La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/05/2022 | FRANCE | N°19/05290

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 2, 18 mai 2022, 19/05290


18/05/2022



ARRÊT N°22/273



N° RG 19/05290 - N° Portalis DBVI-V-B7D-NLAC

MLA/VM



Décision déférée du 16 Octobre 2019 - Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE - 18/20305

M. [W] [I]

















[O], [P], [B] [E]





C/



[F] [U] [V] [E]



















































r>








INFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 2

***

ARRÊT DU DIX HUIT MAI DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANT



Monsieur [O], [P], [B] [E]

[Adresse 5]

[Localité 2]



Représenté par Me Sylviane VASSAL de l'AARPI CH...

18/05/2022

ARRÊT N°22/273

N° RG 19/05290 - N° Portalis DBVI-V-B7D-NLAC

MLA/VM

Décision déférée du 16 Octobre 2019 - Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE - 18/20305

M. [W] [I]

[O], [P], [B] [E]

C/

[F] [U] [V] [E]

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 2

***

ARRÊT DU DIX HUIT MAI DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANT

Monsieur [O], [P], [B] [E]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représenté par Me Sylviane VASSAL de l'AARPI CHTIOUI ELKIESS VASSAL, avocat au barreau de TOULOUSE

Assisté de Me Hafida CHTIOUI, avocat au barreau de TOULOUSE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 31555.2020.000238 du 05/06/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)

INTIMÉE

Madame [F] [U] [V] [E]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Audrey HATZ, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 08 Mars 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :

C. GUENGARD, président

M. DUBOIS, conseiller

V. MICK, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : C. CENAC

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par C. GUENGARD, président, et par C. CENAC, greffier de chambre.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Mme [R] [J] et M. [Z] [E] se sont mariés en date du 25 juillet 1959 devant l'officier d'état civil de la commune de [Localité 4] (32) sans contrat de mariage préalable.

De leur union sont nés deux enfants :

- M. [O] [E] né le 19 août 1963 à [Localité 9] ;

- Mme [F] [E] née le 6 novembre 1964 à [Localité 9].

Les époux [E] ont acquis en date du 18 avril 1984 un immeuble sis [Adresse 1] (31).

En date du 27 août 1984, il ont signé un acte établi devant notaire portant donation entre époux au choix du conjoint survivant soit de la pleine propriété de la quotité disponible, soit de l'usufruit de l'universalité des biens et droits composant la succession, soit d'un quart en pleine propriété et les trois autres quarts en usufruit de tous les biens meubles et immeubles composant la succession du défunt.

Mme [R] [J] épouse [E] est décédée le 10 juillet 1997 à [Localité 8] (31), ouvrant sa succession.

Suivant déclaration reçue le 9 décembre 1999 devant notaire, M. [Z] [E] a opté pour l'attribution de l'usufruit de la totalité des biens existants.

M. [Z] [E] est décédé le 12 octobre 2010 à [Localité 7] (31), ouvrant sa succession.

L'attestation immobilière et la déclaration de succession pour moitié indivise entre les héritiers ont été dressées le 4 mai 2011.

Par acte authentique en date du 27 mai 2017, l'immeuble constitutif de l'actif successoral immobilier a été vendu pour la somme de 280 000 euros nets vendeur.

Les héritiers n'ont pu partager amiablement la succession faute d'accord sur les comptes d'indivision et la répartition du prix de vente.

Néanmoins, la somme de 120 000 euros a été libérée au profit de chacune des parties, soit un total de 240 000 euros. Est ainsi demeurée consignée la somme de 40 000 euros entre les mains du notaire.

*

Par acte d'huissier en date du 15 janvier 2018, Mme [F] [E] a fait assigner M. [O] [E] devant le tribunal de grande instance de Toulouse aux fins de partage conformément aux dispositions des articles 815 et suivants du code civil.

