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16/05/2022 | FRANCE | N°20/00330

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 16 mai 2022, 20/00330


16/05/2022



ARRÊT N°



N° RG 20/00330 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NNSQ

MD/NB



Décision déférée du 15 Mai 2015 - Tribunal de Grande Instance de NARBONNE - 12/01303



















[W] [C]

[B] [Z] épouse [C]





C/



SAS OC RESIDENCES





























































CONFIRMATION







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANTS



Monsieur [W] [C]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Emmanuelle DESSART de la SCP DESSART-DEVIERS, avocat au barrea...

16/05/2022

ARRÊT N°

N° RG 20/00330 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NNSQ

MD/NB

Décision déférée du 15 Mai 2015 - Tribunal de Grande Instance de NARBONNE - 12/01303

[W] [C]

[B] [Z] épouse [C]

C/

SAS OC RESIDENCES

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTS

Monsieur [W] [C]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Emmanuelle DESSART de la SCP DESSART-DEVIERS, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame [B] [Z] épouse [C]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Emmanuelle DESSART de la SCP DESSART-DEVIERS, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

SAS OC RESIDENCES

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Philippe PERES de la SCP PERES RENIER ALRAN, avocat au barreau de CASTRES

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 07 Février 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :

M. DEFIX, président

A-M. ROBERT, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : A. RAVEANE

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N. DIABY, greffier de chambre.

FAITS - PROCÉDURE - PRÉTENTIONS :

M. [W] [C] et Mme [B] [Z] épouse [C] ont conclu un contrat de construction d'une maison individuelle avec la société Oc Résidences, le 8 décembre 2004, portant sur un immeuble devant être édifié à [Localité 4] (11).

La réception des travaux a été prononcée le 6 septembre 2006 avec un certain nombre de réserves, dont une demande de permis de construire modificatif du fait du non-respect du permis de construire initial.

En l'absence de levée de la totalité des réserves, M. et Mme [C] ont sollicité en référé l'organisation d'une mesure d'expertise. M. [P] a été désigné une première fois par ordonnance du 30 janvier 2007, et a déposé son rapport le 2 novembre 2007. Il a été désigné de nouveau par une ordonnance rendue le 24 juin 2008, et a déposé son second rapport le 21 avril 2009.

Par acte d'huissier de justice en date du 18 juin 2009, M. et Mme [C] ont fait assigner la Sa CEGI, le garant de livraison, devant le tribunal de grande instance de Narbonne qui, par jugement du 24 juin 2010, a notamment dit que l'immeuble n'était pas conforme aux dispositions contractuelles et que la garantie de livraison devait s'appliquer. Ainsi, le tribunal a condamné la Sa CEGI à payer diverses sommes à M. et Mme [C] et a désigné la personne qui construira la maison conformément aux documents contractuels.

Saisie de l'appel interjeté par la Sa CEGI, la cour d'appel de Montpellier a, par arrêt du 9 novembre 2010, infirmé le jugement déféré et débouté M. et Mme [C] de l'ensemble de leurs demandes.

En cause d'appel, la Sa CEGI avait appelé en intervention forcée la société Oc Résidences.

Par acte d'huissier du 28 septembre 2012, M. et Mme [C] ont fait assigner la Sas Oc Résidences devant le tribunal de grande instance de Narbonne, à titre principal en paiement de sommes correspondant aux frais de démolition de l'immeuble et de reconstitution du terrain au prix actualisé du contrat de construction et, subsidiairement et alternativement, en condamnation de la société Oc Résidences à déposer un permis de construire modificatif, en remboursement du prix du contrat en conséquence de l'exercice du droit de rétractation ou en indemnisation des préjudices.

Par jugement contradictoire du 15 mai 2015, le tribunal de grande instance de Narbonne a :

- dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture du 4 février 2015,

- écarté les dernières pièces versées par la défenderesse au regard du principe du contradictoire,

vu les principes de l'autorité de la chose jugée et de concentration des moyens et des demandes,

- débouté M. et Mme [C] de leurs demandes,

- condamné M. et Mme [C] à payer à la Sas Oc Résidences la somme de

2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. et Mme [C] aux dépens.

