17/06/2022
ARRÊT N° 185/2022
N° RG 20/02552 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NXJM
CK/AA
Décision déférée du 06 Août 2020 - Pole social du TJ d'AUCH (19/00158)
Laurent FRIOURET
[M] [L] épouse [R]
C/
MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE MIDI PYRENEES SUD
INFIRMATION
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4ème chambre sociale - section 3
***
ARRÊT DU DIX SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANT
Madame [F] [L] épouse [R]
2202 route de Maumusson
32400 VIELLA
Non comparante, représentée par Me Cindy GUERIN, avocat au barreau de TOULOUSE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 31555.2020.019136 du 29/10/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)
INTIMEE
MSA MIDI PYRENEES SUD
1 Place Maréchal Lannes
32018 AUCH CEDEX 9
Représentée par M. [B] [W] (Membre de l'organisme) en vertu d'un pouvoir spécial
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945.1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Avril 2022, en audience publique, devant Mme C. KHAZNADAR, magistrat chargé d'instruire l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
C. KHAZNADAR, conseillère faisant fonction de président
N. BERGOUNIOU, conseillère
A.MAFFRE, conseillère
Greffier, lors des débats : K. BELGACEM
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile
- signé par C. KHAZNADAR, président, et par K. BELGACEM, greffier de chambre.
EXPOSE DU LITIGE :
La Mutualité Sociale Agricole Midi Pyrénées Sud (ci-après la MSA) a pris plusieurs décisions à l'égard de Mme [F] [L] épouse [R] portant sur des indus : la première du 11 décembre 2018 d'un montant de 2 436 € au titre de l'ALF pour la période de juin à novembre 2018, la deuxième du 4 février 2019 d'un montant de 8 221,04 € au titre de l'ALF pour la période d'octobre 2016 à mai 2018 inclus. Ces décisions ont été notifiées à Mme [L].
Le 12 juin 2019, La MSA a rejeté le recours de Mme [L] et a retenu le montant du par celle-ci à hauteur de la somme de 9 464 €.
Mme [L] a contesté le rejet de son recours devant le tribunal. Par jugement du 6 août 2020, le pôle social du tribunal judiciaire d'Auch a :
- déclaré irrecevable le recours de Mme [R], pour défaut d'intérêt à agir dans la mesure où elle a formulé ab initio une demande de remise gracieuse de l'indu réclamé,
- dit n'y avoir à statuer sur le fond,
- dit n'y avoir lieu à appliquer les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- laissé les dépens à la charge de Mme [L].
Le 8 septembre 2020, Mme [L] a régulièrement interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié suivant lettre recommandée AR reçue le 12 août 2020.
En l'état de ses dernières écritures, reprises lors de l'audience, auxquelles il est fait référence pour l'exposé des moyens et prétentions, Mme [L] demande à la cour de :
- Réformer le jugement en ce qu'il a déclaré son recours [judiciaire] irrecevable,
Statuant à nouveau,
A titre principal,
- débouter la MSA de l'ensemble de ses demandes,
En conséquence,
- condamner la MSA à lui régler la somme de 1 998,20 € injustement retenue au titre des indus injustifiés,
A titre subsidiaire,
- constater que le transfert de propriété du logement en cause, à son conjoint, date du 22 octobre 2018,
En conséquence,
- ordonner que les sommes perçues par elle de juin à octobre 2018 ne sont pas indues,
- débouter la MSA de sa demande de restitution au motif de l'accession à la propriété des prétendus indus perçus par Mme [L] de juin au 22 octobre 2018,
- constater que la MSA a sollicité la restitution de prétendus indus par courriers recommandés des 11 décembre 2018 et 4 février 2019,
En conséquence,
- ordonner que toute action en restitution de prétendus indus perçus antérieurement au 11 décembre 2016 encourt la prescription aux termes de l'article L.553-1 du code de la sécurité sociale,
- débouter la MSA de sa demande de restitution des prétendus indus perçus par Mme [L] antérieurement au 11 décembre 2016,
- ordonner la déduction de la somme d'ores et déjà retenue de 1 998,20 € des sommes éventuellement dues au titre des prétendus indus,
- accorder le délai de deux années à Mme [L] pour procéder au paiement de toute sommes à laquelle elle pourrait être condamnée, par échéances mensuelles,
En tout état de cause,
- condamner la MSA à lui régler la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
En l'état de ses dernières écritures, reprises lors de l'audience, auxquelles il est fait référence pour l'exposé des moyens et prétentions, la Mutualité Sociale Agricole Midi-Pyrénées Sud demande à la cour de confirmer en tous points le jugement et subsidiairement, de :
- constater que les indus notifiés les 11 décembre 2018 et 4 février 2019 par la MSA sont parfaitement justifiés,
- constater que les retenues effectuées par la MSA en paiement de ces indus s'élèvent à la somme de 1 205,28 € et non 1998,20 €,
- constater que le montant des prestations versées en octobre et novembre 2016, s'élèvent à 411x2 soit 822 €,
- condamner Mme [L] épouse [R] au paiement de la totalité des indus déduction faite des prestations versées en octobre et novembre 2016 soit 9064 € moins 822 € = 8642€,
- constater que la MSA n'est pas opposée à la mise en place d'un échéancier,
En tout état de cause,
- dire qu'il n'y a pas lieu à versement à Mme [L] épouse [R] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne Mme [L] épouse [R] en tous les dépens.