Par jugement contradictoire en date du 16 octobre 2019, le tribunal de grande instance de Toulouse a :

- rejeté la demande de révocation de l'ordonnance de clôture,

- ordonné le partage des successions de [R] [J] et de [Z] [E],

- dit que le compte d'indivision de Mme [F] [E] est le suivant :

Crédit : 0,00

Débit : 0,00

- dit que le compte d'indivision de M. [O] [E] est le suivant :

Crédit

*Taxes foncières : 10 010,34

*Assurance habitation : 1 752,85

*Entretien chaudière : 1 088,32

Débit

*Indemnité d'occupation : 43 461,21

- dit que l'actif est le suivant :

*Immeuble : 280 000,00

*Créance sur M. [O] [E] : 30 609,70

- dit que le passif est le suivant :

*Passif indivis : 0,00

- attribué à Mme [F] [E] les biens suivants :

*Immeuble : 155 304,85 euros

- attribué à M. [O] [E] les biens suivants :

*Immeuble : 124 695,15

- ordonné en conséquence la remise de 155 304,85 euros à Mme [F] [E] et celle de 124 695,15 euros à M. [O] [E],

- rejeté les autres demandes,

- condamné Mme [F] [E] et M. [O] [E] aux dépens chacun par moitié,

- ordonné l'exécution provisoire.

Par jugement rectificatif en date du 23 octobre 2019, le tribunal de grande instance de Toulouse a :

- dit que la mention 'l'indemnité d'occupation sera donc chiffrée du 18 janvier 2013 au 27 mai 2017 à 43 461,29 euros' sera remplacée par 'l'indemnité d'occupation sera donc chiffrée du 18 janvier 2013 au 27 mai 2017 à

47 061,29 euros',

- dit que la mention 'Mme [F] [E] et M. [O] [E] recevront ainsi respectivement 155 304,85 euros et 124 695,15 euros sur le prix de vente de la maison' sera remplacée par 'Mme [F] [E] et M. [O] [E] recevront ainsi respectivement 157 104, 89 euros et

122 895,11 euros sur le prix de vente de la maison',

- dit que la mention 'ordonne en conséquence la remise de 155 304,85 euros à Mme [F] [E] et celle de 124 695,15 euros à M. [O] [E]' sera remplacée par 'ordonne en conséquence la remise de

157 104, 89 euros à Mme [F] [E] et celle de 122 895,11 euros à M. [O] [E]',

- dit que la mention 'à défaut de preuve d'une faute imputable à M. [O] [E], la demande de dommages et intérêts de Mme [F] [E] sera rejetée' sera remplacée par la mention 'à défaut de preuve d'une faute imputable à Mme [F] [E], la demande de dommages et intérêts de M. [O] [E] sera rejetée',

- laissé les dépens à la charge de l'Etat.

*

Par déclaration électronique en date du 10 décembre 2019, M. [E] a interjeté appel du seul jugement en date du 16 octobre 2019 en ce qu'il a :

- jugé que M. [O] [E] est redevable d'une indemnité d'occupation,

- fixé l'indemnité d'occupation à la somme de 900 euros mensuels,

- dit que le compte d'indivision de M. [O] [E] s'élève à la somme de 124 695,15 euros,

- dit que le compte d'indivision de Mme [F] [E] s'élève à la somme de 155 304,85 euros,

- rejeté la demande de dommages et intérêts de M. [O] [E],

- rejeté la demande d'article 700 du code de procédure civile de M. [O] [E],

- rejeté la demande de voir Mme [F] [E] être condamnée aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

*

Dans ses dernières conclusions d'appelant reçues le 12 janvier 2021, M. [E] demande à la cour de bien vouloir :

- rejeter toutes conclusions contraires comme injustes et en tout cas mal fondées,

A titre principal, infirmer les jugements des 16 octobre 2019 et rectificatif du 23 suivant et,

- juger que Mme [F] [E] ne rapporte pas la preuve d'une occupation privative et exclusive du bien par son frère et de son impossibilité subséquente de ne pas pouvoir en jouir,

- par voie de conséquence, rejeter la demande de versement d'une indemnité d'occupation,

- juger que les droits de M. [E] s'élèvent à la somme de 146 425,75 euros,

- juger que les droits de Mme [F] [E] s'élèvent à la somme de 133 574 euros,

A titre subsidiaire, si une indemnité d'occupation devait être mise à la charge de M. [O] [E],

