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30/05/2022 | FRANCE | N°21/01595

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 30 mai 2022, 21/01595


30/05/2022



ARRÊT N°



N° RG 21/01595 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OCXN

MD/NB



Décision déférée du 26 Avril 2013 - Tribunal de Grande Instance de Perpignan - 07/04783

(Mme. [Z])

















S.C.I. DCAG





C/



S.A.S. URBAT PROMOTION





















































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INFIRMATION







Grosse délivrée



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à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TRENTE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANTE



S.C.I. DCAG

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Laure SAINT GERMES-LALLEMAND de la SELARL AVOCATS-SUD, avocat au...

30/05/2022

ARRÊT N°

N° RG 21/01595 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OCXN

MD/NB

Décision déférée du 26 Avril 2013 - Tribunal de Grande Instance de Perpignan - 07/04783

(Mme. [Z])

S.C.I. DCAG

C/

S.A.S. URBAT PROMOTION

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TRENTE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

S.C.I. DCAG

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Laure SAINT GERMES-LALLEMAND de la SELARL AVOCATS-SUD, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

S.A.S. URBAT PROMOTION, venant aux droits de la société SCCV VICTOR DALBIEZ, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Pascal GORRIAS de la SCP BOYER & GORRIAS, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 07 Mars 2022, en audience publique, devant M. DEFIX et Madame LECLERCQ, magistrats chargés de rapporter l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

M. DEFIX, président

J-C. GARRIGUES, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : N. DIABY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par C. GIRAUD, Directrice des services de Greffe.

EXPOSÉ DU LITIGE ET PROCÉDURE

La Sccv Victor Dalbiez, aux droits de laquelle vient désormais la Sas Urbat Promotion, a consenti à la Sci Dcag le 14 octobre 2006 un contrat de réservation des lots n° 8, 241 et 242 correspondant à un local commercial et à une place de stationnement dans un immeuble à construire situé [Adresse 2] (66), dans lequel le gérant de cette dernière souhaitait exploiter un commerce d'antiquité et de brocante.

Le prix de vente a été fixé à la somme de 204 000 euros et un dépôt de garantie d'un montant de 102 000 euros a été effectué par le réservataire.

L'acte a été réitéré en la forme authentique le 6 mars 2007.

La date prévue de livraison était fixée au deuxième trimestre 2007. Toutefois, la livraison du local est intervenue le 9 avril 2008, l'acquéreur ayant été précédemment informé des retards de livraison.

La Sci Dcag a fait établir un procès-verbal de constat d'huissier, le 20 juillet 2007, afin de faire constater la construction d'une aire de stockage de containers à ordures ménagères devant le local commercial qu'elle a acquis.

Par acte d'huissier en date du 24 octobre 2007, la Sci Dcag a fait assigner la Sccv Victor Dalbiez devant le tribunal de grande instance de Perpignan en indemnisation du préjudice résultant du manquement à son obligation de conseil et de renseignement relativement à la présence de ce bâti à containers occultant ses vitrines et du retard de livraison en sollicitant alors la somme de 42 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Parallèlement, la Sci Dcag a porté plainte pour publicité mensongère.

Par jugement correctionnel du 21 janvier 2010 confirmé par un arrêt en date du 23 juin 2011, la Sccv Victor Dalbiez, la Sas Urbat Promotion et M. [N] ont été solidairement pénalement condamnés pour publicité mensongère sur les qualités substantielles du bien en dissimulant un retard de livraison ainsi que la construction d'un local à poubelles occultant une partie de la vitrine et à verser à la Sci Dcag la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par jugement contradictoire du 26 mars 2013, le tribunal de grande instance de Perpignan a :

- déclaré irrecevables les demandes de la Sci Dcag formées contre la Sccv Victor Dalbiez,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamné la Sci Dcag à payer à la Sccv Victor Dalbiez la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Sci Dcag aux dépens de l'instance.

La Sci Dcag a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 3 mai 2013.

