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20/06/2022 | FRANCE | N°19/04491

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 20 juin 2022, 19/04491


20/06/2022



ARRÊT N°



N° RG 19/04491 - N° Portalis DBVI-V-B7D-NH2I

SL/IA



Décision déférée du 13 Septembre 2019 - Tribunal de Grande Instance de SAINT-GAUDENS - 19/00086

F.FOUQUET

















ADMINISTRATION DES FINANCES PUBLIQUES





C/







[B] [S] VEUVE [H]

en son nom personnel et en qualité d'héritière de M. [A] [H]
























r>































INFIRMATION







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE



ADMINISTRATION DES FINANCES PUBLIQU...

20/06/2022

ARRÊT N°

N° RG 19/04491 - N° Portalis DBVI-V-B7D-NH2I

SL/IA

Décision déférée du 13 Septembre 2019 - Tribunal de Grande Instance de SAINT-GAUDENS - 19/00086

F.FOUQUET

ADMINISTRATION DES FINANCES PUBLIQUES

C/

[B] [S] VEUVE [H]

en son nom personnel et en qualité d'héritière de M. [A] [H]

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

ADMINISTRATION DES FINANCES PUBLIQUES Agissant poursuites et diligences de la DIRECTION REGIONALE DES FINANCES PUBLIQUES DE PROVENCE ALPES COTE D'AZUR ET DES BOUCHES DU RHONE

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représenté par Me Etienne DURAND-RAUCHER de la SCP CABINET MERCIE - SCP D'AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉS

Madame [B] [S] épouse [H] en son nom personnel

[Localité 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Emmanuelle DESSART de la SCP DESSART-DEVIERS, avocat postulant au barreau de TOULOUSE

et par Me Maud BONDIGUEL-SCHINDLER de la SCP BONDIGUEL & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de RENNES

Madame [B] [S] VEUVE [H], Intervenante volontaire en qualité d'héritière de Monsieur [A] [H]

[Localité 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Emmanuelle DESSART de la SCP DESSART-DEVIERS, avocat postulant au barreau de TOULOUSE

et par Me Maud BONDIGUEL-SCHINDLER de la SCP BONDIGUEL & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de RENNES

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 07 Mars 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :

M. DEFIX, président

J.C. GARRIGUES, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par C.GIRAUD, directrice des services de greffe.

Exposé des faits et procédure :

M. [H] [A] et Mme [B] [S], son épouse, ont mentionné sur leur déclaration d'lSF des années 2009 et 2010 avoir souscrit au capital de la société Sas Finarea Capitis. Ils ont participé pour un montant de 9.000 euros le 15 juin 2009 et 8.246,80 euros le 14 juin 2010 aux augmentations de capital de la Sas Finarea Capitis.

Ils ont obtenu le bénéfice de la réduction d'impôt prévue en application de l'article 885-0 V bis du code général des impôts (CGI) au titre de la souscription directe au capital de PME, montant ouvrant droit à une réduction d'ISF de 75% des versements plafonnée à 50 000 euros.

Par ailleurs, ils ont également obtenu en 2010 le bénéfice de l'exonération d'ISF de la valeur des titres de cette société reçus en contrepartie de leur souscription prévue par l'article 885 I ter du code général des impôts.

Les époux [H] ont reçu une proposition de rectification du 11 décembre 2012. L'Administration a remis en cause la réduction d'ISF dont ils avaient bénéficié en 2009 et 2010 ainsi que l'exonération d'ISF dont ils ont bénéficié en 2010.

M. [V] se présentant comme mandataire des contribuables a fait des observations au nom des époux [H] le 6 février 2013, l'Administration a répondu le 28 mars 2013 en concluant au maintien des rectifications. Les impositions subséquentes ont été mises en recouvrement le 10 décembre 2013 (AMR n°3100201202084 29/11/2013 05082).