- fixer l'indemnité d'occupation à hauteur de 470 euros par mois,

- juger que M. [O] [E] est dès lors redevable envers l'indivision de la somme de 24 591,61 euros,

En tout état de cause, infirmer les jugements des 16 octobre et rectificatif du 23 suivant et,

- condamner Mme [F] [E] au versement de la somme de 6 200 euros de dommages et intérêts,

- condamner Mme [F] [E] à verser à M. [O] [E] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens,

- dire que dans l'hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans la décision à intervenir, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier de justice, le montant des sommes retenues par l'huissier de justice, en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996 n°96/1080 devra être supporté par le débiteur en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

*

Dans ses dernières conclusions d'intimée reçues le 23 août 2020, Mme [E] demande à la cour de bien vouloir :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

*ordonné le partage des successions de [R] [J] et [Z] [E] et ainsi la liquidation et le partage de l'indivision existant entre M. [O] [E] et Mme [F] [E] ;

*constaté que M. [O] [E] a joui exclusivement et privativement de l'immeuble indivis qui constituait son domicile lors de la dévolution successorale intervenue le 4 mai 2011 et ce jusqu'au 27 mai 2017,

*dit que le compte d'indivision de Mme [F] [E] est de 0,00 euros,

*dit que le compte d'indivision de M. [O] [E] s'agissant des taxes foncières est de 10 010,34 euros correspondant à 11,043 euros le montant des taxes foncières réglées par ce dernier dont il convient de soustraire la somme de 1032,66 euros pour le prorata des taxes foncières 2017 perçu par M. [O] [E],

*débouté M. [O] [E] au titre de sa demande de dommages et intérêts.

Et statuant à nouveau,

- fixer à la somme de 57 554,83 euros le montant de l'indemnité d'occupation due par M. [O] [E] à l'indivision pour la période du 18 janvier 2013 au 27 mai 2017,

- fixer à la somme de 1 177,67 euros le montant des cotisations d'assurance habitation au compte d'indivision de M. [O] [E],

- débouter M. [O] [E] de sa demande au titre de l'entretien de la chaudière,

En conséquence,

- fixer les droits de Mme [F] [E] à la somme de 163 183,41 euros,

- fixer les droits de M. [O] [E] à la somme de 116 816,59 euros,

- ordonner au besoin la libération des fonds consignés transférés à la caisse des dépôts et consignation le 3 octobre 2017 par Maître [C], notaire à [Localité 8], au profit de Mme [F] [E],

- débouter M. [O] [E] du surplus de ses demandes,

- condamner M. [O] [E] à payer à Mme [F] [E] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- le condamner aux entiers dépens.

*

La clôture de la mise en état a été ordonnée le 21 février 2022.

*

La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence à la décision entreprise ainsi qu'aux dernières conclusions développées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la qualification des prétentions soumises à la cour :

Les demandes des parties visant à voir 'constater' ou 'dire', ne constituant par leur énoncé que des rappels de moyens de fait, de droit ou des conséquences impératives de la loi, ne qualifient pas des prétentions au sens des dispositions de l'article 4 du code de procédure civile dès lors que ne cernant pas l'objet du litige, elles ne confèrent aucun droit spécifique à la partie requérante de sorte qu'il n'y a pas lieu pour la cour de statuer.

Il en sera ainsi de la demande : de l'intimée visant à voir 'constater que M. [E] a joui exclusivement et privativement de l'immeuble indivis qui constituait son domicile lors de la dévolution successorale intervenue le 4 mai 2011 et ce jusqu'au 27 mai 2017", constitutif d'un moyen au soutien d'une demande d'indemnité de privation de jouissance ; de l'appelant visant à voir 'dire que dans l'hypothèse ou à défaut d'un règlement spontané des condamnations dans la décision à intervenir, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier de justice [...]', constitutif d'un pouvoir propre d'exécution de l'appelant sans lien avec le litige dévolu en cause d'appel.

Sur la portée de l'appel :

Aux termes des dispositions de l'article 562 du Code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La cour n'est donc saisie que par les chefs critiqués dans l'acte d'appel ou par voie d'appel incident.

