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20/06/2022 | FRANCE | N°19/03443

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 20 juin 2022, 19/03443


20/06/2022



ARRÊT N°



N° RG 19/03443

N° Portalis DBVI-V-B7D-NDM6

CR / RC



Décision déférée du 25 Juin 2019

Tribunal de Grande Instance de MONTAUBAN 18/00727

Mme [J]

















[K] [U]

SELARL [K] [U] et [C] [P]





C/



[S] [T]

[W] [H] épouse [T]

[I] [X]

[Z] [L] épouse [X]






























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CONFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1



***

ARRÊT DU VINGT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX

***







APPELANTS



Maître [K] [U]

[Adresse 4]

[Localité 20]

Représent...

20/06/2022

ARRÊT N°

N° RG 19/03443

N° Portalis DBVI-V-B7D-NDM6

CR / RC

Décision déférée du 25 Juin 2019

Tribunal de Grande Instance de MONTAUBAN 18/00727

Mme [J]

[K] [U]

SELARL [K] [U] et [C] [P]

C/

[S] [T]

[W] [H] épouse [T]

[I] [X]

[Z] [L] épouse [X]

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTS

Maître [K] [U]

[Adresse 4]

[Localité 20]

Représenté par Me Nicolas LARRAT de la SCP LARRAT, avocat au barreau de TOULOUSE

SELARL [K] [U] ET [C] [P]

Société d'exercice libéral à responsabilité limitée titulaire d'un Office Notarial, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social de la société.

[Adresse 4]

[Localité 20]

Représentée par Me Nicolas LARRAT de la SCP LARRAT, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Monsieur [S] [T]

[Adresse 5]

[Localité 20]

Représenté par Me Thierry DALBIN, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

Madame [W] [H] épouse [T]

[Adresse 5]

[Localité 20]

Représentée par Me Thierry DALBIN, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

Monsieur [I] [X]

[Adresse 18]

[Localité 19]

Représenté par Me Jérôme HORTAL, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame [Z] [L] épouse [X]

[Adresse 18]

[Localité 19]

Représentée par Me Jérôme HORTAL, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 18 Octobre 2021 en audience publique, devant la Cour composée de :

M. DEFIX, président

C. ROUGER, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : N.DIABY

lors du prononcé R. CHRISTINE, faisant fonction de greffier.

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par R. CHRISTINE, faisant fonction de greffier

******

EXPOSE DU LITIGE

Par acte authentique en date du 13 juin 2003, reçu par Me [U], notaire à [Localité 20], les consorts [N] ' [R] ' [G] ont vendu à M. [X] et Mme [L] épouse [X] une maison d 'habitation de plain-pied composée d'un séjour avec cheminée, cuisine, quatre chambres, une pièce, salle de bains, Wc, salle d'eau ainsi qu'un garage indépendant et une dépendance, ensemble immobilier sis à [Localité 20] (82), lieudit [Localité 21], le tout situé en zone NC du plan d'occupation des sols et cadastré section F n°s [Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 3] pour une superficie totale de 1ha 13 a 33 ca moyennant le prix de 152.449 €.

En octobre 2005 les époux [X] ont fait procéder à une division cadastrale. La parcelle [Cadastre 3] est devenue [Cadastre 8] et [Cadastre 10] ; la parcelle [Cadastre 2] est devenue [Cadastre 6] et [Cadastre 7].

Suite à proposition d'achat pour un pavillon de 225 m² sur environ 4000 à 5000 m² du 7 avril 2007 un compromis de vente était signé entre les époux [X] et M.[S] [V] et Mme [M] [F] son épouse le 19 avril 2007 concernant l'acquisition d'une maison d'habitation de plain pied à détacher d'un plus grand bien pour une contenance de 4.500 m² environ, comprenant 4 chambres, un séjour, deux salles de bains, un bureau et un garage cadastrée à [Localité 20] lieu dit [Localité 21] section F sous les n°S [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9] et [Cadastre 10] pour le prix de 280.000 €.

En juillet 2007 une nouvelle division cadastrale a été réalisée :

- la parcelle F [Cadastre 8] d'une contenance de 24a54 ca est devenue F [Cadastre 12] (0 a 61ca) et F [Cadastre 11] (23 a 93ca)

- la parcelle F[Cadastre 7] pour une contenance de 10a41 ca est devenue F1767 (8 a 55) et F 1766 (1a 86ca)

- la parcelle F[Cadastre 10] pour une contenance de 36a 67ca est devenue F [Cadastre 16] (36a 01ca) et F1768 (66ca).

Par acte authentique du 13 juillet 2007 passé par devant Me [K] [U], notaire à [Localité 20], les époux [X] ont vendu aux époux [V] une maison d'habitation sise à [Localité 20] lieu dit [Localité 21] comprenant 4 chambres, un séjour, deux salles de bains, un bureau et un garage, le tout cadastré section F sous les n°s [Cadastre 12], [Cadastre 14] et [Cadastre 16] pour 45a17 ca moyennant le prix de 280.000 €, précision étant faite que la mutation n'entrait pas dans le champ d'application de la Tva, l'immeuble vendu étant spécifié achevé depuis plus de cinq ans, que le plan local d'urbanisme approuvé le 15/03/1983 situait la parcelle en zone NC et en zone « retrait gonflement des argiles » du plan de prévention des risques naturels prévisibles majeurs, que l'immeuble avait fait l'objet d'un permis de construire délivré avant le 1er juillet 1997, les vendeurs déclarant n'avoir réalisé depuis son acquisition et au cours des 10 années précédentes aucun travaux n'entrant dans le champ d'application des dispositions de la loi 78-12 du 4 janvier 1978.

M.[V] est décédé le [Date décès 17] 2015, sa veuve Mme [M] [F], successible et donataire, est devenue propriétaire de l'immeuble acquis le 18 septembre 2015 après avoir accepté la succession.

