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16/05/2022 | FRANCE | N°19/03067

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 16 mai 2022, 19/03067


16/05/2022



ARRÊT N°



N° RG 19/03067

N° Portalis DBVI-V-B7D-NCDI

CR / RC



Décision déférée du 28 Mars 2019

Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE 15/03790

Mme BERRUT

















[X] [H]-[F]

SELARL [H] [F] NOTAIRES





C/



SA BANQUE COURTOIS












































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CONFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



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à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANTS



Maître [X] [H]-[F]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Nicolas LARRAT de la SCP LARRA...

16/05/2022

ARRÊT N°

N° RG 19/03067

N° Portalis DBVI-V-B7D-NCDI

CR / RC

Décision déférée du 28 Mars 2019

Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE 15/03790

Mme BERRUT

[X] [H]-[F]

SELARL [H] [F] NOTAIRES

C/

SA BANQUE COURTOIS

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTS

Maître [X] [H]-[F]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Nicolas LARRAT de la SCP LARRAT, avocat au barreau de TOULOUSE

SELARL [H] [F] NOTAIRES

Société d'exercice libéral à responsabilité limitée titulaire d'un Office Notarial, venant aux droits de la SCP [N] [H]-[F] - [X] [H]-[F], agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social de la société.

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Nicolas LARRAT de la SCP LARRAT, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

S.A BANQUE COURTOIS

Direction Juridique et contentieuse, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Sébastien BRUNET-ALAYRAC de la SCP CAMILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 11 Octobre 2021 en audience publique, devant la Cour composée de :

M. DEFIX, président

C. ROUGER, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N. DIABY, greffier de chambre.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [C] épouse [V] a occupé la fonction de clerc de notaire au sein de l'office notarial dont est titulaire la Scp [N] [H]-[F]-[X] [H]-[F], durant la période du 2 janvier 2012 au 31 octobre 2012.

Suivant offre de prêt du 18 mai 2012, acceptée le 30 mai 2012, la Banque Courtois a consenti à Mme [V] et son époux un prêt immobilier d'un montant de 170.000 € pour financer des travaux d'amélioration d'une maison d'habitation dont les emprunteurs étaient propriétaires à [Localité 6].

En garantie du remboursement de ce prêt, l'offre acceptée stipulait qu'une hypothèque était consentie par les époux [V] 'en premier rang et sans concours sur le bien objet du prêt, à hauteur de 170.000 € en principal, augmenté de tous intérêts, commissions, frais et accessoires'.

Le prêt a été réitéré par acte notarié reçu le 1er juin 2012 par Me [H]-[F], comportant affectation hypothécaire de la maison des emprunteurs en garantie du remboursement du prêt.

Après signature de l'acte notarié, la Banque Courtois s'est aperçue que des factures qui lui étaient présentées au paiement par les époux [V] étaient des faux, les prestations correspondantes n'ayant jamais été réalisées. Elle a également constaté que les époux [V] avaient fourni une attestation de donation par les époux [C] au profit de leur fille, [I] [C] épouse [V], du bien donné en garantie, alors que l'acte de prêt reçu par le notaire le 1er juin 2012 indiquait que les époux [V] avaient acquis ce même bien par acte authentique de vente du 31 juillet 2010, et non par donation.

Elle s'est enfin aperçue que l'inscription profitant au Crédit Immobilier de France n'avait pas été radiée, de sorte qu'elle ne bénéficiait que d'une hypothèque de second rang. Le crédit immobilier de France, interrogé, lui a confirmé le 12 septembre 2012 que le prêt consenti aux époux [V] n'avait pas fait l'objet d'un remboursement anticipé, contrairement à ce qui était indiqué dans l'acte notarié du 1er juin 2012.

Par actes d'huissier des 16 et 20 novembre 2012, la Banque Courtois a assigné M. et Mme [V] devant le tribunal de grande instance de Toulouse pour faire constater que le prêt était devenu exigible en conséquence des renseignements inexacts fournis et par jugement du 14 octobre 2013, les époux [V] ont été condamnés solidairement à payer à la Banque Courtois la somme en principal de 142.850,97 € et celle de 9.999,56 € correspondant à l'indemnité contractuelle d'exigibilité anticipée, outre les intérêts au taux contractuel de 4,10% à compter du 18 septembre 2012 sur le principal, les intérêts de retard devant se capitaliser.