En l'espèce aucun appel n'a été relevé concernant le fait d'ordonner le partage des successions de Mme [R] [E] et M. [Z] [E] de sorte qu'il n'y a pas lieu en conséquence de confirmer le jugement attaqué de ces chefs comme demandé par l'intimée.

Par ailleurs, si M. [E] a frappé d'appel le jugement en ce que celui-ci aurait 'dit que le compte d'indivision de M. [O] [E] s'élève à la somme de 124 695,15 euros' et 'dit que le compte d'indivision de Mme [F] [E] s'élève à la somme de 155 304,85 euros', force est de constater que tels ne sont pas les chefs de dispositif du jugement en question dès lors que les sommes évoquées par l'appelant sont relatives non à la balance des comptes d'indivision des parties mais à leurs droits au final, de sorte qu'il y a lieu de considérer qu'il est interjeté appel de l'établissement des comptes d'indivision et, par voie de conséquence, des droits finaux des parties dans le cadre de la liquidation de la succession, et ce tels qu'établis par le jugement déféré en ce rectifié par le jugement en date du 23 octobre 2019.

Sur les prétentions non contestées soumises à la cour :

Les parties sollicitent confirmation du compte d'indivision nul de Mme [E] ainsi que le crédit du compte d'indivision de M. [E] correspondant au montant des taxes foncières réglées par lui soit 10 010,34 euros. Ces chefs de dispositif seront dès lors confirmés.

Enfin, si l'appelant a frappé d'appel le chef de dispositif ayant ordonné l'exécution provisoire, il n'en sollicite pas réformation aux termes de ses dernières écritures alors que cette compétence ne ressortit en toute hypothèse pas à la cour.

Sur la demande d'indemnité de privation de jouissance formulée par Mme [E] au profit de l'indivision :

* sur le principe de l'indemnité de privation de jouissance :

Aux termes de l'article 815-9 du code civil, chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l'effet des actes régulièrement passés au cours de l'indivision. L'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.

La jouissance privative d'un immeuble indivis résulte de l'impossibilité de droit ou de fait pour le co-indivisaire de jouir de la chose même en l'absence d'occupation effective des lieux par l'indivisaire occupant.

Il incombe, enfin, à la partie qui prétend que l'indivision est créancière d'une indemnité d'occupation de prouver la jouissance exclusive du bien par tout moyen.

Le premier juge a considéré qu'il n'était pas contesté que M. [E], à compter de l'hospitalisation du de cujus en septembre 2006, avant son décès, et de son accueil subséquent en maison de convalescence puis retraite, avait occupé seul le bien indivis. Il a ajouté que si celui-ci n'avait pas interdit à sa soeur de venir y vivre également, il résultait des pièces produites aux débats qu'en raison des rapports inexistants entre eux, la cohabitation sous le même toit était impossible justifiant une indemnité de privation de jouissance au profit de l'indivision successorale.

En cause d'appel, Mme [E] ne conteste pas avoir quitté la maison familiale en juin 2005 à une date où son père était toujours vivant. Elle explique son départ par la nécessité d'une 'sauvegarde physique et psychologique', ajoutant n'avoir 'jamais pu revenir au domicile familial où son frère s'était installé alors que son père était placé en maison de retraite'. Elle expose qu'elle ne disposait plus des clés depuis son départ et n'avoir pu récupérer en mai 2017 des affaires personnelles qu'elle avait laissées dans des circonstances indéterminées au sein du bien indivis que grâce à l'autorisation de son frère, objectivant de plus fort son occupation privative et exclusive.

M. [E] de son côté conteste l'absence de tout contact avec sa soeur pendant la période d'occupation du bien indivis, faisant état de contacts électroniques épars avec elle. Il affirme ne pas avoir occupé immédiatement le bien après le départ de son père, sans préciser dès lors à quelle date il l'a finalement occupé de façon continue comme son domicile propre dès lors qu'il ne conteste pas cette occupation qui est bien intervenue. Il ajoute que sa soeur, dont il ignorait qu'elle ne disposait plus des clés du bien, était libre de s'installer au domicile familial si elle le souhaitait, son seul refus de s'y rendre, constitutif d'un choix propre qui lui incombe seul, ne caractérisant pas a contrario une jouissance privative de son côté.

