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21/06/2022 | FRANCE | N°21/01201

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 2, 21 juin 2022, 21/01201


21/06/2022



ARRÊT N°



N° RG 21/01201 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OBFO

MT/CG



Décision déférée du 15 Février 2021 - Président de chambre de TOULOUSE - 20/03171

BARDOUT



















[S] [B] épouse [I]





C/



[E] [I]



MP PG CIVIL





























































INFIRMATION







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 2

***

ARRÊT DU VINGT ET UN JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANTE



Madame [S] [B] épouse [I]

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Laurence MONNIER-SAILLOL, avocat au barrea...

21/06/2022

ARRÊT N°

N° RG 21/01201 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OBFO

MT/CG

Décision déférée du 15 Février 2021 - Président de chambre de TOULOUSE - 20/03171

BARDOUT

[S] [B] épouse [I]

C/

[E] [I]

MP PG CIVIL

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 2

***

ARRÊT DU VINGT ET UN JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

Madame [S] [B] épouse [I]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Laurence MONNIER-SAILLOL, avocat au barreau de TOULOUSE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 31555.2021.006281 du 19/04/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)

INTIMÉS

Monsieur [E] [I],

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Katia OUDDIZ-NAKACHE, avocat au barreau de TOULOUSE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 31555.2021.010193 du 10/05/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)

PROCUREUR GENERAL

Cour d'Appel

[Adresse 6]

[Localité 3]

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 17 Mai 2022 en chambre du conseil, devant la Cour composée de :

C. GUENGARD, président

M. DUBOIS, conseiller

V. CHARLES-MEUNIER, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : C. CENAC

MINISTERE PUBLIC :

Représenté lors des débats par M.JARDIN, substitut général, auquel l'affaire a été régulièrement communiquée les 12 mai et 1er juin 2021, qui a fait connaître son avis.

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par C. GUENGARD, président, et par C. CENAC, greffier de chambre.

EXPOSE DU LITIGE:

Mme [B], née le 19 décembre 1968 à [Localité 5] (Algérie) de nationalité algérienne, a contracté mariage avec M. [O] en Algérie le 9 avril 1987 avant de divorcer le 27 octobre 1996.

Par la suite, Mme [B] a contracté mariage avec M. [V] le 11 avril 2001.

Quatre enfants sont issus de leur union :

- [Y], née en 1997,

- [R], née en 2001,

- [H], né en 2005,

- [W], né en 2012.

[R], [H] et [W] sont arrivés en France le 17 février 2018. Les époux ont divorcé à [Localité 5] (Algérie) le 26 février 2018.

Mme [B] est arrivée officiellement sur le territoire français le 23 mai 2018.

Mme [B] et M. [I], né le 19 décembre 1967 à [Localité 5] (Algérie) et de nationalité française, ont contracté mariage le 6 juillet 2018 devant l'officier d'état civil de [Localité 7] (31).

Par courrier anonyme adressé au service des étrangers de la préfecture de la Haute-Garonne, au commissariat de police de [Adresse 4] (31) et au procureur de la République de Toulouse reçu le 6 juin 2019, il était fait état que Mme [B] et M. [I] avait contracté un mariage frauduleux dans le but d'obtenir ou de faire obtenir un titre de séjour à Mme [B].

Par acte en date du 2 septembre 2020, le procureur de la République de Toulouse a assigné les époux en annulation de ce mariage, estimant que M. [I] et Mme [B] ont contracté mariage frauduleusement, pour des motifs étrangers à l'institution du mariage.

Par jugement contradictoire en date du 15 février 2021, la chambre du conseil du tribunal judiciaire de Toulouse a :

- annulé le mariage de M. [I] et Mme [B],

- dit que la mention de cette annulation doit être transcrite sur l'acte de mariage n°98/3 dressé le 6 juillet 2018 à [Localité 7] (31),

- condamné M. [I] et Mme [B] aux dépens, chacun pour une moitié, solidairement pour le tout.

Par déclaration électronique en date du 15 mars 2021, Mme [B] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :

- annulé son mariage avec M. [I].

Dans ses dernières conclusions d'appelant reçues le 14 juin 2021, Mme [B] demande à la cour d'appel de Toulouse de bien vouloir :

- réformer le jugement du 15 février 2021,

- constater qu'il n'y a pas lieu à annuler le mariage des époux [B]-[I],

- rejeter comme non fondée en droit et en fait la demande formulée par M. [I] au visa de l'article 700 du code de procédure civile,

- statuer ce que de droit sur les dépens, étant précisé que Mme [B] est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale.