La Banque Courtois a vainement tenté d'exécuter ce jugement, le bien des époux ayant été vendu sur saisie immobilière engagée par le Crédit Immobilier de France, pour un prix de 138.000 € intégralement absorbé par la créance de premier rang du CIF.

Par actes d'huissier du 8 octobre 2015, la Banque Courtois a fait assigner Me [X] [H]-[F] et la Scp [N] [H]-[F] - [X] [H]-[F] devant le tribunal de grande instance de Toulouse, afin d'obtenir réparation de son préjudice, en invoquant la responsabilité du commettant du fait d'autrui.

Par jugement contradictoire du 28 mars 2019, le tribunal de grande instance de Toulouse a :

- dit que Me [X] [H]-[F] et la Scp [N] [H]-[F] - [X] [H]-[F] sont solidairement tenus de payer à la Banque Courtois la somme de 152.850,53 €, majorée des intérêts au taux légal à compter du 18 septembre 2012 et jusqu'à parfait paiement,

- dit que les intérêts dus pour une année entière produiront eux-mêmes intérêt,

- dit que Me [X] [H]-[F] et la Scp [N] [H]-[F] - [X] [H]-[F] sont tenus in solidum de payer à la Banque Courtois la somme de 3.000 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- dit que Me [X] [H]-[F] et la Scp [N] [H]-[F] - [X] [H]-[F] sont tenus in solidum de supporter les dépens,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,

- rejeté le surplus des demandes.

Le premier juge a retenu que le notaire instrumentaire avait manqué à son obligation d'assurer l'efficacité de l'acte qu'il avait reçu portant constitution d'une hypothèque conventionnelle devant venir en premier rang. Il a aussi retenu que le notaire comme la banque avaient été victimes des agissements frauduleux de Mme [V], laquelle a reconnu dans le cadre de la procédure pénale dont elle avait fait l'objet être l'auteur de faux documents et avoir falsifié la page de l'acte authentique du 1er juin 2012 mentionnant l'existence des inscriptions hypothécaires du CIF ; qu'en toute hypothèse, la responsabilité du notaire était engagée du fait d'autrui en sa qualité de commettant responsable du dommage causé par sa préposée dans les fonctions auxquelles elle était employée sur le fondement de l'article 1384 alinéa 5 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause et que le commettant ne pouvait dès lors invoquer aucune cause d'exonération ; que Mme [V], clerc notariale de l'étude, directement intéressée à la rédaction de l'acte en cause avait falsifié une page de l'acte authentique du 1er juin 2012, rédigé la fausse attestation du Crédit Immobilier de France datée du 31 mai 2012 visée par l'acte indiquant que le prêt consenti par cet établissement était entièrement remboursé et utilisé cette attestation pendant son temps de travail, sur son lieu de travail, à l'aide des moyens mis à sa disposition par son employeur et dans l'exécution des tâches que ce dernier lui avait confiées, de sorte qu'elle avait agi dans les fonctions auxquelles elle avait été employée, peu important qu'elle l'ait fait sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions ; qu'ayant trouvé dans ses fonctions les moyens de commettre le dommage, la Scp notariale en était responsable et que le préjudice en l'état de l'insolvabilité avérée des emprunteurs s'élevait au montant des sommes dues par les emprunteurs, en relation directe avec les agissements frauduleux de Mme [V] dont la Scp notariale devait répondre en qualité de commettant.

Par déclaration en date du 2 juillet 2019, Me [X] [H]-[F] et la Selarl [H]-[F] ont relevé appel de ce jugement concernant l'ensemble de ses dispositions.