Il est acquis aux débats, sans être contesté, que M. [Z] [E] a effectivement été placé en maison de convalescence puis retraite à compter du mois d'octobre 2006 et ce jusqu'à son décès intervenu le 12 octobre 2010.

M. [O] [E] ne conteste pas s'être établi dans la maison parentale sans préciser de date, tout en nuançant cette position en indiquant qu'il ne s'y est installé que contraint par la nécessité de l'entretien du bien qui se dégradait et celle de s'occuper de son père dont il avait charge de curatelle depuis un jugement en date du 14 décembre 2009 (pièce n°39). Il produit à ce titre plusieurs clichés photographiques démontrant qu'il a procédé à des travaux, qu'il n'énonce pas précisément et ne date pas, mais dont il est constaté qu'ils ont porté sur le bien en question dès le début de l'année 2008 sur les tapisseries du salon, la cuisine ou encore la salle de bains.

En toute hypothèse, la contrainte dont M. [E] fait état justifiant sa présence sur place pour conserver le bien, à la supposer fondée ou établie, ce qui n'est pas le cas, est néanmoins indifférente au constat de la fixation de sa résidence permanente et continue au lieu d'implantation du bien indivis depuis l'année 2008, et en tout cas de façon certaine, a minima depuis la date du jugement de curatelle pré-cité soit en décembre 2009 dès lors que le jugement supporte en guise d'adresse de l'intéressé celle du bien indivis.

Aussi, à la date d'ouverture de l'indivision successorale, M. [E] occupait le bien familial devenu indivis depuis près d'une année a minima.

En l'occupant de façon continue comme son logement propre, n'en ayant aucun autre personnel, et alors que le bien ne disposait d'aucune annexe habitable distincte par ailleurs, M. [E] a nécessairement occupé l'entier domicile familial indivis de façon privative et exclusive. Cette occupation, préalable au décès de son père, par sa nature continue qui constituait dès lors une résidence principale pour M. [E] ne permettait pas à sa soeur, de fait, une jouissance concurrente, de plus fort alors qu' il est fait état dans une attestation produite par M. [E] lui-même portant témoignage d'une de ses amies, Mme [H], d'une 'quasi absence de rapports entre M. [E] et sa soeur depuis l'année de leur rencontre soit 2004". Au surplus, le fait que Mme [E] n'ait pu accéder directement à ses affaires personnelles au cours de l'année 2017, M. [E] lui laissant seul 'le portillon ouvert' pour récupérer les effets en question sous le porche, corrobore cette occupation privative exclusive (pièce n°13).

Dans ces conditions et à raison d'une occupation exclusive déjà existante au moment de l'ouverture de l'indivision successorale, M. [E] ayant fait du bien devenus indivis son logement propre, c'est à juste titre qu'il a été fait droit à la demande visant à voir fixer une indemnité d'occupation au profit de l'indivision formulée par Mme [E].

Le jugement déféré sera dès lors confirmé de ce chef, par substitution de motifs.

* sur le montant de l'indemnité de privation de jouissance :

Cette indemnité, pour laquelle l'action en paiement est prescrite par cinq années, est due par l'occupant à la masse indivise du décès jusqu'au partage et portée à l'actif du compte de l'indivision, une fois déterminée. Elle est répartie ensuite dans le compte des indivisaires, cohéritiers et bénéficiaires de ladite indemnité au prorata de leurs droits.

Ayant pour objet de réparer le préjudice causé à l'indivision par la perte des fruits et revenus et de substituer à ces derniers dont elle emprunte le caractère, elle doit dès lors notamment être déterminée en tenant compte de la valeur locative du bien.

