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30/05/2022 | FRANCE | N°20/00062

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 30 mai 2022, 20/00062


30/05/2022



ARRÊT N°



N° RG 20/00062

N° Portalis DBVI-V-B7E-NMPM

JCG / RC



Décision déférée du 28 Novembre 2019

Tribunal de Grande Instance de CASTRES 19/00108

Mme [N]

















SCI LES MASSALS





C/



[J] [T]

[B] [Y]

















































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CONFIRMATION PARTIELLE





Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TRENTE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANTE



SCI LES MASSALS

Agissant aux poursuites et diligences de son gérant, Monsieur [E] [U] domicilié à [Adresse 8]

[Adr...

30/05/2022

ARRÊT N°

N° RG 20/00062

N° Portalis DBVI-V-B7E-NMPM

JCG / RC

Décision déférée du 28 Novembre 2019

Tribunal de Grande Instance de CASTRES 19/00108

Mme [N]

SCI LES MASSALS

C/

[J] [T]

[B] [Y]

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU TRENTE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

SCI LES MASSALS

Agissant aux poursuites et diligences de son gérant, Monsieur [E] [U] domicilié à [Adresse 8]

[Adresse 7]

[Localité 6]

Représentée par Me Emmanuelle DESSART de la SCP DESSART-DEVIERS, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Monsieur [J] [T]

'les massals'

[Localité 6]

Représenté par Me Marie-julie CANTIN, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame [B] [Y]

'les massals'

[Localité 6]

Représentée par Me Marie-julie CANTIN, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 14 Décembre 2021 en audience publique, devant la Cour composée de :

J.C. GARRIGUES, président

A.M. ROBERT, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : L. SAINT LOUIS AUGUSTIN

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par J.C. GARRIGUES, président, et par C. GIRAUD, directrice des services de greffe.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 28 février 2014, M. [T] et Mme [Y] ont acquis de la Sci Les Massals une maison d'habitation, un jardin et des dépendances situés sur des parcelles cadastrées section B n°[Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 5] et le quart indivis en pleine propriété d'une surface de 329 m² à prendre sur une parcelle cadastrée section B n°[Cadastre 4] moyennant le prix de 330 000 €.

Rapidement après la vente les acquéreurs ont subi différentes nuisances (mauvaises odeurs, eau stagnante, présence de moustiques) qu'ils ont signalées à la communauté des communes de Rabastinois, établissement responsable (CORA) du réseau d'assainissement.

La CORA a établi un diagnostic le 22 janvier 2015 de non conformité du système d'assainissement de l'immeuble vendu.

L'assureur protection juridique de M.[T] et Mme [Y] a diligenté une expertise amiable.

Sur la base du rapport de l'expert amiable, M.[T] et Mme [Y] ont, par courrier recommandé avec accusé de réception du 15 juin 2016, mis en demeure la Sci Les Massals de prendre en charge la remise aux normes du système d'assainissement selon un devis estimatif de 8000 €.

A défaut d'accord, M.[T] et Mme [Y] ont fait assigner la Sci Les Massals devant le président du tribunal de grande instance de Castres statuant en référé aux fins de voir ordonner une expertise de la filière d'assainissement de la maison d'habitation vendue.

Par ordonnance du 29 décembre 2016, le juge des référés a fait droit à leur demande d'expertise et a désigné M. [C] pour y procéder.

Le rapport d'expertise a été déposé le 31 août 2018.

Par exploit d'huissier délivré le 16 janvier 2019, M. [T] et Mme [Y] ont fait assigner la Sci Les Massals devant le tribunal de grande instance de Castres aux fins d'obtenir la restitution d'une partie du prix de vente et l'indemnisation de leur préjudice.

Par jugement contradictoire en date du 28 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Castres a :

- dit que la Sci Les Massals, représentée par son gérant M. [U], est tenue de la garantie des vices cachés ;

- condamné la Sci Les Massals à payer à M.[T] et Mme [Y] la somme de 8500 € en restitution d'une partie du prix de vente, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

- rejeté la demande de dommages et intérêts formulée par M.[T] et Mme [Y] ;

- rejeté la demande reconventionnelle de dommages et intérêts formulée par la Sci Les Massals ;

- condamné la Sci Les Massals, représentée par son gérant M. [U], à payer à M. [T] et Mme [Y] une indemnité de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté la demande de la Sci Les Massals, représentée par son gérant M. [U], formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la Sci Les Massals, représentée par son gérant M. [U], aux entiers dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise judiciaire :