DEMANDES DES PARTIES

Dans leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 17 mars 2020, Me [H]-[F] et la Selarl [H] [F] Notaires, appelants, demandent à la cour, au visa des articles 1382 et 1384 alinéa 5 du code civil, de :

- réformer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

- débouter la Banque Courtois de l'ensemble de ses demandes en ce que les éléments constitutifs de la responsabilité civile de Me [H]-[F], que ce soit de son fait personnel ou du fait de sa préposée, ne sont pas établis,

- condamner la Banque Courtois au paiement d'une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel,

- en tout état de cause, débouter la Banque Courtois de son appel incident et de sa demande présentée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils soutiennent que le notaire en sa qualité de commettant peut être déchargé de la présomption de responsabilité pesant sur ce dernier lorsque l'acte du préposé se situe hors de ses fonctions, qu'il n'a pas été autorisé par le commettant et que le préposé a agi à des fins étrangères à ses attributions ; qu'en l'espèce, Mme [C] épouse [V] n'est intervenue à l'acte qu'en qualité de partie et n'a jamais été chargée en tant que clerc de l'étude de préparer l'acte authentique de prêt ni de recueillir à cette fin les documents nécessaires à sa réception ; que la Banque Courtois n'a jamais pu croire dans ses rapports avec Mme [C] que cette dernière avait la qualité de clerc de l'étude et donc de préposée puisqu'elle n'avait que la qualité de co-emprunteur et donc de cliente de la banque ; que Mme [C] épouse [V] a seulement profité de sa présence au sein de l'office notarial et du libre accès dont elle pouvait bénéficier pour substituer certains documents afin de les remplacer par d'autres qu'elle avait falsifié à son domicile avec son ordinateur personnel, créant ainsi des faux dont elle a fait usage à l'insu de son employeur en dehors de son temps de travail et des missions qui lui étaient confiées ; qu'ainsi elle n'a jamais agi pour le compte du notaire instrumentaire mais exclusivement en son nom personnel et hors de ses fonctions.

S'agissant de la responsabilité personnelle du notaire instrumentaire, ils soutiennent que Me [X] [H]-[F] n'a jamais été en situation de pouvoir éventer l'existence d'un prêt immobilier consenti à l'origine par le Crédit Immobilier de France, ni de celle des inscriptions lui bénéficiant puisque l'état hypothécaire hors formalité du 16 mai 2012 délivré à la demande de la société civile professionnelle avait été falsifié, ne faisant ressortir qu'une seule formalité (l'acquisition du bien immobilier) à l'exclusion des deux inscriptions bénéficiant au Crédit Immobilier de France qui avaient été supprimées par Mme [C] épouse [V] ; qu'au surplus cette dernière a reconnu qu'après la signature de l'acte authentique du 1er juin 2012 elle a substitué la page 05/06 dudit acte qui ne faisait mention d'aucune inscription en l'état de l'état hypothécaire hors formalité du 16 mai 2012 pour une nouvelle page 05/06 falsifiée qui indiquait que ce même état hypothécaire avait révélé l'existence de deux inscriptions prise au profit du Crédit Immobilier de France entièrement remboursées selon courrier du 31 mai 2012. Ils en déduisent que le notaire instrumentaire ne disposait d'aucun élément pour considérer qu'en réalité le bien immobilier donné en garantie était grevé d'inscriptions au profit du Crédit Immobilier de France et ne pouvait donc mettre en garde la Banque Courtois à cet égard.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 31 mars 2020, la Sa Banque Courtois, intimée, demande à la cour, au visa des articles 1382 et 1384 (anciens) du code civil, de :

- débouter Me [H] [F] et la Selarl [H]-[F] Notaires de toutes leurs demandes fins et conclusions, comme étant irrecevables et mal fondées,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

* dit que Me [H] [F] et la Scp [N] [H]-[F] - [X] [H]-[F], aux droits de laquelle se trouve la Selarl [H]-[F] Notaires, sont solidairement tenus de lui payer la somme de 152.850,53 €,

* dit que les intérêts dus pour une année entière, produiront eux-mêmes intérêts,

- réformer ledit jugement en ce qu'il a dit que la somme de 152.850,53 € serait majorée des intérêts au taux légal à compter du 18 septembre 2012 et jusqu'à parfait paiement,

Statuant à nouveau,

- condamner Me [H] [F] et la Selarl [H]-[F], Notaires solidairement à lui payer la somme de 152.850,53 € majorée des intérêts au taux contractuel de 4.10 % à compter du 18 septembre 2012 sur le principal de 142.850,97 € et ce jusqu'à parfait paiement, les intérêts dus pour une année entière produisant eux-mêmes intérêts,

- condamner Me [H] [F] et la Selarl [H]-[F], Notaires au paiement in solidum de la somme de 3.000 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner Me [H] [F] et la Selarl [H]-[F], Notaires in solidum à supporter les dépens de première instance et d'appel.