Par ailleurs, par acte authentique du 24 avril 2012, reçu par Me [K] [U], les époux [X] ont vendu à M. [T] et Mme [H] épouse [T] une maison à usage d'habitation ancienne rénovée sur en partie deux niveaux comprenant au rez-de-chaussée cuisine, séjour, couloir, dégagement, deux chambres, une salle de bains, un Wc, une buanderie, dans la pièce annexe une piscine intérieure, garage atelier, à l'étage une suite parentale avec salle d'eau, deux chambres, un bureau, cadastrée Commune de [Localité 20] lieu dit [Localité 21] section F [Cadastre 1], [Cadastre 6], [Cadastre 9], [Cadastre 11], [Cadastre 13] et [Cadastre 15] pour une surface de 68a 20 ca moyennant le prix de 400.000 €., dont 24.809 € s'appliquant aux biens mobiliers compris dans la vente. L'acte précise que les parcelles [Cadastre 1], [Cadastre 6], [Cadastre 9] et [Cadastre 13] sont situées en zone A, zone agricole, et que la parcelle [Cadastre 11] est en zone A et Na (zone naturelle à pastillage du bâti existant non agricole) et que le terrain est en zone du plan de prévention des naturels majeurs prévisibles « retrait gonflement des argiles ». Le vendeur a déclaré que le bien était achevé depuis plus de cinq ans, qu'il n'avait pas été effectué de travaux sur l'immeuble depuis les 10 dernières années et qu'il avait réalisé des travaux de réhabilitation intérieurs (maçonnerie, installation électrique, plomberie, installation d'une pompe à chaleur) ainsi que créé une piscine à l'intérieur d'un bâti existant.

.

Souhaitant vendre leur immeuble, les époux [T] ont contacté une agence immobilière début juin 2018. Par courrier du 3/08/2018 l'agence Orpi Immobilier de [Localité 20] les a informés d'une incohérence entre le bien tel décrit et le cadastre, leur conseillant de prendre rendez-vous avec leur notaire pour vérifier la régularité administrative du bien.

Courant juin 2018 il était confirmé aux époux [T] que la maison acquise en 2012 avait en réalité fait l'objet de travaux conséquents d'agrandissement, sans permis de construire.

Par courrier du 25 juin 2018, les époux [T] ont avisé les époux [X] du caractère illégal de l'extension de l'immeuble et les ont mis en demeure de procéder à une régularisation de la situation.

Informée de la situation, Mme [M] [F] veuve [V] souhaitant elle-même vendre son immeuble a contacté les services de l'urbanisme lui révélant que son immeuble se trouvait dans la même situation d'illicéité pour des travaux d'extension réalisés sans permis de construire.

Par acte d'huissier en date du 10 septembre 2018, M. et Mme [T] ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Montauban M. et Mme [X] aux fins d'engager leur responsabilité au titre d'un dol et Me [U] et la Selarl [K] [U] et [C] [P] en manquement au devoir de conseil, sollicitant des dommages et intérêts affaire enrôlée sous le n° RG 18-727.

Par acte d'huissier du 10 septembre 2018 Mme [M] [F] Veuve [V] a aussi assigné devant le tribunal de grande instance de Montauban M. et Mme [X] aux fins d'engager leur responsabilité au titre d'un dol et Me [U] et la Selarl [K] [U] et [C] [P] en manquement au devoir de conseil sollicitant des dommages et intérêts, affaire enrôlée sous le n° RG 18-728 .

Les deux instances ont suivi un circuit parallèle et deux jugements distincts sont intervenus le 25 juin 2019.

Par jugement contradictoire du 25 juin 2019 dans l'instance RG 18-727 ([T]) , le tribunal de grande instance de Montauban a :

- dit irrecevable l'exception de nullité de l'assignation,

- déclaré recevable l'action en justice formée par les époux [T] pour n'être pas soumise aux dispositions de l'article 28, 4° c de la loi du 4 janvier 1955 et pour n'être pas prescrite,

- dit que M. et Mme [X] ont commis un dol à l'égard de M. et Mme [T] engageant leur responsabilité quasi-délictuelle,

- dit que M. [U] et la Selarl [K] [U] et [C] [P] ont manqué à leur devoir d'information et de conseil à l'égard de M. et Mme [T],

- condamné in solidum M. et Mme [X] d'une part et M. [U] et la Selarl [K] [U] et [C] [P] d'autre part à payer à M. et Mme [T] la somme de 80.000 € en réparation de leur préjudice matériel,

- condamné in solidum M. et Mme [X] d'une part et M. [U] et la Selarl [K] [U] et [C] [P] d'autre part à payer à M. et Mme [T] la somme de 3.000 € au titre du préjudice moral,

- dit que M. [U] et la Selarl [K] [U] et [C] [P] relèveront et garantiront M. et Mme [X] à concurrence de 50% des condamnations ci-dessus de même que celles dues au titre des frais irrépétibles et dépens,

- dit que M. et Mme [X] relèveront et garantiront M. [U] et la Selarl [K] [U] et [C] [P] à concurrence de 50% des condamnations ci-dessus de même que celles dues au titre des frais irrépétibles et dépens,

- condamné in solidum M. et Mme [X] d'une part et M. [U] et la Selarl [K] [U] et [C] [P] d'autre part à payer à M. et Mme [T] la somme de 3.000 € en application de l'article 700, 1° du Code de procédure civile,

- condamné in solidum M. et Mme [X] d'une part et M. [U] et la Selarl [K] [U] et [C] [P] d'autre part aux entiers dépens en application de l'article 696 du Code de procédure civile,

- accordé à Me Cherel le droit de recouvrer directement les dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Pour statuer ainsi le premier juge a retenu que l'exception de nullité de l'assignation aurait dû être soulevée devant le juge de la mise en état et que l'action tendant uniquement à l'indemnisation d'un préjudice sur le fondement de la responsabilité des époux [X] pour dol, l'assignation n'avait pas à être publiée en application du décret 55-22 du 4 janvier 1955. Il a aussi retenu qu'au regard des dispositions de l'article 2224 du code civil le délai de prescription de l'action en indemnisation pour dol courait à compter de la découverte du dol par le cocontractant, découverte faite par les acquéreurs en juin 2018 de sorte que l'action engagée par assignation de septembre 2018 n'était pas prescrite.