SUR CE :
Sur la recevabilité du recours judiciaire :
Vu l'article 12 du code de procédure civile,
La requête déposée par Mme [L] épouse [R] au greffe du pôle social du tribunal de grande instance d'Auch le 12 juillet 2019 mentionne dans les motifs : «je ne pensais pas être en tort par rapport à la loi (...) je ne sais comment régler cette dette qui me semble injustifiée », puis in fine : « je sollicite de votre bienveillance pour la remise gracieuse de la somme perçue soit 9464€ ».
Ainsi, cette requête ne se bornait pas à solliciter une remise gracieuse de dette auprès du Tribunal, Mme [L] critiquant, ce dès l'origine de la saisine judiciaire, le principe et le montant de la créance de la MSA. Ce que le conseil de Mme [L] a confirmé oralement lors des débats de première instance.
Les demandes de Mme [L] épouse [R] seront déclarée recevables en la forme et le jugement infirmé de ce chef.
Sur la contestation du principe de la créance de la MSA :
Vu l'article L.542-2 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige,
Sur le motif de l'indu tenant à l'existence d'un lien de parenté entre le concubin de Mme [F] [L], M. [V] [R], et le propriétaire :
Les moyens des parties :
Mme [L] soutient qu'elle n'a effectué aucune fausse déclaration à la MSA. Elle ignorait que des ascendants de son concubin jouissaient d'une part de la propriété ou de l'usufruit du logement. C'est en toute bonne foi qu'elle a déclaré l'absence de lien de parenté avec le propriétaire notoire du bien loué, M. [P], second époux de la grand-mère paternelle de son concubin.
La MSA fait valoir qu'il existait bien un lien entre les locataires, en l'occurrence le concubin de Mme [F] [L], M. [V] [R], et les propriétaires du logement occupé, Mme [P], grand-mère paternelle de [V] [R], usufruitière, outre le père de celui-ci, nu-propriétaire. Ce lien exclut la possibilité de percevoir l'allocation logement pour le bien loué.
Il est indifférent que les sommes versées indûment soient consécutives à la bonne ou mauvaise foi. La restitution est due car les sommes ont été perçues à tort.
La décision de la cour :
Le concept de « propriétaire notoire » développé par Mme [L] est sans incidence sur l'application des exclusions prévues par les dispositions de l'article L.542-2 du code de la sécurité sociale. Il est parfaitement établi que le concubin de Mme [F] [L] est le descendant des propriétaires du logement loué : sa grand-mère paternelle, usufruitière, et son père, nu-propriétaire.
Dès lors, Mme [F] [L], en concubinage avec M. [V] [R], n'avait aucun droit à percevoir l'allocation pour un logement appartenant aux ascendants de son concubin. Le principe de la créance de la MSA correspondant aux sommes indûment versées jusqu'en mai 2018 est donc établi.
Sur le motif de l'indu tenant à la propriété du logement et la date de son transfert :
Les moyens des parties :
Mme [L] expose que le prêt invoqué par la MSA ne concernait pas l'acquisition du logement. Il s'agissait d'un crédit à la consommation lequel a servi à régler les frais notariés de l'acte de donation. La date de ce prêt ne peut être retenue puisqu'il n'a pas impliqué de transfert juridique de propriété. Seule la date effective de transfert de la propriété peut être retenue pour justifier la qualité de propriétaire du conjoint de Mme [L], soit la date de l'acte de donation du logement du 22 octobre 2018. La MSA a été informée de cette situation par courrier du 5 décembre 2018.
La MSA considère que le prêt signé et débloqué par les époux [R] en juin 2018 d'un montant de 45 000 € sur 120 mois a concerné des travaux immobiliers sur le logement et non pas seulement les frais de notaire lors de l'acte de donation de la propriété du bien immobilier. En application des dispositions de l'article L. 542-2 du code de la sécurité sociale, s'agissant d'un prêt d'accession à la propriété signé après janvier 2018, Mme [L] ne pouvait plus bénéficier de l'aide au logement.