Elle invoque tant la responsabilité du fait personnel du notaire sur le fondement de l'article 1147 du code civil, lui reprochant de ne pas avoir assuré l'efficacité de son acte, obligation de résultat, que la responsabilité du fait d'autrui en qualité de commettant, la préposée ayant trouvé dans ses fonctions et sur son lieu de travail les moyens de commettre le dommage, fut-ce sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions. Elle relève que Mme [C] n'a jamais déclaré avoir falsifié un état hypothécaire, que les états hypothécaires sont transmis par télé@actes et intégrés dans le logiciel de gestion de l'étude à leur réception, que Me [H] [F] n'a pas produit cet état hypothécaire transmis par télé@actes et n'a pas procédé à la vérification préalable de cet état ; qu'au surplus l'état hypothécaire hors formalité produit en papier à la procédure par le notaire, présenté comme ayant été falsifié et ne mentionnant pas d'inscription, comporte bien des feuillets faisant mention de l'inscription du Crédit Immobilier de France.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 28 septembre 2021.

SUR CE, LA COUR :

En droit, le notaire qui prête son concours à l'établissement d'actes authentiques doit veiller à leur efficacité. Il doit, préalablement, procéder à la vérification des faits et conditions nécessaires pour assurer leur utilité et leur efficacité, sans toutefois être dans l'obligation de vérifier les informations d'ordre factuel fournies par les parties en l'absence d'éléments de nature à faire douter de la véracité ou de l'exactitude des renseignements donnés. Il est en outre tenu envers ceux qui sollicitent son ministère d'un devoir de conseil et, le cas échéant de mise en garde, notamment en ce qui concerne les conséquences et risques des stipulations convenues.

En application de l'ancien article 1384 du code civil, devenu 1242, la faute du préposé n'est pas suffisante pour établir la responsabilité du commettant. Encore faut-il que cet acte dommageable se rattache aux fonctions du préposé, c'est à dire à l'autorité du commettant. Lorsque l'acte du préposé ne peut, en aucune manière se rattacher à l'autorité qu'exerce sur lui le commettant, notamment dans le cas d'infractions pénales sans lien avec les fonctions exercées ou lorsque le préposé commet un abus de fonctions constitué lorsque sont cumulativement réunies trois conditions que sont l'action hors de ses fonctions, à des fins étrangères à ses attributions et sans autorisation du commettant, ce dernier est exonéré de sa responsabilité.

En l'espèce, il est établi que Mme [V], clerc de l'étude notariale [H]-[F] a commis divers faux qu'elle a reconnus pour parvenir à l'obtention du prêt sollicité par elle et son époux dans un intérêt strictement personnel auprès de la Banque Courtois et pour lesquels elle a été pénalement sanctionnée à savoir : une fausse attestation du Crédit Immobilier mentionnant que le crédit de la maison de [Localité 5] était remboursé, une fausse attestation notariale auprès du cabinet de maître [H] [F] mentionnant que ses parents lui avaient donné le bien sis à [Localité 5], de faux relevés de compte mentionnant de faux montants. Elle a admis avoir falsifié à l'étude de notaire où elle exerçait ses fonctions la page 05/06 de l'acte notarié, indiquant avoir enlevé la mention d'inscription hypothécaire, avoir apposé les paraphes à la place du notaire, de son époux et du représentant de la banque, et après signature du notaire, avoir remis le dossier initial à sa place. Pour le surplus elle a indiqué avoir réalisé l'ensemble des faux à son domicile avec son ordinateur personnel. A aucun moment elle n'a reconnu avoir falsifié un état hypothécaire reçu par l'étude notariale.