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Pour statuer ainsi, le tribunal a constaté, au vu des éléments du dossier et du rapport d'expertise, que diverses anomalies affectaient le système d'assainissement de l'immeuble objet de la vente; que le bac à graisse de 220 litres apparaissait sous-dimensionné au regard de la réglementation en vigueur lors de son installation (2006-2007), les DTU préconisant une capacité de 500 litres; que le drain d'épandage, dont le positionnement en limite de propriété était inadapté à la configuration du terrain, s'avérait colmaté par les racines d'une haie vive et d'arbres fruitiers, ce qui causait des résurgences nauséabondes propices aux moustiques, mouches et autres insectes ; qu'enfin, la surface d'épandage se révélait trop faible et non conforme au DTU d'août 1998, ce qui entraînait une saturation rapide de la filière d'assainissement pour une famille de plus de deux personnes.

Il a considéré que ces anomalies compromettaient l'usage de la chose vendue et rendaient la maison impropre à sa destination, et, par ailleurs, que ces vices étaient cachés pour les acquéreurs. Il a également constaté que les vices affectant l'immeuble litigieux existaient au moment de la vente. Il a en conséquence conclu que l'ensemble des conditions relatives à la mise en oeuvre de la garantie des vices cachés étaient réunies.

S'agissant de la clause de non-garantie des vices cachés stipulée dans l'acte de vente, le tribunal a estimé que les acquéreurs ne rapportaient pas la preuve que la Sci Les Massals s'était comportée comme un professionnel de la vente immobilière mais, après avoir rappelé que le vendeur profane qui fait la preuve de compétences particulières en concevant et installant lui-même l'objet affecté du vice, est assimilé à un professionnel, il a constaté que M.[U], gérant de la Sci, ayant réalisé lui-même les travaux d'installation du système d'assainissement de l'immeuble litigieux, la Sci Les Massals devait être assimilée à un professionnel présumé connaître les vices de construction affectant le bien et n'était en conséquence pas fondée à se prévaloir de la clause.

Il chiffré le coût des travaux de remédiation à la somme de 8500 € , estimant que les devis produits par les acquéreurs correspondaient à des prestations de remplacement de la filière.

La demande de dommages et intérêts pour troubles de jouissance a été rejetée aux motifs que les désagréments découlant des vices affectant l'immeuble vendu existaient en extérieur et étaient de faible intensité et que M.[T] et Mme [Y] n'avaient pas été contraints de quitter les lieux.

Enfin, la demande reconventionnelle en dommages et intérêts formée par la Sci Les Massals a été rejetée, faute de caractérisation d'un préjudice réel et certain et d'un abus de procédure de M.[T] et Mme [Y].

Par déclaration en date du 7 janvier 2020, la Sci Les Massals, représentée par son gérant Monsieur [U], a relevé appel de ce jugement en ce qu'il a :

- dit que la Sci Les Massals est tenue de la garantie des vices cachés,

- condamné la Sci Les Massals à payer à M.[T] et Mme [Y] la somme de 8 500 € en restitution d'une partie du prix de vente, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- rejeté la demande reconventionnelle de dommages et intérêts formulée par la Sci Les Massals,

- condamné la Sci Les Massals à payer à M. [T] et Mme [Y] une indemnité de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la la Sci Les Massals aux entiers dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

DEMANDES DES PARTIES

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 20 juillet 2020, la Sci Les Massals, représentée par son gérant M. [U], appelante, demande à la cour de :

- réformer le jugement dont appel ;

- débouter M. [T] et Mme [Y] de l'ensemble de leurs demandes principales et incidentes ;

- les condamner à lui verser la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi du fait de la présente procédure ;

- les condamner à lui verser la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

La Sci Les Massals expose qu'elle a été créée au moment de l'acquisition du bien immobilier litigieux par M.[U] qui l'a habité jusqu'à ce qu'il tombe malade et qu'il ne s'agissait pas d'un achat à titre professionnel.

Elle expose qu'elle a fait installer au mois de juillet 2006 un dispositif d'assainissement conforme aux dispositions en vigueur à l'époque, fourni le jour de la vente un certificat provenant de la SAUR datant de 2011 établissant la conformité du système et qu'elle a également remis aux acquéreurs un croquis précisant où se trouvaient la fosse septique, le bac de dégraissage et le champ d'épandage.