Le 24 décembre 2015, les époux [H] ont contesté auprès de l'administration fiscale le bien fondé de ces impositions. La réclamation a été rejetée le 23 août 2018.

Par exploit d'huissier délivré le 15 octobre 2018, les époux [H] ont assigné l'administration des finances publiques, en la personne du directeur régional des finances publiques de Provence Alpes Côte d'Azur et des Bouches du Rhône devant le tribunal de grande instance de Saint-Gaudens.

Par jugement contradictoire en date du 13 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Saint-Gaudens a :

- ordonné la décharge des rehaussement prononcés à l'encontre de M. et Mme [H], [A] et [B], suivant proposition de rectification en date du 11 décembre 2012 et avis de mise en recouvrement du 10 décembre 2013,

- condamné la direction régionale des finances publiques aux entiers dépens,

- condamné la direction régionale des finances publiques à payer à M. et Mme [H], [A] et [B] la somme de 500€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, le tribunal a en substance estimé que certes, les attestations remises par la Sas Finarea Capitis pour permettre de bénéficier de l'avantage fiscal n'étaient pas créatrices de droit, et que l'administration n'était pas dans l'obligation de sanctionner la Sas Finarea Capitis par un redressement ou une amende avant de procéder aux rectifications des déclarations des bénéficiaires des attestations.

Il a estimé en revanche que l'administration n'avait pas visé explicitement l'ensemble des pièces étudiées lors du contrôle et qui l'ont conduite à ses conclusions sur le fait que la Sas Finarea Capitis n'avait pas un rôle de holding animatrice ; que cette posture était déloyale ; que les pièces visées dans la proposition de rectification n'étaient pas suffisamment explicites pour permettre de contester l'activité d'animation de la holding ; que l'administration devait fournir de façon organisée, toutes les pièces analysées lors du contrôle et qui ont fondé sa conviction ; que le contrôle était donc entaché d'une irrégularité de procédure qui entraînait la décharge de l'imposition.

Par déclaration en date du 10 octobre 2019, l'administration des finances publiques, agissant poursuites et diligences de la direction régionale des finances publiques de Provence Alpes Côte d'Azur et des Bouches du Rhône, a relevé appel de ce jugement dans toutes ses dispositions.

M. [H] [A] est décédé le [Date décès 2] 2020. Mme [B] [S] épouse [H], est venue aux droits de celui-ci et est intervenue volontairement à l'instance.

Prétentions et moyens des parties :

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 2 novembre 2021, l'administration des finances publiques, représentée par le directeur régional des finances publiques de Provence Alpes Côte d'Azur et des Bouches du Rhône, appelante, demande à la cour, au visa de l'article 885-0 V bis du code général des impôts et de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, de :

- prendre acte de la reprise d'instance de Mme [S] veuve [H],

- réformer le jugement entrepris,

- reconnaîtra le rappel fondé en droit et en fait,

En conséquence,

- rejeter les demandes de Mme [S] veuve [H] prise tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritière tendant à l'annulation de la décision administrative de rejet de la réclamation, à la communication des décisions de rescrits, à la question préjudicielle et à la décharge des impositions,

- condamner Mme [S] veuve [H] tant à titre personnel qu'ès-qualités d'héritière à verser à la concluante la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- la condamner en la même qualité aux entiers dépens d'appel, dont distraction pour ces derniers au profit de l'avocat soussigné aux offres de droit.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 9 septembre 2021, Mme [S] veuve [H], en son nom personnel et en qualité d'héritière de M. [A] [H] intimée, demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

En toute état de cause,

- déclarer irrégulière la procédure fiscale préalable à la présente procédure contentieuse,

- en conséquence, annuler ladite procédure fiscale et prononcer la décharge des rehaussements,

- rejeter comme étant infondée la décision de rehaussement puis de mise en recouvrement prise à son encontre,