Il s'avère que les pages 5/6 de l'acte de prêt hypothécaire en possession de la Banque Courtois, dont Me [H]-[F] prétend qu'elle a été falsifiée par sa salariée, mentionne un état des inscriptions certifié à la date du 16 mai 2012 du chef de l'emprunteur révélant une inscription d'hypothèque conventionnelle prise au profit du Crédit Immobilier de France en date du 31 juillet 2010 publiée au bureau des hypothèques de Muret le 4/08/2010 volume 2010V numéro 2146 et d'un privilège de prêteur de deniers pris au profit du Crédit Immobilier de France en date du 31 juillet 2010 publié au bureau des hypothèques de Muret le 04/08/2010 volume 2010V numéro 2147 , informations parfaitement conformes à la réalité au vu des états hors et sur formalité produits au débat, mais qu'il comporte la mention falsifiée et mensongère « Ledit prêt est à ce jour entièrement remboursé ainsi qu'il résulte d'une attestation émanant du Crédit Immobilier de France en date du 31 mai 2012 ». Cette attestation n'est pas mentionnée comme annexée à l'acte et n'a pu être produite à la Banque Courtois lorsque cette dernière, après levée d'un état hypothécaire hors formalité sollicité par ses soins en septembre 2012 révélant des inscriptions sur le bien sur lequel elle avait exigé une inscription de premier rang comme condition de l'octroi du prêt, a laissé le soin à Me [H]-[F] d'en vérifier la véracité. Me [H]-[F] prétend avoir tout ignoré de ce document puisqu'il soutient que le projet original de l'acte notarié de prêt préparé par ses soins, dont la page 06 qu'il a faite vérifier par huissier dans le logiciel de l'étude, non modifiable, prévoyait que l'état des inscriptions certifié à la date du 16 mai 2012 du chef de l'emprunteur ne révélait aucune inscription.

De fait, le dommage subi par la Banque Courtois des suites de l'acte notarié de prêt hypothécaire dont Me [H]-[F] a été chargé de l'établissement ne résulte pas d'une fausse attestation de remboursement du prêt du Crédit Immobilier de France qui n'a jamais été fournie à la Banque Courtois ni annexée à l'expédition remise au créancier, mais de l'existence sur le bien immobilier appartenant aux époux [V]-[C] des deux inscriptions d'hypothèque et de privilège de prêteur de deniers inscrites en premier rang au profit du Crédit Immobilier de France en 2010 telles que ci-dessus rappelées qui l'ont privée de la garantie exigée en contrepartie du prêt immobilier consenti et dont elle n'a pas été informée par le notaire instrumentaire de l'existence.

Il ressort des pièces produites au débat que selon demande de renseignement n° 2012H5296 du 14/05/2012, Me [H]-[F] a sollicité un état hors formalité des publications figurant au fichier immobilier concernant l'immeuble sis Commune de [Localité 5] appartenant aux époux [V] sur lequel la Banque Courtois exigeait une inscription d'hypothèque de premier rang en garantie du prêt immobilier sollicité. Il produit en pièce 13 un exemplaire papier du certificat délivré par le conservateur le 16/05/2012, lequel précise en page 1 que l'état est dématérialisé et transmis par Télé@actes (numéro de dossier 201201336549). La première page de ce document papier porte la mention «  Il n'existe que la formalité indiquée dans l'état de réponse ci-joint », dont Me [H]-[F] soutient qu'elle a été falsifiée par sa salariée et sur la base de laquelle il aurait préparé l'acte notarié de prêt en précisant en page 06 de l'original enregistré dans le logiciel de l'étude, non modifiable ainsi qu'établi par huissier, « Un état des inscriptions certifié à la date du 16 mai 2012 du chef de l'emprunteur ne révèle aucune inscription ». La première page de l'exemplaire papier de ce document précise néanmoins « (*) le nombre de page(s) total figure en fin de document ». Force est de constater que ce nombre de pages n'est pas mentionné sur la photocopie produite. Au demeurant la pièce 13 comporte un mélange des relevés adressés à l'étude notariale suite aux demandes de renseignements hors formalité n° 2012H5296 du 14/05/2012 et sur formalité n°2012F2741 du 27/06/2012 aux fins de publication de l'acte notarié de prêt. Les deux dernières pages, qui correspondraient à la seule mention communiquée de l'acte de vente du 31/07/2010 constituant le titre d'acquisition des époux [V], sont vierges de tout rappel du n° de la demande de renseignement en bas de page, de toute précision quant aux modalités de la vente du 31 juillet 2010 (acquéreurs, vendeurs, identité du notaire instrumentaire, références de propriété antérieure) ce qui ne permettait pas d'établir l'origine de propriété telle qu'elle figure en page 04/07 de l'acte de prêt, ainsi que de toute mention du nombre effectif de pages transmises suite à la demande de renseignements n° 2012H5296 ou de fin du document informatisé Fidji telle que mentionnée à la fin de la demande de renseignement n° 2012F2741 transmise par le conservateur le 29/06/2012, seule produite en intégralité sur format papier (pièce 14 de l'appelant). Me [H]-[F] ne peut donc utilement soutenir que ce seul document papier falsifié par sa salarié et manifestement incomplet, lui aurait permis de s'assurer, comme il le devait, de l'absence d'inscriptions hypothécaires sur l'immeuble devant servir de garantie de premier rang telle qu'exigée par la Banque Courtois. Il ne produit pas le document complet transmis par le conservateur par voie dématérialisée par Télé@actes, intégré au logiciel de gestion de l'étude et donc nécessairement infalsifiable dans le logiciel, et ne l'a pas soumis au contrôle de l'huissier qu'il a mandaté pour réaliser 27 avril 2016 un constat des documents originaux enregistrés dans son logiciel de gestion.