M. et Mme [C] ont relevé appel de ce jugement par déclaration en date du 9 juin 2015.

Par arrêt contradictoire en date du 12 avril 2018, la cour d'appel de Montpellier a :

- ordonné la jonction des procédures enrôlées sous les numéros 15/ 4260 et 17/64,

- infirmé le jugement du tribunal de grande instance de Narbonne du 15 mai 2015,

et, statuant de nouveau :

- déclaré les demandes des époux [C] formées à l'encontre de la société Oc Résidences recevables,

- débouté les époux [C] de leur demande de démolition et reconstruction, les non conformités contractuelles qui entachent leur villa n'affectant pas la solidité de l'ouvrage et ne le rendant pas impropre à sa destination,

- débouté les époux [C] de leur demande relative au permis de construire modificatif,

- débouté les époux [C] de leur demande de rétractation et d'annulation du contrat de construction de maison individuelle,

- condamné la société Oc Résidences à payer aux époux [C] la somme de

10 610 euros au titre des travaux de reprise des désordres et inexécutions contractuelles,

- condamné les époux [C] à payer à la société Oc Résidences la somme de

10 666,35 euros au titre du solde du contrat 'CCMI',

- ordonné la compensation entre ces sommes,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque,

- condamné la société Oc Résidences aux dépens de première instance et d'appel, qui comprendront le coût des deux rapports d'expertise de M. [P].

Par arrêt rendu le 17 octobre 2019, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a :

- 'cassé et annulé, sauf en ce qu'il prononce une jonction, qu'il déclare recevables les demandes de M. et Mme [C] contre la société Oc Résidences et rejette leur demande en rétractation et annulation du contrat de construction individuelle, l'arrêt rendu le 12 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remis, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyé devant la cour d'appel de Toulouse',

- condamné la société Oc Résidences aux dépens,

- vu l'article 700 du code de procédure civile, rejeté les demandes.

La Cour de cassation a considéré :

- sur le rejet de la demande de rétractation et d'annulation du contrat de construction de maison individuelle, que la cour d'appel devant laquelle les époux [C] ne discutaient pas la régularité de la notification, avait justifié sa décision relevant que par lettre recommandée envoyée le 7 janvier 2005, la société OC résidences avait adressé aux maîtres de l'ouvrage un exemplaire du bon de commande approuvé par la direction, les plans, le descriptif et les conditions générales du contrat de construction de maison individuelle,

- sur le rejet des demandes relatives à la démolition et à la reconstruction de la maison et la condamnation des maîtres de l'ouvrage à payer le solde des travaux, la cour d'appel qui avait constaté la non conformité des constructions aux stipulations contractuelles (la réalisation d'un vide sanitaire d'un mètre non prévu dans les plans annexés à la demande de permis de construire) avait violé l'article 1184 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'Ordonnance du 10 février 2016,

- sur le rejet de la demande de condamnation de la société Oc Résidences à déposer une demande de permis de construire modificatif, la cour d'appel ayant jugé sans objet une telle démarche au motif qu'il ne résultait pas des documents contractuels que la construction devait être réalisée au niveau de la voie publique, n'avait pas donné base légale à sa décision pour n'avoir pas recherché si l'implantation altimétrique de l'immeuble était conforme au permis de construire obtenu par les maîtres de l'ouvrage.