- en conséquence, prononcer la décharge des rehaussements,

Le cas échéant,

- ordonner la communication par la direction générale des finances publiques, sous astreinte provisoire, pendant deux mois, de 1 000 € par jour de retard à compter du huitième jour suivant la signification de la décision à intervenir, des rescritsTruffle et Partech dans leur version originale ou expurgée des éléments prétendument confidentiels,

- ordonner que, passé ce délai de deux mois, la partie qui y a intérêt pourra saisir le juge d'une demande de liquidation de l'astreinte provisoire et fixation de l'astreinte définitive,

- en cas de difficulté d'interprétation du droit de l'Union européen, poser à la Cour de justice de l'Union européenne des questions préjudicielles, dans les termes suivants :

* 'La décision de la Commission européenne réservant la réduction ISF-PME aux PME en phase liminaire de développement doit-elle être interprétée comme interdisant la réduction aux investissements dans des holdings animatrices ne détenant pas encore de participation à la date de la souscription voire dont l'actif n'est pas encore principalement composé de titres de participations ''

* ' Le droit des aides d'Etat (articles 107 et 108 du TFUE, règlement n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du Traité CE, règlement n° 994/98 du Conseil du 7 mai 1998 sur l'application des articles 92 et 93 du Traité instituant la Communauté européenne à certaines catégories d'aides d'Etat horizontales) doit-il être interprété comme interdisant l'édiction de rescrits accordant un avantage fiscal aux seuls souscripteurs à certains véhicules d'investissement dans les PME ' Pareil rescrit ne doit-il pas donner lieu à notification préalable '',

* 'En présence d'un contribuable revendiquant l'application à son bénéfice de la norme fiscale énoncée dans un rescrit délivré à un autre contribuable, le principe d'effectivité du droit de l'Union européenne, ensemble la réglementation des aides d'Etat (articles 107 et 108 du TFUE, règlement n° 994/98 du Conseil du 7 mai 1998 sur l'application des articles 92 et 93 du Traité instituant la Communauté européenne à certaines catégories d'aides d'Etat horizontales) et les principes de libertés de circulation des capitaux, d'établissement et de prestations de services, ne commandent-ils pas au juge national d'ordonner la production du rescrit litigieux ''

- condamner la direction générale des finances publiques au paiement de 10 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, avec toutes conséquences de droit et de dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 février 2022.

L'affaire a été examinée à l'audience du 7 mars 2022.

Motifs de la décision :

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Sur la loyauté dans la communication des documents :

Selon l'article L 57 du livre des procédures fiscales, la proposition de rectification doit être motivée en fait et en droit, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation.

Par application de l'article R 57-1 du même code, la proposition doit faire connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée.

Aux termes de l'article L 76 B de ce code, l'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L 57 ou de la notification prévue à l'article L 76. Elle communique avant la mise en recouvrement une copie des documents sus-mentionnés au contribuable qui en fait la demande.

Ce dernier texte met ainsi à la charge de l'administration l'obligation d'informer le contribuable sur la teneur et l'origine des renseignements et documents obtenus auprès de tiers sur lesquels elle s'appuie pour motiver des rectifications, et celle de communiquer au contribuable qui en fait la demande, avant la mise en recouvrement des impositions, les documents qu'elle a invoqués. Il est de principe que le non-respect de cette double obligation est de nature à entacher la procédure d'irrégularité et d'entraîner la décharge des impositions fondées sur l'utilisation de ces renseignements et documents obtenus de tiers.

Mme [H] soutient que l'administration fonde ses redressements sur des éléments extérieurs à son dossier, tirés seulement de la vérification de comptabilité de la société Finarea Capitis et du GIE Finarea services, et alors que des pièces recueillies à décharge ne lui ont pas été communiquées malgré sa demande.

En l'espèce, la proposition de rectification se réfère à des faits constatés à l'occasion des vérifications de comptabilité de la société Finarea Capitis et du GIE Finarea services.