Par arrêt contradictoire du 16 juin 2016, rectifié par un arrêt du 26 janvier 2017, la cour d'appel de Montpellier a :

- reçu la Sci Dcag en son appel et l'a déclaré régulier en la forme,

- confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- rejeté la demande de dommages et intérêts de la Sci Dcag,

- condamné la Sci Dcag à payer à la Sccv Victor Dalbiez une somme de 2 000 euros en cause d'appel sur la base des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de toute la procédure.

Par arrêt du 22 mars 2018, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a :

- cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 juin 2016 entre les parties par la cour d'appel de Montpellier et renvoyé les parties devant la cour d'appel de Nîmes, reprochant à la cour d'appel de Montpellier d'avoir retenu, pour déclarer irrecevable la demande de la société Dcag, que le juge pénal avait alloué une somme en dédommagement du préjudice résultant de la diminution de l'intérêt commercial des locaux achetés alors que la nouvelle demande d'indemnisation, qui tendait à la réparation de préjudices résultant du manquement au devoir de conseil et du retard de livraison, avait un objet différent de la demande d'indemnisation du préjudice résultant de la diminution de l'intérêt commercial des locaux achetés, examinée par le juge pénal, violant ainsi l'article 1351, devenu 1355, du code civil.

La Sci Dcag a saisi la cour d'appel de Nîmes par déclaration du 15 mai 2018 qui, par arrêt contradictoire du 25 juillet 2019, a :

- confirmé le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable au visa de l'article 1351 devenu 1355 du code civil la demande de réparation des préjudices résultant du fait dont la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Montpellier a eu à connaître en prononçant sur l'action civile de la Sci Dcag dans son arrêt du 23 juin 2011,

- l'a infirmé pour le surplus,

- dit qu'un retard de livraison de 100 jours est imputable à la Sccv Victor Dalbiez et que le fait est distinct de celui dont la juridiction pénale a eu à connaître,

- déclaré recevable la demande en réparation de la Sci Dcag de ce seul chef,

- condamné la Sas Urbat Promotion venant aux droits de la Sccv Victor Dalbiez à payer à la Sci Dcag la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts,

- condamné la Sas Urbat Promotion à payer à la Sci Dcag la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Sas Urbat Promotion aux dépens de première instance, d'appel et de renvoi après cassation, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour déclarer irrecevable la demande de la société Dcag, la cour d'appel de Nîmes a considéré qu'il importait peu que l'arrêt de la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Montpellier évoque la nature du préjudice réparé en précisant qu'il résultait de la diminution de l'intérêt commercial des locaux achetés, alors que les principes une via electa et de concentration imposent à la victime ayant porté son action civile devant la juridiction pénale de présenter l'ensemble des demandes en réparation des préjudices, sans pouvoir ultérieurement porter de nouvelles demandes devant la juridiction civile à raison des mêmes faits, sauf survenue d'une aggravation de son préjudice ou d'un fait nouveau.

Par arrêt du 4 mars 2021, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a :

- cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement déféré ayant déclaré irrecevable, au visa de l'article 1351, devenu 1355, du code civil, la demande de réparation des préjudices résultant du fait, dont la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Montpellier a eu à connaître en prononçant sur l'action civile de la Sci Dcag dans son arrêt du 23 juin 2011, l'arrêt rendu le 25 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes,

- remis, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Toulouse,

- condamné la société Urbat promotion aux dépens,

- en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par la société Urbat promotion et l'a condamnée à payer à la société Dcag la somme de 3 000 euros.

La Cour de cassation a jugé qu'en statuant sur la question de la recevabilité opposée à l'appelant, la cour d'appel de Nîmes a violé l'article 1351, devenu 1355, du code civil dès lors que la nouvelle demande d'indemnisation, qui tendent à la réparation des préjudices résultant du manquement au devoir de conseil et d'information, avait un objet différent de la demande d'indemnisation du préjudice résultant de la diminution de l'intérêt commercial des locaux achetés, préalablement examinée par le juge pénal.

