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13/06/2022 | FRANCE | N°20/00637

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 13 juin 2022, 20/00637


13/06/2022



ARRÊT N°



N° RG 20/00637 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NPB2

MD/NB



Décision déférée du 21 Janvier 2020 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ALBI ( 18/01220)

(Mme. [Y])

















[P] [R]

[U] [M] épouse [R]





C/



Compagnie d'assurance MAF

S.A.R.L. ENZO & ROSSO





























































CONFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TREIZE JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANTS



Monsieur [P] [R]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par Me ...

13/06/2022

ARRÊT N°

N° RG 20/00637 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NPB2

MD/NB

Décision déférée du 21 Janvier 2020 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'ALBI ( 18/01220)

(Mme. [Y])

[P] [R]

[U] [M] épouse [R]

C/

Compagnie d'assurance MAF

S.A.R.L. ENZO & ROSSO

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TREIZE JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTS

Monsieur [P] [R]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par Me Emmanuelle DESSART de la SCP DESSART-DEVIERS, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame [U] [M] épouse [R]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Emmanuelle DESSART de la SCP DESSART-DEVIERS, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Compagnie d'assurance MAF

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Olivier MASSOL de la SELARL MASSOL AVOCATS, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

S.A.R.L. ENZO & ROSSO

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Olivier MASSOL de la SELARL MASSOL AVOCATS, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. DEFIX, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. DEFIX, président

Mme. ROUGER, conseiller

Mme. ROBERT, conseiller

Greffier, lors des débats : N. DIABY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par C. GIRAUD, Directrice des services de greffe.

FAITS - PROCÉDURE - PRÉTENTIONS

En 2005, M. [P] [R] et Mme [U] [M] épouse [R] ont souhaité édifier une maison individuelle d'habitation sur un terrain à [Adresse 7] (81) à l'aide d'un financement bancaire.

Ils se sont ainsi rapprochés de Mme [N] [F], architecte, gérante de la société à responsabilité limitée (Sarl) Enzo & Rosso assurée auprès de la Mutuelle des architectes français (Maf) assurances.

Le 5 juillet 2005, un contrat de maîtrise d'oeuvre a été signé pour une rémunération de 37 767,08 euros toutes taxes comprises, et un montant des travaux de 442 330,40 euros toutes taxes comprises.

Par le contrat de maîtrise d'oeuvre, l'architecte s'est engagé à réaliser des études d'esquisse, des études d'avant-projet, les études de projet de conception générale, l'assistance pour la passation du marché de travaux, la direction et la comptabilité des travaux, l'assistance aux opérations de réception.

Un rapport d'étude géotechnique a été réalisé par le Centre d'expertise du bâtiment et des travaux publics (Cebtp) à la demande de l'architecte qui a relevé la succession dans le sol de terre végétale, graves, argiles graveleuses, sables plus ou moins graveleux, argile marneuse.

Ce rapport a également effectué des préconisations quant aux fondations, au plancher bas et aux sujetions d'exécution.

Le lot gros oeuvre a été confié à M. [Z].

Suivant procès-verbal signé le 30 juin 2006, la réception des travaux pour le lot gros oeuvre est intervenue sans réserve.

Début 2007, M. et Mme [R] ont signalé un désordre avec le chauffage par géothermie et saisi l'architecte pour déclarer le sinistre à son assureur responsabilité.

Le 31 mai 2007, la Sarl Enzo & Rosso a mis en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception la société Schmidt géothermie de procéder aux réparations.

La Maf assurances a diligenté une expertise amiable et contradictoire et pris en charge une partie du coût des réparations.

Dans le courant de l'année 2015, les maîtres de l'ouvrage se sont rendus compte de l'apparition de fissures sur les façades du bâtiment avec pour conséquences des problèmes d'humidité à l'intérieur de la maison.

Par courriel du 22 novembre 2015, M. et Mme [R] ont signalé à Mme [F], architecte, la présence de fissures, de rouille et de moisi.

Par courriel du 15 janvier 2016, Mme [F] a demandé à M. et Mme [R] de lui envoyer une lettre ou un courriel indiquant leur souhait d'engager une procédure pour y remédier.

Par courriel du 17 janvier 2016, M. et Mme [R] ont indiqué à Mme [F] qu'ils souhaitaient engager une procédure à la suite de l'apparition de fissures.

Par courrier remis en main propre le 7 février 2016, les époux [R] ont signalé les désordres à la Sarl Enzo & Rosso et indiqué que ceux-ci relevant de la garantie décennale, ils souhaitaient faire appel à son assurance.

Par courriel du 10 février 2016, la société Enzo & Rosso a déclaré le sinistre à la Maf assurances et sollicité l'intervention d'un expert.

Par courrier du 26 août 2016, la Maf assurances a répondu à l'architecte que les informations fournies ne justifiaient pas l'ouverture d'un dossier et demandé à l'architecte d'indiquer la date de réception des travaux ou de prise de possession des lieux, si le maître de l'ouvrage avait souscrit une assurance dommage ouvrages, mais aussi de faire part de son avis sur l'origine des fissures et les responsabilités possibles.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 14 septembre 2016, la société Enzo & Rosso a apporté les précisions demandées et indiqué que les fissures étaient importantes mais que seul un expert pourrait déterminer leur cause.

