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09/05/2022 | FRANCE | N°19/02397

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 09 mai 2022, 19/02397


09/05/2022



ARRÊT N°



N° RG 19/02397

N° Portalis DBVI-V-B7D-M7SD

CR / RC



Décision déférée du 13 Février 2019

Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE (17/02924)

Mme TAVERNIER

















[H] [I]





C/



Organisme POLE EMPLOI OCCITANIE















































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INFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU NEUF MAI DEUX MILLE VINGT DEUX



***





APPELANTE



Madame [H] [I]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Hélène CAPELA de la SELARL COTEG & AZAM ...

09/05/2022

ARRÊT N°

N° RG 19/02397

N° Portalis DBVI-V-B7D-M7SD

CR / RC

Décision déférée du 13 Février 2019

Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE (17/02924)

Mme TAVERNIER

[H] [I]

C/

Organisme POLE EMPLOI OCCITANIE

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU NEUF MAI DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

Madame [H] [I]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Hélène CAPELA de la SELARL COTEG & AZAM ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIME

Organisme POLE EMPLOI OCCITANIE

est représenté par son directeur régional

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Françoise DUVERNEUIL de l'ASSOCIATION VACARIE - DUVERNEUIL, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Juin 2021, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant , chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. ROUGER, président

J.C. GARRIGUES, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

Greffier, lors des débats : N. DIABY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. ROUGER, président, et par N. DIABY, greffier de chambre

EXPOSE DU LITIGE

Mme [H] [I] était inscrite sur la liste des demandeurs d'emploi depuis le 14 janvier 2013. Elle a perçu des allocations chômage du 21 janvier 2013 au 31 mai 2015, en ce comprise l'allocation de retour à l'emploi (ARE) pour un montant de 63.201,60 €.

Suite à un contrôle aléatoire de son dossier effectué en juin 2015, les services de Pôle Emploi Midi Pyrénées ont relevé un taux erroné retenu au titre de cette allocation. Le 30 juin 2015 une nouvelle ouverture de droits avec un taux journalier inférieur a été notifiée à Mme [I] et une notification de trop-perçu lui a été adressée pour un montant de 29.010,24 € qu'elle était invitée à rembourser.

Mme [I] ayant sollicité un effacement de dette courant juillet 2015, il a été partiellement fait droit à sa demande à hauteur de 4.010,24 €.

Suite à mise en demeure du 11 mai 2017 de régler la somme de 24.556,26 € restée infructueuse, Pôle Emploi a fait assigner Mme [H] [I] devant le tribunal de grande Instance de Toulouse en paiement de ce montant par acte d'huissier du 11 août 2017.

Par jugement contradictoire du 13 février 2019, le tribunal de grande instance de Toulouse a :

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par Mme [I] ;

- rejeté le moyen tiré de l'absence de recours à un règlement amiable du conflit opposé par Mme [I] à Pôle Emploi ;

- condamné Mme [I] à payer à Pôle Emploi Midi Pyrénées, au titre des allocations chômage indûment perçues pour la période du 21 janvier 2013 au 31 mai 2015, la somme de 24.556,26 € avec intérêts au taux légal à compter du 11 mai 2017, date de la mise en demeure ;

- débouté Mme [I] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné Mme [I] aux dépens de l'instance ;

- condamné Mme [I] à payer à Pole Emploi Midi Pyrénées la somme de 1.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.

Le premier juge a retenu, au visa de l'article I L 5422-5 du code du travail et de l'article 2240 du code civil, qu'au regard du courrier de Mme [I] du 8 juillet 2015 sollicitant la remise de dette et le bénéfice d'un nouvel échéancier cette dernière ne remettait pas en cause le bien fondé de l'hypothèse d'un trop perçu d'allocations, de sorte que l'assignation ayant été délivrée le 11 août 2017 dans les trois ans de ce courrier valant reconnaissance de dette l'action de Pôle Emploi n'était pas prescrite.

Il a en outre retenu qu'il était justifié par Pôle Emploi de la transmission à la médiatrice régionale de ses services de la réclamation de Mme [I] après remise gracieuse partielle et qu'au demeurant la prescription de l'article 56 du code de procédure civile relative aux diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige à mentionner dans l'assignation n'était assortie d'aucune sanction.

