24/06/2022
ARRÊT N° 2022/363
N° RG 20/02828 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NYTM
CP/KS
Décision déférée du 23 Septembre 2020 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( F 17/01279)
J MAYET
SECTION ACTIVITES DIVERSES
[H] [U]
C/
S.A.R.L. SECURITAS FRANCE
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 1
***
ARRÊT DU VINGT QUATRE JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANT
Monsieur [H] [U]
68 bis, rue Ernest Renan, bâtiment D
31200 TOULOUSE
Représenté par Me Renaud FRECHIN de la SCP CABINET DENJEAN ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE
S.A.R.L. SECURITAS FRANCE
253 quai de la Bataille de Stalingrad
92130 ISSY LES MOULINEAUX
Représentée par Me Pascal SAINT GENIEST de l'AARPI QUATORZE, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant C. PARANT,magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
S. BLUME, présidente
M. DARIES, conseillère
C. PARANT,magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier, lors des débats : C. DELVER
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par S. BLUME, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre.
EXPOSE DU LITIGE
M. [H] [U] a été embauché du 31 août 2015 au 6 septembre 2015 par la SARL Securitas France en qualité d'agent de sécurité suivant contrat de travail à durée déterminée régi par la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité.
M. [U] a, par la suite, travaillé dans le cadre de nombreux contrats à durée déterminée avec la même société.
La société Securitas France a proposé à M. [U] un contrat à durée indéterminée prenant effet au 1er juillet 2017 qui a été signé par le salarié.
M. [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse le 1er août 2017 pour obtenir la requalification de son contrat de travail et demander le versement de diverses sommes.
Par courrier du 2 août 2017, la société Securitas France a notifié à M. [U] qu'elle avait connaissance de l'existence d'un contrat à temps plein entre M. [U] et un autre employeur, et lui a demandé sous huitaine de la tenir informée des dispositions prises afin de ne pas dépasser la durée maximale de travail autorisée.
Par lettre du 1er décembre 2017, la société Securitas France a mis en demeure M. [U] de se rendre disponible pour exécuter la prestation de travail convenue entre les parties.
Après proposition du 22 janvier 2018, par avenant du 1er juin 2018, la durée du travail a été réduite à 47,68 heures par mois.
Par lettres recommandées des 28 janvier et 8 février 2019, la société Securitas France a mis en demeure M. [U] de lui fournir le justificatif de ses absences des 11 au 14 janvier 2019 et des 18, 21, 24 et 25 janvier et 2 au 5 février 2019.
Convoqué par courrier du 12 février 2019 à un entretien préalable de licenciement, M. [U] a été licencié par lettre du 25 février 2019 pour abandon de poste constitutif, selon la société Securitas France, d'une faute grave.
Par jugement du 23 septembre 2020, le conseil de prud'hommes de Toulouse a
-jugé que la relation de travail doit être requalifiée en contrat à durée indéterminée à compter du 31 août 2015,
-en conséquence,
-condamné la société Securitas France à verser à Monsieur [H] [U] les sommes suivantes :
*1 411,88 € à titre d'indemnité de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,
-jugé que M. [H] [U] ne se tenait pas à la disposition de son employeur,
-en conséquence, débouté M. [H] [U] de sa demande de rappel de salaires,
-jugé que l'employeur n'a pas enfreint son obligation de résultat et qu'en tout état de cause M. [H] [U] ne fait état d'aucun préjudice,
-en conséquence, débouté M. [H] [U] de sa demande relative à la violation de l'obligation de résultat,
-jugé que le licenciement de M. [H] [U] repose bien sur une cause réelle et sérieuse,
-en conséquence, débouté M. [H] [U] de ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail,
-débouté M. [H] [U] du surplus de ses demandes,
-condamné la société Securitas France à verser à M. [H] [U] la somme
de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné la société Securitas France aux entiers dépens de l'instance.
Par déclaration du 21 octobre 2020, M. [U] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.