Par courrier du 7 mars 2017, l'architecte a écrit au service de commission des sinistres de la Maf assurances pour présenter une réclamation eu égard à la gestion de la déclaration de sinistre concernant M. et Mme [R] et la lenteur de son traitement qualifié d' 'injustice' due à un 'silence inhabituel', la 'mauvaise foi' de l'assureur qui aurait 'fait traîner' le dossier 'pour nous faire dépasser la date de prescription'.

Par courrier du 1er juin 2017, la Maf assurances a indiqué à la Sarl Enzo & Rosso qu'elle avait désigné un expert et sollicité de l'architecte qu'il remplisse un formulaire de déclaration de sinistre joint au courrier.

Par courrier du 1er juin 2017, la Maf assurances a indiqué à Mme [D], l'expert amiable désigné, que le délai de garantie décennale était expiré mais qu'elle souhaitait mettre en place une expertise pour déterminer les causes et la solution de reprise envisageable.

Par courrier du 13 juin 2017, la Sarl Enzo & Rosso a indiqué aux époux [R] l'ouverture de leur dossier sinistre et la réalisation d'une expertise.

Par courrier du 13 juin 2017, la Sarl Enzo & Rosso a envoyé à la Maf assurances la déclaration de sinistre, le contrat d'architecte, l'attestation d'assurance de M. [Z], le procès-verbal de réception des travaux de M. [Z] et l'étude géotechnique.

Le 3 juillet 2017, une réunion d'expertise amiable et contradictoire a eu lieu sous la conduite de Mme [D], expert de la Maf assurances.

Par courriel du 25 octobre 2017, les époux [R] ont interrogé la Sarl Enzo & Rosso sur le délai de dépôt du rapport d'expertise.

Par courriel du 26 octobre 2017, la Sarl Enzo & Rosso a rappelé à l'expert qu'il devait fournir des devis et souligné que quatre mois s'étaient écoulés depuis la réunion d'expertise.

Le 13 novembre 2017, l'expert a adressé une convocation aux époux [R] pour une réunion d'expertise devant avoir lieu le 4 décembre 2017 avec pour objet de réaliser des sondages géotechniques et la proposition de solutions de réparation.

Le 4 décembre 2017, la réunion d'expertise s'est tenue sur site et la société Sol ingénierie a réalisé les sondages afin de déterminer la cause des désordres.

Par courrier recommandé avec accusé de réception reçu le 31 mai 2018, M. et Mme [R] ont mis en demeure la Maf assurances de leur communiquer le rapport établi par la société Sol ingénierie, d'organiser une nouvelle réunion d'expertise afin de débattre des résultats des sondages réalisés et des solutions préconisées et de prendre en charge la réparation des entiers dommages subis.

-:-:-:-:-

Par exploits d'huisser des 19 et 20 juillet 2018, M. et Mme [R] ont fait assigner la Sarl Enzo & Rosso ainsi que la Maf assurances sur le fondement de la garantie décennale et de la responsabilité contractuelle devant le tribunal de grande instance d'Albi.

Par acte d'huissier du 17 octobre 2018, M. et Mme [R] ont fait sommer la société Sol ingénierie de lui communiquer le rapport de diagnostic et de confirmer avoir réalisé les sondages à la maison [R] et établi le rapport de diagnostic.

Par conclusions sur incidents responsives, les époux [R] ont demandé au juge de la mise en état d'ordonner avant dire droit une mesure d'expertise, la production par la Sarl Enzo & Rosso et la Maf assurances du diagnostic géotechnique de la société Sol ingénierie sous astreinte.

Par ordonnance du 14 décembre 2018, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance d'Albi a :

- débouté M. et Mme [R] de leur demande d'expertise,

- condamné M. et Mme [R] à payer à la Sarl Enzo & Rosso et à la Maf assurances la somme de 500 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- réservé les dépens.

Le juge de la mise en état a considéré qu'il n'était pas compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir que sont la prescription et l'opposabilité de la clause de saisine préalable du conseil de l'ordre des architectes mais que ces points de procédure devaient être tranchées préalablement avant qu'il soit décidé de faire droit à la demande d'expertise, ce qui impliquait donc un renvoi au fond.

Par un jugement contradictoire du 21 janvier 2020, le tribunal judiciaire d'Albi a :

- déclaré l'action introduite par M. et Mme [R] recevable,

- débouté M. et Mme [R] de l'ensemble de leurs demandes,

- condamné M. et Mme [R] in solidum à payer à la société Enzo & Rosso et à la Maf assurances la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. et Mme [R] in solidum aux entiers dépens,

- prononcé l'exécution provisoire.

Le tribunal a considéré que les époux [R] sollicitaient la réparation de leurs préjudices sur le fondement de la responsabilité délictuelle de l'architecte et de son assureur, de sorte que la clause contractuelle qui exigeait la saisine préalable de l'ordre des architectes n'était pas applicable et leur action était recevable.

Il a également estimé que l'action des demandeurs était une action en responsabilité délictuelle fondée sur la mauvaise gestion du sinistre, le point de départ du délai de prescription devait donc être fixé au 5 février 2016, date de déclaration du sinistre.

Le tribunal a considéré que l'expertise judiciaire n'était pas nécessaire puisque l'architecte et l'assureur n'ont commis aucune faute dans la gestion du sinistre.

Il a retenu que les consorts [R] auraient dû agir en justice dans le délai de dix ans à compter de la réception du chantier et il ne peut être reproché à l'architecte de ne pas avoir informé les époux [R] de la nécessité d'agir en justice avant le 30 juin 2016.