-:-:-:-:-:-

M. et Mme [C] ont saisi la cour d'appel de Toulouse par déclaration de saisine en date du 23 janvier 2020.

Dans leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 2 février 2022, M. [W] [C] et Mme [B] [Z] épouse [C], appelants, demandent à la cour, au visa des anciens articles 1142, 1143, 1134, 1147 et 1184 du code civil, de :

À titre principal : sur la démolition-reconstruction,

- condamner la société Oc Résidences à leur verser la somme de 746 207, 72 euros TTC correspondant aux frais de démolition et de reconstruction de la maison, à actualiser sur le fondement de l'indice BT01 au jour du prononcé de l'arrêt,

- condamner la société Oc Résidences à leur verser la somme de 452 565 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance avec application de la clause d'anatocisme,

À titre subsidiaire : désigner tel consultant avec pour mission de chiffrer le coût de la démolition-reconstruction des ouvrages et bâtiments, objets du permis de construire et construits pour certains par Oc Résidences, et pour les autres, cuisine d'été et piscine, par d'autres entreprises directement saisies par M. et Mme [C],

À titre subsidiaire : sur les dommages-intérêts,

- condamner la société Oc Résidences à leur verser la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts, ainsi que la somme de 5 000 euros correspondant aux frais de déménagement,

À titre subsidiaire : sur la condamnation à déposer une demande de permis de construire,

- condamner la société Oc Résidences à déposer une demande de permis de construire modificatif conformément à son engagement et à obtenir un certificat de conformité, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt,

En toutes hypothèses,

- condamner la société Oc Résidences à leur verser la somme de 50 000 euros HT au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Oc Résidences aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise.

Les appelants soutiennent que les travaux réalisés ne sont pas conformes aux documents contractuels et au permis de construire, circonstances qui autorisent le juge a ordonner la démolition et la reconstruction, selon une jurisprudence qu'ils estiment désormais constante et qu'ils citent, l'augmentation du montant chiffré en appel ne pouvant être considéré comme une demande nouvelle et l'ensemble devant couvrir les travaux prévus au contrat et ceux réalisés depuis à l'initiative des maîtres de l'ouvrage.

Soulignant le fait que le problème d'implantation altimétrique nécessite selon l'expert une modification du permis de construire, ils considèrent que le constructeur doit se plier à cette formalité en exécution de son engagement souscrit par procès-verbal.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 3 février 2022,

la Sas Oc Résidences, intimée, demande à la cour de :

- relever que les demandes afférentes à la condamnation de la société Oc Résidences au titre des pénalités de retard et de mesure d'instruction sur le coût de la démolition et la reconstruction constituent des demandes nouvelles en appel au sens de l'article 564 du code de procédure civile,

- débouter M. et Mme [C] de l'intégralité de leurs prétentions,

- reconventionnellement, 'les condamner à la somme' de 10 666,35 euros au titre du solde du contrat avec intérêts de droit à compter de l'arret du 12 avril 2018,

- 'les condamner en 5 000 euros de dommages par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile',

- les condamner aux entiers dépens de l'instance en ce compris les frais et honoraires d'expert, dont distraction au profit de la Scp Bugis Avocats.

La société intimée a soutenu que la question de conformité du permis de construire dont est saisie la cour est limitée à celle du vide sanitaire, les prétentions liées à l'altimétrie du bâtiment ayant été abandonnées et que le vide sanitaire réalisé était conforme au marché ajoutant que la réserve émise lors de la réception, relativement à l'obtention du certificat de conformité, conditionnait la demande de permis de constuire modificatif à des démarches préalables pour l'obtention dudit certificat qui incombaient aux maîtres de l'ouvrage eux-mêmes et non au constructeur.

Elle a discuté les chiffrages des dommages allégués, sur la base de mesures d'instructions réalisées en son absence et elle a soulevé l'irrecevabilité de certaines demandes qu'elle estime nouvelles en appel.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 février 2022 et l'affaire a été examinée à l'audience du 7 février 2022.

MOTIVATION :

- sur l'étendue de la saisine de la cour de renvoi :

1. La Cour de cassation n'a cassé que partiellement l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier dont seules demeurent définitivement acquises les dispositions suivantes :

- jonction des procédures,

- infirmation du jugement en :

' déclarant recevable les demandes formées par les époux [C],

' déboutant ces derniers de leur demande de rétractation et d'annulation du contrat de construction de maison individuelle.