Sur le fond, au visa de l'article 1116 ancien du code civil applicable à l'espèce, il a retenu que l'acte authentique d'acquisition ne précisait nullement que la maison à usage d'habitation ancienne correspondait en réalité à l'ancienne dépendance de la maison d'habitation acquise en 2003 par les époux [X] ni les éléments permettant de distinguer la superficie du bâtiment de celle des parcelles ; que pour avoir acquis en 2003 un ensemble immobilier moyennant le prix de 152.149 € et avoir effectué des travaux de réhabilitation tant dans la maison principale que dans la dépendance composée d'un cellier et d'un abri d'une superficie de 76 m², les époux [X] ne rapportaient pas la preuve que des modifications de l'emprise au sol de cette dépendance était déjà intervenues et devaient être considérés comme les auteurs des modifications de la dépendance intervenues depuis 2003, l'ampleur des travaux réalisés en 2007 et 2010 avec création d'un étage, réfection des planchers, construction d'un escalier et d'une piscine intérieure ayant permis l'aménagement des lieux comportant désormais 5 chambres, deux pièces à vivre, un garage et atelier et une piscine intérieure pour un montant total de 297.908,86 € établissant la complète transformation des lieux d'une superficie originelle de 76 m² ainsi qu'une importante extension. Il a estimé qu'en taisant intentionnellement aux acquéreurs la situation de l'immeuble cédé, originellement à destination exclusivement agricole et en zone naturelle, dont la construction ainsi que sa transformation était strictement réglementées, ainsi que les modalités de sa transformation les vendeurs avaient dissimulé aux acquéreurs des informations déterminantes sans lesquelles ceux-ci n'auraient pas contracté, alors que de surcroît dans l'hypothèse d'un sinistre naturel dans une zone où l'immeuble y est exposé la reconstruction à l'identique est subordonnée au caractère légal de la construction.

Il a estimé que la perte de chance pour les acquéreurs d'acquérir l'immeuble à un prix moindre résultant de sa situation administrative ressortait à 20 % du prix d'achat.

S'agissant de la responsabilité du notaire il a retenu que Me [U] ayant été le rédacteur des actes de 2003, 2007 et 2012, au courant de la situation de l'immeuble, de ses caractéristiques et de sa division, il était donc informé que le bien vendu n'était en 2003 qu'une dépendance d'une maison d'habitation qui avait fait l'objet d'un permis de construire en 1975 le définissant comme une annexe à l'habitation comportant un abri-cellier d'une surface de 76 m² dont 40 m² seulement étaient couverts et qu'en instrumentant le compromis de vente entre les parties du 26 avril 2012 puis l'acte authentique du 24 août suivant sans faire état de l'origine de propriété du bien ni de la division des parcelles en 2007, en joignant les factures de travaux consistant en une réhabilitation complète de cette dépendance située en zone agricole et en zone naturelle dont il connaissait les contraintes restrictives relatives à la modification du bâti existant, le notaire, qui ne justifiait pas de l'information donnée aux acquéreurs quant à la spécificité du bien dont il connaissait l'origine, a manqué à son obligation d'information et de conseil, participant ainsi au préjudice de perte de chance subi par les acquéreurs dans les mêmes proportions que celles résultant du dol des vendeurs.

Il a enfin estimé que dans les rapports entre les vendeurs et le notaire, au regard de leurs obligations et fautes respectives, la charge de la réparation prononcée in solidum devait être supportée à hauteur de 50 % chacun.

Par déclaration en date du 23 juillet 2019, Me [U] et la Selarl [K] [U] et [C] [P] ont relevé appel de ce jugement quant à l'intégralité des dispositions les concernant.

DEMANDES DES PARTIES

Dans leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 23 juin 2020, M. [U] et la Selarl [K] [U] et [C] [P], appelants, demandent à la cour, au visa de l'article 1240 du Code civil, de :

- réformer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- dire qu'ils n'ont pu commettre envers M. et Mme [T], sinon envers M. et Mme [X], aucun manquement à leur devoir de conseil de nature à engager leur responsabilité civile professionnelle,

- débouter en conséquence M. et Mme [T] de l'ensemble de leurs demandes telles que dirigées à leur encontre,

- débouter M. et Mme [X] de toute action récursoire qu'ils pourraient engager à leur encontre,

- condamner M. et Mme [T], au paiement de la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel,

A titre subsidiaire,

- constater l'absence de lien causalité entre les manquements reprochés à Me [U] et le préjudice dont M. et Mme [T] sollicitent l'indemnisation,

- débouter en conséquence M. et Mme [T] de l'ensemble de leurs demandes telles que dirigées à leur encontre,

- débouter M. et Mme [X] de toute action récursoire qu'ils pourraient engager à leur encontre,

- condamner M. et Mme [T], au paiement de la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel,

A titre très subsidiaire,

- dire que M. et Mme [T] ne justifient d'aucun préjudice certain et donc indemnisable,

- à tout le moins, dire que l'éventuelle chance perdue d'obtenir un moindre prix ne saurait excéder 10% du prix de vente payé, soit la somme de 37.519,10 €,

- débouter pour le surplus M. et Mme [T], de leurs demandes,

- débouter M. et Mme [X] de toute action récursoire qu'ils pourraient engager à leur encontre,

En tout état de cause,

- condamner in solidum M. et Mme [X] à les relever et garantir indemne de l'ensemble des condamnations susceptibles d'être prononcées à leur encontre au profit de M. et Mme [T],

- les débouter de l'ensemble de leurs demandes telles qu'ils pourraient les présenter à leur encontre,

- les condamner au paiement de la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Dans leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 20 mars 2020, M. et Mme [T], intimés, appelants incidents, demandent à la cour, au visa des articles 1137 et 1240 du Code civil, de :