Il a retenu au visa des articles 25 et suivants du règlement général annexé à la convention relative à l'indemnisation chômage du 6 mai 2011, que pour la période de 2013 à 2015 Mme [I] avait bénéficié de droits à l'Aide au Retour à l'Emploi (ARE) et qu'en raison du caractère erroné du taux appliqué par Pôle Emploi et de l'existence d'une activité salariée de l'intéressée à compter du 11 novembre 2014 jusqu'à fin mai 2015 la régularisation de l'ARE avait généré un trop perçu à hauteur de la somme de 29.010,24 € ; qu'après récupération sur les allocations d'août 2015, par compensation et remise partielle, le solde s'élevait à 24.556,26 €.

Il a enfin retenu que l'erreur commise lors du versement de l'indu par Pôle Emploi ne faisait pas obstacle à l'exercice d'une action en répétition de sorte que la simple reconnaissance d'une erreur ne pouvait suffire à caractériser une faute ; que Mme [I] ne justifiait d'aucun préjudice en lien de causalité avec la faute alléguée alors qu'elle ne justifiait pas avoir déclaré la reprise de son activité professionnelle salariée, les avis de paiement mentionnant un taux plein sur les mois concernés.

Par déclaration du 22 mai 2019, Mme [I] a relevé appel de ce jugement concernant l'ensemble des dispositions.

DEMANDES DES PARTIES

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 4 mars 2020, Mme [H] [I], appelante, demande à la cour, au visa de l'article L.5422-5 du code du travail, de l'article 1376 du code civil, de la convention du 6 mai 2011 et de son règlement général annexé de :

- rejeter toutes conclusions contraires comme étant injustes et mal fondées ;

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il :

a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription qu'elle avait ;

a rejeté le moyen tiré de l'absence de recours à un règlement amiable du conflit qu'elle avait opposé ;

l'a condamnée à payer à Pôle Emploi Midi Pyrénées, au titre des allocations chômage indûment perçues pour la période du 21 janvier 2013 au 31 mai 2015, la somme de 24.556,26 € avec intérêts au taux légal à compter du 11 mai 2017, date de sa mise en demeure ;

l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes ;

l'a condamnée aux dépens de l'instance ;

l'a condamné à payer à Pôle Emploi Midi Pyrénées la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

a ordonné l'exécution provisoire du jugement

- dire qu'en adoptant les seules alternatives proposées par Pôle Emploi pour faire un recours contre la dette réclamée, elle n'a pas reconnu sa dette ;

- juger qu'à ce titre, le délai de prescription n'a pas été interrompu par une reconnaissance de dette de sa part ;

Par conséquent,

- déclarer prescrite l'action en répétition de l'indu pour les sommes versées avant le 11 août 2014, date de l'assignation ;

- dire que Pôle Emploi Midi Pyrénées, désormais Pôle Emploi Occitanie, a commis une négligence fautive lui ayant causé un préjudice ;

- ordonner la réparation de ses préjudices subis par la faute de Pôle Emploi Occitanie ;

- évaluer le montant de la réparation des préjudices au même montant de la restitution des allocations litigieuses réellement trop perçues ;

- condamner Pôle Emploi Occitanie à lui verser la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Pôle Emploi Occitanie aux dépens de la présente instance, qui comprendront les frais liés aux mesures d'exécution forcée.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 14 novembre 2019, Pôle Emploi Occitanie, intimé, demande à la cour, au visa des articles 1302 et suivants du code civil, du règlement général annexé à la convention du 6 mai 2011 relative à l'indemnisation du chômage (article 13 à 20), du règlement général annexé à la convention du 14 mai 2014 relative à l'indemnisation du chômage (articles 30 à 32) de :

- dire et juger infondé l'appel de Mme [I] ;

En conséquence,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Toulouse du 13 février 2019 ;

- y ajouter la condamnation de Mme [I] aux dépens d'appel outre l'octroi d'une somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter Mme [I] de l'intégralité de ses plus amples demandes, fins et conclusions ;

- juger les demandes, fins et conclusions de Mme [I] infondées.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 mai 2021.

SUR CE, LA COUR :

Nonobstant les termes de sa déclaration d'appel, l'appelante ne tire aucune conséquence dans le dispositif de ses dernières écritures, pas plus qu'elle ne l'a fait en première instance, quant à la validité de l'acte introductif d'instance au regard des dispositions de l'article 56 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret du 11 mars 2015 applicable au litige imposant à peine de nullité de l'assignation, sauf motif légitime, que l'assignation précise les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige. La cour n'est donc en conséquence saisie d'aucune prétention relative à la régularité de l'acte introductif d'instance et consécutivement à la validité du jugement de première instance.