L'arrêt d'appel a été cassé pour le surplus de ses dispositions.

Dans le dernier état de leurs conclusions devant la cour de renvoi, les époux [C] sollicitent, à titre principal, la condamnation de la société Oc Résidences au paiement d'une indemnité au titre des frais de démolition et de reconstruction de la maison ainsi que d'une indemnité en réparation du préjudice calculé sur la base des pénalités de retard sauf à désigner avant dire droit un expert. À titre subsidiaire, ils ont réclamé la condamnation de cette société à déposer une demande de permis de construire modificatif et à obtenir un certificat de conformité.

2. S'agissant de la demande de condamnation de la société Oc Résidences à payer aux époux [C] la somme de 452 944 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance avec application de la clause d'anatocisme, les demandeurs à la saisine fondent cette prétention, présentée comme telle pour la première fois depuis l'introduction de l'instance au fond, sur la clause du contrat prévoyant des pénalités de retard de livraison. Ils l'estiment recevable au visa de l'article 566 du code de procédure civile en la considérant comme l'accessoire, la conséquence ou le complément de la demande initiale.

Selon l'article 566 précité, 'les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire'.

En l'espèce, la société Oc Résidences qualifie elle-même cette demande comme ayant pour objet la réparation du préjudice de jouissance pour le maître de l'ouvrage qui ne peut occuper l'immeuble jusqu'à son achèvement en raison du retard dans la réalisation des travaux

étant relevé que les époux [C] avait saisi initialement et principalement les premiers

juges d'une demande de démolition-reconstruction de la maison avec une demande d'indemnisation des préjudices subis d'abord limités aux frais de location et de déménagement durant les travaux à venir et que la question du bien fondé de la demande complémentaire au titre des pénalités de retard au regard des notions de livraison ou de réception est distincte de sa recevabilité, s'agissant ici d'une demande trouvant sa source dans l'inexécution contractuelle alléguée par les demandeurs et entrant dans les prévisions de l'article 566 du code de procédure civile.

Cette demande sera donc déclarée recevable.

- sur la demande en paiement au titre de la démolition-reconstruction de la maison:

3. Par courrier recommandé avec accusé de réception du 11 septembre 2006, les époux [C] ont adressé au constructeur la liste des réserves annoncées lors de la réception réalisée le 8 septembre 2006 et parmi lesquelles figuraient les points suivants :

- 'Non respect contractuel de notre implantation de maison qui devait être de plein pied, niveau terrait naturel en façade coté Est. Voir les 2 perspectives remises lors du contrat côté Est et Sud. La maison en façade côté Est est surélevée à une hauteur de 1 mètre environ. Non accès direct à la pergola, ni au préau ni au deux accès du garage',

- 'mur de soubassement § 2.1.1 bien indiqué 4 rangs d'agglos moyenne pour adaptation ainsi que terrasse et pergola compris dans le prix convenu. Un rang a été supprimé par le constructeur en cours de construction voir avenant n° 2"

- 'de plus il n'y a aussi non respect du permis de construire [...] Le vide sanitaire de 4 rangs de parpaings n'y figure pas. La hauteur de la maison, n'est pas conforme, voir plan de coupe du permis de construire : vide sanitaire hauteur 1 mètre non représenté, la maison en façade côté Est est surpérieure par rapport au terrain naturel de 1 mètre, [...]'.

Par un arrêt définitif rendu le 9 novembre 2010, la cour d'appel de Montpellier a jugé que la réserve invoquant un défaut de conformité altimétrique n'était pas fondée et que les époux [C] ne pouvaient solliciter la démolition-reconstruction en application des dispositions de l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation sur la garantie de livraison et 1143 du code civil à l'égard du garant, décision rendue en présence du constructeur à l'égard de qui aucune prétentions n'avaient été formulée par les époux [C].