- confirmer partiellement le jugement dont appel,

- dire que l'action n'est pas prescrite,

- dire que les époux [X] ont commis un dol,

- dire que Me [U] a manqué à son devoir de conseil,

- par voie de conséquence, condamner in solidum M. et Mme [X], Me [U] et la Selarl [K] [U] et [C] [P] à la somme de 300.000 € au titre du préjudice matériel,

- condamner in solidum M. et Mme [X], Me [U] et la Selarl [K] [U] et [C] [P] à la somme de 10.000 € au titre du préjudice moral,

- condamner in solidum M. et Mme [X], Me [U] et la Selarl [K] [U] et [C] [P] à la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner in solidum M. et Mme [X], Me [U] et la Selarl [K] [U] et [C] [P] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Dans leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 19 janvier 2020, M. et Mme [X], intimés, appelants incidents, demandent à la cour, au visa des articles 1304 et 1382 (anciens) du Code civil, de :

- réformer le jugement dont appel,

Et, la Cour statuant à nouveau,

In limine litis,

- dire irrecevable l'action introduite par M. et Mme [T] pour cause de prescription,

A titre subsidiaire,

- débouter M. et Mme [T] de l'ensemble de leurs demandes et rejeter leur appel,

- débouter Me [U] et la Selarl [K] [U] et [C] [P] de l'ensemble de leurs demandes et rejeter leur appel dirigé à leur encontre,

A titre infiniment subsidiaire,

- condamner Me [U] et la Selarl [K] [U] - [C] [P], notaires à [Localité 20], à les relever et garantir intégralement de toutes éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre,

En toutes hypothèses,

- condamner tout succombant à leur verser la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner tout succombant aux entiers dépens avec distraction au profit de Me Hortal, avocat au Barreau de Toulouse, sur son affirmation de droit, et ce, en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 octobre 2021.

SUR CE, LA COUR :

Au regard de la déclaration d'appel et des dernières écritures respectives des parties la cour n'est pas saisie de la disposition du jugement de première instance ayant dit irrecevable l'exception de nullité de l'assignation.

1°/ Sur l'action en responsabilité pour dol à l'égard des vendeurs

a) Sur la prescription

Selon les dispositions de l'article 2224 du code civil les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les fais lui permettant de l'exercer. S'agissant d'une action en responsabilité pour dol, le point de départ de la prescription quinquennale ne peut qu'être que le jour de la révélation du fait dolosif.

En l'espèce selon acte authentique du 24 août 2012 les époux [T]-[H] ont acquis des époux [X]-[L] à [Localité 20] ([Localité 20]) lieu dit [Localité 21], une maison à usage d'habitation ancienne rénovée sur en partie deux niveaux comprenant :

- au rez-de-chaussée : cuisine, séjour, couloir, dégagement, deux chambres, une salle de bains, un Wc, une buanderie

- dans la pièce annexe : piscine intérieure sécurisée par système à digicode,

- garage, atelier,

- à l'étage : une suite parentale avec salle d'eau, deux chambres, un bureau,

le tout cadastré section F sous les n°s [Cadastre 1], [Cadastre 6], [Cadastre 9], [Cadastre 11], [Cadastre 13] et [Cadastre 15] pour une superficie cadastrale totale de 68 a 20 ca.

La désignation de l'immeuble vendu ne définit pas la superficie habitable de l'immeuble d'habitation.

L'acte notarié mentionne l'obtention d'un certificat d'urbanisme de simple information applicable au terrain délivré le 21 mai 2012 à la demande du notaire chargé de la vente précisant au vu du plan local d'urbanisme de la commune concernée que les parcelles [Cadastre 1], [Cadastre 6], [Cadastre 9] et [Cadastre 13] étaient classées en zone A, zone agricole, les parcelles [Cadastre 15] et [Cadastre 11] étant en zone Na, zone naturelle à pastillage du bâti existant non agricole, et respectivement pour la parcelle [Cadastre 15] en zone Na , pour la parcelle [Cadastre 11] en zone Na et A, le terrain étant par ailleurs situé en zone Pm1 du plan de prévention des risques naturels majeurs prévisibles approuvé par arrêté préfectoral n° 05-664 du 25 avril 2005 « retrait gonflement des argiles ».

Les vendeurs ont déclaré à l'acte que depuis leur propre acquisition avaient été réalisés des travaux de réhabilitation à l'intérieur : travaux de maçonnerie, d'électricité (installation électrique), de plomberie, de chauffage (installation d'une pompe à chaleur) ainsi que la création d'une piscine à l'intérieur du bâti existant, indiquant avoir réceptionné l'ouvrage le premier juin 2009. Ils ont indiqué l'identité des entreprises ayant participé aux travaux, dont des travaux de remplacement de menuiseries extérieures, et fourni copie des factures y afférentes ainsi que des attestations d'assurance décennale des divers intervenants au chantier. L'acte ne porte mention que d'un permis de construire délivré avant le 1er juillet 1997 (page 20).

Les éléments produits au débat par les époux [T] établissent que ces derniers n'ont eu connaissance de l'absence de toute autorisation administrative pour l'extension de la partie bâtie initialement existante sur la parcelle F [Cadastre 11] qu'à compter de juin 2018, date à laquelle ils justifient avoir fait appel à l'agence Orpi pour mettre en vente leur immeuble, agence qui a relevé une incohérence entre le bien à vendre tel que décrit et le cadastre. En effet au cadastre le bâti sur la parcelle F [Cadastre 11] était effectivement enregistré jusqu'en 2017 pour 123 m2 ainsi qu'établi par le relevé de propriété produit, tandis que l'agence Orpi avait relevé une superficie habitable de 318m2. Ainsi qu'il résulte de l'échange de courriers produits, dès le 19 juin 2018, les époux [T] ont alerté téléphoniquement le notaire instrumentaire, Me [K] [U] sur la situation d'une construction en zone A inconstructible, lequel par message électronique du même jour interrogeait les services de l'urbanisme de la mairie de [Localité 20] sur la possibilité de régulariser l'agrandissement de l'habitation qui aurait pu ne pas être demandé par le précédent propriétaire. (annexe 4 pièce 24 des intimés). De fait, un procès-verbal d'infractions au code de l'urbanisme a été établi par le Maire de la commune de [Localité 20] le 5 novembre 2018 pour infraction aux dispositions du Plu et infraction de construction sans autorisation, procès-verbal transmis au Procureur de la République le même jour (même pièce 24 des intimés).