Dans ses dernières conclusions d'intimé reçues le 14 mai 2021, M. [I] demande à la cour d'appel de Toulouse de bien vouloir :

- confirmer le jugement dont appel dans toutes ses dispositions,

- prononcer la nullité du mariage entre les époux [I]/[B] célébré le 6 juillet 2018 devant l'officier d'état civil de la commune de [Localité 7] (31),

- condamner Mme [B] aux frais non compris dans les dépens, soit une somme de 1 500 euros à verser à M. [I] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions en date du 1er juin 2021, le Ministère public demande de:

confirmer le jugement du 15 février 2021 de la chambre du conseil du tribunal judiciaire de Toulouse en ce qu'il a annulé le mariage de M. [I] et Mme [B].

La clôture de la mise en état a été ordonnée le 2 mai 2022.

La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DECISION:

Dans tous les cas où le litige présente des éléments d'extranéité, le juge français doit vérifier d'office sa compétence territoriale au regard des règles énoncées par le Règlement (CE) no 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale.

Ce règlement s'applique notamment à I'annulation du mariage des époux.

En l'espèce, l'un au moins des critères de compétence prévu par ce règlement est satisfait au moment où a été déposée la requête, en l'espèce la résidence habituelle du défendeur, qui demeure à [Localité 7] (Haute-Garonne).

Aux termes des articles 8, 12 et 14 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. ll ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.

L'homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l'exercice de ce droit.

L'article 180 du code civil dispose que le mariage qui a été contracté sans le consentement libre des deux époux, ou de l'un d'eux, ne peut être attaqué que par les époux, ou par celui des deux dont le consentement n'a pas été libre, ou par le ministère public. L'exercice d'une contrainte sur les époux ou l'un d'eux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue un cas de nullité du mariage. S'il y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne, l'autre époux peut demander la nullitédu mariage. L'article,181 du code civil précise que la demande en nullité n'est plus recevable à l'issue d'un délai de cinq ans à compter du mariage.

La loi applicable au fond, c'est-à-dire aux conditions de capacité matrimoniale et de consentement des époux, est la loi nationale de chacun des époux.

La loi de la nationalité de chacun des époux détermine leur capacité à consentir et la validité de leur consentement matrimonial. Il ne peut y avoir d'annulation que si la cause de nullité invoquée est une cause d'annulation selon la loi de l'époux contre laquelle elle est invoquée.

En l'espèce,compte tenu des nationalités respectives des deux époux, il convient d'appliquer les lois algérienne et française aux conditions de capacité et de validité du consentement.

L'article 146 du code civil, conforme aux dispositions de la constitution et de la CEDH, précise qu'il n'y a pas de mariage lorsqu'il n'y a point de consentement. L'absence de consentement est donc une cause de nullité du mariage.

L'article 32 du code de la famille algérien dispose que le mariage est déclaré nul s'il comporte un empêchement ou une clause contraire à l'objet du contrat. L'article 33 précise que le mariage est déclaré nul, si le consentement est vicié.

Quant à l'article 36, il indique que les obligations des deux époux sont les suivantes :

- sauvegarder les liens conjugaux et les devoirs de la vie commune ;

- la cohabitation en harmonie et le respect mutuel et dans la mansuétude,

- contribuer conjointement à la sauvegarde des intérêts de la famille, à la protection des enfants et à leur saine éducation,

- la concertation mutuelle dans la gestion des affaires familiales, et l'espacement des naissances,

- le respect de leurs parents respectifs, de leurs proches et leur rendre visite,

- sauvegarder les liens de parenté et les bonnes relations avec les parents et les proches,

- chacun des époux a le droit de rendre visite et d'accueillir ses parents et proches dans la mansuétude.

En l'espèce, il ressort de l'enquête de police que M. [I] et Mme [B] se connaissaient depuis leur jeunesse; qu'ils se sont fortuitement retrouvé à [Localité 7], l'initiative de la demande en mariage provenant de M. [I].

Si M. [I] n'avait pas avisé sa famille de ce mariage, celui-ci a néanmoins été célébré en présence d'amis du couple.

Les époux [I] et [B] vivent séparément depuis que Mme [B] a loué un appartement sous son seul nom à compter du 1er avril 2019 dans le même immeuble que son mari ce qui correspond aux déclarations faites par M. [I] lors de son audition devant les services de police le 18 décembre 2019 qui a précisé qu'elle avait pris un appartement séparé il y a sept mois environ. Le changement d'adresse a également été signalé à la Caisse d'Allocations Familiales de la Haute Garonne le 12 avril 2019.