Au demeurant, au regard du lien de parenté entre les époux [R] et les propriétaires, ils n'auraient jamais du recevoir une aide au logement. L'indu notifié par la MSA reste en tout état de cause justifié.
La décision de la cour :
En l'espèce, il résulte de l'attestation de la banque et du tableau d'amortissement daté du 5 juin 2018 que le prêt de 45 000 € sur 120 mois accordé à Mme [F] [L] épouse [R] et à M. [V] [R] est effectivement un prêt destiné à financer leur résidence principale. La contestation sur la nature du prêt est donc mal fondée.
Le fait que le prêt ait été accordé aux époux [R] en juin 2018 et que la propriété effective ait été cédée par donation de ses ascendants à M. [V] [R] seulement en octobre 2018 ne fait pas obstacle au démarrage de travaux en juin 2018 dans un logement occupé par les consorts [L]/[R] depuis 2004 et, ce, dans la perspective imminente de l'accession à la propriété de ce bien immobilier.
De plus, l'allocation logement de pouvait être due en raison du lien du conjoint de Mme [L] avec les propriétaires.
Ainsi Mme [L] épouse [R] n'avait aucun droit pour percevoir l'allocation logement à partir de juin 2018.
Sur les sommes dues par Mme [F] [L] à la MSA :
Aux termes de l'article L.553-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige, l'action intentée par un organisme payeur en recouvrement des prestations indûment payées se prescrit par deux ans.
Le point de départ de la prescription est le jour du paiement des allocations entre les mains du bénéficiaire et la prescription est interrompue par l'envoi à l'allocataire d'une lettre recommandée avec avis de réception contenant demande de restitution de l'indu perçu.
En l'espèce, la MSA a adressé deux courriers RAR à Mme [L] faisant état d'un indu. Le courrier du 11 décembre 2018 porte sur l'allocation de logement perçue de juin à novembre 2018 et le courrier RAR du 4 février 2019 porte sur la période d'octobre 2016 à mai 2018.
Il en résulte que la MSA ne peut réclamer le remboursement des sommes versées avant le 11 décembre 2016.
Les allocations sociales étant versées à terme échu, les allocations d'octobre et novembre 2016 sont effectivement prescrites mais non celles de décembre 2016 versées en janvier 2017. Il y aura donc lieu à déduction de ces deux mensualités d'octobre et novembre 2016 du montant des indus, soit un total justifié par la MSA de 822€.
Sur les retenues effectuées par la MSA au titre du remboursement, les parties sont en désaccord sur le montant. Cependant, Mme [L] ne produit pas de décompte justifiant le chiffre annoncé dans ses écritures au titre du remboursement alors que la MSA produit un décompte détaillé des versements qui n'est pas utilement critiqué par l'appelante. Ainsi, il y a lieu de retenir un montant total des retenues pratiquées par la MSA arrêté au 25 février 2020 à la somme de 1 205,28 €.
Ainsi le montant total de la dette actualisée de Mme [L] à l'égard de la MSA est de 8 642 €.
La MSA ne s'oppose pas à la demande d'échéancier de Mme [L] épouse [R]. Celle-ci justifie d'une situation financière difficile. Compte tenu de ces éléments, par application des dispositions de l'article 1343-5 du code civil, il sera accordé à Mme [L] épouse [R] un échéancier de paiement de la dette sur 24 mois par mensualités de 360 € et la dernière mensualité d'un montant de 362 €.
Sur les autres demandes :
Mme [L], partie perdante, doit supporter les dépens d'appel.
Aucune considération particulière ne justifie le paiement à Mme [L] d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire d'Auch du 6 août 2020, sauf en ce qu'il a laissé les dépens de première instance à la charge de Mme [L],
Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,
Déclare recevables les demandes de Mme [F] [L] épouse [R],
Dit que les indus des 11 décembre 2018 et 4 février 2019 notifiés par la MSA à Mme [L] sont justifiés dans leur principe,
Condamne Mme [F] [L] épouse [R] à payer à la Mutualité Sociale Agricole Midi Pyrénées Sud la somme de 8 642 €,
Accorde à Mme [F] [L] épouse [R] la possibilité de se libérer de la dette par 24 mensualités consécutives, dont 23 mensualités d'un montant de 360 € et la 24ème mensualité d'un montant de 362 €, le premier versement intervenant le 1er juillet 2022,
Dit que le défaut de paiement d'une seule mensualité rendra immédiatement exigible la totalité de la dette,
Condamne Mme [F] [L] épouse [R] aux dépens d'appel,
Déboute Mme [L] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par C.KHAZNADAR, conseillère faisant fonction de Présidente et par K. BELGACEM, greffière de chambre.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
K. BELGACEM C.KHAZNADAR
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