Contrairement à ce que soutiennent les époux [X] les mentions de l'acte de vente ne permettaient pas aux acquéreurs d'identifier au vu de la seule description du bien faite au dossier de diagnostic technique que partie de l'immeuble qu'ils allaient acquérir avait été édifiée sans les autorisations administratives nécessaires compte tenu de sa situation en zone Na et  A. La désignation du bien vendu ne comporte aucune détermination de superficie habitable, seule la superficie globale des parcelles vendues étant indiquée ; les acquéreurs n'ont déclaré que la réalisation depuis leur propre acquisition de travaux exclusivement intérieurs, le plan cadastral annexé à l'acte notarié ne comporte aucune identification des superficies effectivement bâties et la synthèse de l'identification du bien expertisé dans le dossier de diagnostic mentionne un permis de construire antérieur au 1er/07/1997.

Il résulte du tout que les époux [T] n'ont pu avoir connaissance de l'extension sans permis de construire d'une partie de l'habitation acquise en août 2012, fait sur la base duquel ils agissent en indemnisation contre leurs vendeurs pour réticence dolosive, au plus tôt début juin 2018, de sorte qu'ayant assigné en indemnisation par acte d'huissier du 10 septembre 2018 leur action n'était pas prescrite à ladite date, le jugement entrepris devant être confirmé en ce que le premier juge l'a déclarée recevable.

b) Sur la faute ou réticence dolosive

Selon les dispositions de l'article 1116 ancien du code civil dans sa version applicable à la date du contrat de vente objet du litige, devenu 1137, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man'uvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces man'uvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Le dol qui doit émaner du cocontractant ou de son représentant peut résulter de man'uvres, de mensonges ou de réticences, y compris d'un manquement à l'obligation pré-contractuelle d'information dès lors qu'il est établi que ces manquements sont intervenus pour tromper le contractant, provoquant une erreur déterminante pour ce dernier. L'erreur provoquée par le dol est toujours excusable, même lorsqu'elle ne porte pas sur la substance même de la chose dès lors qu'elle a déterminé le consentement du contractant.

Le droit de demander la nullité d'un contrat par application des articles 1116 et 1117 anciens du code civil n'exclut pas l'exercice par la victime des man'uvres dolosives d'une action en responsabilité délictuelle pour obtenir de leur auteur, en l'absence de toute demande en nullité, des dommages et intérêts destinés à réparer le préjudice correspondant à la perte d'une chance d'avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses.

Les éléments produits au débat établissent que les époux [X] ont acquis le 13 juin 2003 des consorts [N]-[R]-[G] une propriété sise à [Localité 20] [Localité 21] comprenant :

- une maison d'habitation de plain pied composée d'un séjour avec cheminée, cuisine, quatre chambres, une pièce, salle de bain Wc, salle d'eau

- un garage indépendant

- une dépendance,

le tout cadastré section F sous les n°s [Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 3] en zone NC du plan d'occupation des sols de l'époque.

Selon les documents d'urbanisme produits en pièce 13 par les époux [T], M.[A] [R] avait fait construire selon permis de construire du 4 juillet 1969 une maison d'habitation de 106,68 m2 (4 chambres, un séjour, salle de bain, dégagement, cuisine, hall) sur la parcelle [Cadastre 3] devenue [Cadastre 10] selon document d'arpentage de M.[D] du 25/10/2005, puis [Cadastre 16] selon document d'arpentage du 6 juillet 2007. Selon permis de construire du 21 avril 1980 il avait aussi fait édifier un garage de 7, 40 m sur 6,40, faisant face à cette maison, ouvrant sur une voie d'accès réalisée depuis le chemin vicinal n°1 de Griffoulet à Calssos. Cette parcelle [Cadastre 16] a été vendue avec les parcelles [Cadastre 12] et [Cadastre 14] aux époux [V] par acte du 13 juillet 2007.

Suite à permis de construire obtenu en 1975, M.[A] [R] avait par ailleurs fait construire sur la parcelle [Cadastre 3], une annexe à la maison d'habitation édifiée en 1969 constituant un cellier de 28,49 m2 et un abri couvert de 43, 68 m2, soit une surface hors d'oeuvre de 76 m2, sur une longueur de 19 m et une largeur de 4 m. Ce bâtiment s'est retrouvé après la division de 2005 réalisée par les époux [X] sur la parcelle [Cadastre 8], puis après la division du 13 juillet 2007, sur la parcelle [Cadastre 11] finalement vendue aux époux [T].

Il ressort du tout que la dépendance acquise par les époux [X] en juin 2003, laquelle constituait en 1975 un cellier et un abri couvert de 43,68 m2, séparée de la maison d'habitation édifiée en 1969, était devenue en 2012, date d'acquisition des époux [T], une maison d'habitation avec piscine intérieure de plus de 300 m2.

Les clichés d'images satellites édités à partir du site géoportail Ign en juillet 2005 et juin 2010 tels que produits en pièce 14 des intimés établissent qu'en juillet 2005 :

- l'immeuble sis sur la parcelle devenue en 2007 [Cadastre 16] et propriété des époux [V] avait été modifié par agrandissement, l'ancien garage édifié en 1980 à une distance de 3,09 m de la maison d'habitation édifiée en 1969, se trouvant considérablement agrandi, faisant part entière avec la maison,

- la partie « annexe » ayant constitué le cellier et l'abri édifiés en 1975, était encore en 2005 bien distincte et séparée de l'immeuble initialement édifié en 1969 et agrandi, alors qu'en juin 2010 l'immeuble sis sur la parcelle [Cadastre 11], propriété des époux [X], était considérablement transformé plusieurs constructions étant accolées au bâtiment initialement bâti en 1975, l'ensemble de ces constructions venant désormais jouxter avec mitoyenneté l'immeuble devenu en juillet 2007 propriété des époux [V].

