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03/06/2022 | FRANCE | N°20/03212

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 2, 03 juin 2022, 20/03212


03/06/2022



ARRÊT N°2022/247



N° RG 20/03212 - N° Portalis DBVI-V-B7E-N2I3

AB-AR



Décision déférée du 08 Octobre 2020 - Cour d'Appel de TOULOUSE ( F/19/00495)

[J]

















[L] [V]





C/



S.A.R.L. ATELIERS DU LAURAGAIS






















































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CONFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le 03 06 22



à Me Christine VAYSSE-LACOSTE

Me Marion BARRAULT-CLERGUE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU TROIS JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANT



Monsieur [L] [V]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représe...

03/06/2022

ARRÊT N°2022/247

N° RG 20/03212 - N° Portalis DBVI-V-B7E-N2I3

AB-AR

Décision déférée du 08 Octobre 2020 - Cour d'Appel de TOULOUSE ( F/19/00495)

[J]

[L] [V]

C/

S.A.R.L. ATELIERS DU LAURAGAIS

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le 03 06 22

à Me Christine VAYSSE-LACOSTE

Me Marion BARRAULT-CLERGUE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU TROIS JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANT

Monsieur [L] [V]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Christine VAYSSE-LACOSTE de la SCP VAYSSE-LACOSTE-AXISA, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

S.A.R.L. ATELIERS DU LAURAGAIS représentée par son gérant domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Marion BARRAULT-CLERGUE, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant , A. PIERRE-BLANCHARD, conseillere chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

A. PIERRE-BLANCHARD, conseillere

F. CROISILLE-CABROL, conseillere

Greffier, lors des débats : A. RAVEANE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [L] [V] a été embauché à compter du 11 mars 1991 par la société Oeuvres du Temps en qualité d'ébéniste suivant contrat de travail à durée indéterminée.

A compter du 2 janvier 2006, le contrat de travail de M. [V] a été transféré à la SARL Ateliers du Lauragais suite à la reprise de l'activité de la société Oeuvres du Temps.

La convention collective applicable à la relation contractuelle est la convention de branche de l'ameublement (fabrication).

La rémunération mensuelle brute de M. [V] a été fixée à 1 516,70 € pour une durée hebdomadaire de travail de 35 heures.

Le 8 mars 2016, M. [V] a été victime d'un accident de travail, ayant subi une section avec écrasement du bord radial du pouce gauche en utilisant une scie sauteuse.

Il a été placé en arrêt de travail de manière continue à compter de cette date.

Suivant avis du 4 juillet 2018, le médecin du travail a déclaré M. [V] inapte définitif à son poste.

Les 12 juillet et 27 juillet 2018, la société Ateliers du Lauragais a entrepris des recherches de reclassement et a proposé plusieurs postes à M. [V], qui a refusé ces propositions.

Par courrier du 6 août 2018, la société Ateliers du Lauragais a notifié à M. [V] l'impossibilité de formuler toute nouvelle proposition de reclassement.

Le 6 septembre 2018, M. [V] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

M. [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse le 2 avril 2019 afin de voir juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et voir condamner la société Atelier du Lauragais au paiement de diverses sommes.

Par jugement du 8 octobre 2020, le conseil de prud'hommes de Toulouse a :

- débouté M. [V] de l'intégralité de ses demandes et a mis à sa charge les dépens éventuels de l'instance,

- débouté la société Les Ateliers du Lauragais de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [V] a relevé appel de ce jugement le 21 novembre 2020, énonçant dans l'acte d'appel les chefs critiqués du jugement.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 janvier 2021, auxquelles il est expressément fait référence, M. [V] demande à la cour de :

- réformer le jugement du 8 octobre 2020,

- juger le licenciement de M. [V] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

- condamner la SARL Ateliers du Lauragais au paiement de :

* 22 470,94 € en application de l'article L1226-14 du code du travail (double indemnité

de licenciement),

* 4 823,10 € au titre de deux mois d'indemnité de préavis,

* 482,31 € de congés payés sur préavis,

* 63 000 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à titre de dommages et intérêts,

* 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

* 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappeler que les intérêts légaux courent à compter de la date de demande en justice,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- condamner la même aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 25 mars 2022 auxquelles il est expressément fait référence, la SARL Ateliers du Lauragais demande à la cour de :

- débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions formulées à l'encontre de la société Ateliers du Lauragais,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel du 8 octobre 2020, sauf en ce qu'il a débouté la société Ateliers du Lauragais de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

En conséquence,

Statuant à nouveau y ajoutant :

- condamner M. [V] à une somme de 5000 € au bénéfice de la société Ateliers du Lauragais, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de frais irrépétibles exposés en première instance et en appel,

- condamner M. [V] aux entiers dépens de l'instance.

MOTIFS :

Sur le licenciement pour inaptitude et l'obligation de reclassement :

Il résulte des dispositions de l'article L1226-10 du code du travail que lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

En l'espèce, M. [V] soutient que l'employeur a manqué à son obligation de reclassement car les propositions de postes qui lui ont été faites n'étaient pas loyales: elles concernaient des postes pour lesquels il n'avait aucune compétence, ou ne correspondant pas à ses capacités restantes ; de plus, l'employeur n'aurait pas échangé avec le médecin du travail sur les postes proposés, de sorte que les refus ne seraient pas abusifs de sa part.