L'administration a communiqué les documents suivants :

- le bilan de la société Finarea Capitis pour l'exercice clos le 30 juin 2010 ;

- le rapport de gestion de la société Finarea Capitis au titre de l'exercice clos le 30 juin 2010 ;

- le pacte d'associés de la société Loira ;

- le contrat d'animation entre la société Finarea Capitis et la société Loira ;

- le rapport du président de la société Finarea Capitis du 9 octobre 2009 à l'assemblée générale ;

- le règlement intérieur du GIE Finarea services.

Les contribuables se sont fait représenter très tôt dans la procédure de contrôle et dans la phase contentieuse par le dirigeant de la société Finarea Capitis. Ainsi, les courriers sont établis par [K] [V], président du conseil de surveillance, qui se présente comme mandataire du contribuable (pièce 40 bis courrier du 6 février 2013 ; pièce 41 courrier du 25 avril 2013). En tant qu'actionnaires, les époux [H] disposaient d'informations sur la société Finarea Capitis, étant notamment destinataires des documents relatifs à la vie sociale que la loi ou le règlement lui imposait de communiquer à ses actionnaires ou que ces derniers pouvaient solliciter auprès d'elle.

On ne peut reprocher à l'administration de ne pas avoir communiqué, dans la proposition de rectification, tous les éléments à décharge. Pour effectuer sa démonstration, elle est libre d'utiliser et d'analyser les faits qu'elle estime de nature à motiver sa proposition. En outre, aucune disposition n'impose à l'administration fiscale de communiquer les documents qui n'ont pas été utilisés pour fonder une imposition.

La proposition de rectification est suffisamment documentée pour justifier de la position de l'administration et permettre aux contribuables de débuter un dialogue contradictoire.

Sur le non-respect de l'obligation de motivation de la réponse aux observations des contribuables :

Le dernier alinéa de l'article L 57 du livre des procédures fiscales dispose que lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit être motivée.

En l'espèce, Mme [H] reproche à l'administration de ne pas avoir répondu à l'argument tiré de l'incohérence de l'action de l'administration, que les époux [H] auraient formulé dans leur courrier (pièce 40). Cependant, ce courrier n'est ni daté, ni signé, et ne comporte aucun destinataire. Il n'est pas démontré qu'il a effectivement été adressé à l'administration.

Mme [H] se plaint que l'administration n'a pas non plus répondu sur la qualité de holding animatrice. Cependant, l'administration s'est attachée à démontrer que la société holding ne pouvait être considérée comme animatrice d'un groupe, et qu'elle exerçait les prérogatives usuelles d'un actionnaire.

La réponse aux observations du contribuable reprend de manière synthétique mais complète les observations formulées et y répond de manière suffisante, respectant ainsi les dispositions de l'article 57 du livre des procédures fiscales.

Sur la cohérence de l'administration :

Mme [H] fait valoir que l'absence de redressement ni d'infliction d'une quelconque amende à la société Finarea Capitis ayant revendiqué la qualité de holding animatrice dans une attestation délivrée à des contribuables vaut reconnaissance, par l'administration fiscale, de ce que la société est bien une holding animatrice ; que cette qualité ne peut plus désormais, en vertu des principes de cohérence, de confiance légitime et de sécurité juridique, être discutée par l'administration fiscale.

En-dehors des garanties prévues aux articles L 80 A et L 80 B du livre des procédures fiscales, qui permettent au contribuable, dans les conditions et limites fixées par ces textes, d'opposer à l'administration l'interprétation d'un texte fiscal qu'elle a formellement admise ou une prise de position formelle de sa part sur une situation de fait au regard d'un texte fiscal, le principe selon lequel une partie ne peut se contredire au détriment d'autrui n'est pas applicable à l'administration fiscale, qui ne peut renoncer à l'application des textes législatifs ou réglementaires définissant les obligations des contribuables, quelle que soit sa position avant la procédure contentieuse.