Il ressort de l'audition de M. [I] devant les services de police que la communauté de vie qui s'était mise en place après le mariage s'est rapidement dégradée à cause des divergences de conception des deux époux sur l'éducation des enfants, celui ci ayant déclaré: « tout le monde s'est installé chez moi et de suite ça s'est mal passé, j'avais l'impression de ne plus être chez moi. [S] n'a aucune technique d'éducation des enfants, j'avais envie de l'aider à gérer ses enfants mais je ne pouvais pas faire de remarques, car elle le prenait mal. '

Mme [B] confirme l'origine de la mésentente avec son mari en indiquant qu'elle s'était installée avec ses enfants au domicile de son mari et que ' les enfants ne se sont pas adaptés à lui, tous les jours il y avait des problèmes. [E] voulait du calme alors que mes enfants bougent, ils font des bêtises. Avec moi , [E] est gentil mais pas avec mes enfants. Voyant cela j'ai pris la décision de quitter le domicile pour calmer la situation, je ne voulais perdre ni mon mari, ni mes enfants.'

Pour autant Mme [B] rapporte la preuve, par plusieurs attestations, du maintien des relations avec son mari après la séparation du couple.

Ainsi Mme [G] atteste : « à chaque fois que je vais coiffer Mme [B] (toutes les semaines), M. [I] est présent, il mange tout le temps, boit le café le matin et le goûter'.

Mme [Z], amie de la fille de Mme [B] témoigne : « Je viens tous les jours après le travail chez ma copine et sa mère. J'ai rencontré à plusieurs reprises le beau-père de ma copine, on a mangé ensemble plusieurs fois. »

Ce qui est au demeurant confirmé par M. [I] lui-même dans son audition où il déclare: ' [S] m'a dit qu'elle voulait continuer notre relation mais que ce serait plus simple à gérer dans deux appartements différents. Je me rendais chez [S] une fois par semaine pour prendre des nouvelles ou elle m'appelait pour que j'y aille manger. Et après j'y allais un week end sur deux pour dormir.'

Il ajoutait :

' J'ai encore des sentiments pour [S] et je pense que elle aussi car elle m'appelle régulièrement pour avoir des nouvelles mais elle est entre ses gosses et moi , je pense que c'est elle la plus malheureuse.'

Le fait que Mme [B] héberge, à la date de l'enquête qui a été effectuée, son second mari, père de ses enfants, n'établit pas qu'existent des relations de couple entre eux d'autant plus que M. [I] a déclaré avoir connaissance de la présence de ce dernier qu'il avait pu rencontrer au domicile de son épouse mais dont la présence avait été justifiée par la necéssité d'intervenir dans l'éducation des enfants.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la vie commune a existé entre les époux après le mariage et que, face aux difficultés relationnelles qui sont apparues postérieurement à celui-ci, ils ont maintenu des relations de couple fusse dans deux appartements séparés, mais malgré tout dans le même immeuble, M. [I] confirmant en tous points les attestations versées aux débats par Mme [B] quant au fait qu'il venait souvent chez elle et qu'il y restait même dormir.

La présence d'autres personnes, constatée lors de la visite des services enquêteurs au domicile de Mme [B], quelle que soit leur situation administrative est indifférente à l'existence de la relation de couple ainsi démontrée à la date de l'enquête entre M. [I] et Mme [B].

Aucun élément ne permet d'établir qu'à la date du mariage Mme [B] a contracté celui-ci dans un but étranger à l'institution matrimoniale et qu'elle n'était pas animée de l'intention de respecter les devoirs de la vie commune ainsi que la cohabitation en harmonie tout comme le respect mutuel et dans la mansuétude.

Le jugement attaqué sera donc infirmé en ce qu'il a annulé le mariage de M. [I] et Mme [B] et dit que la mention de cette annulation doit être transcrite sur l'acte de mariage n°98/3 dressé le 6 juillet 2018 à [Localité 7] (31).

Statuant sur le chef infirmé la demande présentée à ce titre par le ministère public sera rejetée et les dépens d'appel seront laissés à la charge du Trésor Public.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant dans les limites de l'appel:

Infirme le jugement attaqué en ce qu'il a:

- annulé le mariage de M. [I] et Mme [B],

- dit que la mention de cette annulation doit être transcrite sur l'acte de mariage n°98/3 dressé le 6 juillet 2018 à [Localité 7] (31),

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés:

- Rejette la demande d'annulation présentée par le ministère public,

- Rejette toute demande plus ample ou contraire,

- Laisse les dépens à la charge du Trésor Public.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

C.CENAC C.GUENGARD

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 2
Numéro d'arrêt : 21/01201
Date de la décision : 21/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-21;21.01201 ?
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