-:-:-:-:-

Par déclaration en date du 7 avril 2021, la Sci Dcag a saisi la cour d'appel de Toulouse.

Conformément à l'arrêt de la Cour de cassation en date du 4 mars 2021, la Sci Dcag entend voir réformer le jugement du tribunal de grande instance de Perpignan en date du 26 mars 2013, en ce qu'il a déclaré irrecevable, au visa de l'article 1351, devenu 1355 du code civil, la demande de réparation des préjudices résultant du fait, dont la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Montpellier a eu à connaître en prononçant sur l'action civile de la Sci Dcag dans son arrêt du 13 juin 2011.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 29 avril 2021, la Sci Dcag, appelante, demande à la cour, au visa des articles L. 271 alinéa 4 et R. 361-13 du code de la construction et de l'habitation et 1602, 1134 alinéa 3 ancien, 1147 et 1148 ancien du code civil, de :

- réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 26 mars 2013 par le tribunal de grande instance de Perpignan,

- dire que l'action entreprise ne saurait se heurter à l'autorité de la chose jugée de la décision rendue par le tribunal de grande instance de Perpignan, et confirmée par arrêt de la cour d'appel de Montpellier,

- dire que l'intimée a manqué à son obligation spécifique de renseignement en ne précisant pas qu'un local poubelle masquerait l'intégralité des vitrines du local commercial cédé,

- en conséquence, condamner l'intimée au paiement de la somme de 205 036 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice lié au manquement à l'obligation de renseignement et en l'état des saisies immobilières acquises sur le bien cédé à l'initiative de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon ainsi que sur l'immeuble propriété du gérant,

- condamner l'intimée au paiement de la somme de 7 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Dcag a rappelé que s'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci, il n'est pas tenu de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits. Elle a soutenu que les dommages et intérêts concédés par le juge pénal dans le cadre de la responsabilité délictuelle sont sans lien avec le préjudice né de l'engagement de la responsabilité contractuelle, relative notamment au défaut de délivrance conforme, au manquement au devoir de conseil et au retard dans les délais de livraison, nés du contrat de vente en l'état futur d'achèvement, la Cour de cassation ayant jugé que l'objet des demandes formées par la concluante devant la juridiction civile diffère de la demande d'indemnisation du préjudice examiné par le juge pénal justifiant la réformation de la décision des premiers juges

ayant retenu l'irrecevabilité de l'action en raison de l'autorité de la chose jugée de la décision pénale.

Sur l'obligation de renseignements, la société Dcag soutient qu'aucun des éléments annexés à l'acte de vente ne comporte de renseignements relatifs au local poubelle, qu'elle définit comme un 'équipement extérieur' se rapportant à l'immeuble, masquant en l'espèce comme l'ont relevé les services de DRCCRF, des vitrines du local à la vue du public, alors que ce dernier était destiné à l'exploitation d'un magasin d'antiquité et de brocante, s'avérait un élément déterminant dans le choix de l'acquéreur. Elle a ajouté que le caractère «'de facto'» inexploitable du local, a exposé la société Dcag à ne pas être en mesure de percevoir un loyer d'un local inexploitable et à devoir assumer le crédit correspondant à l'acquisition de l'immeuble litigieux la conduisant à voir saisir son bien par le prêteur de deniers et vendre l'immeuble à un prix inférieur à la dette exposant à son tour le gérant caution à devoir assumer

son patrimoine le solde non remboursé du prêt.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 28 juin 2021, la Sas Urbat Promotion, venant aux droits de la Sccv Victor Dalbiez, intimée, demande à la cour, au visa des articles 9, 122, 564 du Code de procédure civile, 1351 du Code civil nouvellement 1355, 1134 et 1147 (anciens) du Code civil, ainsi que de l'article L322-21 du code de commerce, de :

A titre principal,

- juger que l'aire de stockage des poubelles ne cache en aucune façon l'intégralité de la vitrine du local commercial, mais uniquement une partie sur l'axe secondaire non commerçant,