Dans le cadre du contrôle de la société Finarea Capitis, il ne lui a pas été appliqué d'amende pour délivrance d'attestations erronées ayant permis aux souscripteurs de bénéficier indûment de la réduction d'ISF. L'absence de toute rectification de l'imposition à l'issue de la vérification de la comptabilité et de prononcé d'une amende ne constituent ni une prise de position formelle de l'administration, ni l'interprétation d'un texte fiscal formellement admise au sens des articles L 80 A et L 80 B du livre des procédures fiscales.

En conséquence, la procédure de vérification est régulière.

Sur le caractère infondé de la décision de rehaussement puis de mise en recouvrement :

Sur l'attestation délivrée par la société pour bénéficier de l'avantage fiscal et sur les réponses ministérielles [C] et [O] et l'instruction du bulletin officiel des impôt 13 N-3-98 :

L'article 885-0 V bis du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 2008, a institué le principe d'une réduction de l'ISF à hauteur de 75% de versements effectués dans le capital de sociétés éligibles aux conditions qu'il prévoit.

Mme [H] fait valoir qu'elle bénéficie d'une attestation délivrée par la société pour bénéficier de l'avantage fiscal.

Il résulte des dispositions de l'article 299 septies de l'annexe II au code général des impôts, dans sa rédaction issue du décret du 14 avril 2008, que lorsqu'un contribuable souscrit au capital d'une telle société, celle-ci lui délivre un état individuel précisant, notamment, qu'elle satisfait aux conditions exigées par l'article 885-0 V bis, qu'il peut joindre à sa déclaration d'ISF ou fournir dans les trois mois suivant la date limite de dépôt de sa déclaration. Si la remise de ce document est une formalité nécessaire à l'obtention de l'avantage en cause, elle ne suffit pas à démontrer que les conditions prévues à l'article 885-0 V bis sont réunies, et ne confère aucun droit au contribuable à bénéficier de la réduction d'impôt à laquelle il prétend, fût-il de bonne foi.

Il résulte de l'article L 80 A alinéa 2 du livre des procédures fiscales que lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportées à la date des opérations en cause, celle-ci ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. La doctrine formellement admise par l'administration ne peut cependant être invoquée que selon ses termes et sa teneur en vigueur à l'époque des impositions litigieuses.

Mme [H] se prévaut des réponses ministérielles [C] et [O] et l'instruction du bulletin officiel des impôt 13 N-3-98.

Les réponses ministérielles [C] et [O] et l'instruction du bulletin officiel des impôt 13 N-3-98, qui tendent à établir que les attestations permettent au contribuable de ne pas encourir le redressement, ne sont pas opposables à l'administration car elles sont prises sur le fondement d'un texte abrogé. Elles sont antérieures à l'entrée en vigueur de l'article 885-0 V bis du code général des impôts issu de la loi du 21 août 2007 et concernent le cas très différent des réductions d'impôts en raison des dons au profit d'associations reconnues d'utilité publique. Elles ne peuvent s'appliquer à un texte fiscal qui n'existait pas encore lors de leur publication.

Aucune règle n'impose à l'administration d'établir, avant de procéder à la rectification de l'imposition du contribuable, qu'il avait connaissance du caractère erroné de l'attestation jointe à sa déclaration.

Sur la qualité de holding animatrice éligible à la réduction d'ISF prévue par l'article 885-0 V bis du code général des impôts :

Une société holding est qualifiée d'animatrice lorsque, outre la gestion d'un portefeuille de participation, elle :

- participe activement à la conduite de la politique de son groupe et au contrôle de ses filiales ;

- rend, le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers.

L'animation s'apprécie en considération d'un faisceau d'indices déterminés d'après la nature de l'activité et les conditions de son exercice. La société holding animatrice doit, par le biais de ses participations dans les filiales, concourir à une véritable activité industrielle ou commerciale en mobilisant des moyens spécifiques.

Il doit être démontré par des éléments concrets, que la société holding ne se borne pas à gérer son portefeuille de titre, mais qu'elle entretient des relations l'amenant à contrôler, gérer et animer ses filiales.