1°/ Sur la prescription de l'action en répétition de l'indu pour les sommes versées antérieurement au 11 août 2014

Il n'est pas contesté par Pôle Emploi que la prescription applicable à l'action en remboursement des prestations revendiquées comme indûment versées à Mme [I] est la prescription triennale prévue par l'article L 5422-5 du code du travail. Selon ce texte, l'action en remboursement de l'allocation d'assurance indûment versée aux travailleurs involontairement privés d'emploi se prescrit par trois ans, ce délai courant à compter du jour du versement de ces sommes.

Selon les dispositions de l'article 2240 du code civil la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription. Dans tous les cas, la reconnaissance doit être claire. L'aveu contenu dans l'acte écrit ne doit prêter à aucune discussion.

En l'espèce, d'une part, par courrier du 22 janvier 2013 Pôle Emploi a notifié à Mme [I] l'octroi d'une allocation d'aide au retour à l'emploi d'un montant journalier de 100,80 € sur la base d'un salaire journalier brut moyen de 198,35 € à compter du 21 janvier 2013.

Par courrier du 30 juin 2015 cet organisme notifiait à Mme [I] qu'une somme de 29.010,24 € lui aurait été versée à tort en raison d'une modification du taux de l'allocation selon mention manuscrite portée après rature de celle préimprimée « Vous avez exercé une activité professionnelle salariée. Le revenu de cette activité ne peut être cumulé intégralement avec les allocations chômage », l'invitant à rembourser ce trop perçu dans le délai d'un mois et lui précisant :

« Vous avez la possibilité de formuler auprès de Pôle Emploi à l'adresse indiquée en bas de la 1ère page du courrier, une demande par écrit, accompagnée du document ci-joint (complété, signé et accompagné des justificatifs demandés) :

- d'échelonnement de votre remboursement

- d'effacement de votre dette, qui sera étudiée par l'instance paritaire régionale.

A défaut de remboursement, si vous êtes indemnisée, nous retiendrons sur vos prochaines allocations et tant que vous serez indemnisée, une somme correspondant au barème légal en vigueur (article R 3252-2 du code du travail). Ce barème tient compte du nombre de personnes à charge que nous vous remercions de déclarer au moyen du document ci-joint.

Si vous souhaitez obtenir des précisions, nous vous invitons à le faire, de préférence par écrit, auprès de Pôle emploi à l'adresse indiquée en bas de la 1ère page du courrier.

Si vous avez déjà remboursé, nous vous remercions de ne pas tenir compte de ce courrier. »

Une deuxième page indiquait les modalités de remboursement, les possibilités de recours, les modalités d'information sur les trop-perçus.

A la même date du 30 juin 2015 était notifiée à Mme [I] un montant d'allocation journalière d'aide au retour à l'emploi de 61,81 € à compter du 21 janvier 2013, calculée sur la base d'un salaire journalier brut de référence de 121,63 € et dite représentant 57 % de ses salaires antérieurs bruts.

Par lettre manuscrite du 8 juillet 2015, Madame [I] accusait réception de la correspondance du 30 juin 2015 reçue le 6 juillet sollicitant le remboursement d'un trop perçu. Elle précisait : 

« Ce trop perçu est motivé par vos services par la modification du taux, sans autre précision quant à la période considérée et à l'origine de cette modification. Conformément à la procédure je vous ai transmis au fur et à mesure des mois l'ensemble des justificatifs attestant de ma situation d'emploi salariée démarré le 19 novembre 2014 (cf copie écran et pièces justificatives envoyées ces derniers mois).

Le trop perçu apparaît résulter d'une erreur de votre part et disproportionné dans la mesure où à mon niveau je vous ai communiqué les informations concernant ma situation.

Dans ces conditions, je sollicite de votre part l'effacement de la dette.