Elle fait observer que l'expert indique que l'installation est sous-dimensionnée par rapport au nombre de personnes habitant aujourd'hui l'immeuble, que cette installation n'est pas entretenue et que les normes en vigueur à l'époque où les travaux ont été réalisés ne préconisaient pas de superficie minimum pour la dimension du champ d'épandage, et que l'on ne peut donc pas reprocher à M.[U] de ne pas avoir respecté des normes qui n'existaient pas à l'époque où l'installation a été réalisée.

Elle soutient que rien ne permet d'accréditer la thèse selon laquelle le vice dont les acquéreurs se plaignent serait antérieur à le vente et qu'il appartenait aux acquéreurs de se renseigner sur la conformité de l'installation à la destination qu'ils entendaient donner à l'immeuble.

Elle estime que la réalisation des travaux de remédiation préconisés par l'expert doit incomber à M.[T] et Mme [Y] qui ont fait de gros travaux d'aménagement dans l'immeuble et multiplié la quantité des eaux usées à traiter en aménageant la totalité des combles.

Elle fait observer que M.[T] et Mme [Y] ont la possibilité d'agir à l'encontre de la SAUR, que l'expert a également relevé la responsabilité du Maire de [Localité 6], et que le SPANC, qui a réalisé un rapport à la demande de M.[T], a également failli dans sa mission de conseil.

Elle conteste être un professionnel de l'immobilier et estime qu'elle ne peut être considérée comme un professionnel parce que son gérant a réalisé lui-même les travaux, alors que ces derniers ont été contrôlés et validés par le SAUR, organisme spécialisé. Elle en conclut que la clause d'exclusion de garantie doit trouver application.

A titre subsidiaire, la Sci Les Massals estime qu'il conviendra de ramener à de plus justes proportions le montant des sommes allouées à M.[T] et Mme [Y].

Dans leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 20 avril 2020, M. [T] et Mme [Y], intimés et appelants incidents, demandent à la cour de :

- statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel,

Au fond, le dire mal fondé ;

- débouter la Sci Les Massals de l'ensemble de ses demandes ;

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

« - dit que la Sci Les Massals, représentée par son gérant M. [U], est tenue de la garantie des vices cachés ;

- rejeté la demande reconventionnelle de dommages et intérêts formulée par la Sci Les Massals,

- condamné la Sci Les Massals, représentée par son gérant M. [U], à payer à M. [T] et Mme [Y] une indemnité de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Sci Les Massals, représentée par son gérant M. [U], aux entiers dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise judiciaire» ;

- réformer le jugement entrepris en ses autres dispositions et statuant à nouveau :

- condamner la Sci Les Massals à leur payer la somme de 10.972 € en restitution du prix de vente ;

- condamner la Sci Les Massals à leur payer la somme de 200 € par mois au titre du préjudice de jouissance, jusqu'à exécution de l'arrêt à intervenir, soit la somme de 11 600 € arrêtée au 31 décembre 2018, à parfaire ;

Y ajoutant ;

- condamner la Sci Les Massals à leur payer la somme de 2 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- s'entendre condamner aux entiers dépens d'appel.

M.[T] et Mme [Y] sollicitent la confirmation du jugement entrepris en ce qui concerne l'existence des vices, le caractère rédhibitoire de ces vices, leur caractère caché et leur antériorité par rapport à la vente. Ils font observer que si l'expert a conclu que le système d'assainissement pouvait convenir pour deux personnes, l'immeuble a été vendu comme contenant cinq chambres, de sorte que l'assainissement devait être adapté à plus de deux personnes.

Ils concluent à l'inopposabilité de la clause de non-garantie des vices cachés stipulée dans l'acte de vente, tant parce que le vendeur est une société civile immobilière dont l'objet social est l'administration et la gestion de biens immobiliers , que parce que M.[U] a procédé lui-même aux travaux d'installation du système d'assainissement et qu'il a déclaré lors de la visite de la SAUR que le système avait été installé pour l'usage de deux personnes et trois chambres alors qu'il a vendu l'immeuble trois ans plus tard comme contenant cinq chambres.

Sur la demande de restitution d'une partie du prix, ils sollicitent une somme de 10.972 € aux motifs que la reprise de l'intégralité du système est nécessaire.

Sur le préjudice de jouissance, ils font valoir qu'ils subissent divers désagréments générés par la non-conformité du système et que ce n'est pas parce qu'ils n'ont pas été contraints de déménager que ce préjudice n'est pas indemnisable.

MOTIFS

Les données du rapport d'expertise

A l'issue de ses investigations et notamment de trois réunions d'expertise, l'expert [C] fournit dans son rapport les éléments d'appréciation suivants :

Il a été clairement démontré que les désordres proviennent et concernent bien le système d'assainissement et plus particulièrement à hauteur de son épandage.