- juger que la Sci Dcag ne justifie pas de l'impossibilité d'exploiter le local commercial litigieux par son gérant ou des démarches entreprises pour louer le local à un tiers,

- juger qu'elle n'a pas manqué à son obligation de renseignement,

- juger que la Sci Dcag ne justifie nullement du lien de causalité entre le préjudice allégué et la faute reprochée à son encontre,

En conséquence,

- débouter la Sci Dcag de l'intégralité de ses demandes à son encontre,

A titre subsidiaire,

- juger que le préjudice réclamé par la Sci Dcag ne peut lui être imputé dans sa totalité,

En conséquence,

- juger que le préjudice susceptible de lui être imputable ne saurait excéder 20 000 euros,

En tout état de cause,

- condamner la Sci Dcag au paiement de la somme de 5 000 euros à son profit sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Déclarant prendre acte de la décision de la Cour de cassation, la société Urbat Promotion oppose principalement l'absence de justification de l'existence d'un lien de causalité entre la faute qui lui est reprochée et le préjudice allégué au titre de l'aire de présentation des poubelles qui n'est pas, selon elle, un local à poubelles dès lors que les containeurs n'ont pas vocation à y demeurer.

Elle a insisté sur le fait que cette aire répond au normes réglementaires et que la taille des containers dont la copropriété doit faire respecter l'utilisation ne dissimule nullement l'intégralité des vitrines du local à la vue du public. Elle a ajouté que les plans déposés chez le notaire, indiquent précisément l'emplacement de l'aire de présentation des containers au niveau du local commercial et que l'acquéreur pouvait consulter le permis de construire visé à l'acte de vente. Elle a également souligné que le manque de visibilité d'une vitrine donnant sur une rue secondaire, qui plus est en sens unique ne peut être de nature à compromettre la commercialité dudit local.

Subsidiairement sur la réparation du dommage, elle a opposé le fait qu'il s'est écoulé plus de quatre ans entre la livraison du local et sa vente forcée sans que la Sci Dcag ne puisse

justifier des démarches entreprises afin d'éviter cette vente judiciaire définitivement et encore moins des tentatives de la société Dcag de louer le local litigieux.

-:-:-:-:-

L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 février 2022 et l'affaire a été examinée à l'audience du 7 mars 2022.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

1. Il sera d'abord rappelé que la demande d'indemnisation du retard de livraison de

100 jours a définitivement été jugée recevable et jugée au fond par la cour d'appel de Nîmes dont l'arrêt n'a pas été cassé sur ce point.

2. Ensuite, il a été jugé, par la cassation prononcée, que la demande de réparation du dommage créé par le procédé commercial trompeur ayant conduit à la condamnation pénale du vendeur de ce chef a été accueillie par la juridiction correctionnelle au titre du préjudice résultant de la diminution de l'intérêt commercial des locaux achetés et que cette condamnation définitive sur l'action civile de l'acquéreur a un objet différent de la nouvelle demande d'indemnisation tenant à la réparation des préjudices résultant du manquement au devoir de conseil et d'information de telle sorte que la recevabilité de l'action introduite de ce chef le 24 octobre 2007 par la Sci Dcag à l'encontre de la Sccv Victor Dalbiez n'est plus contestée.

Le jugement du tribunal de grande instance de Perpignan rendu le 26 mars 2013 doit être infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable cette demande en sa partie qui n'avait pas été infirmée par la cour d'appel de Nîmes. Il convient en conséquence de recevoir l'action engagée par la Sci Dcag aux fins de voir réparer les dommages allégués au titre du manquement du vendeur à son obligation de conseil et d'information.