Le premier juge a fixé à hauteur de 900 euros l'indemnité de jouissance due à l'indivision s'appuyant sur l'avis de valeur locative produite par l'intimée en date du 22 avril 2015 et le minorant du seul fait d'une fixation du montant sous réserve de plusieurs travaux. Il a opposé un refus à une réfaction par principe de cette somme à raison de la précarité de l'occupation par l'indivisaire occupant considérant que non seulement Mme [E] n'avait jamais revendiqué l'occupation du bien pendant de nombreuses années mais que par ailleurs, de façon générale, la précarité de l'indivisaire occupant n'était pas supérieure à celle du titulaire d'un bail au vu des règles légales gouvernant son expulsion et que l'indivision n'avait pas à supporter, en toute hypothèse, une éventuelle précarité de son débiteur.

Le bien occupé par M. [E] est constitué d'une maison construite en 1984 de type 5 d'environ 144 m² de surface habitable avec en annexe un garage de 53m² et un abri de jardin, l'ensemble sur une parcelle arborée de 884 m² sis à [Localité 8] (31).

Mme [E] fournit un avis de valeur locative établi par une agence immobilière locale en date du 22 avril 2015, mandatée pour la vente du bien à l'époque par ailleurs, faisant état d'un loyer mensuel envisageable entre 1000 et 1100 euros (pièce n°11). Elle sollicite fixation de l'indemnité de jouissance de son frère à hauteur de 1100 euros.

M. [E] s'appuie de son côté sur la valeur cadastrale du bien qui serait évaluée à 550 euros selon les avis de taxes foncières produits aux débats. Il insiste sur le fait que la valeur locative retenue par l'agence sus évoquée l'était sous condition d'un certain nombre de travaux de rafraîchissement à réaliser et revendique, en sus, un abattement habituel de 20% du montant tenant la précarité de son occupation. Il sollicite au final à titre très subsidiaire une évaluation de son indemnité à hauteur de 470 euros.

A supposer fixée à 550 euros la valeur cadastrale du bien indivis, ce qui ne résulte pas de façon évidente des avis de taxes produits par l'appelant, il est constant qu'une telle valeur est calculée forfaitairement pour les besoins des taxes sur le bâti afférentes sur le fondement de données qui n'ont pas été actualisées depuis près de 50 ans de sorte que la valeur locative brute ou moyenne indiquée par l'administration fiscale ne peut être appréciée qu'avec une très grande prudence.

En toute hypothèse, Mme [E] fournit un avis de valeur locative fondée sur des éléments nettement plus récents que M. [E] ne combat par aucun élément contraire fondé et actualisé de la même manière, sauf à préciser, à juste titre, que ce montant avait été fixé sous réserve du nettoyage du jardin, de la réhabilitation des sols des chambres, de la remise en état des toilettes et de la salle de bains et d'un rafraichissement de la peinture des étages, outre le retrait d'une bignone s'étant étendue sur le toit, lesquels n'ont finalement pas été réalisés.

Il y a donc lieu de retenir une valeur locative du bien estimée à 1000 euros en l'état de ces éléments alors que la période d'occupation du 18 janvier 2013 au 27 mai 2017 n'est pas contestée par l'appelant.

Une réfaction modérée de 10% doit être appliquée tenant la précarité du titre de l'occupant indivisaire, Mme [E] n'ayant en effet jamais revendiqué officiellement ni l'occupation ni l'attribution du bien durant les nombreuses années de jouissance privative de son frère qui n'a dès lors que peu été troublée.

Dans ces conditions, il y a lieu de confirmer le jugement déféré tel que rectifié en suite, par subsitution de motifs, lequel a retenu une indemnité de privation de jouissance à hauteur de 47 061,29 euros finalement sur les mêmes éléments de calcul.

Sur la créance de M. [E] à l'encontre de l'indivision à raison du règlement des cotisations d'assurance-habitation du bien :

Aux termes de l'article 815-13 du code civil, lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des impenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu'elles ne les aient point améliorés.

Le règlement de la taxe d'habitation permet la conservation de l'immeuble indivis et les charges afférentes à ce bien, dont l'indivisaire a pu jouir, doivent être supportées par les coïndivisaires proportionnellement à leurs droits dans l'indivision.

M. [E] justifie du règlement des cotisations de l'assurance habitation du bien indivis sur la période de 2011 à 2017 à hauteur de 1 752,85 euros (pièces n°3 à 6, 25 à 28, 43).