L'origine des désordres est due à l'épandage (filière destinée à traiter et à évacuer dans le sol en place les eaux usées domestiques prétraitées) techniquement bien réalisé, mais qui souffre d'une surface d'épandage trop faible et non conforme au DTU d'août 1998.

Outre sa surface d'épandage pouvant convenir à une famille de deux personnes, mais très vite à saturation pour une famille plus nombreuse, sa situation en limite de propriété n'est pas acceptable, qui plus est en bordure d'une haie vive et arbres fruitiers qui par leurs racines colmatent l'ensemble des drains, le tout souffrant d'un entretien très aléatoire, voire inexistant (recul de 3.00 ml par rapport aux limites de séparation).

Ces désordres génèrent d'importantes difficultés à traiter et évacuer pour un épandage sous-dimensionné, et sans entretien, au regard d'une famille de plus de deux personnes. Dans le sol en place, les eaux usées domestiques prétraitées ne créent à mon sens aucun vice grave susceptible de compromettre la solidité de l'ouvrage ou de le rendre impropre à sa destination ponctuellement. Toutefois, les travaux de remédiation sont nécessaires.

Ce dispositif d'ANC se décompose en trois éléments :

- une fosse de 3000 litres conforme

- un bac à graisse acceptable suivant note du SPANC, mais non conforme au regard du DTU

- un épandage de par sa situation en limite de propriété d'un tiers, d'une haie végétalisée d'arbres fruitiers, sa surface d'épandage, non conforme.

Des travaux sont nécessaires pour remédier aux désordres ; seuls des devis remis par l'une des parties m'ont été remis. Ces devis n'entrent pas dans le cadre des travaux de remédiation de l'ANC existante mais plus, me semble-t-il, à la mise en conformité d'un assainissement au regard de l'extension de l'habitation par l'aménagement total des combles.

Lesdits travaux de mise en conformité de l'épandage et son bac à graisse peuvent parfaitement se réaliser sur le site sur une durée de cinq jours ouvrables en période estivale pour un coût oscillant autour de 8500 € TTC.

Les consorts [T]-[Y] ne peuvent se prévaloir de préjudices subis, hormis de quelques mauvaises odeurs suivant la météorologie, de la venue de mouches, moustiques et autres insectes, et d'un impact visuel écorné, l'ensemble de ces désagréments ponctuels existant en extérieur de l'habitation et à plusieurs mètres de cette dernière. Un entretien plus soutenu permettrait de différer ces préjudices ponctuels

Sur la demande de restitution d'une partie du prix de vente

Selon les dispositions des articles 1641 et 1643 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. Il est tenu des vices cachés quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.

Par ailleurs, selon les dispositions de l'article 1642 du même code, le vendeur n'est pas tenu des vices apparents ou dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.

En l'espèce, l'acte notarié de vente du 28 février 2014 dispose que l'acquéreur prendra le bien vendu dans l'état où ils se trouvera le jour de l'entrée en jouissance sans aucune garantie de la part du vendeur pour raison, soit de l'état des constructions, de leurs vices même cachés, sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires contraires.

Cette clause, parfaitement valable entre particuliers, doit recevoir application sauf si l'acquéreur établit que le vendeur avait connaissance au jour de la vente des vices cachés pour lesquels ils sollicite la garantie légale.

Pour caractériser un vice caché affectant le bien vendu, il faut que ce défaut soit rédhibitoire, c'est à dire qu'il doit rendre le bien impropre à son usage, qu'il soit ignoré de l'acquéreur lors de la vente et qu'il soit antérieur à la vente.

En l'espèce, le tribunal a justement constaté, au vu des éléments du dossier et des constatations et explications de l'expert non utilement contestées, que les nuisances dénoncées par M.[T] et Mme [Y] étaient avérées et trouvaient leur origine dans diverses anomalies affectant le système d'assainissement de l'immeuble objet de la vente :

- bac à graisse de 220 litres sous-dimensionné au regard de la réglementation en vigueur lors de son installation (2006-2007), les DTU préconisant une capacité de 500 litres ;

- drain d'épandage, dont le positionnement en limite de propriété est inadapté à la configuration du terrain, colmaté par les racines d'une haie vive et d'arbres fruitiers, ce qui cause des résurgences nauséabondes propices aux moustiques, mouches et autres insectes ;

- surface d'épandage trop faible et non conforme au DTU d'août 1998, ce qui entraîne une saturation rapide de la filière d'assainissement pour une famille de plus de deux personnes.