4. La question qui demeure posée à la cour d'appel de renvoi est celle de l'existence d'une non-conformité contractuelle non définitivement jugée à l'égard du constructeur et susceptible de fonder la demande de démolition et de reconstruction de l'ouvrage étant souligné que la recevabilité de l'action engagée par les maîtres de l'ouvrage contre la société Oc Résidences a été définitivement admise par les dispositions non cassées de l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 12 avril 2018 comme ne portant pas atteinte à l'autorité de la chose jugée le 9 novembre 2010.

5. Le constructeur de maison individuelle est débiteur d'une obligation de résultat, consistant à livrer une maison correspondant en tous points aux engagements contractuels, et dont il ne peut se défaire qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère, qui ne lui soit pas imputable.

Se fondant en l'espèce sur le rapport d'expertise judiciaire, les époux [C] considèrent que les travaux réalisés ne sont pas conformes aux documents contractuels et au permis de construire.

L'expert judiciaire a indiqué que :

- 'le dossier de demande de permis de construire fait ressortir que, manifestement, le dénivelé réel du terrain nature n'a pas été pris en compte par le constructeur lors de la réalisation des plans et demande de permis de construire' (p. 7 du rapport du 23 avril 2009),

- 'le plan de masse du géomètre fait apparaître une différence de niveau entre l'accès au terrain et la limite opposée d'environ 1 m 70" (ibidem),

- 'rien n'indique quelle différence de niveau est prévue entre le terrain et la construction' (p.8 du rapport du 23 avril 2009),

- 'il est à noter que l'ensemble du rez-de-chaussée de la villa et les espaces extérieurs se situant sur la plate-forme horizontale, sont potentiellement utilisables par une personne à mobilité réduite. Cette utilisation n'est toutefois possible qu'une fois que la personne est en place à ce niveau, l'accès à ce niveau ne pouvant se faire que par la rampe d'accès au garage et au porche. Depuis le rue, l'accessibilité n'est pas possible sans aide' (ibidem)

- 'l'implantation altimétrique était notable dès le début du chantier et l'exécution des terrassement et des fondations. Il ne semble pas, qu'à partir du moment où elle était observable, une position ferme de refus des travaux exécutés ait été prise par M. [C]' (p. 9 du rapport du 23 avril 2009),

- 'le vide sanitaire réalisé, plus important que celui dessiné sur les plan de la demande de permis de construire, peut s'expliquer par la non-prise en compte du dénivelé réel du terrain, qui a nécessité une adaptation de la plate-forme de la construction. Une fois les remblaiements effectués, le vide sanitaire n'est plus visible' (p. 11 et 12 du rapport du 2 novembre 2007).

Il est constant que l'existence du dénivelé était bien connu des parties (cf. notice signée par elles sur la situation du terrain avant construction : annexe 12, p. 78 du rapport du 2 novembre 2007) et que le plan de masse du géomètre fait apparaître une différence de niveau entre l'accès au terrain et la limite opposée d'environ 1,70 m (plan signé cf. annexe 12, p. 67 du rapport du 2 novembre 2007). L'expert indique ainsi 'compte tenu de dénivelé du terrain, il est clair que cette implantation aurait nécessité la création, en pourtour du terrain, d'un mur de soutènement, à moins d'avoir prévu, à l'origine du projet, la création d'un talus impliquant une implantation de la villa différente de celle prévue et réalisée'.

La notice descriptive ne fait pas mention de terrassement autre qu'un décapage des terres végétales précisant seulement, sur la question intéressant le litige, que l'implantation sera conforme au plan de masse joint au dossier de permis de construire et aussi la dimension des murs pour le vide sanitaire 'largeur 0,40 hauteur 0,50", le barrage capillaire prévoyant '4 rangs d'agglos moyenne pour adaptation' (annexe 20, page 129 du rapport du 2 novembre 2007).

