13/05/2022
ARRÊT N°2022/206
N° RG 20/02575 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NXLJ
AB/AR
Décision déférée du 23 Juillet 2020 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTAUBAN ( 19/00027)
[X]
[C] [J]
C/
Association AGIR SOIGNER EDUQUER INSERER
CONFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le 13 MAI 2022
à Me Mathilde SOLIGNAC Me Théodora MYLONAS
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 2
***
ARRÊT DU TREIZE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANTE
Madame [C] [J]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Mathilde SOLIGNAC de l'AARPI QUATORZE, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEE
Association AGIR SOIGNER EDUQUER INSERER (ASEI) Prise en la personne de sa Présidente
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Théodora MYLONAS de la SELARL MESSANT ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BRISSET, présidente
A. PIERRE-BLANCHARD, conseillere
F. CROISILLE-CABROL, conseillere
Greffier, lors des débats : A. RAVEANE
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre
EXPOSÉ DU LITIGE :
Mme [C] [J] a été embauchée à compter du 3 octobre 2012 par l'association Agir Soigner Eduquer Insérer ( ASEI ) en qualité d'aide soignante suivant contrat de travail à durée indéterminée. La convention collective applicable à la relation contractuelle est celle des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951.
La salariée effectuait sa prestation en service de nuit, au sein de l'établissement médicalisé 'Résidence la Septfontoise', sis à [Localité 6].
Au cours de la relation de travail, Mme [J] a exercé plusieurs mandats (déléguée du personnel, membre titulaire du CE, déléguée syndicale ).
Mme [J] a été placée en arrêt de travail du 7 au 17 avril 2015, du 29 octobre au 15 novembre 2015, puis du 18 juillet au 28 août 2016, et du 8 septembre au 21 septembre 2016.
Lors de la première visite médicale de reprise du 14 octobre 2016, le médecin du travail a déclaré Mme [J] 'inapte au poste occupé et à tout poste de nuit. Serait apte à un poste en journée'.
La deuxième visite médicale du 3 novembre 2016 a confirmé les précédentes conclusions du médecin du travail.
À compter de sa déclaration d'inaptitude, la salariée n'a pas repris son poste de nuit mais a continué à assumer ses mandats de déléguée du personnel et de déléguée syndicale en journée.
Après le rejet d'une première demande adressée à l'inspection du travail pour l'autorisation du licenciement de Mme [J], salariée protégée, la deuxième demande d'autorisation a été validée par l'inspection du travail le 1er février 2018.
Le 8 février 2018, l'association ASEI a notifié à Mme [J] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement, après refus par la salariée de propositions de postes de reclassement.
Mme [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Montauban le 6 février 2019 afin de voir juger qu'elle a effectué des heures supplémentaires, que ses heures de délégation auraient dû être récupérées, que son employeur n'a pas respecté son obligation de sécurité, que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, et voir condamner en conséquence l'association ASEI au paiement de sommes diverses.
Par jugement du 23 juillet 2020, le conseil de prud'hommes de Montauban a :
- dit et jugé qu'il était incompétent pour statuer sur la demande de licenciement sans cause réelle et sérieuse validée par l'Inspection du travail,
- dit et jugé que l'employeur n'a pas tout mis en oeuvre dans son obligation de sécurité des salariés,
- condamné l'association Agir Soigner Eduquer Insérer à verser à Mme [J] les sommes suivantes :
* 8 000 € de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,
* 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté Mme [J] du surplus de ses demandes,
- débouté l'Association Agir Soigner Eduquer Insérer de sa demande reconventionnelle,
- condamné l'Association Agir Soigner Eduquer Insérer aux dépens de l'instance.