Mme [E] sollicite une décôte de 20% du montant global réglé exposant que l'assurance couvrait nécessairement les garanties personnelles de M. [E] ainsi que son mobilier, alors que de plus fort il avait été exposé dans la déclaration de succession qu'il n'existait aucun meuble meublant ou objet mobilier dans le patrimoine du de cujus.

Il n'y a pas lieu à une telle décôte dont l'assiette de fixation ne repose par ailleurs sur aucun élément objectif.

Le premier jugement sera confirmé de ce chef de dispositif.

Sur la créance de M. [E] sur l'indivision à raison du règlement des dépenses liées au règlement du contrat d'entretien de la chaudière :

M. [E] justifie avoir réglé, à compter de la naissance de l'indivision successorale, la somme de 962,68 euros au titre du contrat d'entretien de la chaudière du bien (pièce n°30 et 31).

Mme [E], sans en contester le montant, en conteste le principe mettant en avant l'occupation privative du bien par son frère qui devrait dès lors assumer cette charge personnellement.

Les dépenses de conservation constituent des dépenses sans lesquelles le bien aurait péri ou eût été détérioré. Sont concernées notamment de ce chef les dépenses qui concourent à la préservation du bien, généralement matérielle mais parfois juridique, soit à titre préventif, soit à titre curatif.

A contrario, les dépenses d'entretien sont assimilables aux charges de jouissance. Elles sont notamment régulières et périodiques en ce sens qu'il est possible à un propriétaire administrateur consciencieux de ces biens de les prévoir. Celles-ci ont généralement une durée limitée.

M. [E] ayant été indivisaire occupant sur la période pré-citée pour laquelle il revendique une créance contre l'indivision et alors que le réglement du contrat d'entretien de la chaudière du bien, de nature régulière, périodique et d'une durée limitée constitue une charge de jouissance personnelle dont il a la charge propre, c'est de façon infondée qu'il a été retenue une créance à son profit à l'encontre de l'indivision par une qualification de ce règlement en dépense de conservation.

Ce chef de dispositif sera infirmé et il ne sera retenu aucune créance sur ce fondement contre l'indivision successorale à faire valoir par M. [E].

Sur la demande de dommages et intérêts de M. [E] sur le fondement de l'article 1240 du code civil :

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

M. [E] sollicite la reconnaissance d'une faute, justifiant réparation, de la part de sa soeur eu égard au comportement de celle-ci dans le cadre de la signature d'un premier compromis de vente du bien indivis, finalement avorté, en juillet 2016 pour un montant de 281 000 euros. Il considère que celle-ci avait fait preuve d'exigences disproportionnées, et qui lui ont été finalement préjudiciables, quant aux modalités de conclusions de la vente, en sollicitant fermement de la part des potentiels acquéreurs des conditions de financement non justifiées, quant au taux du prêt à accepter, tout comme sur les conditions d'une autorisation d'urbanisme qu'ils envisageaient, lesquels se sont finalement rétractés.

Il fait valoir un préjudice résultant de cette vente avortée du fait d'une part de l'impossibilité pour lui de signer un compromis de vente pour un bien qu'il convoitait parallèlement outre l'incommodité liée au fait qu'il serait ainsi resté 'dans ses cartons' dans le bien indivis d'autre part de l'annulation de plusieurs projets artistiques personnels pour lesquels il s'était engagé faute de financement dès lors que ceux-ci devaient s'appuyer sur un éventuel reliquat de fonds après les opérations immobilières.

Aucun élément direct ne permet de confirmer les dires de l'appelant sur les motifs exacts de rétractation des acquéreurs potentiels en question. M. [E] ne fournit que l'analyse personnelle du notaire en charge de la vente dans le cadre d'un mail alors adressé pour faire état du positionnement de sa soeur précision faite que l'agent immobilier précisait dans un autre mail que la rétractation procédait en réalité d'une modification du PLU intervenue en cours d'opérations interdisant finalement le projet d'élévation des acquéreurs ce qui est un élément totalement indépendant de la volonté de Mme [E] (pièce n°24).

