er janvier 2015 ;
-juger qu'en signant cet avenant, Mme [K] a donné son accord exprès à la réduction de son temps de travail à hauteur de 11,15 heures par semaine, soit 48,75 heures par mois, auprès de la SARL Nettex ;
-juger que la SARL Nettex a perdu 2 chantiers en raison des manquements de Mme [K] dans l'accomplissement de son travail ;
-juger que la SARL Nettex a dûment proposé à Mme [K] de nouveaux chantiers, afin de combler les 6,33 heures que la salariée ne pouvait plus effectuer compte tenu des ruptures de contrats intervenues ;
-juger que Mme [K] a refusé de travailler sur des chantiers à la demande de la SARL Nettex au motif qu'elle effectuait déjà ces heures et plus encore auprès de la société PLD Garonne ;
-juger que la durée mensuelle de travail de Mme [K] au sein de la SARL Nettex était donc désormais de 96,59 heures ;
-juger que la durée mensuelle de travail de Mme [K] cumulée auprès de ses deux employeurs, la SARL Nettex et la SAS PLD Garonne était de 151,67 heures ;
En conséquence,
-débouter Mme [K] de ses demandes à titre de rappel de salaire ;
A titre subsidiaire :
-juger que la demande de rappel de salaire de Mme [K] ne peut porter que sur un temps de travail mensuel de 48,75 heures, de septembre 2015 à septembre 2017 ;
En conséquence,
-condamner la SARL Nettex à payer à Mme [K] une somme de 12 228,20 € à titre de rappel de salaire ;
-condamner Mme [K] à payer à la SARL Nettex les montants de 7 679,91 € brut et 767,99 € brut indûment perçus par elle au titre de ses salaires payés par la SARL Nettex le 28 janvier 2020 (7 166,88 € bruts, soit 5 673,24 € nets), et le 16 juillet 2020 (7 282,71 € bruts, soit 5 764,95 nets);
Dans tous les cas :
-condamner Mme [K] à la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
-la condamner aux entiers dépens de l'instance et de première instance.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 11 avril 2022, auxquelles il est expressément fait référence, Mme [K] demande à la cour de :
-confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Nettex à payer à Mme [K] un rappel de salaire, sauf à ramener à la somme de 12 776,05 € bruts le montant de la condamnation de la société Nettex Multiservices sur la période de septembre 2015 à septembre 2017 et à une somme de 1277,61 € bruts les congés payés y afférents,
-infirmer le jugement sur le montant de l'indemnité allouée à titre de dommages-intérêts à hauteur de 500 € et statuant à nouveau, condamner la société Nettex Multiservices de ce chef à une indemnité de 3882,45 € à titre de dommages-intérêts,
y ajoutant,
-condamner la société Nettex Multiservices au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
-débouter la société Nettex Multiservices de l'ensemble de ses demandes.
MOTIFS :
A titre liminaire, il est rappelé que le chef de jugement ayant dit que le licenciement de Mme [K] était fondé et le chef de jugement sur les frais irrépétibles ne font l'objet ni d'un appel principal, ni d'un appel incident de sorte qu'ils sont définitifs.
Sur la demande de rappel de salaire :
L'article 7.3 de la convention collective nationale des entreprises de propreté relatif aux « obligations à la charge de l'ancien prestataire (entreprise sortante) » dispose, s'agissant des salariés non affectés exclusivement au marché repris : « un avenant au contrat de travail sera établi par l'entreprise sortante pour tenir compte de la réduction d'horaires liés à la perte du marché ».
Il en résulte que l'entreprise sortante, tout comme l'entreprise entrante, doivent établir un avenant au contrat de travail du salarié concerné pour acter la baisse de la durée de travail à l'égard de la première, et l'augmentation de la durée du travail à l'égard de la seconde.
Ces dispositions conventionnelles sont conformes au principe général selon lequel l'employeur ne peut modifier unilatéralement un élément essentiel du contrat de travail sans l'accord du salarié.
En l'espèce, il est constant que le dernier contrat de travail régularisé entre Mme [K] et son ancien employeur la société Bionet, aux droits de laquelle est venue la société Nettex Multiservices, fixait la durée du travail à un temps complet.
Il est également constant que la salariée était affectée notamment mais non exclusivement au chantier CPAM de Figeac à hauteur de 11,15 heures par semaine soient 48,75 heures par mois, et que ce chantier a été perdu par la société Nettex Multiservices à compter du 1er janvier 2015 au profit de la société PLD Garonne.
La société Nettex Multiservices a alors réduit unilatéralement et sans formalité la durée du travail de la salariée à compter de cette date, pour tenir compte de la perte du chantier et lui a fixé une durée du travail de 102,92 heures par mois.
Ce faisant, elle a contrevenu aux dispositions conventionnelles précitées organisant le transfert partiel des contrats de travail d'un salarié non affecté exclusivement au chantier repris, imposant la régularisation d'un avenant fixant la réduction du temps de travail.