Mme [J] a relevé appel de ce jugement le 22 septembre 2020, énonçant dans l'acte d'appel les chefs critiqués du jugement.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 15 décembre 2020, auxquelles il est expressément fait référence, Mme [J] demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que l'Association ASEI n'a pas tout mis en 'uvre dans son obligation de sécurité des salariés,
- réformer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [J] du surplus de ses demandes,
Statuant à nouveau,
- condamner l'association ASEI verser à Mme [J] les sommes suivantes :
- 4 012,56 € bruts de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires non
compensées, outre la somme de 401,26 € bruts au titre des congés payés afférents,
- 14 660,70 € à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
- 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de
sécurité de résultat (sic),
- 14 660,70 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et
sérieuse,
- 4 886,90 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 488,69 € bruts
au titre des congés payés afférents,
- 2 000 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance,
- 3 000 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais d'appel,
- condamner l'association ASEI aux entiers dépens de l'instance.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 5 mars 2021 auxquelles il est expressément fait référence, l'association Agir, Soigner, Eduquer, Insérer demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montauban le 23 juillet 2020 en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a débouté Mme [J] du surplus de ses demandes,
Par conséquent,
- débouter Mme [J] sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaire et congés payés afférents,
- débouter Mme [J] de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
- débouter Mme [J] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- débouter Mme [J] de sa demande de préavis et congés payés sur préavis,
- infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que l'association ASEI n'a pas mis tout en 'uvre dans son obligation de sécurité des salariés
Statuant à nouveau :
- débouter Mme [J] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,
- condamner Mme [J] au paiement de la somme de 1500 € sur fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
A titre subsidiaire, si la cour s'estimait compétente pour statuer sur la demande de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- juger que la lettre de licenciement ne comporte aucune irrégularité de fond,
- juger que l'inaptitude est sans lien avec le manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur.
Par conséquent,
- débouter Mme [J] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- débouter Mme [J] de sa demande de préavis et congés payés sur préavis.
MOTIFS :
Sur les heures supplémentaires :
Aux termes de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties, et si l'employeur doit être en mesure de fournir les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir effectuées afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
En l'espèce, Mme [J] était rémunérée pour un temps de travail de 151,67 heures par mois, et ses horaires de nuit étaient contractualisés ainsi :
-Semaine 1 : les mercredis et jeudis de 20h45 à 6h45 (soit 20 heures de travail au cours de la semaine 1)
-Semaine 2 : les lundis, mardis, vendredis, samedis et dimanches de 20h45 à 6h45 (soit 50 heures de travail au cours de la semaine 2).
Mme [J] explique avoir accompli des heures supplémentaires sans contrepartie; elle indique que dans le cadre de ses mandats elle utilisait ses heures de délégation en journée alors qu'elle travaillait de nuit, les heures de délégation effectuées en dehors de ses heures de travail habituel constituaient donc des heures supplémentaires qui devaient donner lieu à paiement ou à l'attribution d'un repos compensateur dont elle n'a bénéficié que très partiellement.
Elle bénéficiait des crédits d'heures suivants :
-15 heures de délégation par mois au titre de ses fonctions de déléguée du personnel,
- 20 heures de délégation par mois au titre de ses fonctions de membre du comité d'entreprise,
- 10 heures de délégation par mois au titre de ses fonctions de déléguée syndicale.
Le quantum des heures alléguées n'est pas discuté par l'employeur.
Elle produit un mail du service des ressources humaines de l'association en date du 14 février 2017 laissant effectivement apparaître un solde en sa faveur de 399,50 heures supplémentaires non récupérées au 1er janvier 2016 et portant sur un cumul durant les années 2013-2014 et 2015.
Elle verse également aux débats un tableau récapitulatif des heures supplémentaires et des repos compensateurs pour les années 2016 et 2017 montrant un solde de 13,25 heures supplémentaires non compensées, outre un solde de 126,25 heures supplémentaires résultant de l'accomplissement d'heures de délégation à hauteur de 357,25 heures n'ayant été que partiellement compensées par des repos compensateurs à hauteur de 231 heures.
Elle fournit deux autres tableaux pour les années 2017 et 2018, au cours desquelles elle a continué à exercer ses mandats sans occuper son poste ; il en résulte selon elle 184 heures supplémentaires pour l'année 2017 et 43 heures pour l'année 2018.