Par dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique
le 18 janvier 2021, auxquelles il est expressément fait référence, M. [H] [U] demande à la cour de :
-confirmer le jugement déféré en ce qu'il a requalifié la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 31 août 2015 et condamné la société Securitas France au paiement de la somme de 1 411,88 € à titre d'indemnité de requalification et de la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,
- l'infirmer pour le surplus,
statuant à nouveau,
-juger que son appel est justifié et recevable,
- dire et juger que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse,
-condamner la société Securitas France au paiement des sommes suivantes, avec intérêts de droit au jour de la demande,
* 2 000 € à titre de dommages et intérêts pour violation systématique des délais de remise des contrats,
* 17 075,40 € à titre de rappel de salaire, outre celle de 1 707,54 € au titre des congés payés afférents,
* 1 408,86 € à titre d'indemnité de préavis et 140,88 € au titre des congés payés y afférents,
* 3 522,15 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité,
-condamner la société Securitas France à lui remettre un certificat de travail ainsi qu'une attestation pôle emploi conformes, sous astreinte de 40 € par jour de retard à compter du prononcé de la décision,
-la moyenne des trois derniers mois de salaire s'établissant à la somme de 704,43 €,
-condamner la société Securitas France au paiement de la somme de 2 500 € sur le
fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Par dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 19 mars 2021, auxquelles il est expressément fait référence, la SARL Securitas France demande à la cour de :
-lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur la demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée,
-limiter l'indemnité de requalification allouée à M. [U] à la somme de 1 060,77 €,
-débouter M. [U] du surplus de ses demandes,
-statuer ce que de droit en ce qui concerne les dépens.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 20 mai 2022.
MOTIFS
Les deux parties concluent à la confirmation du jugement entrepris en ses dispositions sur la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et sur la condamnation de la société Securitas France au paiement d'une indemnité de requalification de sorte que ces dispositions sont définitives.
La mention dans les motifs des conclusions de l'appelant d'une demande en paiement d'une indemnité de requalification de 2 000 € n'étant accompagnée d'aucune demande dans le dispositif, la cour n'est pas saisie de cette demande.
Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour remise tardive des contrats à durée déterminée
La société Securitas France soulève l'irrecevabilité de la demande nouvelle en appel de dommages et intérêts pour remise tardive des contrats à durée déterminée et M. [U] n'a pas conclu sur cette fin de non recevoir.
La cour constate que cette demande de dommages et intérêts est effectivement une demande nouvelle, non soumise au conseil de prud'hommes, au sens de l'article 564 du code de procédure civile ; elle ne tend pas aux mêmes fins que les demandes soumises au premier juge et elle n'est pas l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des prétentions soumises au premier juge de sorte qu'il ne peut être fait application des exceptions au principe de l'irrecevabilité des demandes nouvelles édictées par les articles 565 et 566 du code de procédure civile.
Il en résulte qu'il sera fait droit à la demande de déclaration d'irrecevabilité de cette demande nouvelle.
Sur la demande en paiement de rappel de salaire pendant les périodes interstitielles
Il est constant que, pour pouvoir bénéficier d'un rappel de salaire pendant les périodes séparant l'exécution de plusieurs contrats à durée déterminée, M. [U] doit rapporter la preuve qu'il se tenait, pendant ces périodes interstitielles, à la disposition de son employeur.
Force est de constater qu'il ne rapporte aucunement cette preuve alors qu'au contraire, il résulte des échanges entre le salarié et l'employeur que M. [U] travaillait pour plusieurs employeurs, ce qui contredit qu'il se soit tenu à la disposition de la société Securitas France pendant ces périodes interstitielles.
M. [U] sera en conséquence débouté de sa demande de rappel de salaire par confirmation du jugement entrepris.
Sur la demande en paiement de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité
M. [U] soutient que la société Securitas France a violé l'obligation de sécurité dont elle était débitrice en manquant, d'une part, à son obligation de suivi médical de son salarié, et en violant, d'autre part, à plusieurs reprises, les règles sur la durée du travail.