L'expert a relevé que les coupes et façades figurant en annexe de la demande de permis de construire font apparaître le dénivelé du terrain sans correspondance avec le dénivelé réel.

Certes, M. [C] avait, le 2 décembre 2004 soit quelques jours avant la signature du contrat, interrogé le constructeur relativement au chapitre '1.1.1 Terrassement généraux page 2" en indiquant 'Merci de bien signaler, s'il vous plait : ' décapage de la terre végétale à l'endroit de la construction et décaissement si nécessaire afin de baisser le nveau de la construction au besoin' (annexe 14, p. 84 du rapport du 2 novembre 2007) démontrant ainsi par cet écrit et notamment par ce passage souligné et mis en gras par son auteur que la question de la mise à niveau du rez-de-chaussée avec la voie d'accès était une requête des maîtres de l'ouvrage mais qui n'a pas été expressément reprise dans le contrat qu'ils ont finalement signé.

Par la suite, M. [C] avait indiqué qu'il serait présent lors de la réunion relative à l'implantation de la maison prévue le 23 mai 2005, le maître de l'ouvrage indiquant sur son message adressé au constructeur par télécopie le 11 mai 2005, avoir bien noté 'que vous alliez décaisser pour l'implantation du vide sanitaire d'au moins un mètre, afin de préparer cette opération vous passeriez pour effectuer les mesures nécessaires'. (Annexe 15, p. 86 du rapport précité). Il indiquait toujours par télécopie, le 06 juin 2005, au constructeur qu'il n'était 'pas du tout d'accord avec la mise en place de marches' qui serait une cause de rétricessement du préau, ajoutant : 'mon épouse et moi tenons à ce que le sol du préau et du garage soit conforme au plan c'est à dire dans l'alignement du sol de la maison', rappelant 'comme nous l'avions déjà stipulé, la construction de cette maison est conçue également pour nos vieux jours [...] Aussi, nous préférons proscrire les marches' (Annexe 16, p. 87 du rapport précité).

Dans ces deux télécopies, ces messages étaient aussi adressés en copie à

M. [J] [F], qui apparaît dans le constat d'huissier dressé à la requête des maîtres de l'ouvrage le 6 septembre 2006, comme étant 'le conseiller de Monsieur et Madame [C]'.

Ce technicien a écrit à M. [C] la suite d'une visite du chantier faite le 26 juillet 2005, 'c) Maison et garage élevés, une plateforme a été créée pour descendre l'ensemble, voir photos du 21.6.2005 du V.S. si l'ensemble avait été sur le Terrain Naturel, la maison aurait été trop haute, si la plateforme avait été plus importante l'ensemble aurait trop encaissé, la solution prise semble la meilleure et le jeu des remblais fera le reste' (pièce n° 21 du dossier de la société Oc Résidences).

Il suit des constatations qui précèdent, que les maîtres de l'ouvrage avaient une parfaite connaissance des difficultés à suivre les indications altimétriques apparentes sur le plan sans des opérations de décaissement qu'ils n'ont jamais fait figurer sur le contrat qu'ils ont signé par la suite ni sans une reconfiguration des dimensions du vide sanitaire, ayant assisté à la réunion d'implantation de la maison. L'expert a bien relevé que le constructeur a tenté de corriger ces difficultés, expliquant ainsi le changement de volume du vide sanitaire et démontrant la connaissance par les parties de la situation posée par cette implantation dont les modifications nécessaires pour une parfaite mise à niveau, non stipulées dans le contrat, auraient été de nature à bouleverser l'économie générale du projet, avec l'obligation notamment de construire un mur de soutènement pour ne pas déstabiliser le fonds voisin.