Selon Mme [J], dans le cadre du solde de tout compte, l'association a régularisé le paiement de 579,45 heures de repos compensateurs sur 866 heures supplémentaires non compensées au total, de sorte que la salariée demande le solde correspondant aux 286,55 heures de travail non compensées ni rémunérées.
Deux périodes sont toutefois à distinguer quant à l'examen des demandes de Mme [J].
-la première période concerne l'année 2016 jusqu'au 14 octobre, date à laquelle la salariée a cessé d'occuper son poste en raison du premier avis d'inaptitude,
-la seconde période est postérieure au 14 octobre 2016 et jusqu'au 8 février 2018, date du licenciement.
Sur la première période, la salariée travaillait de nuit et exerçait ses mandats de jour dans le cadre des heures de délégation qui lui était accordées. Dans la mesure où les heures de délégation étaient utilisées en dehors du temps de travail effectif, elles sont considérées comme des heures supplémentaires et doivent être rémunérées comme telles ou compensées en repos, par application de l'article L2143-17 du code du travail selon lequel 'les heures de délégation sont de plein droit considérées comme temps de travail et payées à l'échéance normale'.
En l'espèce, il résulte des pièces produites par les parties que l'exercice des mandats syndicaux de la salariée a généré sur cette période 399,5 heures supplémentaires non compensées pour la période antérieure au 31 décembre 2015, auxquelles s'ajoutent 63,25 heures supplémentaires non compensées pour l'année 2016 jusqu'au 14 octobre 2016, soit un total de 463,02 heures supplémentaires non compensées.
Sur la deuxième période en revanche, il est constant que la salariée ne fournissait plus de travail effectif puisqu'elle était en arrêt maladie, or la notion d'heures supplémentaires ne concerne que les heures de travail effectuées au-delà de la durée de travail effectif de 151,67h, et non d'une durée de travail contractuelle théorique.
Le total des heures de délégation utilisées par la salariée pour l'exercice de ses mandats syndicaux n'a lui-même jamais excédé 151,67 heures par mois et ne saurait donc générer des heures supplémentaires ouvrant droit à repos compensateur.
Au surplus il sera précisé que durant son arrêt de travail, Mme [J] a continué à percevoir l'intégralité de son salaire calculé sur la base de 151,67 heures par mois puisqu'elle n'était ni licenciée ni reclassée dans le délai d'un mois après l'avis définitif d'inaptitude.
Dans ces conditions, la cour constate comme les premiers juges qu'aucun rappel de salaire sur repos compensateurs n'est dû au titre de la deuxième période ; seule la première période générait un rappel de salaire mais la salariée a perçu le paiement des repos compensateurs avec son solde de tout compte, et a donc été remplie de ses droits, puisque l'association a régularisé le paiement de 579,45 heures de repos compensateurs dont les 463,02 heures supplémentaires générées par l'exercice des mandats, le surplus étant constitué d'heures supplémentaires non compensées réalisées durant le travail effectif de nuit de la salariée.
Les demandes en paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et des congés payés y afférents seront donc rejetées par confirmation du jugement déféré.
Sur le travail dissimulé :
En application de l'article L 8221 - 5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paye un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
Toutefois la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
En l'espèce, la cour n'ayant retenu l'existence d'aucune heure supplémentaire dissimulée confirmera le jugement entrepris ayant rejeté la demande d'indemnité pour travail dissimulé.
Sur le manquement à l'obligation de sécurité :
Dans le cadre de l'obligation de sécurité pesant sur l'employeur destinée notamment à prévenir les risques pour la santé et la sécurité des salariés, la loi lui fait obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Et l'article L.4121-1 du code du travail lui fait obligation de mettre en place :
- des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail,
- des actions d'information et de formation,
- une organisation et des moyens adaptés,
et de veiller à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes
En l'espèce, Mme [J] sollicite une indemnisation à hauteur de 20'000 € en soutenant que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité 'de résultat' (alors qu'il ne s'agit que d'une obligation de moyens renforcée), dans la mesure où, d'une part, les horaires contractualisés la conduisaient à effectuer 50 heures de travail au cours de la semaine 2, alors que la durée maximale hebdomadaire est fixée à 48 heures, et d'autre part, les conditions de travail au sein du service de nuit étaient extrêmement contraignantes ainsi qu'il ressort d'un rapport d'évaluation des risques professionnels de la SMTI du Tarn-et-Garonne établi au cours de l'année 2013.