Il a enfin estimé qu'une faute de la société Enzo et Rosso n'était pas caractérisée s'agissant de l'absence de communication du rapport géotechnique malgré la sommation de communiquer à laquelle ont procédé les époux [R] puisque ces derniers n'ont pas saisi le juge de la mise en état d'un incident de communication de pièces.

-:-:-:-:-

Par déclaration du 20 février 2020, M. [P] et Mme [U] [R] ont relevé appel de ce jugement en ce qu'il a :

- débouté M. et Mme [R] de l'ensemble de leurs demandes,

- condamné M. et Mme [R] in solidum à payer à la société Enzo & Rosso et à la Maf assurances la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. et Mme [R] in solidum aux entiers dépens.

-:-:-:-:-

Dans leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 20 août 2020,

M. [P] et Mme [U] [R], appelants, demandent à la cour, au visa des articles 1382 et 1383 ancien, 1240, 1241 et 1792 du code civil, les articles 11, 16 et 700 du code de procédure civile, et l'article R131-1 du code des procédures civiles d'exécution, de :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il les a déclaré recevables à agir à l'encontre de la société Enzo & Rosso et de la Maf assurances assurances sur le fondement de la responsabilité délictuelle,

- l'infirmer, pour le surplus,

Et statuant à nouveau,

- déclarer que la société Enzo & Rosso et la Maf assurances assurances ont engagé leurs reponsabilités délictuelles et quasi-délictuelles à leur égard en raison de leurs négligences fautives eu égard à l'expiration du délai décennal le 30 juin 2016,

- condamner in solidum la société Enzo & Rosso et la Maf assurances à leur payer, sans délai, les sommes suivantes :

'' 130 425,51 euros toutes taxes comprises au titre des travaux de réparation des désordres, sommes à indexer suivant l'indice BT01 du coût de la construction au jour de l'exécution de la décision à intervenir et jusqu'à complet paiement,

'' 2 904 euros toutes taxes comprises au titre du coût du déménagement / réaménagement des meubles et de garde-meubles,

'' 600 euros au titre du coût de relogement pendant les 15 jours de travaux du sol en béton ciré,

'' 5 000 euros en réparation de leurs préjudices du fait des travaux de réparation,

'' 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral et troubles de jouissance du fait des dommages et de leurs réparations à parfaire jusqu'à l'exécution des travaux de réparation,

- débouter la société la société Enzo & Rosso et la Maf assurances de toute demande de partage de responsabilité, et le cas échéant, condamner la Maf assurances à relever et garantir indemne la société Enzo & Rosso de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à l'encontre de cette dernière,

- débouter la Maf assurances de sa demande d'opposabilité de la franchise contractuelle à leur encontre,

Subsidiairement et avant dire droit, si la cour l'estimait utile,

- ordonner une mesure d'expertise entre les parties et commettre en qualité d'expert, tel expert qu'il plaira à la cour, et lui confier la mission habituelle en la matière fixée par la cour d'appel de Toulouse, à :

- ordonner la production par la société Enzo & Rosso et la Maf assurances, du diagnostic géotechnique de la société Sol ingénierie, sous une astreinte provisoire de 300 euros par jour de retard à compter du jour de la décision à venir et se réserver la liquidation de l'astreinte provisoire,

- mettre le cas échéant à leur charge l'avance des frais d'expertise judiciaire, pour le compte de qui il appartiendra afin d'assurer la sécurité de la mesure,

En toute hypothèse,

- condamner in solidum la société Enzo & Rosso et la Maf assurances à leur payer la somme de 20 000 euros à titre d'indemnisation des frais irrépétibles,

- condamner in solidum la société Enzo & Rosso et la Maf assurances au paiement des dépens de la présente instance ainsi que ceux de première instance, en ce compris les frais d'huissier exposés (sommation interpellative et assignations) et de l'expertise judiciaire, dans le cas où celle-ci serait ordonnée avant dire droit, dont distraction au profit de Maître Emmanuelle Dessart, avocat, qui les recouvrera sur son offre de droit, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

À l'appui de leurs prétentions, les appelants soutiennent que :

- leur action fondée sur la responsabilité délictuelle est recevable, l'absence de saisine préalable de l'ordre des architectes ne leur étant pas opposable puisque l'action intentée ne se fondait pas sur l'exécution du contrat de maîtrise d'oeuvre mais sur une faute professionnelle postérieure à la fin du contrat,

- le fondement de leur action en première instance était identifiable dans leurs conclusions récapitulatives,

- l'action directe dirigée contre la Maf assurances ne peut être soumise à la saisine préalable de l'Ordre, la Maf assurances n'étant pas, en outre, signataire du contrat de maîtrise d'oeuvre,

- l'action des époux [R] n'est pas prescrite, le point de départ de leur action en responsabilité délictuelle et quasi-délictuelle fondée sur une mauvaise gestion du sinistre étant le 5 février 2016, date de déclaration du sinistre,

Sur la responsabilité de l'architecte,

- l'architecte a commis une faute quasi-délictuelle puisqu'il savait que la responsabilité décennale de M. [Z] serait prescrite à compter du 30 juin 2016,

- l'architecte avisé dès 2015 des désordres aurait dû informer les époux [R] de ce que le délai de la garantie décennale expirait le 30 juin 2016 et qu'il leur appartenait d'interrompre la prescription par voie d'assignation devant le tribunal,