Si les maîtres de l'ouvrage avaient émis en cours de chantier et notamment encore le 24 décembre 2005, leur mécontentement sur la persistance de ces difficultés, force est constater qu'ils n'ont jamais remis en question cette opération alors que,

M. et Mme [C] affirment qu'ils présentaient des difficultés à monter des marches (certificat médical établi le 8 juillet 2008 pour Mme [C] annexe 4, p. 63 du rapport du 23 avril 2009 et carte d'invalidité pour M. [C] établie en avril 2021 - pièce n° 20 de leur dossier) et pressentaient à tout le moins déjà, à la lumière de leurs écrits, des difficultés de mobilité et le handicap.

Comme le précise l'expert judiciaire, 'on peut supposer que la fourniture par le constructeur, de documents contractuels plus clairs et détaillés auraient évité un certain nombre de problèmes et de litiges' (p. 17 du rapport du 2 novembre 2007). Si le contrat de construction de maison individuelle est soumis à un formalisme exigeant pour préserver cette obligation de précision et sert, avec la notice descriptive, de référence pour l'analyse de la conformité des travaux aux stipulations contractuelles, il convient de constater que les époux [C] n'ont jamais soulevé la nullité de contrat de construction immobilière pour imprécision de la notice descriptive. Ces derniers ne peuvent se prévaloir de la méconnaissance par le constructeur des données relatives à l'implantation de l'ouvrage et à la hauteur du vide sanitaire, et par voie de conséquence d'une non-conformité, l'ajout d'un rangée de parpaings dans le vide sanitaire n'étant que le fruit d'une demande insistante par les maîtres de l'ouvrage de modification du projet en cours d'exécution du contrat sur la mise à niveau de l'ensemble dans des proportions qui ne pouvaient d'ailleurs être satisfaites sans bouleversement de l'économie générale du contrat signé par les maîtres de l'ouvrage.

En d'autres termes, la non-conformité alléguée par les époux [C] se rapporte en réalité à l'insuffisance de modifications non portées sur le contrat de construction et tolérées par le constructeur et non dans la méconnaissance du contrat signé entre les parties.

La cour de renvoi qui n'est pas saisie d'une demande présentée sur le terrain du manquement du constructeur à son obligation de conseil et d'information, ne peut donc que débouter les époux [C] de leurs demandes tendant à la démolition et à la reconstruction de l'ouvrage sur le fondement du défaut de conformité en l'espèce inexistant.

6. Les époux [C] seront aussi, pour les mêmes motifs, déboutés de leurs demandes relatives à l'indemnisation de leur préjudice moral et des frais de déménagement ainsi qu'aux pénalités de retard de livraison conforme de l'immeuble.

7. Le jugement ayant débouté les époux [C] de leurs demandes sera, par ces motifs propres, confirmé.

- sur la demande de condamnation à déposer une demande du permis de construire modificatif :

9. Après avoir relevé que le problème d'implantation altimétrique décrit par l'expert ne constituait pas une non-conformité contractuelle, il appartient tout d'abord à la cour de s'assurer que cette implantation est conforme ou non au permis de construire ainsi que l'y invite la Cour de cassation.

L'expert judiciaire a, dans son rapport du 2 novembre 2007, indiqué en pages 11 et 12, que la demande de permis de construire n'avait pas pris en compte le dénivelé réel du terrain et ne reflétait pas la réelle implantation altimétrique de la construction.

Le dépôt d'une demande de permis de construire modificatif s'impose donc étant relevé que selon l'expert judiciaire, l'existence même du permis ne semble pas pouvoir être sérieusement mis en cause.

10. La demande de modification du permis de construire demeure à la diligence du maître de l'ouvrage. Le constructeur de maison individuelle peut effectivement déposer cette demande ainsi que la société Oc Résidences l'a d'ailleurs fait s'agissant des tuiles de la toiture, objet de modifications exclues du champ du présent litige.

Certes, il est exact que le constructeur avait précisé, devant l'huissier mandaté par les maîtres de l'ouvrage, qu'il déposerait une telle demande en référence aux questions n°3 et 4 des réserves émises lors de la réception (notamment hauteur du vide sanitaire et implantation altimétrique). Il est aussi constant que le juge des référés a, suivant ordonnance du 10 juillet 2012, enjoint la société Oc Résidences à déposer cette demande dans un délai de deux mois.