Elle ajoute que l'absence de repos compensateur a aggravé la situation.
Mme [J] fait également valoir qu'après sa visite d'embauche du 25 octobre 2012, elle n'a pas revu le médecin du travail alors que la fiche médicale indiquait « à revoir dans six mois», et qu'elle n'a pas fait l'objet d'une visite de reprise après son arrêt de travail de plus de 30 jours du 18 juillet au 28 août 2016, alors qu'un mois plus tard son médecin du travail a diagnostiqué un burn-out.
Elle fait état de la dégradation de son état de santé matérialisée par les 4 arrêts de travail successifs en 2015 et 2016.
S'agissant en premier lieu du dépassement allégué de la durée maximale de travail hebdomadaire, il est rappelé que, conformément à l'article L3121-35 du code du travail, sauf stipulations contraires dans une convention ou un accord mentionné à l'article L3121-32 du code du travail, le calcul de la durée hebdomadaire de travail se décompte en semaine civile du lundi zéro heure au dimanche 24 heures.
Aucune des parties n'allègue l'existence d'une telle stipulation contraire, et en l'espèce ce décompte sur la semaine civile permet de constater que la salariée effectuait 26h45 en semaine 1 et 43 h15 en semaine 2, de sorte que la durée maximale hebdomadaire de 48 heures n'était pas dépassée.
En outre, le rapport du SMTI valide l'organisation en cycle de travail de deux semaines telle que pratiquée par la salariée, permettant de constater que le travail est de 70h sur deux semaines soit 35h hebdomadaires en moyenne, avec une prise de repos de trois jours consécutifs entre la nuit du jeudi en semaine 1 et celle du lundi en semaine 2,
2 jours de repos consécutifs entre la nuit du mardi en semaine 2 et du vendredi en semaine 2, et deux jours de repos consécutifs entre la nuit du dimanche en semaine 2 et celle du mercredi en semaine 1.
Dans ces conditions, aucun manquement de l'employeur n'est à relever quant à la durée maximale de travail et au droit au repos de la salariée.
S'agissant des conditions de travail au sein du service de nuit présentées comme difficiles par Mme [J], il est exact que le rapport du SMTI établi en 2013, relatif aux unités de nuit de l'établissement, mentionne un certain nombre de risques physiques, environnementaux et psychosociaux liés à l'activité ; il doit toutefois être rappelé que ce rapport constituait une démarche d'accompagnement dans la mise à jour par l'employeur de son document unique d'évaluation des risques professionnels.
Ce rapport formulait donc un certain nombre de préconisations dénommées « les pistes d'amélioration » tant au plan technique qu'organisationnel.
L'association ASEI justifie, en suite de ce rapport, avoir réuni l'ensemble du personnel le 16 janvier 2014 en le convoquant par note de service du 30 décembre 2013, afin d'améliorer la continuité des soins et de mettre en place des mesures permettant de faire évoluer les conditions de travail ; elle indique avoir mis en place plusieurs mesures pour répondre aux préconisations du SMTI (installation de climatiseur, achat de matériel pour le service lingerie, mise en place de réunion pour ajuster la liste des charges incombant à l'équipe de nuit, réévaluation des tâches de ménage la nuit), ce qui n'est pas contesté par Mme [J], et justifie avoir fait bénéficier la salariée de deux sessions de formation externe en juin 2013 et en juin 2014 sur le travail de nuit en EHPAD.
Il est exact que le compte rendu de la réunion de fonctionnement du 22 juin 2016 mettait encore en évidence un manque de personnel au sein du service de nuit, sans pour autant illustrer un véritable manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.