En toute hypothèse, à supposer établies les exigences inadaptées de Mme [E] à l'égard des acquéreurs qui ont finalement abandonné ce projet, le lien entre ces exigences et l'abandon de leur projet d'achat n'est pas établi pas plus que le lien entre cet échec et les préjudices allégués par M. [E], celui-ci ayant notamment pu acquérir la maison qu'il convoitait strictement au même prix et la vente du bien indivis étant finalement réalisée quasi strictement au même prix plus tard.

La demande visant à dommages et intérêts sera dès lors rejetée et le jugement attaqué confirmé de ce chef.

Sur l'établissement des comptes d'indivision et des droits des parties:

Au final, les comptes et droits des parties s'établissent comme suit (en euros) :

- compte d'indivision de Mme [E] :

Crédit : 0,00

Débit : 0,00

- compte d'indivision de M. [E] :

Crédit

*Taxes foncières : 10 010,34

*Assurance habitation : 1 752,85

Débit

*Indemnité d'occupation : 47 061,29

Solde à porter à l'actif de l'indivision : 35 298,1

- actif de l'indivision :

*Immeuble : 280 000,00

*Créance sur M. [O] [E] : 35 298,1

Total : 315 298,1

- passif de l'indivision :

*Passif indivis : 0,00

- droits de Mme [E] : 157 649,05

- droits de M. [E] : 122 350,95

- quote-part dans le reliquat de la vente :

- droits de Mme [E] : 37 649,05

- droits de M. [E] : 2350,95

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré s'agissant des droits finaux des parties .

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

M. [E] aura la charge des dépens d'appel, tenant l'échec de ses prétentions, étant précisé qu'il est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle et sans qu'il soit nécessaire de modifier la charge de ceux de première instance.

L'équité commande l'application d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour :

statuant dans les limites de sa saisine :

- infirme le jugement attaqué tel que rectifié par le jugement en date du 23 octobre 2019 en ce qu'il a :

- dit que le compte d'indivision de M. [O] [E] est le suivant :

Crédit

*Entretien chaudière : 1 088,32

- dit que l'actif de l'indivision est le suivant :

- ordonné en conséquence la remise de 155 304,85 euros à Mme [F] [E] et celle de 124 695,15 euros à M. [O] [E],

- rejeté les autres demandes,

statuant à nouveau des chefs de jugement infirmés :

- rejette la demande de créance de M. [O] [E] à l'encontre de l'indivision constitutive des dépenses liées au contrat d'entretien de la chaudière ;

- fixe le solde du compte d'indivision de M. [O] [E] à porter à l'actif de l'indivision à hauteur de 35 298,10 euros (trente cinq mille deux cent quatre vingt dix huit euros et dix centimes) ;

en conséquence,

- fixe les droits de M. [O] [E] à hauteur de 122 350,95 euros (cent vingt deux mille trois cent cinquante euros et quatre vingt quinze centimes);

- fixe les droits de Mme [F] [E] à hauteur de 157 649,05 euros (cent cinquante sept mille six cent quarante neuf euros et cinq centimes) ;

- ordonne la remise de 122 350,95 euros à M. [O] [E] et celle de 157 649,05 euros à Mme [F] [E] ;

- confirme pour le surplus ;

y ajoutant :

- ordonne la libération des fonds consignés entre les mains du notaire saisi des opérations de succession à hauteur de 2 350,90 (deux mille trois cent cinquante euros et quatre vingt dix centimes) au profit de M. [O] [E] et à hauteur de 37 649,10 euros (trente sept mille six cent quarante neuf euros et dix centimes) ;

- rejette toute autre demande plus ample ou contraire ;

- fixe à hauteur de 1000 (mille) euros l'indemnité due par M. [O] [E] à Mme [F] [E] au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'y condamne en tant que de besoin ;

- dit que M. [O] [E] aura la charge des dépens d'appel, étant précisé qu'il est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

C. CENAC C. GUENGARD

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 2
Numéro d'arrêt : 19/05290
Date de la décision : 18/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-18;19.05290 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award