Il en ressort que ce sont bien les époux [X] qui ont depuis leur acquisition en juin 2003 modifié l'ensemble des constructions édifiées initialement par M.[R] sur l'ancienne parcelle [Cadastre 3], seule restant indéterminée l'identité du constructeur de la partie habitation en agrandissement de l'ancienne annexe telle qu'elle figure aux photographies enregistrées le 31 août 2005 par la Mairie de [Localité 20], dont les époux [X] disent qu'elles étaient annexées à la demande de division effectuée en 2005 (pièce 4 des époux [X]), partie habitation dont la date de construction est elle aussi indéterminée, mais qui a bien fait l'objet d'une déclaration et d'un enregistrement auprès des autorités administratives puisque sa représentation figure sur le plan cadastral sur la parcelle [Cadastre 11] en élargissement et surélévation de partie de l'annexe ancienne, que le relevé immobilier des époux [T] de 2017 mentionne bien sur la parcelle [Cadastre 11] une maison d'habitation avec un revenu cadastral de 2052, et que le descriptif fiscal de cette maison produit en pièce 8 par les époux [T] a pris en compte sur cette parcelle une maison d'habitation de 6 pièces pour une superficie de 123 m2. Au delà de cette seule partie dont la construction ne peut être imputée avec certitude aux époux [X], toutes les autres extensions de l'immeuble qui ont eu pour effet de porter sa superficie habitable à 318 m2 (agrandissement de l'ancienne annexe pour réaliser le « pool house » avec piscine intérieure, agrandissement au Nord Est de la partie habitation au delà de la bâtisse existante en 2005 jusqu'à la jonction avec l'immeuble devenu propriété des époux [V], création d'une aile Ouest avec étage au delà du « pool house ») ont été réalisées avec certitude par les époux [X] sans permis de construire ou déclaration de travaux, bien au delà de la seule « jonction » entre deux bâtiments qu'ils admettent, et ce en infraction avec les règles d'urbanisme applicables notamment à la parcelle [Cadastre 11], situation non régularisable ainsi qu'il résulte de la lettre de la mairie adressée aux époux [T] le 20 novembre 2018 (pièce 17 des époux [T]), confirmée par lettre du 9 janvier 2020 (pièce 23), aucune révision générale du Plu n'étant programmée, le maire de la commune précisant qu'à supposer une révision envisagée, une régularisation a posteriori de la situation était peu probable pour aller à l'encontre des directives gouvernementales concernant la consommation économe de l'espace agricole et la densification de l'habitat en centre-bourg.

En se contentant de déclarer lors de la vente de 2012 qu'ils avaient uniquement réalisé depuis les dix dernières années des travaux de réhabilitation intérieurs avec création d'une piscine à l'intérieur du bâti existant achevés le 1er juin 2009, ce qui ne correspondait pas à la réalité des travaux qu'ils avaient effectués, réalité qu'ils ne pouvaient ignorer pour avoir été eux-mêmes les auteurs des agrandissements et adjonctions édifiés sans permis de construire ni déclaration quelconque de travaux, les époux [X] ont réalisé une déclaration mensongère, et ce alors qu'ils n'ignoraient pas le classement de la parcelle [Cadastre 11] en zone Na et A du Plu approuvé le 15/11/2007, parcelle qu'ils avaient eux-mêmes acquise en 2003 alors qu'elle était classée en zone NC au regard du plan d'occupation applicable à l'époque selon note de renseignements d'urbanisme du 30 janvier 2003 annexée à leur propre acte d'acquisition.

Ce mensonge, que les acquéreurs, non professionnels de la construction, n'étaient pas en mesure de déceler ni à l'étude des seules factures de travaux produites et ni à celle des documents de diagnostic, caractérisant une faute dolosive exclusive de toute bonne foi, alliée à l'absence d'information des acquéreurs de la situation irrégulière de la construction au regard des règles d'urbanisme, caractérisant une réticence dolosive, a eu pour conséquence de priver les acquéreurs d'une information essentielle sur la nature et la situation administrative du bien acquis, laquelle, si elle leur avait été délivrée, les auraient incités, si ce n'est à ne pas acquérir, du moins à acquérir à des conditions plus avantageuses. En effet, en l'absence de toute régularisation administrative possible, l'immeuble d'habitation acquis ne peut être revendu sur le marché de l'immobilier ni au prix où il a été acquis pour la seule partie immobilière soit 375.191 €, ni encore moins à hauteur de l'évaluation réalisée en 2015 pour 440.000 €, époque où l'irrégularité des constructions existantes n'avait pas été détectée, sa valeur vénale théorique ressortant selon l'estimation de l'agence Orpi du 15/03/2019 à 200.000 € sous l'aléa de l'acceptation des risques par un éventuel acquéreur.

De surcroît les dispositions de l'article L 111-13 du code de l'urbanisme font obstacle, ainsi que relevé par le premier juge, à toute possibilité de reconstruction à l'identique si le bâtiment devait être détruit ou démoli suite à un sinistre catastrophe naturelle, compte tenu de l'édification irrégulière initiale de partie du bâtiment et du plan local d'urbanisme en vigueur, situation d'autant plus préjudiciable que précisément le bien immobilier en cause est situé dans une zone faisant l'objet d'un plan de prévention des risques naturels « retrait gonflement des argiles » et inondation.

