17/06/2022
ARRÊT N° 180/2022
N° RG 20/02479 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NW4Z
NB/AA
Décision déférée du 03 Août 2020 - Pole social du TJ d'AGEN (18/00565)
Bertrand QUINT
[X] [V]
C/
CAISSE DE MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE DORDOGNE - LOT-ET-GARONNE
INFIRMATION
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4ème Chambre Section 3 - Chambre sociale
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ARRÊT DU DIX SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX
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APPELANT
Madame [X] [V]
Résidence Pont de Marot
Bat C - APT numéro 67 - Porte I
47300 VILLENEUVE SUR LOT
représentée par Me Camille GAGNE de la SELARL GAGNE, avocat au barreau d'AGEN substituée par Me Aurélia BADY, avocat au barreau D'AGEN
INTIME
MSA DORDOGNE - LOT-ET-GARONNE
SERVICE CONTENTIEUX
7 PLACE DU GRL LECLERC
24012 PERIGUEUX CEDEX
représentée par Me Jean-Charles BOURRASSET de la SCP DUSAN-BOURRASSET-CERRI, avocat au barreau de TOULOUSE substituée par Me Valérie CERRI, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945.1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Avril 2022, en audience publique, devant Mme C. KHAZNADAR, magistrat chargé d'instruire l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
C. KHAZNADAR, conseillère faisant fonction de président
N. BERGOUNIOU, conseillère
A. MAFFRE, conseillère
Greffier, lors des débats : K. BELGACEM
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile
- signé par C. KHAZNADAR, président, et par K. BELGACEM, greffier de chambre.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Mme [X] [V], née le 2 novembre 1958, alors qu'elle travaillait pour le compte du groupement d'employeurs Villeneuve Nord en qualité de salariée agricole, a été victime le 13 juin 2018, d'un accident du travail, que la Caisse de Mutualité sociale agricole de Dordogne Lot et Garonne a refusé de prendre en charge au titre de la législation professionnelle suivant décision du 27 septembre 2018.
Mme [V] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable, et une mesure d'expertise médicale a été confiée au docteur [J] [Z] qui a conclu le 20 novembre 2018, que les lésions décrites dans le certificat médical initial ne sont pas la conséquence d'un effort de soulèvement (poids de l'ordre de 6kg selon DAT) et semblent plutôt être en lien avec l'état morbide dégénératif connu, évoluant pour son propre compte. L'état de santé de Mme [X] [V] est compatible avec la reprise d'une activité professionnelle quelconque au jour de l'expertise.
La commission de recours amiable de la Caisse de Mutualité sociale agricole de Dordogne Lot et Garonne a, par décision du 28 novembre 2018, confirmé à Mme [V] son refus de prendre en charge l'accident du 13 juin 2018 au titre de la législation professionnelle.
Mme [V] a saisi le 20 décembre 2018 le tribunal des affaires de sécurité sociale du Lot et Garonne pour contester la décision de refus de prise en charge de la Caisse de Mutualité sociale agricole de Dordogne Lot et Garonne.
Par jugement du 3 août 2020, le tribunal judiciaire d'Agen- Pôle social a :
*déclaré recevable mais mal fondé le recours de Mme [X] [V] à l'encontre de la décision du 28 novembre 2018 de la Caisse de Mutualité sociale agricole de Dordogne Lot et Garonne refusant la prise en charge de l'accident du travail déclaré le 13 juin 2018,
* confirmé la décision de la Caisse de Mutualité sociale agricole de Dordogne Lot et Garonne du 28 novembre 2018.
Par lettre recommandée avec avis de réception expédiée le 23 août 2020, Mme [X] [V] a régulièrement relevé appel de ce jugement.
En l'état de ses conclusions réceptionnées par le greffe le 31 janvier 2022, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, Mme [X] [V] demande à la cour :
A titre principal :
*d'infirmer le jugement entrepris, d'infirmer la décision de la commission de recours amiable de la Caisse de Mutualité sociale agricole de Dordogne Lot et Garonne,
* de dire que l'accident subi par Mme [X] [V] le 13 juin 2018 doit être pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels,
* d'ordonner la régularisation des indemnités journalières,
A titre subsidiaire :
* d'ordonner avant dire droit, une expertise médicale judiciaire aux frais avancés par la caisse,
En tout état de cause :
* de condamner la Caisse de Mutualité sociale agricole de Dordogne Lot et Garonne à lui payer une somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
En l'état de ses conclusions réceptionnées par le greffe le 31 août 2021, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la caisse de Mutualité sociale agricole de Dordogne-Lot et Garonne demande à la cour de constater qu'il n'y a pas lieu à application de la législation relative aux risques professionnels, de confirmer la décision rendue par le tribunal judiciaire d'Agen le 3 août 2020, et de condamner Mme [V] à lui payer une somme de 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Les parties ont été convoquées à l'audience du 7 avril 2022.
MOTIFS
- Sur le caractère professionnel de l'accident du 13 juin 2018 :
Selon l'article L. 752-2 du code du travail et de la pêche maritime, est considéré comme accident du travail l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail sur le lieu de l'exploitation, de l'entreprise, de l'établissement ou du chantier dans les conditions prévues à l'article L. 325-1 à toute personne visée à l'article L. 752-2.
Dès lors que l'accident s'est produit sur le lieu de travail et pendant le temps de travail, il bénéficie de la présomption d'imputabilité, laquelle peut être renversée par la preuve contraire.