- l'architecte a choisi de solliciter auprès de la Maf assurances la réalisation d'une expertise avec le risque qu'elle ne puisse être réalisée dans le délai de la garantie décennale,

- les époux [R] ne sont pas des professionnels de la construction et du droit des assurances et ont légitimement fait confiance à Mme [F], en qualité d'amie et d'architecte,

- Mme [F] a maintenu les époux [R] dans l'illusion du caractère suffisant de la mise en cause dès novembre 2015 et par courrier du 5 février 2016 et de la déclaration de sinistre effectuée auprès de la Maf assurances,

Sur la responsabilité de la Maf assurances,

- la Maf assurances a agi de manière déloyale et fautive à l'égard de son assuré en attendant 7 mois pour accuser réception de la déclaration de sinistre de l'architecte et après expiration du délai décennal dont elle avait connaissance dans le cadre du précédent sinistre intervenu en 2007,

- la Maf assurances a volontairement attendu l'expiration du délai décennal pour répondre à la déclaration de sinistre, comme en atteste le courrier envoyé par la société Enzo et Rosso à l'assureur, aux fins d'opposer ensuite un refus de garantie à l'assuré ou l'exonérer à l'égard des maîtres de l'ouvrage,

- en raison de la faute de la Maf assurances, les époux [R] ont perdu la chance d'exercer leur recours décennale à l'encontre des intervenants à l'opération de construction et d'obtenir la réparation de leurs préjudices,

- la société Enzo et Rosso était susceptible d'engager sa responsabilité dès lors que les dommages résultent d'un problème de fondations et les garanties de la Maf assurances susceptibles d'être mobilisées y compris pour la responsabilité délictuelle et quasi-délictuelle de son assuré,

- la Maf assurances a également eu une attitude fautive à l'égard des époux [R] en leur qualité de victimes de sinistres déclarés à son assuré, en outre la Maf assurances n'a pas informé les époux [R] d'un refus de garantie et elle était tenue d'instruire le sinistre déclaré dans le délai décennal et d'organiser l'expertise demandée par son assuré ce qu'elle ne fera qu'une fois le délai décennal écoulé,

- la pièce 23 produite aux débats n'a pas été prise en compte par le tribunal alors qu'elle permet de considérer que la Maf assurances envisage d'intervenir en garantie en fonction des conclusions de l'expert,

- en recevant la convocation à la seconde réunion du 4 décembre 2017, les époux [R] pouvaient légitimement croire que l'expertise amiable irait jusqu'à son terme et que les dommages seraient réparés,

- les époux [R] n'ont pas été avisés par la Maf assurances de sa décision de rompre les pourparlers amiables et l'expertise qui a agi ainsi de manière déloyale et fautive,

- l'expertise amiable est soumise au principe du contradictoire qui a été bafoué par la Maf assurances,

- l'architecte et son assureur ont commis une négligence fautive en ne conseillant pas aux époux [R] d'introduire une action en justice pour interrompre la prescription décennale et ont entretenu, par l'organisation de réunions après l'expiration du délai décennal, l'illusion d'une volonté de procéder à la réparation des désordres affectant l'immeuble,

- l'absence de souscription d'une assurance dommages ouvrage par les époux [R] ne peut être opposée par l'architecte et son assureur car elle est facultative et que l'assureur dommage ouvrages a vocation à se retourner contre le responsable et son assureur, et qu'en outre une telle souscription n'aurait eu aucune incidence sur la perte du droit à réparation des époux [R] causé par la faute des intimés,

- la Maf assurances garantit la société Enzo et Rosso pour toutes ses responsabilités professionnelles, tant décennale que contractuelle, délictuelle et quasi-délictuelle,

- sur le fondement de l'article 11 du code de procédure civil les parties sont tenues d'apporteur leur concours aux mesures d'instruction, de sorte que la Maf assurances doit communiquer le rapport de diagnotic géotechnique de la société Sol ingénierie,

Sur les préjudices,

- un procès-verbal de constat d'huissier a été dressé le 29 juin 2020 qui décrit les fissures affectant le bien, les décollement et décrochements des enduits extérieurs, les traces importantes d'humidité avec moisissures en intérieur et en extérieur,

- M. [Z] chargé du lot gros oeuvre ne justifie pas avoir sollicité un bureau d'études techniques béton pour justifier des dimensions des fondations comme le préconisait le rapport du Cebtp, ce que l'architecte n'a pas constaté et signalé,

- le rapport d'expertise amiable établi le 17 août 2020 par l'expert désigné par les époux [R] relève un tassement différentiel du sol qui découle d'une nature du sol d'ancrage qui ne correspond pas aux performances géotechniques recherchées, a été dégradé par un non-respect des contrainres de mise en oeuvre des fondations, relevé l'état de dégradation ou l'incapacité du sol à supporter les contraintes appliquées, constaté une incohérence entre la profondeur mise en oeuvre et la profondeur nécessaire et plusieurs non-conformités de conception et de mise en oeuvre au regard des normes et DTU, qui permettent d'établir les fautes de l'entreprise [Z] mais aussi de l'architecte qui n'a pas correctement assuré le suivi et le contrôle des travaux,

- il en découle des préjudices matériels consistant dans le coût des travaux de réparation, le coût du déménagement des meubles et du garde-meubles, le coût de location d'un gîte meublé pendant la période des travaux, et des préjudices liés aux nuisances résultant des travaux, outre un préjudice moral,