Cependant, il résulte des éléments soumis à la cour que la société Ateliers du Lauragais a adressé pour avis au médecin du travail le 6 juillet 2018 une première proposition de poste de reclassement, sur un poste polyvalent de type administratif, que le médecin a déclaré conforme avec les aptitudes du salarié, et l'employeur a proposé ce poste à M. [V] le 12 juillet 2018, poste qu'il a refusé.

Après ce premier refus, la société Ateliers du Lauragais a alors soumis au médecin du travail le 25 juillet 2018 une deuxième proposition de poste de reclassement, sur un poste polyvalent de métreur / aide conducteur de travaux/ responsable de l'atelier, que le médecin a déclaré conforme avec les aptitudes du salarié, et a proposé ce poste à M. [V] le 27 juillet 2018, poste qu'il a également refusé.

Ce poste comportait à la fois des aspects techniques, pour lesquels M. [V] a exprimé davantage d'appétence, et des aspects administratifs pour lesquels rien ne permet d'écarter ab initio les aptitudes de M. [V].

Sur les deux postes, qui permettaient à M. [V] de conserver une rémunération inchangée, le médecin s'est entretenu avec l'employeur et le salarié, et a validé les propositions après prise en compte des éléments présentés. Il y a donc bien eu échanges entre le médecin du travail et la société Ateliers du Lauragais.

Les offres de reclassement étaient loyales et sérieuses.

Il est exact que M. [V] a exercé le métier d'ébéniste pendant 19 ans ; cependant rien ne permet de considérer qu'il n'aurait eu aucune aptitude à exercer des fonctions dans un emploi administratif.

Au demeurant il ne peut reprocher à la société Ateliers du Lauragais un manque d'accompagnement ou de formation alors qu'il a refusé son reclassement sur les postes proposés, de sorte qu'il n'a pas mis en mesure l'employeur d'organiser sa prise de poste au besoin en passant par une phase d'adaptation et de formation à laquelle la société Ateliers du Lauragais aurait été tenue en cas d'acceptation.

Il est par ailleurs constaté que l'effectif de la société Ateliers du Lauragais ne compte que sept salariés, et que la société ne disposait d'aucun autre emploi à proposer au titre du reclassement.

Dans ces conditions, la cour considère comme le conseil de prud'hommes que la société Ateliers du Lauragais a respecté son obligation de reclassement.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire de M. [V] au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les indemnités de rupture :

La société Ateliers du Lauragais a privé M. [V] du bénéfice des indemnités de l'article L1226-14 du code du travail (indemnité compensatrice équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis, et indemnité spéciale de licenciement) au motif que le refus des deux postes proposés serait abusif.

Or, le refus n'est abusif que s'il s'agit d'un refus sans motif légitime d'un poste approprié aux nouvelles capacités du salarié et comparable à l'emploi précédemment occupé. L'emploi n'est pas comparable si le reclassement entraîne une modification nécessaire du contrat de travail.

En l'espèce, s'il est exact que les deux postes proposés correspondaient aux nouvelles capacités du salarié, il ne s'agissait pas de postes comparables au poste précédemment occupé, nonobstant le maintien de rémunération ; en effet aucune des tâches essentielles du poste d'ébéniste, emploi manuel, ne figurait parmi les tâches énumérées dans les propositions de reclassement sur des postes administratifs ou mixtes (technique/administratif), et il s'agissait dans les deux cas d'exercer un métier radicalement différent du précédent.

Par conséquent, le refus de M. [V] des deux postes proposés autorisait l'employeur à licencier le salarié mais ne peut être considéré comme abusif et privatif des indemnités de l'article L1226-14 du code du travail.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [V] au titre des indemnités compensatrice et spéciale de licenciement.

Il sera alloué à M. [V] les sommes de 4823,10 € à titre d'indemnité compensatrice équivalente à l'indemnité compensatrice de préavis et 22 470,94 € à titre d'indemnité spéciale de licenciement, dont le quantum n'est pas discuté par la société Ateliers du Lauragais, étant rappelé que M. [V] percevait en dernier lieu un salaire moyen de 2411,55 € bruts par mois.

En revanche, il est rappelé que l'indemnité compensatrice de l'article L1226-14 du code du travail n'est pas de nature salariale contrairement à l'indemnité compensatrice de préavis, de sorte qu'elle ne génère pas droit à congés payés.

La demande en paiement de la somme de 482,31 € au titre des congés payés sera donc rejetée par confirmation du jugement déféré.

Sur la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive :

M. [V] ne fait nullement la démonstration d'une quelconque résistance abusive de la part de l'employeur ; la demande indemnitaire présentée à ce titre sera donc rejetée par confirmation du jugement entrepris.

Sur le surplus des demandes :

Il sera fait droit à la demande de capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

La société Ateliers du Lauragais, succombante partiellement, sera condamnée aux dépens de première instance ainsi qu'aux dépens d'appel, et à payer à M. [V] la somme de 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement étant infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [V] de ses demandes de congés payés sur indemnité compensatrice, et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour résistance abusive,

L'infirme sur le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,

Condamne la société Ateliers du Lauragais à payer à M. [V] les sommes suivantes:

-22 470,94 € au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,

-4 823,10 € au titre de l'indemnité compensatrice de l'article L1226-14 du code du travail,

-4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société Ateliers du Lauragais aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Catherine BRISSET, présidente, et par Arielle RAVEANE, greffière.

LA GREFFIERELA PRESIDENTE

A. RAVEANE C. BRISSET.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 2
Numéro d'arrêt : 20/03212
Date de la décision : 03/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-03;20.03212 ?
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