Ces défauts rendent objectivement l'immeuble impropre à son usage.

Il ressort en effet des photographies versées au débat, du rapport d'expertise et des diagnostics techniques annexés à l'acte de vente, que la maison vendue est une imposante bâtisse d'une surface habitable de 230 m² comprenant cinq chambres. Le système d'assainissement de l'immeuble ne pouvant fonctionner normalement pour une famille de plus de deux personnes, l'ouvrage réalisé par M.[U], gérant de la Sci Les Massals, est manifestement inadapté au type d'immeuble auquel il est rattaché, et il est inopérant pour la Sci Les Massals de soutenir que les acquéreurs ont concouru à la manifestation des vices en procédant à l'aménagement des combles ou en n'entretenant pas le système d'assainissement. En d'autres termes, il ne saurait utilement leur reprocher d'avoir logé six personnes dans un tel immeuble.

Les vices sont antérieurs à la vente. En effet, le système d'assainissement a été mis en oeuvre par le vendeur en 2007, bien avant la vente intervenue en 2014, et tant le sous-dimensionnement que l'inadaptation de l'épandage datent de cette époque.

L'acte de vente du 28 février 2014 comporte les stipulations suivantes s'agissant de l'assainissement :

' Le vendeur déclare que l'immeuble vendu n'est pas desservi par le réseau d'assainissement, et qu'il utilise un assainissement individuel de type Bac à graisse et Fosse septique toutes eaux installé au cours de l'année 2007.

Il déclare ne rencontrer actuellement aucune difficulté particulière avec cette installation qui fonctionne correctement.

Il est précisé que lorsque l'immeuble est situé dans une zone où il n'existe pas de réseau d'assainissement non collectif, il doit être doté d'une installation d'assainissement dont le propriétaire fait régulièrement assurer l'entretien et la vidange par une personne agréée par le représentant de l'Etat dans le département afin d'en garantir le bon fonctionnement' (page 28).

'En outre l'article L.271-4 du code de la construction et de l'habitation dispose qu'en cas de non-conformité de l'installation d'assainissement non collectif lors de la signature de l'acte de vente, l'acquéreur doit faire procéder aux travaux de mise en conformité dans un délai d'un an après l'acte de vente.

Cette installation d'assainissement a fait l'objet d'un contrôle par le service public de l'assainissement non collectif en date du 18 mars 2011 dont le rapport est demeuré annexé (annexe n° 16).

Ce contrôle a établi la conformité de l'installation.

Conclusion : 'Dispositif conforme sans pollution'.

L'acquéreur déclare prendre acte des conclusions de ce contrôle' (page 29).

Il en ressort que les acquéreurs, assurés devant notaire de la conformité du système d'assainissement de l'immeuble - par référence aux conclusions du rapport de contrôle du Service public d'assainissement non collectif en date du 11 avril 2011 - et de son bon fonctionnement - par déclaration des vendeurs - n'ont pas été informés du caractère inadapté et sous-dimensionné des éléments composant le système d'assainissement de la chose vendue.

Par ailleurs, ils n'ont pas pu se convaincre eux-mêmes de l'existence de ces vices qui ne sont apparus qu'à l'usage. Il ressort en effet du rapport du Service public d'assainissement non collectif en date du 27 janvier 2015 que le système d'assainissement litigieux était enfoui et non visible, ce qui a été confirmé par l'expert judiciaire. M.[T] et Mme [Y] n'avaient pas les compétences techniques leur permettant de s'assurer de la conformité du système et ils n'avaient en tout état de cause aucune raison de le faire en l'état des informations fournies dans l'acte de vente.

Enfin, compte tenu de la nature des désordres et du coût des travaux de mise en conformité du système d'assainissement, il est certain que les acquéreurs n'auraient donné qu'un moindre prix s'ils avaient connus les défauts cachés de la chose vendue.

Dans ces conditions, le premier juge a justement considéré que l'ensemble des conditions relatives à la mise en oeuvre des dispositions de l'article 1641 du code civil étaient réunies.

S'agissant de la clause de non-garantie des vices cachés, le premier juge a justement retenu que M.[T] et Mme [Y] ne rapportaient pas la preuve que la Sci Les Massals s'était comportée comme un professionnel de la vente immobilière, mais qu'en revanche il était établi et reconnu par l'intéressé que M.[U] avait lui-même réalisé les travaux d'installation du système d'assainissement litigieux.