La circonstance que dans l'acte d'acquisition les époux [T] aient déclaré avec leurs vendeurs, que les parties n'ont jamais fait de l'obtention d'un certificat d'urbanisme pré opérationnel et de la possibilité d'exécuter des travaux nécessitant l'obtention préalable d'un permis de construire une condition de la vente est quant à elle sans incidence sur l'appréciation du dol et de ses conséquences préjudiciables puisqu'elle signifiait uniquement que les acquéreurs ne faisaient pas de la possibilité d'édifier des constructions futures sur le bien acquis une condition de la vente.

Les vendeurs ne peuvent en outre se dédouaner des conséquences de leur dol et de leur réticence dolosive à l'égard de leurs acquéreurs au prétexte qu'ils auraient fait appel pour la réalisation de leurs travaux à des professionnels de la construction sans qu'aucun d'entre eux ne les alertent sur la nécessité ou non de solliciter un permis de construire et/ou une quelconque autorisation de travaux, alors que maîtres d'ouvrage il leur appartenait, avant tout engagement de travaux d'extension de constructions existantes de vérifier la situation administrative de leur bien immobilier et la faisabilité de leur projet au regard des règles d'urbanisme de leur commune.

Au regard de l'importance de la partie édifiée irrégulièrement soit 195 m2 (318-123) représentant 61% de l'ensemble de la construction, et des évaluations ci-dessus énoncées, la perte de valeur vénale inhérente à l'irrégularité des constructions et la perte de chance consécutive d'acquérir à des conditions plus avantageuses s'ils en avaient été informés comme ils l'auraient dû ressort pour les acquéreurs non à 20% du prix d'achat, mais à environ 50% du prix d'acquisition initial de la partie immobilière, soit 187.000 €, somme au paiement de laquelle, infirmant sur ce point le jugement entrepris, les époux [X] doivent être condamnés. S'y ajoute un préjudice spécifique lié aux tracas et aux inquiétudes subis par les époux [T] depuis la découverte en juin 2018 de la situation administrative de leur bien et de ses conséquences négatives sur le plan patrimonial, qui doit être justement apprécié, infirmant le jugement entrepris, à hauteur de 10.000 €.

2°/ Sur l'action en responsabilité contre le notaire

En droit le notaire qui prête son concours à l'établissement d'actes authentiques doit veiller à leur efficacité. Il doit, préalablement, procéder à la vérification des faits et conditions nécessaires pour assurer leur utilité et leur efficacité, sans toutefois être dans l'obligation de vérifier les informations d'ordre factuel fournies par les parties en l'absence d'éléments de nature à faire douter de la véracité ou de l'exactitude des renseignements donnés. Il est en outre tenu, envers ceux qui sollicitent son ministère d'un devoir de conseil et, le cas échéant de mise en garde, notamment en ce qui concerne les conséquences et risques des stipulations convenues.

En l'espèce Me [K] [U] a été le notaire instrumentaire :

- de la vente initiale du 13 juin 2003 par laquelle les consorts [N]-[R]-[G] ont vendu aux époux [X] la propriété sise sur les parcelles [Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 3] section F de la commune de [Localité 20] représentant une superficie totale de 1 ha 13 a 33 ca, comprenant une maison d'habitation de plain pied composée d'un séjour avec cheminée, cuisine, 4 chambres, une pièce, salle de bain Wc, salle d'eau, un garage indépendant, une dépendance

- de la vente intervenue le 13 juillet 2007 entre les époux [X] et les époux [V] aux termes de laquelle, après division des parcelles [Cadastre 8], [Cadastre 7], [Cadastre 10] elles mêmes issues d'une division des parcelles [Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 3] objets de l'acquisition de 2003, les époux [X] vendaient 45 a 17 ca de leur propriété ainsi divisée et située en zone Nc, comprenant une maison d'habitation de plain pied sise à [Localité 20] comprenant 4 chambres, un séjour, deux salles de bain, un bureau et un garage

- enfin de la vente du 24 août 2012 aux termes de laquelle les époux [X] ont vendu aux époux [T] une maison à usage d'habitation ancienne rénovée sur en partie deux niveaux comprenant au rez-de-chaussée : cuisine, séjour, couloir, dégagement, deux chambres, une salle de bains, un Wc, une buanderie, dans la pièce annexe : piscine intérieure sécurisée, garage, atelier, à l'étage, une suite parentale avec salle d'eau, deux chambres, un bureau, sans indication de superficie habitable, dite figurer au cadastre sur les parcelles F [Cadastre 1], [Cadastre 6], [Cadastre 9], [Cadastre 11], [Cadastre 13] et [Cadastre 15], cet acte ne comportant aucune mention relative aux divisions parcellaires intervenues depuis l'acquisition par les époux [X] en 2003 des parcelles anciennement cadastrées [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 1].

Compte tenu de cette succession d'actes instrumentés, le notaire aurait dû être interpellé par le fait que la seule « dépendance » acquise en 2003 par les époux [X], seule construction pouvant subsister en 2012 sur la parcelle devenue [Cadastre 11] pour être distincte de la maison d 'habitation et du garage précédemment vendus en 2007 aux époux [V], était devenue moins de dix ans plus tard un immeuble d'habitation en partie sur deux niveaux comportant selon la désignation au moins six pièces, couloir, dégagement, cuisine, salle de bain, salle d'eau, buanderie, garage, atelier et piscine intérieure, 8 pièces selon le diagnostic annexé à l'acte (dressing au rez-de-chaussée et une chambre à l'étage en sus) outre une dépendance comprenant un abri bois, et ce dans une zone classée initialement Nc et devenue depuis 2007 Na et A alors que les vendeurs déclaraient n'y avoir réalisé en 2009 que des travaux de réhabilitation intérieurs outre la création d'une piscine à l'intérieur du bâti existant, ayant précisé au compromis reçu par le même notaire qu'ils n'avaient effectué aucun travaux nécessitant l'obtention d'un permis de construire et ce, alors même que le plan de l'assise au sol de l'immeuble objet de la vente tel que figuré au rapport de diagnostic technique ne correspondait pas au schéma de l'emprise au sol dudit immeuble tel qu'enregistré au cadastre dont le plan édité au 24/04/2012 était annexé à l'acte de vente, portant la signature et le tampon de l'étude du notaire, et tel que figuré aussi au contrôle de diagnostic de l'assainissement non collectif réalisé le 15/10/2009, lui-même annexé à l'acte authentique concordant avec celui du cadastre.