Il ressort du tout que Me [H] [F] a préparé un acte authentique de prêt mentionnant au profit de la Banque Courtois une garantie en premier rang et sans concours sur le bien immobilier objet du prêt à hauteur de 170.000 € en principal outre intérêts, frais et accessoires et la délivrance d'un état des inscriptions certifié à la date du 16 mai 2012 du chef des emprunteurs ne révélant aucune inscription sans vérifier, comme il y était tenu, l'état hors formalité transmis de manière dématérialisée par Télé@actes le 16/05/2012, seul document officiel fiable, qui ne pouvait que contenir, ainsi qu'il résulte de l'état sur formalité délivré le 29/06 suivant, les mentions des inscriptions bénéficiant au Crédit Immobilier de France pour 6.360 € en principal s'agissant de l'inscription d'hypothèque conventionnelle 2010V2146, et pour 236.000€ en principal s'agissant de celle du privilège du prêteur de deniers 2010V2147, dont la date extrême d'effet était le 05/09/2040, lesquelles n'avaient donné lieu à aucune mainlevée.

Il en résulte qu'indépendamment des falsifications imputées ou reconnues par Mme [C] épouse [V], Me [X] [H]-[F] n'a pas assuré l'efficacité de l'acte de prêt qu'il était chargé d'instrumenter, commettant par sa propre négligence un manquement à ses obligations professionnelles de nature à engager sa responsabilité personnelle à l'égard de la Banque Courtois, créancier privé de la garantie de premier rang qui constituait un élément substantiel et déterminant de son engagement de prêteur, sans lequel elle n'aurait pas consenti le prêt. Ce manquement a, à lui seul, permis la réalisation de l'entier dommage subi par la Banque Courtois, laquelle a prêté les fonds et s'est trouvée privée de la garantie de premier rang qu'elle avait exigée pour accorder le prêt immobilier ainsi que de toute possibilité de recouvrement sur le prix d'adjudication du bien immobilier grevé à son profit uniquement en second rang, lequel s'est élevé à 138.000 € après surenchère et a été totalement absorbé par la créance hypothécaire du Crédit Immobilier de France fixée à 272.000 € par le jugement d'orientation, les époux [V] ne disposant par ailleurs d'aucun autre patrimoine réalisable ainsi qu'il résulte du plan conventionnel de redressement définitif élaboré par la commission de surendettement de la Haute-Vienne le 31/05/2016 évaluant leur passif global à 972.434,13 €.

La Banque Courtois se trouve ainsi privée du seul fait de la négligence fautive du notaire instrumentaire de toute possibilité de recouvrer le montant de sa créance au titre du prêt accordé sans vérification préalable par ledit notaire de l'effectivité de la garantie exigée, l'inscription prise à compter de la date de l'acte notarié jusqu'au 10/06/2033 pour un montant principal de 170.000 € au taux d'intérêt de 4,10% outre accessoires à hauteur de 34.000 €, sur un immeuble acquis en août 2010 pour 216.820 € n'étant en fait que de second rang.