La société entrante PLD Garonne a satisfait aux obligations qui étaient les siennes en faisant signer à la salariée un avenant correspondant aux 48,75 heures par mois effectué sur le chantier repris, mais cette formalité n'exonérait pas l'entreprise sortante de formaliser la réduction de travail de sa salariée qu'elle n'occupait désormais plus à temps plein.
La signature entre l'entreprise entrante et la salariée d'un tel avenant ne saurait valoir accord exprès de la salariée sur la réduction de la durée de son travail au profit de l'entreprise sortante, comme le soutient cette dernière, pas plus que le prétendu refus par la salariée d'exécuter des heures en remplacement des chantiers perdus, refus pour lequel, d'ailleurs, l'employeur n'a adressé aucune mise en demeure à celle-ci.
Par ailleurs, la société Nettex Multiservices a une nouvelle fois réduit unilatéralement la durée du travail de la salariée à 96,59 heures par mois à compter de janvier 2017, à la suite de la perte d'autres chantiers, sans davantage régulariser d'avenant.
Dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont condamné la société Nettex Multiservices à payer à Mme [K] un rappel de salaire correspondant à la durée du travail contractuellement en vigueur entre les parties.
En revanche, s'agissant du quantum, la salariée limite désormais ses demandes devant la cour à la somme de 12'776,05 € en indiquant que le décompte présenté en première instance était erroné pour avoir inclus des salaires prescrits.
Par conséquent, il sera alloué à Mme [K] la somme de 12 776,05 € bruts à titre de rappel de salaire sur la période de septembre 2015 à septembre 2017, outre 1277,61 € bruts au titre des congés payés y afférents, par infirmation du jugement déféré.
Sur la demande indemnitaire :
Mme [K] sollicite des dommages intérêts distincts des rappels de salaire au motif que la société n'a pas respecté ses obligations contractuelles et lui a causé un préjudice financier. Toutefois, Mme [K] ne caractérise l'existence d'aucun préjudice distinct de celui réparé par les intérêts moratoires sur les rappels de salaire alloués.
Dans ces conditions, la demande indemnitaire sera rejetée par infirmation du jugement entrepris, lequel n'a pas caractérisé le préjudice qu'il entendait réparer.
Sur la demande reconventionnelle en remboursement de salaires :
la société Nettex Multiservices sollicite le remboursement par la salariée des sommes qu'elle a versées à celle-ci les 28 janvier 2020 (7166,88 € bruts) et 16 juillet 2020 (7282,71 € bruts) en exécution de la décision de première instance.
Toutefois, dans la mesure où l'exécution provisoire était fondée à hauteur de 12 776,05€ bruts + 1277,61 € bruts soit 14'053,65 € bruts, il n'y a pas lieu à ordonner remboursement de ces sommes ; par ailleurs, sur le surplus déjà exécuté, le présent arrêt infirmatif sur le montant des rappels de salaire vaut titre pour obtenir la restitution de ce trop perçu par la salariée, de sorte qu'il n'y a pas lieu à ordonner un quelconque remboursement.
Sur la demande reconventionnelle pour procédure abusive :
la société Nettex Multiservices ne saurait obtenir une quelconque indemnisation pour procédure abusive dans la mesure où, d'une part, l'action prud'homale de Mme [K] était fondée, et où d'autre part, Mme [K] n'est pas à l'origine de la procédure d'appel.
La demande indemnitaire, nouvelle en cause d'appel, sera donc rejetée par ajout au jugement entrepris.
Sur le surplus des demandes :
Le jugement sera confirmé dans ses dispositions relatives aux dépens.
L'appel de la société Nettex Multiservices étant partiellement fondé, chacune des parties conservera sa charge ses propres dépens exposés en cause d'appel.
Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile devant la présente cour.
PAR CES MOTIFS
Statuant dans les limites de l'appel partiel,
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Nettex Multiservices à payer à Mme [K] les sommes suivantes :
* 19 908,11 € à titre de rappel de salaire de septembre 2015 à septembre 2017,
* 1990,81 € au titre des congés payés y afférents,
* 500 € à titre de dommages-intérêts,
Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,
Condamne la société Nettex Multiservices à payer à Mme [K] les sommes suivantes :
* 12 776,05 € bruts à titre de rappel de salaire sur la période de septembre 2015 à septembre 2017,
* 1277,61 € bruts au titre des congés payés y afférents,
Déboute Mme [K] de sa demande de dommages-intérêts distincts,
Confirme le jugement entrepris sur le surplus,
Déboute la société Nettex Multiservices de ses demandes reconventionnelles,
Dit que les dépens d'appel resteront à la charge de chaque partie les ayant exposés.
Le présent arrêt a été signé par Catherine BRISSET, présidente, et par Arielle RAVEANE, greffière.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,
Arielle RAVEANECatherine BRISSET.