La société opérationnelle bénéficiaire des versements doit être en phase d'amorçage, de démarrage ou d'expansion.

Mme [H] fait valoir que le processus de prise de décision au sein de la filiale a été aménagé pour faire en sorte qu'aucune décision importante ne puisse être prise sans l'accord de la holding, que toutes les décisions stratégiques sont concernées, puisqu'aucune ne peut être prise sans financement spécifique ; que l'investissement de la holding est prévu par tranches à déblocage successif, subordonné à la réalisation du plan d'affaires (business plan) arrêté en commun. Concernant la société Loira, elle se prévaut de l'implication de la société Finarea Capitis dans la préparation du budget annuel, l'amélioration de la gestion analytique par chantier, le rôle qu'elle a joué dans le recrutement d'une personne chargée de la comptabilité et la mise en place d'un nouveau logiciel comptable, sa présence dans les organes de direction et à des réunions. Concernant la société Visioglobe, elle se prévaut du fait que la société Finarea Capitis ouvre son réseau, participe activement à la réflexion relative à la pénétration de nouveaux marchés et à l'offre. Elle ajoute que les coûts d'animation ont été validés lors du contrôle fiscal.

Cependant, la société Finarea Capitis n'est pas une société holding animatrice de groupe.

Certes, selon ses statuts, son objet social est à titre principal, la gestion et l'animation sous toutes formes et par tous moyens appropriés des participations prises dans des entreprises. Néanmoins, la seule circonstance que son objet social soit d'animer des filiales est insuffisante à démontrer la réalité de cette animation.

La preuve de la matérialité du caractère animateur s'apprécie au plus tard au jour du fait générateur de l'impôt.

Il convient de se placer à la date des investissement des époux [H], soit en 2009 et 2010.

Selon le bilan au 30 juin 2010, 54,22 % de l'actif brut de la société Finarea Capitis correspondait à une participation dans des sociétés opérationnelles, et 31,24% était composé de disponibilités, le reste étant des créances et d'autres actifs.

Son chiffre d'affaires était de 68.511 euros en 2010, témoignant ainsi d'une activité peu soutenue, son résultat de l'exercice étant déficitaire de 475.822 euros.

Le rapport de gestion de l'exercice clos le 30 juin 2010 indique que la société Finarea Capitis détient depuis le 30 juin 2009 une participation de 33,22% dans la société Loira qui a pour activité la conception, la construction, la commercialisation et l'exploitation d'unités de traitement d'eau pour les collectivités, les industriels et les particuliers.

Par ailleurs, le 22 septembre 2009, la société a pris une participation dans la société Visioglobe qui a pour activité l'édition de logiciel de visualisation en temps réel permettant de se repérer, de naviguer et de visualiser le monde en 3 D sur différents supports. La participation est de 21,42% dans le capital de la société Visioglobe.

La participation minoritaire de la société Finarea Capitis au sein de ces deux sociétés constitue un premier indice de l'absence de contrôle dans celles-ci.

Le pacte d'associés concernant la société Loira produit aux débats distingue entre les associés historiques en qualité d'entrepreneurs et la société Finarea Capitis en qualité d'investisseur, et vise expressément le rôle prépondérant des fondateurs ainsi que les plus larges pouvoirs dont dispose le président de la société opérationnelle, ce dont il se déduit que les entrepreneurs exercent seuls la conduite de la stratégie de l'entreprise.

La convention d'animation concernant la société Loira produite aux débats attribue à la société Finarea Capitis des missions de conseil stratégique, de mise en place de contrôle de gestion, d'assistance à l'établissement d'un business plan, conseils et assistance ne pouvant s'assimiler à un pouvoir d'animation.

Ces conventions assimilent la société Finarea Capitis à une prestataire de service, loin d'un pouvoir d'élaboration d'une stratégie et ne caractérisant aucun rôle prépondérant de la société Finarea Capitis.