Le préjudice consommé pour la Banque Courtois résultant de la faute du notaire instrumentaire est donc constitué non seulement par l'absence de toute garantie efficiente pour assurer le recouvrement de sa créance telle que chiffrée après déchéance du terme par jugement du tribunal de grande instance de Toulouse du 14 octobre 2013 à la somme de 152.850,53 € comprenant l'indemnité d'exigibilité anticipée augmentée des intérêts au taux contractuel de 4,10% à compter du 18 septembre 2012 sur le principal de 142.850,97 € jusqu'à parfait paiement, mais aussi par le fait qu'elle s'est dépossédée dès juin 2012 d'une somme principale de 170.000 €, remboursée très partiellement à hauteur de 27.149,03 €, sans garantie effective, ce qu'elle n'aurait pas fait si elle avait été informée de l'absence de possibilité de garantie de premier rang. Elle s'est ainsi trouvée privée non seulement du remboursement de l'essentiel du capital prêté, mais aussi de la possibilité d'investir autrement les fonds ainsi perdus dans des conditions normales de rémunération, de sorte qu'elle se trouve fondée à solliciter à titre de réparation de l'intégralité de son préjudice non seulement la somme de 152.850,53 € correspondant à sa créance exigible impayée, mais aussi, faisant droit partiellement à son appel incident, à titre de dommages et intérêts complémentaires, les intérêts au taux contractuel de 4,10 % escomptés et perdus sur ladite somme, courus du 18 septembre 2012, date de la déchéance du terme, jusqu'à la date du présent arrêt liquidant le préjudice. A compter du présent arrêt, les intérêts sur les sommes dues à titre de dommages et intérêts seront les intérêts au taux légal en application de l'article 1231-7 du code civil avec capitalisation ainsi que sollicité des intérêts échus en application des dispositions de l'article 1343-2 du même code, dès lors qu'ils seront dus pour une année entière.

M.[X] [H]-[F] étant associé de la Selarl [H]-[F] société d'exercice libéral venant aux droits de la Scp [N] [H]-[F]-[X] [H]-[F], intimée, la Banque Courtois se trouve bien fondée à solliciter leur condamnation solidaire conformément aux dispositions de l'article 16 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé.

Succombant en leur appel, M.[X] [H]-[F] et la Selarl [H]-[F] venant aux droits de la Scp [N] [H]-[F]-[X] [H]-[F] supporteront solidairement les dépens de première instance et d'appel et se trouvent redevables d'indemnités sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant au titre de la procédure de première instance, telle que justement appréciée par le premier juge, qu'au titre de la procédure d'appel dans les conditions définies au dispositif du présent arrêt, sans pouvoir eux-mêmes prétendre à l'application de ce texte à leur profit.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce que le premier juge a dit que la somme de 152.850,53 € serait majorée des intérêts au taux légal à compter du 18 septembre 2012 jusqu'à parfait paiement

Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,

Dit que M.[X] [H]-[F] engage sa responsabilité professionnelle personnelle pour faute, et consécutivement, la responsabilité solidaire de la Selarl [H]-[F], venant aux droits de la Scp [N] [H]-[F]-[X] [H]-[F], à l'égard de la Sa Banque Courtois

Condamne solidairement M.[X] [H]-[F] et la Selarl [H]-[F], venant aux droits de la Scp [N] [H]-[F]-[X] [H]-[F], à payer à la Sa Banque Courtois à titre de dommages et intérêts la somme de 152.850,53 € ainsi que les intérêts au taux contractuel de 4,10 % courus sur ladite somme du 18 septembre 2012 jusqu'à la date du présent arrêt

Dit qu'à compter du présent arrêt lesdits dommages et intérêts produiront intérêt au taux légal avec capitalisation des intérêts échus dès lors qu'ils seront dus pour une année entière

Dit que la Selarl [H]-[F], venant aux droits de la Scp [N] [H]-[F]-[X] [H]-[F], est tenue solidairement avec M.[X] [H]-[F] des condamnations mises à sa charge par le premier juge au titre des dépens de première instance et de l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance

Condamne solidairement M.[X] [H]-[F] et la Selarl [H]-[F], venant aux droits de la Scp [N] [H]-[F]-[X] [H]-[F] aux dépens d'appel

Condamne solidairement M.[X] [H]-[F] et la Selarl [H]-[F], venant aux droits de la Scp [N] [H]-[F]-[X] [H]-[F], à payer à la Sa Banque Courtois une indemnité de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel

Les déboute de leur demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le GreffierLe Président

N. DIABYM. DEFIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 19/03067
Date de la décision : 16/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-16;19.03067 ?
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