La société Securitas France indique qu'il a bénéficié d'une visite médicale
le 16 octobre 2017 par le médecin du travail qui a conclu à l'aptitude du salarié et ne justifie d'aucun préjudice ; les dépassements du temps de travail incombent à la seule responsabilité de M. [U] qui travaillait pour plusieurs employeurs et s'est abstenu de collaborer à la mise en oeuvre des règles dont il se prévaut.
Il est rappelé qu'en application de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;
2° Des actions d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
La société Securitas France reconnaît qu'elle n'a pas organisé de visite médicale d'embauche alors que les contrats à durée déterminée conclus entre les parties ont été requalifiés en contrat à durée indéterminée. Elle n'a organisé qu'une seule visite périodique au cours de la relation de travail qui a duré 4 ans.
Pour autant, M. [U] n'allègue ni ne démontre de préjudice en lien avec le défaut d'exécution de ce suivi médical obligatoire, suivi particulièrement nécessaire pour protéger la santé des agents de sécurité exposés à des conditions de travail difficiles.
Il résulte des lettres des 2 août et 1er décembre 2017 que la société Securitas France a fait travailler M. [U] à plusieurs reprises alors que l'appelant travaillait à plein temps pour une autre entreprise, de sorte que le dépassement de la durée légale du travail est intervenu à plusieurs reprises.
Ces atteintes au droit au repos justifient l'allocation de la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts, l'employeur ne pouvant valablement s'exonérer de son obligation de sécurité en faisant valoir que M. [U] connaissait ces dépassements en participant à la réalisation des plannings de travail.
Cette créance de nature indemnitaire portera intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt.
Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.
Sur le licenciement
Il appartient à la société Securitas France de démontrer la réalité de la faute grave qui a justifié le licenciement de M. [U], étant rappelé que la faute grave se définit comme celle qui empêche la poursuite de la relation de travail.
Il résulte des pièces versées aux débats que M. [U] a commis, à plusieurs reprises, des faits d'abandon de poste en ne se présentant pas au travail les jours des mois de janvier et février 2019 mentionnés dans la lettre de licenciement et rappelés dans l'exposé du litige, et ce, malgré l'envoi de deux lettres de mise en demeure notifiées par la société Securitas France les 28 janvier et 8 février 2019.
Ces faits constituent une faute grave, M. [U] ayant manqué à plusieurs reprises à son obligation de travailler et ne justifiant pas ses abandons de poste successifs dans le cadre de la présente instance.
Le jugement déféré qui a rejeté les demandes en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité de préavis sera confirmé sur ces points.
Sur le surplus des demandes
La demande de condamnation de la société Securitas France à remettre à M. [U] un certificat de travail ainsi qu'une attestation pôle emploi conformes sera rejetée, en l'absence de condamnation emportant des conséquences sur les documents sociaux.
La société Securitas France qui perd partiellement le procès sera condamnée aux dépens et au paiement de la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles d'appel, le jugement déféré étant confirmé sur les dépens et les frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Déclare irrecevable la demande nouvelle formée par M. [H] [U] en paiement de 2 000 € à titre de dommages et intérêts pour violation systématique des délais de remise des contrats,
Confirme le jugement entrepris, à l'exception du rejet de la demande de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité,
statuant à nouveau du chef infirmé, et, y ajoutant,
Condamne la société Securitas France à payer à M. [H] [U] la somme
de 1 000 € à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité, avec intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt,
Rejette la demande de remise de documents sociaux rectifiés,
Condamne la société Securitas France à payer à M. [H] [U] la somme
de 1 500 € en remboursement des frais irrépétibles de l'instance d'appel,
Condamne la société Securitas France aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par S.BLUMÉ, présidente et par C.DELVER, greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
C.DELVER S.BLUMÉ
.