S'agissant du suivi médical de la salariée, il est avéré que Mme [J] n'a pas bénéficié d'une nouvelle visite médicale après sa visite d'embauche du 25 octobre 2012, alors que la fiche médicale indiquait « à revoir dans six mois», il y a bien un manquement à ce titre, dont les conséquences sont cependant réduites dans la mesure où l'employeur produit le justificatif de la dernière visite médicale effectuée six mois avant l'arrêt maladie de Mme [J], mentionnant l'aptitude sans réserve de la salariée.
Sur l'absence de visite de reprise après l'arrêt maladie du 18 juillet au 28 août 2016, l'association explique sans être contredite sur ce point que la salariée devait reprendre son emploi le 31 août 2016, avait posé le jeudi 1er septembre comme jour de congé, et a été de nouveau placée en arrêt maladie le 8 septembre 2016 de sorte que l'employeur n'a pas pu bénéficier du délai de huit jours après la reprise effective de l'emploi pour organiser la visite médicale de reprise.
Enfin, l'association ASEI démontre que la salariée cumulait un autre emploi d'aide-soignante au sein de l'hôpital de [4] dont elle s'est mise en disponibilité à compter du 1er octobre 2015 soit quelques mois avant son arrêt maladie, l'association indique qu'elle ignorait à l'époque l'existence de cette activité parallèle expliquant sans doute que Mme [J] ne pouvait prendre les repos compensateurs générés par ses heures supplémentaires.
Toutefois, il appartenait à l'employeur de demander à la salariée de prendre ses repos compensateurs sans laisser ceux-ci se cumuler sur trois ans, même s'il est certain qu'un tel cumul d'emploi, alors que Mme [J] travaillait à temps plein pour l'association ASEI, a contribué à l'épuisement professionnel constaté par le médecin traitant de l'intéressée.
Au total, la cour constate comme les premiers juges que l'employeur a été défaillant dans l'organisation d'une visite médicale, et a laissé la salariée cumuler un nombre très important de repos compensateurs non pris, jusqu'à ce qu'elle soit placée en arrêt de travail ; il existe bien à ce titre un manquement à l'obligation de sécurité mais la cour juge, au regard des éléments rappelés ci-dessus sur le préjudice, excessive l'indemnisation allouée à la salariée par les premiers juges à hauteur de 8000 € ; le préjudice subi par celle-ci sera justement indemnisé par la somme de 2000 €, le jugement étant infirmé en ce sens.
Sur le licenciement pour inaptitude :
Mme [J] conteste le caractère réel et sérieux du licenciement, d'une part en raison du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ayant causé son inaptitude, et d'autre part en raison du défaut de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement.
L'association ASEI lui oppose le principe de séparation des pouvoirs afin de conclure à l'incompétence du juge judiciaire pour apprécier les demandes de Mme [J], au regard de l'autorisation de licenciement délivrée par l'inspecteur du travail.
La cour rappelle que, si l'autorisation de licenciement d'un salarié protégé donnée par l'inspecteur du travail est motivée par l'inaptitude, l'inspecteur du travail n'a pas à rechercher la cause de l'inaptitude dans le cadre de la procédure d'autorisation ; il vérifie en revanche que la procédure de reconnaissance de l'inaptitude a été respectée, que la déclaration d'inaptitude n'est pas en lien direct avec le mandat, et que la recherche de poste de reclassement a été effectuée de manière loyale et sérieuse par l'employeur.
Ainsi, le conseil de prud'hommes n'est pas compétent pour déclarer sans cause réelle et sérieuse un licenciement pour inaptitude sur le fondement de la violation par l'employeur de la procédure d'inaptitude ou de l'obligation de reclassement.
En revanche, le principe de séparation des pouvoirs ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l'origine de l'inaptitude lorsqu'il l'attribue à un manquement de l'employeur à ses obligations (notamment harcèlement moral ou manquement à l'obligation de sécurité) ; dans un tel cas il peut solliciter l'indemnisation du préjudice résultant de la perte de l'emploi sans pour autant contester la validité du licenciement ni obtenir la nullité ou le prononcé du défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement autorisé.