Le pouvoir que lui confère l'article 3.6 du pacte d'associés de s'opposer au sein du conseil de direction à un certaine nombre de décisions n'est pas en lui-même révélateur d'un véritable pouvoir de conduite de la politique du groupe, distinct de celui d'un investisseur devenu actionnaire.

Rien n'établit que le dispositif prévu au travers de la mise en place d'un conseil de direction imposé par les statuts et le pacte d'associés et la mise en place d'un contrat d'animation a effectivement permis à la société Finarea Capitis de participer activement à la conduite de la politique de développement de ses filiales, répondant ainsi à la qualification de holding animatrice de groupe. Elle peut d'autant moins être considérée ainsi qu'elle n'a jamais été en mesure d'imposer aux dirigeants de la société Loira 'une politique volontariste d'économie sur les frais fixes et un changement de gouvernance conduisant à renforcer notamment la capacité de gestion en interne', conditionnant un nouvel investissement dans cette société, ainsi qu'il ressort du rapport de gestion de son président au titre de l'exercice social clos le 30 juin 2010.

Ainsi la société Finarea Capitis n'assure ni la conduite de la politique ni le contrôle des sociétés opérationnelles.

Sur la contrariété du rehaussement au droit de l'Union européenne :

Sur la demande de communication des rescrits Truffle et Partech:

Le rescrit prévu à l'article L 80 B-1° du livre des procédures fiscales consiste à apporter une réponse à la saisine écrite d'un contribuable qui souhaite obtenir de l'administration fiscale une prise de position formelle sur sa propre situation au regard d'un texte fiscal.

Le contribuable fait valoir que deux décisions de rescrit délivrées par l'administration fiscale aux société Truffle et Partech illustreraient l'état du droit applicable à tous les contribuables et par conséquence doivent être communiqués par l'administration. Il ajoute que ces rescrits constitueraient une aide d'Etat qui pourrait être contraire au droit communautaire.

Ces rescrits ne constituent pas des prises de position de portée générale, mais se rapportent à la situation de deux sociétés avec lesquelles le contribuable n'entretient aucun lien juridique ou de fait.

Ils ne présentent pas un intérêt pour la solution du présent litige, qui repose sur l'appréciation des circonstances de fait permettant de déterminer si la société Finarea Capitis est une société holding animatrice de groupe.

Par ailleurs, la règle du secret professionnel s'oppose à la communication de ces décisions de rescrit par application de l'article L 103 du livre des procédures fiscales interdisant de divulguer des informations concernant un autre contribuable.

Il y a lieu de rejeter la demande de communication des rescrits Truffle et Partech dans leur version originale ou expurgée des éléments prétendument confidentiels.

Sur les questions préjudicielles à la cour de justice de l'Union européenne :

Il résulte des articles 107 et 108 du traité de fonctionnement de l'Union européenne que, sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions et que la Commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dont elle vérifie la compatibilité avec le développement progressif ou le fonctionnement du marché intérieur.

La loi du 25 décembre 2007 a modifié le texte initial de l'article 885-0 V bis issu de la loi TEPA en ajoutant une condition supplémentaire tenant à ce que la société bénéficiaire des versements effectués par le redevable de L'ISF soit en phase d'amorçage, de démarrage ou d'expansion au sens des lignes directrices concernant les aides d'Etat visant à promouvoir les investissements en capital-investissement dans les petites et moyennes entreprises, et la Commission européenne, dans sa décision du 11 mars 2008 (aide d'état n° 596/a/2007), en a autorisé la mise en oeuvre, après avoir analysé le régime de réduction ISF-PME dans l'hypothèse d'investissements directs dans les PME en phases liminaires de développement ou par l'intermédiaire de sociétés holding au regard de sa compatibilité aux lignes directrices sur les aides d'Etat.