3. Par le présent arrêt, il convient désormais de statuer sur le bien fondé de cette demande dont il convient de rappeler qu'elle porte sur la réparation du préjudice lié au manquement de la société Sccv Victor Dalbiez aux droits de laquelle vient actuellement la Sas Urbat Promotion, à son obligation spécifique de renseignement pour n'avoir pas précisé qu'un local poubelle masquerait l'intégralité des vitrines du local commercial cédé, le dit préjudice chiffré par la société demanderesse à la somme de 205 036 euros étant présenté comme caractérisé les conséquences dommageables 'des saisies immobilières acquises sur le bien cédé à l'initiative de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance du Languedoc Roussillon ainsi que sur l'immeuble propriété du gérant'.

3.1 Il est constant que le contrat de vente des lots à la société Dcag pour l'exercice d'une activité commerciale contenait un cahier des charges de construction de la résidence 'Le Carré Royal' précisant en sa page 26 que la consistance des lots vendus ainsi que les équipements extérieurs communs et réseaux divers résultent de plans déposés au rang des minutes du notaire et que, par acte d'huissier dressé le 9 avril 2008 à la requête de l'acquéreur, il a été constaté la présence d'un 'local poubelle maçonné situé à l'extérieur de son local mais donnant au droit de ses deux vitrines. Ce bâti maçonné abrite à l'heure actuelle des containers à poubelles remplis de différents déchets et cartons. Ces constructions occultent grandement les deux vitrines donnant rue Rodin'.

Le procès-verbal dressé le15 juillet 2008 par la direction régionale alors dénommée de la concurrence, de la consommation et de la répréssion des fraudes avait relevé que le contrat de réservation pour les deux locaux situés en rez-de-chaussée avec vitrine indiquait bien que le gérant de la société réservataire exerçait la profession d'antiquaire, étant souligné qu'il résultait des déclarations recueillies au cours de l'enquête que le choix de l'emplacement correspondait à une exigence professionnelle de sorte qu'au delà du caractère trompeur de la publicité ayant déterminé l'acquéreur à contracter, il apparaît que cet élément d'équipement extérieur pouvait avoir un effet contraire à celui recherché rendant le devoir d'information de la Sci Dcag particulièrement aigü ne pouvant se limiter à un système de renvoi général à des pièces détenues par le notaire ou l'admnistration.

Spécialement, il résulte des pièces versées au dossier, notamment des photographies et constats d'huissier, que l'aire d'emplacement des containers litigieux est délimitée par un mur, par définition pérenne et dont la hauteur conduit à occulter en partie les vitrines donnant sur la rue, peu important que cette voie soit en sens unique.

Au regard de ces constatations, il convient de relever l'existence d'un manquement dans les obligations du vendeur.

3.2 Le préjudice lié à la diminution de l'intérêt commercial des locaux achetés a déjà été réparé par la juridiction pénale. Celui aujourd'hui allégué par la Sci Dcag réside dans les pertes financières auxquelles elle a dû faire face ainsi que son gérant à la suite de l'absence d'activité dans les locaux achetés et donc de revenus ayant conduit à la saisie des lots dont la revente s'avère insuffisante à solder la dette d'emprunt ayant servi à leur acquisition.

La diminution de l'intérêt commercial de ces locaux n'entraîne pas automatiquement l'impossibilité de les louer ou de les revendre et le dommage réparable dans le cadre de la présente instance doit être établi en lien de causalité certain avec la faute retenue.

Certes, les locaux acquis n'ont jamais été exploités par la Sci Dcag ni loués à son gérant, antiquaire, ou à un quelconque tiers mais cette situation doit être le résultat de tentatives infructueuses de mettre lesdits locaux en vente ou en location.

Le dossier est vide de tout élément à cet égard alors que le demandeur doit rapporter la preuve d'un lien de causalité entre la faute et le préjudice allégué, personnellement subi par la société Dcag.

3.2.1 D'une part, le bien a été vendu aux enchères le 23 novembre 2012 pour un montant de 101 000 euros soit quatre après son acquisition à la barre du tribunal de grande instance de Perpignan suite à une saisie immobilière pratiquée par la banque ayant prêté les fonds pour l'acquisition litigieuse, démontrant que sa revente n'était pas en soi impossible. Il n'est pas démontré non plus que la location de ce bien était elle-même impossible et qu'elle n'aurait pas permis l'acquittement des charges de remboursement d'emprunt et de copropriété.