Il convient toutefois de relever qu'à la suite de ce long litige l'inexécution de la décision de référé n'a donné lieu à aucune procédure d'exécution forcée notamment par voie d'astreinte et que l'accord oralement évoqué par le constructeur devant l'huissier sur la nécessité d'une demande de modification du permis de construire, intervenu avant tout contentieux sur la réalité et l'étendue des non-conformités qu'elles soient contractuelles ou seulement au regard du permis de construire, ne saurait valoir un engagement d'y procéder personnellement étant par ailleurs constaté que les maîtres de l'ouvrage ont écrit dans leur liste de réserves (pièce n° 8 de leur dossier) au point 4. 'Demande de modification du permis de construire' la mention suivante '' Sous réserve d'obtention du certificat de conformité par les services administratifs compétents'.

Il n'est allégué aucune démarche en ce sens par les maîtres de l'ouvrage et il n'est pas plus démontré, au regard des constatations qui précédent, l'existence d'une obligation du constructeur de déposer une demande de permis de construire modificatif en lieu et place des maîtres de l'ouvrage sur les points développés au cours de la présente instance.

Cette demande doit donc être rejetée et le jugement doit être, par ces motifs propres, confirmé.

- sur la demande reconventionnelle en paiement du solde des travaux :

11. La société Oc Résidences a sollicité la condamnation des époux [C] au paiement du solde de la facture de travaux soit la somme de 10 666,35 euros, demande qui avait été présentée pour la première fois devant la cour d'appel de Montpellier qui l'avait admise mais compensée avec une créance d'indemnisation de divers désordres retenue par la cour.

Dans le cadre de l'instance de renvoi, il convient de constater que les époux [C] n'ont formulé strictement aucune contestation sur le montant de ce solde ni présenté de demande spécifique, même à titre subsidiaire, sur l'indemnisation des dommages liés aux désordres constatés par l'expert judiciaire dans son rapport du 2 novembre 2007 (mise en place d'un conduit de cheminée, révision et reprise des finitions des porte-fenêtres de la cage d'escalier, reprise du garde corps d'escalier, remblaiement pour accès à la plate-forme de la maison, génoise et gouttières, pergola bois, cloisons dégagement nuit) soit pour un montant total de 10 610 euros.

12. Ainsi, dans la limite de sa saisine, la cour de renvoi ne doit statuer que sur la demande relative au solde des travaux, non discuté et représentant le montant de la retenue de garantie de 5 %.

Il sera donc fait droit à la demande de condamnation des époux [C] à payer à la société Oc Résidences la somme de 10 666,35 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 12 avril 2018.

- sur les dépens et frais irrépétibles :

13. Les époux [C], parties perdantes, seront condamnés aux dépens d'appel en ce compris les dépens de la procédure d'appel cassée comme le prévoit l'article 639 du code de procédure civile.

14. Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la société Oc Résidences les frais non compris dans les dépens qu'elle a pu exposer à l'occasion de cette procédure. Elle sera déboutée de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Tenus aux dépens, les époux [C] ne peuvent qu'être déboutés de leur demande présentée au même titre.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, contradictoírement et en dernier ressort, dans les limites

de la saisine sur renvoi,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Narbonne du 15 mai 2015 en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Condamne M. [W] [C] et Mme [B] [C] à payer à la Sas Oc Résidences la somme de 10 666,35 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 12 avril 2018.

Condamne M. [W] [C] et Mme [B] [C] aux dépens d'appel.

Autorise conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

la Scp Apr Avocas, à recouvrer directement contre la partie condamnée, ceux des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision.

Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 al. 1 er , 1° du code de procédure civile.

Le Greffier,Le Président,

N. DIABYM. DEFIX

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 20/00330
Date de la décision : 16/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-16;20.00330 ?
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