Sur la demande de communication d'une pièce,

- le tribunal n'a pas statué sur la demande de communication de l'étude de sol précisée dans les conclusions sur incident du 20 avril 2018,

- la communication de l'étude de sol réalisée par la société Sol ingénierie est nécessaire pour que la société Soltechnic puisse effectuer les travaux de réparation.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 26 mai 2020, la Sarl Enzo & Rosso et la Maf assurances, intimés formant appel incident, demandent à la cour de :

- réformer le jugement de première instance en ce qu'il a écarté la fin de non-recevoir tiré du défaut de saisine préalable du conseil de l'ordre des architectes et la prescription,

Statuant à nouveau,

- 'dire et juger' que M. et Mme [R] n'ont pas saisi le conseil de l'ordre des architectes dont relevait la Sarl Enzo & Rosso avant toute action judiciaire,

- 'dire et juger' que l'action de M. et Mme [R] fondée sur sa responsabilité contractuelle ou décennale est prescrite,

- en conséquence, débouter les époux [R] de l'intégralité de leurs prétentions formulées à leur encontre,

Subsidiairement,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté les époux [R] de l'ensemble de leurs demandes,

- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a condamné solidairement les époux [R] au paiement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

- 'dire et juger' que les époux [R] ne rapportent pas la preuve d'un préjudice qui résulterait directement d'une faute imputable à la société Enzo & Rosso et/ou la Mutuelle des architectes français,

- en conséquence, débouter les époux [R] de l'intégralité des prétentions formulées à leur encontre,

' titre infiniment subsidiaire,

- dans l'hypothèse où le tribunal ordonnerait une mesure d'expertise judiciaire, surseoir à statuer sur les prétentions indemnitaires des époux [R],

- 'dire et juger' que la Mutuelle des architectes français n'est pas tenue à garantie sur le fondement de la responsabilité délictuelle de la société Enzo & Rosso,

- dans l'hypothèse où la responsabilité contractuelle ou décennale de la société Enzo & Rosso serait retenue, 'dire et juger' que la Mutuelle des Architectes Français est parfaitement fondée à opposer aux époux [R] les conditions et limites du contrat d'assurance, notamment le montant de la franchise,

- débouter les époux [R] de leur demande de communication du diagnostic géotechnique sous astreinte,

- débouter les époux [R] de leurs autres demandes,

En tout état de cause,

- condamner solidairement M. et Mme [R] à leur payer une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement les époux [R] aux entiers dépens, dont distraction au profit de la Selarl Massol & associés, avocat, sur ses dires et affirmations de droit.

À l'appui de leurs prétentions, les intimés soutiennent que :

- les époux [R] se prévalent d'un manquement au devoir d'information de la Sarl Enzo & Rosso, ce qui relève de la responsabilité contractuelle, de sorte qu'ils étaient tenu, avant toute action en justice, de saisir le conseil de l'ordre des architectes comme stipulé en page 15 du cahier des clauses générales du contrat d'architecte; à défaut d'y avoir procédé, leur action en justice contre la Sarl Enzo & Rosso est irrecevable,

- la Maf assurances peut opposer au maître de l'ouvrage la clause de saisine préalable de l'ordre des architectes contenue dans le contrat d'architecte, qui n'est pas de nature à exclure tout recours des époux [R] à l'encontre de la Maf assurances,

- l'action des époux [R] à l'encontre de la Sarl Enzo & Rosso a pour point de départ la date de réception des travaux, elle est donc prescrite,

- la Maf assurances n'a pas commis de faute délictuelle puisque :

'' il a été donné suite à la déclaration de sinistre et qu'elle a accepté de missionner un expert sans que cela ne vaille reconnaissance de garantie,

'' elle n'a pas rompu de pourparlers puisque les époux [R] ont décidé d'agir en justice,

'' elle n'a pas gardé le silence après la déclaration de sinistre,

'' les époux [R] sont parfaitement informés du délai de garantie décennale compte tenu de la remise du contrat d'architecte et des attestations d'assurance responsabilité civile décennale qui leur ont été communiqué,

'' le diagnostic géotechnique a été effectué à la demande de l'expert,

- l'éventuel retard dans la gestion de la déclaration du sinistre n'est pas la cause du préjudice que les époux [R] estiment avoir subi,

- c'est leur propre négligence qui est à l'origine de leurs préjudices puisqu'il leur appartenait d'interrompre le délai de prescription dans les dix ans suivant la date de réception,

- la Sarl Enzo & Rosso n'a pas commis de faute puisque :

'' il n'est pas établi qu'elle aurait été tenue d'accorder sa garantie décennale,

'' les maîtres de l'ouvrage auraient pu agir contre les entrepreneurs, et cette tâche n'incombe pas à l'architecte, ils sont donc à l'origine de leurs préjudices,

'' la mission de l'architecte ne s'étend pas à l'assistance des maîtres de l'ouvrage dans la déclaration d'un sinistre,

- si la responsabilité de l'architecte et son assureur venait à être retenue, les époux [R] ne pourraient prétendre qu'à une perte de chance de prise en charge du coût des travaux de reprise,

- le coût des travaux de reprise aurait pu être financé par l'assureur dommage ouvrage si les époux [R] avaient respecté leur obligation légale rappelée dans le contrat d'architecte,

- les époux [R] n'ont pas de motif légitime pour solliciter une mesure d'expertise judiciaire au dès lors que la responsabilité de la Sarl Enzo & Rosso et la Maf assurances ne peut être engagée,

- les époux [R] sont défaillants dans l'administration de la preuve qui leur incombe,

- la communication du rapport de la société Sol Ingénierie ne présente pas d'intérêt si l'expertise judiciaire est ordonnée, et à défaut, ne présente pas d'intérêt,

- la Maf assurances n'assure la Sarl Enzo & Rosso qu'au titre de sa responsabilité contractuelle et décennale, elle doit donc être mise hors de cause si la responsabilité délictuelle de son assuré est retenue,

- la Maf assurances est en droit d'opposer les conditions et limites du contrat d'assurance et notamment le montant de la franchise.