Les attestations d'un agent immobilier, d'une voisine et celle d'un commerçant disant avoir été intéressé par ce local, produites devant la cour de renvoi, sont particulièrement évasives ne précisant pas la date du mandat de mise en location, et n'insistent en réalité que sur les nuisances générées par l'emplacement dédié au relèvement des containers poubelles.

Il n'est produit aucun mandat de vendre ou de louer indiquant les dates et les conditions des opérations de vente ou de location proposées.

Il n'est pas discuté que la société Dcag n'a pas donné suite à la proposition du vendeur de lui racheter le bien. Le rachat au prix d'acquisition ne pouvait être qualifié de vil prix par la société Sci Dcag. Certes, il ne couvrait pas l'étendue de son préjudice financier lié aux frais bancaires et annexes mais cette société n'établit pas être vainement entrée en négociation avec le vendeur sur ce point.

L'état de la créance du banquier au moment de la saisie, d'un montant effectivement supérieur à la valeur d'acquisition des locaux était gonflé des intérêts de retard et indemnités de résiliation à la suite du temps passé sans que la société débitrice ait déclaré un état de cessation de paiement, ne justifiant par aucune pièce comptable la situation financière de la société Dcag à la date de la résiliation du contrat de prêt ni, au regard des constatations qui précèdent sur la carence probatoire de la demanderesse, de l'imputabilité exclusive de la partie non encore réparée du dommage à la faute de la société venderesse.

Cette dernière ne reconnaissant subsidiairement que l'existence d'une imputabilité partielle de nature à entraîner une réparation à la hauteur de 20 000 euros, il convient en l'absence de tout élément probant de nature à justifier une indemnité supérieure de condamner

la société la Sas Urbat Promotion à payer ladite somme à la Sci Dcag à titre de dommages et intérêts.

3.2.2 D'autre part, la réparation du préjudice lié à la procédure de saisie immobilière pratiquée sur la patrimoine personnel de M. [D] ne peut être recherchée que par l'intéressé lui-même, personne physique, qui n'est pas partie à la présente instance et que la société Dacg n'a pas qualité pour le représenter.

4. La Sas Urbat Promotion, partie principalement perdante, sera condamnée aux dépens de la présente procédure d'appel sur renvoi de cassation partielle.

5. La société Dcag est en droit de réclamer l'indemnisation des frais non compris dans les dépens qu'elle a pu exposer à l'occasion de cette procédure de renvoi. La Sas Urbat Promotion de lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Tenue aux dépens, la Sas Urbat Promotion doit être déboutée de sa demande présentée au même titre.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, contradictoírement et en dernier ressort, dans les limites de la saisine sur renvoi,

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Perpignan rendu le 26 mars 2013 en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande d'indemnisation tenant à la réparation des préjudices résultant du manquement au devoir de conseil et d'information, en sa partie qui n'a pas été infirmée par l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes rendu le 25 juillet 2019.

Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,

Déclare recevable l'action engagée par la Sci Dcag en réparation du préjudice allégué au titre du manquement au devoir de conseil et d'information par la société Sccv Victor Dalbiez aux droits de laquelle vient la Sas Urbat construction.

Condamne la Sas Urbat construction à payer à la Sci Dcag la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice subi en lien de causalité avec ce manquement .

Déboute la Sci Dcag du surplus de sa demande à ce titre.

Condamne la Sas Urbat construction aux dépens de la procédure d'appel sur renvoi.

Condamne la Sas Urbat construction à payer à la Sci Dcag la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 al. 1er, 1° du code de procédure civile.

Déboute la Sas Urbat construction de sa propre demande à ce même titre.

La Directrice des services de greffe,Le Président,

C. GIRAUDM. DEFIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 21/01595
Date de la décision : 30/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-30;21.01595 ?
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