Mme [V] soutient que l'accident, consistant en une cervicalgie thoracique ressentie alors qu'elle soulevait un bidon d'environ 10 litres de liquide se trouvant au sol s'est produit au temps et sur le lieu de travail et bénéficie en conséquence de la présomption d'imputabilité ; que la caisse de mutualité sociale agricole ne rapporte pas la preuve que l'accident soit exclusivement du à une pathologie antérieure évoluant pour son propre compte, en l'état des conclusions du docteur [O], médecin traitant de l'assurée, qui sont en contradiction avec celles du docteur [Z], lequel a excédé les contours de sa mission, et qui ne caractérise pas une cause totalement étrangère au travail.
La Caisse de Mutualité sociale agricole de Dordogne Lot et Garonne observe en réponse que la réalisation d'une mesure d'expertise judiciaire n'est pas en l'espèce nécessaire, les conclusions du docteur [Z] étant claires et dépourvues d'ambiguïté ; que les lésions décrites dans le certificat médical initial ont une cause totalement étrangère au travail et résultent de l'état antérieur de la salariée qui souffre d'une arthropathie acromio-claviculaire (arthrose), liée notamment à son âge.
En l'espèce, l'accident dont a été victime Mme [V] le 13 juin 2018 s'est produit sur le lieu et au temps du travail : l'assurée a présenté une cervicalgie aiguë thoracique antérieure et membre supérieur droit majorée à la mobilisation et à l'inspiration suite à un effort de soulèvement.
L'accident s'est produit en présence d'un témoin : M. [L] [N], que Mme [V] formait à effectuer les prélèvements d'eau arrosage. Il indique qu'en soulevant le bidon d'eau, Mme [V] s'est blessée à la partie supérieure droite du thorax, et qu'il a du porter le seau d'eau pour qu'elle puisse se redresser (pièce n° 10).
Le médecin traitant de Mme [V], le docteur [W] [O], indique, dans un courrier adressé le 11 octobre 2018 au médecin conseil de la caisse : 'j'avais noté une algie thoracique antérieure, ce qui dans mon esprit signifiait une douleur de face antérieure du thoracique par opposition à une douleur postérieure, et non comme vous le mentionnez une douleur antérieure dans le temps pour laquelle, si cela avait été le cas, je n'aurais pas fait de déclaration d'accident du travail' (pièce n° 16 de Mme [V]).
Pour écarter la présomption d'imputabilité au travail, la Caisse de Mutualité sociale agricole de Dordogne Lot et Garonne se prévaut des conclusions de l'expert [Z], qui indique que 'les lésions décrites dans le CMI semblent plutôt être en lien avec l'état morbide dégénératif connu, évoluant pour son propre compte' ; ce faisant, les conclusions de l'expert, qui émet une hypothèse sans être totalement affirmatif, ne permettent pas d'écarter l'existence d'un lien avec l'effort de soulèvement pratiqué par Mme [V] lors de l'accident et de retenir l'existence d'une cause totalement étrangère au travail.
Curieusement, la caisse de mutualité sociale agricole a informé le docteur [O], par courrier du 27 septembre 2018, de la prise en charge de l'accident du travail dont a été victime Mme [V] le 13 juin 2018 au titre de la législation accidents du travail (pièce n° 13 de Mme [V]).
Il résulte par ailleurs du compte rendu de l'échographie de la paroi thoracique droite pratiquée par le docteur [B] le 9 novembre 2018 (pièce n°20 de Mme [V]) que l'arthropathie sous jacente dont souffre l'appelante a peut être été réveillée par le traumatisme subi lors de l'effort de soulèvement du 13 juin 2018.
Il s'évince de l'ensemble des observations qui précèdent que la Caisse de Mutualité sociale agricole de Dordogne Lot et Garonne échoue à rapporter la preuve que les lésions présentées par Mme [V] à la suite de l'accident survenu sur son lieu de travail le 13 juin 2018 ont une cause totalement étrangère au travail.
Il convient dès lors, sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'expertise médicale, d'accueillir la demande formée par Mme [V] de prise en charge de l'accident du travail du 13 juin 2018 au titre de la législation professionnelle.
- Sur les demandes annexes :
La Caisse de Mutualité sociale agricole de Dordogne Lot et Garonne, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel et déboutée de sa demande formée au titre des frais irrépétibles.
Il serait en l'espèce inéquitable de laisser à la charge de Mme [V] les frais exposés non compris dans les dépens ; il y a lieu de faire droit, en cause d'appel, à sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'une somme de 500 euros.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement du tribunal du tribunal judiciaire d'Agen- Pôle social du 3 août 2020.
Annule la décision de la commission de recours amiable de la Caisse de Mutualité agricole Dordogne Lot et Garonne en date du 28 novembre 2018.
Dit que la Caisse de Mutualité sociale agricole de Dordogne Lot et Garonne doit prendre en charge les conséquences de l'accident du travail dont a été victime Mme [X] [V] le 13 juin 2018 au titre de la législation professionnelle.
Ordonne la régularisation par la Caisse de Mutualité sociale agricole de Dordogne Lot et Garonne du versement des indemnités journalières payées à l'assurée pendant sa période d'arrêt de travail consécutive à son accident du travail.
Condamne la Caisse de Mutualité sociale agricole de Dordogne Lot et Garonne aux dépens de première instance et d'appel.
Condamne la Caisse de Mutualité sociale agricole de Dordogne Lot et Garonne à payer à Mme [X] [V] une somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La déboute de sa demande formée à ce même titre.
Le présent arrêt a été signé par C.KHAZNADAR, conseillère faisant fonction de Présidente et par K. BELGACEM, greffière de chambre.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
K. BELGACEM C.KHAZNADAR
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