-:-:-:-:-

L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 mars 2022 et l'affaire a été examinée à l'audience du 22 mars 2022.

MOTIVATION

- Sur l'opposabilité de la clause de saisine préalable du conseil de l'ordre des architectes:

1. M. et Mme [R] soutiennent que l'architecte a commis une faute quasi-délictuelle en laissant s'écouler le délai décennal en toute connaissance de cause, en n'informant pas les époux [R] de l'expiration prochaine de la garantie décennale et de la nécessité d'interrompre la prescription par voie d'assignation devant le tribunal, en maintenant les époux [R] dans l'illusion du caractère suffisant de la déclaration de sinistre effectuée auprès de la Maf assurances, alors qu'en sa qualité de professionnel de la construction elle était tenue d'un devoir d'alerte.

La Sarl Enzo & Rosso et la Maf assurances soutiennent que les époux [R] se prévalant d'un manquement au devoir d'information de la Sarl Enzo & Rosso, leur action relève de la responsabilité contractuelle.

1.1 . En vertu du contrat de maîtrise d'oeuvre conclu le 5 juillet 2005 entre les époux [R] et la Sarl Enzo & Rosso, l'architecte s'est engagé à réaliser des études d'esquisse, des études d'avant-projet, les études de projet de conception générale, l'assistance pour la passation du marché de travaux, la direction et la comptabilité des travaux, l'assistance aux opérations de réception; mais le contrat indique que l'assistance du maître de l'ouvrage en cas de litige avec les tiers constitue une mission complémentaire dont la souscription n'est pas établie.

Néanmoins, en sa qualité de maître d'oeuvre tenu d'assister les maîtres de l'ouvrage pour la passation du marché de travaux, la direction et la comptabilité des travaux et les opérations de réception, l'architecte est tenu de les informer des droits et obligations qui découlent de la réalisation des travaux par des tiers et des conséquences de la réception, parmi lesquelles celle de faire courir le délai de la garantie décennale susceptible d'être interrompu par une action en justice.

La Sarl Enzo & Rosso est tenue d'une telle obligation de conseil tant pendant l'exécution du contrat de maîtrise d'oeuvre qu'une fois le contrat exécuté et la réception de l'ouvrage intervenue. Dans les deux cas, l'obligation de conseil du maître d'oeuvre a une nature contractuelle dès lors que même après exécution du contrat, elle ne peut exister qu'en vertu du lien contractuel qui a uni les parties préalablement.

L'action en responsabilité fondée sur un manquement au devoir de conseil de la Sarl Enzo & Rosso a donc une nature contractuelle.

1.2. M. et Mme [R] soutiennent que la Sarl Enzo & Rosso était tenue d'une obligation de diligence dans la gestion des désordres et leur déclaration à la Maf assurances, son assureur. Une telle obligation, découlant du devoir de bonne foi, n'existe qu'en raison du lien contractuel qui liait les parties, de sorte qu'elle a nécessairement une nature contractuelle.

1.3. Le contrat d'architecte signé le 5 juillet 2005 stipule que : 'en cas de litige portant sur l'exécution du présent contrat, les parties conviennent de saisir, pour avis, le conseil régional de l'ordre des architectes dont relève l'architecte, avant toute procédure judiciaire, sauf conservatoire. À défaut de réglement amiable, le litige opposant les parties sera du ressort des juridictions civiles territorialement compétentes'.

M. et Mme [R] ont signé le contrat d'architecte. Ils ont eu connaissance de la clause et l'ont accepté.

Dès lors que les époux [R] n'ont pas saisi le conseil régional de l'ordre des architectes avant la procédure judiciaire, leur demande fondée tant sur le manquement à l'obligation de conseil que sur le manquement à l'obligation de diligence de la Sarl Enzo & Rosso est irrecevable.

Doit donc être infirmé le jugement rendu le 21 janvier 2020 par le tribunal judiciaire d'Albi en ce qu'il a jugé que l'action des époux [R] à l'encontre de la Sarl Enzo & Rosso était recevable.

1.4. M. et Mme [R] demandent à ce que la Maf assurances soit condamnée à relever et garantir la Sarl Enzo & Rosso des condamnations prononcées à son encontre.

Cependant, l'assureur ne peut être condamné à relever et garantir son assuré que dans les limites de la décision de justice qui constate la responsabilité de l'assuré et prononce sa condamnation. Au cas où l'action dirigée contre l'assuré est irrecevable, comme tel est le cas en l'espèce, aucune responsabilité de l'assuré ne peut être retenue par la cour, de sorte que l'action dirigée contre l'assureur par la victime aux fins de relever et garantir la Sarl Enzo & Rosso des condamnations prononcées à son encontre doit être rejetée.