Mme [H] fait valoir que la commission européenne n'a validé le dispositif qu'à la condition que les sociétés éligibles n'en soient qu'au stade liminaire de leur développement, ce qui incluait l'amorçage et le démarrage outre l'expansion, en sorte que seule la holding en phase de démarrage pouvait proposer à ses souscripteurs d'investir à son capital en bénéficiant de la réduction d'impôt ; que la conformité du rehaussement au droit de l'Union européenne se pose donc au regard de l'exigence selon laquelle seule la souscription au capital de sociétés déjà pleinement animatrices serait éligible à la réduction ISF-PME.

Le présent litige porte sur l'interprétation d'une disposition de droit interne qui ne requiert pas l'interprétation préalable d'une norme de droit européen. En effet, la holding animatrice est celle par l'intermédiaire de laquelle un investissement est effectué dans des PME éligibles, se trouvant en phase d'amorçage, de démarrage ou d'expansion, en sorte que la décision de la commission européenne du 11 mars 2008 n'a pas à être interprétée sur le point de savoir si elle interdit ou pas la réduction ISF-PME aux investissements dans des holdings animatrices ne détenant pas encore de participation à la date de la souscription ou dont l'actif n'est pas encore principalement composé de titres de participation, seules étant en effet concernées par la décision de la commission les PME, dont la situation doit être compatible aux lignes directrices sur les aides d'Etat.

En outre, deux des trois questions préjudicielles concernent l'application des rescrits, dont la cour a relevé qu'ils ne présentaient pas d'utilité, s'agissant d'une situation de fait différente. Les décisions de rescrit délivrée aux sociétés Truffle et Partech, si elles admettent le principe de l'éligibilité de l'investissement au dispositif de l'article 885-0 V bis du code général des impôts en l'état des informations communiquées, n'excluent pas la remise en cause ultérieure de la réduction d'ISF au cas où les conditions n'en seraient pas effectivement réunies, notamment dans l'hypothèse où la holding ne pourrait pas être considérée comme animatrice d'un groupe de sociétés opérationnelles. L'édiction de rescrits n'apparaît pas, dans ces conditions, incompatible avec la réglementation des aides d'Etat, ni à l'origine d'une différence de traitement entre contribuables, qui justifierait un renvoi préjudiciel à la cour de justice de l'Union européenne.

En conséquence, il n'y a pas lieu à renvoi préjudiciel devant la cour de justice de l'Union européenne.

Dès lors, le jugement du tribunal de grande instance de Saint Gaudens du 13 septembre 2019 sera infirmé en toutes ses dispositions.

L'ensemble des demandes de Mme [B] [S], veuve [H] tant à titre personnel qu'ès-qualités d'héritière de M. [A] [H] seront rejetées.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la direction régionale des finances publiques aux dépens, et à payer la somme de 500 euros à M. et Mme [H] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [B] [S], veuve [H] partie succombante sera condamnée tant à titre personnel qu'ès-qualités d'héritière aux dépens de première instance et d'appel.

Elle sera condamnée tant à titre personnel qu'ès-qualités d'héritière à payer à l'administration des finances publiques, en la personne du directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches du Rhône la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sera déboutée de sa demande sur le même fondement.

Par ces motifs,

La Cour,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Saint Gaudens du 13 septembre 2019 ;

Statuant à nouveau,

Rejette l'ensemble des demandes de Mme [B] [S], veuve [H] tant à titre personnel qu'ès-qualités d'héritière de M. [A] [H] ;

Condamne Mme [B] [S], veuve [H], tant à titre personnel qu'ès-qualités d'héritière aux dépens de première instance et d'appel, avec application au profit de Me Etienne Durand-Raucher qui le demande des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

La condamne tant à titre personnel qu'ès-qualités d'héritière à payer à l'administration des finances publiques, en la personne du directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches du Rhône, la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

La déboute de sa demande sur le même fondement.

La Directrice des services de greffeLe Président

C. GIRAUDM. DEFIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 19/04491
Date de la décision : 20/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-20;19.04491 ?
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