Le vendeur profane qui fait preuve de compétences particulières en concevant et installant lui-même l'objet affecté du vice étant assimilé à un professionnel présumé connaître les vices de la chose vendue, la Sci Les Massals n'est pas fondée à se prévaloir de cette clause de non-garantie.

Enfin, la Sci Les Massals rappelle qu'il a été stipulé dans l'acte de vente, page 20, que l'acquéreur pourra en outre et si nécessaire agir à l'encontre des auteurs des rapports constitutifs du dossier de diagnostics techniques en se fondant sur leur responsabilité délictuelle dès lors qu'ils ont commis une faute contractuelle ayant causé un préjudice indemnisable.

La possibilité d'exercer de tels recours n'interdit pas à l'acquéreur d'agir à l'encontre de son vendeur et la Sci Les Massals ne saurait donc utilement s'exonérer de sa garantie en soutenant qu'il appartient à M.[T] de se retourner contre la SAUR, la SPANC ou le Maire de [Localité 6], seuls responsables en l'espèce selon elle.

Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a été jugé que la Sci Les Massals était tenue de la garantie des vices cachés à l'égard de M.[T] et Mme [Y].

En l'absence d'éléments nouveaux soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties en chiffrant à la somme de 8500 € le montant du prix de vente à restituer en application des dispositions de l'article 1644 du code civil. La décision doit également être confirmée sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts de M.[T] et Mme [Y]

Aux termes de l'article 1645 du code civil, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.

En l'espèce, la Sci Les Massals , présumée connaître les vices de la chose vendue, est tenue de réparer les dommages trouvant leur origine dans ces vices.

Il est constant que les vices affectant le système d'assainissement sont à l'origine de résurgences nauséabondes propices aux moustiques, mouches et autres insectes justifiant la mise en oeuvre de la garantie des défauts cachés de la chose vendue.

Au demeurant, même s'il les a minimisés, l'expert a confirmé l'existence de nuisances olfactives suivant la météorologie, de la venue de mouches, moustiques et autres insectes et d'un impact visuel écorné.

Les troubles de jouissance ainsi subis par M.[T] et Mme [Y] justifient l'allocation d'une indemnité qui doit être fixée sur une base de 50 € par mois afin de tenir compte du fait que ces nuisances subies essentiellement à l'extérieur de la maison sont moins importantes en hiver qu'en été, et ce à compter de la date de la vente et jusqu'à la date du présent arrêt, soit 4950 € pour 99 mois.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par M.[U]

La Sci Les Massals a été déboutée de sa demande de dommages et intérêts formée au titre de son préjudice moral.

En cause d'appel, cette demande est reprise par M.[U] en sa qualité de gérant de la Sci Les Massals, lequel fait valoir qu'il n'a pas compris le procès qui lui est intenté et qui le place dans une situation financière et morale délicate, sachant qu'il est un modeste retraité et qu'il doit lutter contre une grave maladie.

Cette demande, dont le fondement n'est pas précisé mais qui doit êtte analysée au regard des articles 1240 et 1241 du code civil, sera rejetée dans la mesure où M.[U] ne rapporte pas la preuve de la faute ou de l'abus de procédure que pourraient avoir commis M. [T] et Mme [Y], lesquels ont simplement agi en justice afin de faire valoir leurs droits et obtiennent gain de cause.

Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

La Sci Les Massals, partie perdante, doit supporter les dépens de première instance, ainsi que décidé par le premier juge, et les dépens d'appel.

Elle se trouve redevable d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, que le premier juge a justement estimée au titre de la procédure de première instance, et dans les conditions définies par le dispositif du présent arrêt au titre de la procédure d'appel.

Elle ne peut elle-même prétendre à une indemnité sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Castres en date du 28 novembre 2019 sauf en ce qui concerne le rejet de la demande de dommages et intérêts formulée par M.[T] et Mme [Y] ;

Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,

Condamne la Sci Les Massals à payer à M.[T] et Mme [Y] la somme de 4950 € à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance arrêté à ce jour ;

Déboute M.[U], gérant de la Sci Les Massals, de sa demande de dommages et intérêts ;

Condamne la Sci Les Massals aux dépens d'appel ;

Condamne la Sci Les Massals à payer à M.[T] et Mme [Y] la somme de 1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La Directrice des services de greffeLe Président

C. GIRAUDJ.C GARRIGUES


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 20/00062
Date de la décision : 30/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-30;20.00062 ?
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