2. M. et Mme [R] soutiennent que la Maf assurances a agi de manière déloyale et fautive à l'égard de son assurée en attendant pour accuser réception de la déclaration de sinistre de l'architecte, ce qui constitue une faute délictuelle à leur égard et qu'elle a commis une faute à leur égard en attendant l'expiration du délai décennal.

Dès lors que M. et Mme [R] et la Maf assurances n'ont conclu aucun contrat, elles sont tiers les uns par rapport aux autres de sorte que la responsabilité de la Maf assurances à leur encontre ne peut être que délictuelle.

La clause du contrat d'architecte qui exige la saisine préalable du conseil de l'ordre des architectes est dont inapplicable.

Doit donc être confirmé le jugement rendu le 21 janvier 2020 par le tribunal judiciaire d'Albi en ce qu'il a jugé que l'action des époux [R] à l'encontre de la Maf assurances était recevable de ce chef.

- Sur la prescription de l'action de M. et Mme [R] à l'encontre de la Maf assurances :

3. La Maf assurances demande à la cour de 'dire et juger' que l'action de M. et Mme [R] fondée sur sa responsabilité contractuelle ou décennale est prescrite au motif qu'elle aurait pour point de départ la date de réception des travaux et une durée de dix ans.

3.1. L'action formée par M. et Mme [R] contre la Maf assurances est une action en responsabilité délictuelle aux fins d'obtenir l'indemnisation d'un préjudice de perte de chance tenant à l'indemnisation des désordres.

L'action relève donc de l'article 2224 du code civil.

3.2. Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

La prescription d'une action en responsabilité ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il s'est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas connaissance.

M. et Mme [R] soutiennent que la Maf assurances a manqué à une obligation de diligence dans la gestion du sinistre. Ils allèguent que cette prétendue faute leur a fait perdre la chance d'obtenir la réparation des désordres en agissant contre les constructeurs dans le délai de la garantie décennale.

Leur action en responsabilité dirigée contre la Maf assurances a donc pour point de départ le 30 juin 2016, date à laquelle expirait la garantie décennale puisque c'est à compter de cette date que le préjudice allégué par les époux [R] est né, faute pour eux de pouvoir agir contre les constructeurs puisqu'ils sont désormais forclos.

M. et Mme [R] ont fait assigner la Maf assurances par exploit d'huisser du 20 juillet 2018. Leur action est donc recevable.

Doit donc être confirmé le jugement rendu le 21 janvier 2020 par le tribunal judiciaire d'Albi en ce qu'il a jugé que l'action des époux [R] à l'encontre de la Maf assurances était recevable.

- Sur la responsabilité de la Maf assurances :

4. M. et Mme [R] prétendent que la Maf assurances a commis plusieurs fautes.

4.1. En premier lieu, ils soutiennent que la Maf assurances a volontairement attendu l'expiration du délai décennal pour répondre à la déclaration de sinistre aux fins d'opposer un refus de garantie à l'assuré ou l'exonérer à l'égard des maîtres de l'ouvrage.

L'assureur est tenu d'une obligation de bonne foi et de diligence afin de prendre en charge les sinistres couverts par la police d'assurance et déclarés conformément aux stipulations contractuelles.

En l'espèce, la Sarl Enzo & Rosso a déclaré le sinistre à la Maf assurances par courriel du 10 février 2016 et sollicité l'intervention d'un expert.

La Maf assurances n'a répondu que le 26 août 2016, soit plus de 6 mois après ladite déclaration.

Il résulte du courrier envoyé par la Sarl Enzo & Rosso le 7 mars 2017 au service de commission des sinistres de la Maf assurances que la gestion de la déclaration de sinistre concernant M. et Mme [R] a été d'une lenteur inhabituelle afin, d'après l'architecte de 'faire traîner' le dossier 'pour faire dépasser la date de prescription'.

Le retard d'exécution de son obligation d'étude des sinistres déclarés aux fins de prise en charge constitue donc une faute contractuelle à l'égard de l'assuré et une faute délictuelle à l'égard de la victime du sinistre compte tenu de l'identité des fautes contractuelle et délictuelle.

Cependant, le retard dans la gestion de la déclaration du sinistre n'est pas la cause de la perte de chance des époux [R] d'obtenir la réparation de leurs préjudices auprès des constructeurs dès lors que même si la Maf assurances avait été diligente, le préjudice aurait quand même été subi par les époux [R] dès lors que d'une part l'instruction du sinistre aurait pris plusieurs mois avec l'ouverture du dossier, la désignation d'un expert amiable, la réalisation de l'expertise, la rédaction du rapport par l'expert, et d'autre part, qu'il appartenait aux époux [R], conscients du délai de la garantie décennale tel que cela ressort de leur courrier remis à l'architecte le 7 février 2016, de faire assigner en justice les intervenants à l'acte de construire tant que le délai décennal n'était pas arrivé à expiration.

De sorte que, la faute de la Maf assurances dans le retard de gestion du sinistre n'est pas susceptible d'engager sa responsabilité délictuelle à l'encontre de M. et Mme [R].

4.2. Les époux [R] reprochent à la Maf assurances d'avoir rompu les pourparlers amiables concernant la prise en charge du sinistre et l'interruption de l'expertise amiable.