Dans ces conditions, le notaire instrumentaire aurait du alerter les acquéreurs non professionnels de la construction ne disposant pas quant à eux des informations nécessaires sur les divisions parcellaires intervenues depuis 2005 et l'identification précise et la superficie des constructions existantes en 2003 sur la propriété acquise par les époux [X] avant division, sur ces discordances factuelles de nature à faire suspecter l'insincérité des déclarations des vendeurs et les mettre en garde sur les risques et les conséquences préjudiciables de l'acquisition d'un immeuble pouvant être objectivement suspecté d'avoir fait l'objet d'extensions et d'agrandissements sans permis de construire ou autorisation préalable de travaux. A défaut de l'avoir fait, il a commis une faute délictuelle de nature à engager sa responsabilité à l'égard des acquéreurs, faute qui a privé les acquéreurs de la chance, si ce n'est de renoncer à l'acquisition projetée, à tout le moins de ne s'engager qu'à des conditions moins onéreuses dans les conditions ci-dessus déterminées. Ayant participé par sa propre faute à la réalisation de l'entier préjudice subi par les époux [T] des suites de cette perte de chance et des tracas générés par la découverte postérieure à la vente des conditions dans lesquelles l'immeuble acquis avait été réalisé en infraction aux règles d'urbanisme applicables, situation non régularisable, tel que chiffré ci-dessus, infirmant le jugement entrepris sur le montant de la condamnation, M. [K] [U] et la Selarl [K] [U]-[C] [P] dont il est associé doivent être condamnés in solidum avec les époux [X] au paiement des dommages et intérêts ci-dessus alloués.

3°/ Sur les actions en garantie

Les vendeurs ayant sciemment et en toute connaissance des conditions d'extension de l'immeuble objet de la vente fait des déclarations mensongères dolosives au notaire et aux acquéreurs sur l'étendue et la nature des travaux effectivement réalisés à leur initiative après leur acquisition de 2003 en déclarant qu'il s'agissait uniquement de travaux de réhabilitation et de rénovation intérieurs sur un bâti existant ne nécessitant pas l'obtention d'un permis de construire, mettant ainsi le notaire dans l'impossibilité de vérifier la situation administrative de l'immeuble à ce titre, et le manquement au devoir professionnel de mise en garde du notaire à l'égard des acquéreurs, tel que retenu ci-dessus, n'étant pas de nature à caractériser une faute du notaire à l'égard des vendeurs susceptible d'engager sa responsabilité professionnelle à leur égard, infirmant le jugement entrepris, les époux [X], sans le dol initial desquels le dommage subi par les acquéreurs ne se serait pas réalisé, doivent être déboutés de leur appel en garantie à l'encontre de M.[K] [U] et de la Selarl [K] [U]-[C] [P] et, au contraire, condamnés à relever et garantir ces derniers de l'intégralité des condamnations prononcées à leur encontre.

4°/ Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Parties succombantes à l'égard des époux [T], les époux [X], M.[K] [U] et la Selarl [K] [U]-[C] [P] supporteront in solidum les dépens de première instance, ainsi que décidé par le premier juge et les dépens d'appel et se trouvent redevables d'indemnités sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant au titre de la procédure de première instance, justement appréciée par le premier juge, qu'au titre de la procédure d'appel dans les conditions définies au dispositif du présent arrêt.

Compte tenu de l'appel en garantie auquel il a été fait droit ci-dessus, les époux [X] devront relever et garantir M.[K] [U] et la Selarl [K] [U]-[C] [P] de l'intégralité des condamnations prononcées à leur encontre au profit des époux [T] tant au titre des dépens de première instance et de l'indemnité allouée par le premier juge sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, qu'au titre de la procédure d'appel, sans pouvoir eux-mêmes prétendre à une indemnité sur ce même fondement.

Il y a lieu de condamner les époux [X] à payer à M.[K] [U] et à la Selarl [K] [U]-[C] [P] pris ensemble une indemnité de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant au titre de la procédure de première instance que de celle d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant dans la limite de sa saisine,

Confirme le jugement entrepris sauf en ses dispositions relatives aux dommages et intérêts alloués à M.[S] [T] et Mme [B] [H] épouse [T] et aux appels en garantie

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne in solidum M.[I] [X] et Mme [Z] [L] épouse [X] d'une part, M.[K] [U] et la Selarl [K] [U] et [C] [P] d'autre part, à payer à M.[S] [T] et Mme [B] [H] épouse [T] pris ensemble, à titre de dommages et intérêts, d'une part, la somme de 187.000 € au titre de la perte de chance subie par eux d'acquérir à des conditions moins onéreuses, d'autre part, la somme de 10.000€ au titre des tracas et inquiétudes subis depuis la découverte de la situation administrative de leur bien et de ses conséquences négatives sur le plan patrimonial

Condamne in solidum M.[I] [X] et Mme [Z] [L] épouse [X] d'une part, M.[K] [U] et la Selarl [K] [U] et [C] [P] d'autre part aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à M.[S] [T] et Mme [B] [H] épouse [T] pris ensemble une indemnité de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel

Condamne in solidum M.[I] [X] et Mme [Z] [L] épouse [X] à relever et garantir M.[K] [U] et la Selarl [K] [U] et [C] [P] de l'intégralité des condamnations prononcées à leur encontre ainsi qu'à leur payer une indemnité de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant au titre de la procédure de première instance que de celle d'appel

Le présent arrêt à été signé par M. DEFIX et par R. CHRISTINE, faisant fonction de greffier, ayant prêté serment le 11 avril 2022.

Le GreffierLe Président

R. CHRISTINEM. DEFIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 19/03443
Date de la décision : 20/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-20;19.03443 ?
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