Dès lors, Mme [J] est fondée à solliciter devant le juge judiciaire des dommages et intérêts et indemnités de rupture pour perte de son emploi au motif que l'employeur aurait manqué à son obligation de sécurité, elle ne peut en revanche demander que le licenciement soit déclaré sans cause réelle et sérieuse.
C'est donc à juste titre que les premiers juges se sont déclarés incompétents « pour statuer sur la demande de licenciement sans cause réelle et sérieuse validée par l'inspection du travail » mais c'est à tort qu'ils n'ont pas examiné les demandes présentées par Mme [J] au titre des conséquences de la rupture, sous couvert de cette incompétence.
S'agissant de l'origine de l'inaptitude, attribuée par la salariée à un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, il a été vu précédemment que l'employeur avait été effectivement défaillant quant au respect de cette obligation puisqu'il avait omis d'organiser une visite médicale et laissé la salariée cumuler en quantité importante des repos compensateurs non pris.
Pour autant, les éléments produits aux débats, déjà examinés, ne permettent pas (à) la cour de faire le lien entre ces manquements et la déclaration d'inaptitude de la salariée.
Par ailleurs, le juge judiciaire demeure en principe compétent pour statuer sur le moyen tiré du défaut de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement notifiée au salarié protégé, puisque l'inspecteur du travail délivre son autorisation antérieurement à la signature de cette lettre dont il ne peut donc examiner la validité.
À ce titre, Mme [J] fait valoir que sa lettre de licenciement est signée non pas par une personne ayant pas le pouvoir de le faire, c'est-à-dire le président de l'association ou un membre du conseil d'administration ou le directeur, mais par une personne chargée de mission, Mme [W], alors que le directeur général n'avait pas le pouvoir de déléguer cette signature.
Contrairement à ce que prétend l'employeur, le défaut de pouvoir de la personne ayant notifié le licenciement, lorsque l'employeur appartient au secteur associatif, prive de cause réelle et sérieuse le licenciement, ce qui permettrait en l'espèce à Mme [J] non pas de remettre en cause la validité du licenciement mais d'obtenir l'indemnisation de la perte de son emploi si ce moyen était fondé.
Pour autant, l'examen par la cour de ce moyen se heurte, dans le cas précis et nonobstant la chronologie, au principe de séparation des pouvoirs, car la régularité de la délégation de pouvoir du directeur de l'association à la personne ayant mené la procédure de licenciement et signé la lettre a été appréciée en amont par l'inspection du travail, puisque sa décision du 1er février 2018 précise : «vu la délégation de pouvoir et de signature délivrée le 10 octobre 2017 par Monsieur [D], directeur général de l'ASEI, au bénéfice de Madame [W] [L], chargée de mission, lui autorisant de mener au nom de l'association toute acte dans le cadre de la procédure de licenciement de Mme [J] », l'inspecteur du travail a délivré son autorisation au visa de cette délégation dont la validité ne peut plus donc être discutée devant cette cour.
En conséquence, les demandes présentées par Mme [J] au titre de la rupture du contrat de travail seront rejetées, par ajout au jugement entrepris.
Sur le surplus des demandes :
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
Mme [J], échouant en son appel, sera condamnée à en supporter les dépens.
Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il s'est déclaré 'incompétent pour statuer sur la demande de licenciement sans cause réelle et sérieuse validée par l'inspection du travail', en ce qu'il a rejeté les demandes de rappels de salaire et de congés payés y afférents et la demande d'indemnité pour travail dissimulé, et en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens,
L'infirme sur le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Déboute Mme [J] de ses demandes en paiement présentées au titre de la rupture de son contrat de travail,
Condamne l'association ASEI à payer à Mme [J] la somme de 2000 € pour manquement à l'obligation de sécurité,
Rejette le surplus des demandes y compris celles fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [J] aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Catherine BRISSET, présidente, et par Arielle RAVEANE, greffière.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,
Arielle RAVEANECatherine BRISSET
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