Cependant, les pièces produites ne permettent pas de considérer que les parties étaient entrées en négociation sur une éventuelle indemnisation des désordres subis par M. et

Mme [R], l'assureur ayant seulement engagé une expertise amiable qu'il était libre d'arrêter à tout moment dès lors que l'article 7 des conditions générales du contrat d'assurance prévoit seulement pour l'assureur 'la faculté de faire effectuer à ses frais, par un de ses représentants ou un organisme de son choix, une vérification technique des travaux sur lesquels portent les missions du sociétaire'.

En outre, la pièce 23 produite aux débats en vertu de laquelle la Maf assurances envisage de prendre en charge une partie des dommages et intérêts en fonction des conclusions de l'expert ne saurait constituer une invitation à entrer en pourparlers à l'égard de M. et Mme [R], ni générer chez eux une croyance légitime dans l'existence d'un droit compte tenu du fait que ce courrier n'était destiné qu'à l'expert désigné.

Aucune faute de l'assureur ne saurait être retenue sur ce fondement.

4.3. Les appelants reprochent à la Maf assurances de ne pas les avoir informés d'un refus de garantie.

Cependant, la Maf assurances n'est pas liée contractuellement aux époux [R] et n'est, de ce fait, pas tenu de les informer de la suite qu'elle entend donner à un sinistre, cette obligation d'information n'étant due qu'à son assuré. La réponse à un tiers, qui relève de la simple courtoisie ne saurait constituer une obligation juridique.

4.4. Les appelants soutiennent que le comportement de la Maf assurances a fait naître chez eux la croyance légitime que leurs dommages seraient réparés.

Cependant, le fait d'organiser une expertise amiable n'engage nullement l'assureur à prendre en charge les dommages et intérêts qui pourraient être dus au titre des désordres constatés par l'expert amiable.

Aucune faute de la Maf assurances ne peut donc être retenue sur ce fondement.

4.5. M. et Mme [R] reprochent à la Maf assurances de ne pas leur avoir conseillé d'introduire une action en justice avant l'expiration du délai décennal.

Cependant, la Maf assurances qui n'était pas liée contractuellement aux époux [R] n'était tenue d'aucune obligation de conseil à leur égard.

4.6. Les époux [R] soutiennent enfin que la Maf assurances a commis une faute en ne communiquant pas le rapport de diagnotic géotechnique établi par la société Sol ingénierie alors que l'expertise amiable est soumise au principe du contradictoire et que les parties sont tenues d'apporter leur concours aux mesures d'instruction.

Le rapport de la Société sol ingiénierie aurait dû être joint aux conclusions de l'expert amiable dont il n'est pas prouvé qu'il ait été établi.

Le principe du contradictoire n'impose de communiquer que ce qui existe, or le rapport d'expertise amiable n'étant pas établi, aucun document ne devait être communiqué par la Maf assurances, qu'en outre, M. et Mme [R] ne reprochent nullement à la Maf assurances le non-établissement du rapport, de sorte que la Maf assurances ne saurait engager sa responsabilité délictuelle pour défaut de production d'une pièce dont l'existence n'est pas établie.

4.7. À ce titre, il n'y a pas lieu d'ordonner la production par la Maf assurances du diagnostic géotechnique de la société Sol ingénierie.

- Sur la demande subsidiaire de mesure d'expertise :

5. Dès lors que l'action contre la Sarl Enzo & Rosso a été jugée irrecevable et que l'action contre la Maf assurances n'est pas fondée en l'absence de faute ayant généré un préjudice pour M. et Mme [R], il n'y a pas lieu d'ordonner une mesure d'expertise pour évaluer les désordres subis du fait de la construction de leur habitation.

- Sur les dépens et les frais irrépétibles :

6. Le jugement rendu le 21 janvier 2020 par le tribunal judiciaire d'Albi sera confirmé en ce qu'il a condamné M. et Mme [R] in solidum à payer à la société Enzo & Rosso et à la Maf assurances la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux aux entiers dépens.

7. M. et Mme [R], parties perdantes, seront condamnés au paiement des dépens d'appel en faisant droit à la demande présentée par la Selarl Massol & associés en lui accordant le bénéfice du droit de recouvrement direct des dépens.

8. M. et Mme [R], parties perdantes, seront condamnées à verser à la Sarl Enzo & Rosso et la Maf assurances la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 21 janvier 2020 par le tribunal judiciaire d'Albi en ce qu'il a :

- déclaré recevable l'action en responsabilité délictuelle dirigée contre la Maf assurances,

- rejeté la demande formée par M. [P] et Mme [U] [R] contre la Maf assurances en engagement de sa responsabilité,

- condamné M. [P] et Mme [U] [R] in solidum à payer à la société Enzo & Rosso et à la Maf assurances la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux aux entiers dépens.

Infirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare irrecevable l'action formée contre la Sarl Enzo & Rosso.

Rejette la demande d'expertise judiciaire formée par M. [P] et Mme [U] [R].

Rejette la demande formée par M. [P] et Mme [U] [R] contre la Maf assurances en communication du diagnostic géotechnique de la société Sol ingéniérie.

Condamne M. [P] et Mme [U] [R] aux dépens d'appel.

Autorise la Selarl Massol & associés à recouvrer directement contre M. [P] et

Mme [U] [R] ceux des dépens dont elle a eu à faire l'avance sans avoir reçu provision.

Condamne M. [P] et Mme [U] [R] à payer à la Sarl Enzo & Rosso et à la Maf assurances la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

La Directrice des services de greffe,Le Président,

C. GIRAUDM. DEFIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 20/00637
Date de la décision : 13/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-13;20.00637 ?
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