Vous trouverez ci-joint ma situation à date (revenus/charges) conformément à votre demande. »

Cette lettre ne caractérise aucune reconnaissance du bien fondé de la réclamation de Pôle Emploi, mais au contraire une contestation, l'effacement de la totalité de la dette étant réclamé compte tenu de l'erreur exclusivement imputée à Pôle Emploi et de l'absence de précisions sur la période considérée et l'origine de la modification du taux de l'allocation compte tenu des justificatifs adressés par Mme [I] depuis sa reprise d'activité salariée du 19 novembre 2014.

Par courrier du 25 août 2015 Pôle Emploi informait Mme [I] que suite à sa demande d'effacement de la dette de 29.010,24 € l'instance paritaire régionale avait examiné sa demande et accordé un effacement partiel de 4.010,24 € et que compte tenu de cet effacement et des règlements partiels éventuellement déjà effectués elle devait la somme de 24.566,26 €, l'informant que serait retenue sur ses prochaines allocations une somme correspondant au barème légal en vigueur tant qu'elle serait indemnisée et en fonction de sa situation personnelle et familiale telle que connue des services. Il était précisé « Nous vous rappelons que vous pouvez demander par écrit auprès de Pôle Emploi à l'adresse indiquée en bas de la 1ère page du courrier un échelonnement de votre remboursement. ». La page 2 de ce courrier comportait les modalités de remboursement.

Par lettre manuscrite du 6 septembre 2015 ayant pour objet « recours contre l'effacement partiel de la dette et la proposition d'échéancier » Mme [I] accusait réception de deux courriers en date du 25 août 2015 sur l'effacement partiel et du 27 août sur la proposition d'échéancier (ce dernier courrier n'étant pas produit au débat). Elle indiquait :

« L'effacement partiel de 4.010,24 € n'est pas suffisant au regard du fait que dans ce dossier, l'erreur est de votre côté depuis le départ alors que vous êtes le plus compétent pour déterminer le montant. Cette négligence a été manifeste et répétée 30 fois équivalent au nombre de mois versés Votre erreur est très importante, de l'ordre de 38 % par rapport aux nouvelles indemnités recalculées' Vous m'avez induit en erreur depuis janvier 2013' vous ne pouvez pas me demander plus de deux années de versements . Merci de reconsidérer votre décision et le montant.

Pour la proposition d'échéancier, en 6 fois c'est trop court car je n'ai plus autant d'argent disponible. Je demande un étalement sur 18 mois avec le montant reconsidéré. »

Par ce courrier Mme [I] exerçait une contestation tant de la réponse à sa demande d'effacement que de la proposition d'échéancier par Pôle Emploi. Aucune reconnaissance de dette non équivoque ne peut résulter de ce courrier.

Puis par lettre manuscrite du 30 septembre 2015 Mme [I] en réponse à une correspondance de Pôle Emploi, non produite au débat, indiquait :

« Comme suite à votre correspondance du 18 septembre 2015 (copie jointe) je porte à votre connaissance que je ne remets pas en cause le bien fondé de l'hypothèse d'un trop perçu d'allocations chômage. Toutefois et faisant suite au relevé de situation en date du 16 juillet 205 (copie jointe), je vous serais reconnaissante de bien vouloir me donner des précisions juridiques et réglementaires en référence aux textes de l'Unedic quant aux motifs légaux de ce trop perçu.

J'ai bien noté que vous m'avez accordé une remise gracieuse, ce qui confirme que ce trop perçu n'est pas de ma part d'origine frauduleux, mais résulte bien d'une erreur de calcul de vos services. Pour pouvoir honorer cette dette, je dois pouvoir comprendre les raisons objectives et légales de cette erreur. En attendant une réponse de votre part, je vous demande de bien vouloir différer les prélèvements mensuels de l'échéancier que vous m'avez proposé.

Dans l'attente, je vous prie d'agréer... »

Il ne résulte pas de cette correspondance une reconnaissance de dette non équivoque de Mme [I] du montant du trop perçu réclamé par Pôle Emploi. Elle explique uniquement qu'elle ne conteste pas qu'il puisse y avoir un trop perçu mais en sollicite les justificatifs du principe et des modalités de calcul au regard des règles légales et s'oppose aux prélèvements mensuels envisagés selon l'échéancier établi par Pôle Emploi, sollicitant qu'ils soient différés jusqu'à la production des justifications réclamées.

Suite à une mise en demeure de payer du 6 avril 2016, par courrier du 20 avril 2016 Mme [I] écrivait :

« Le motif invoqué dans votre courrier (vous avez exercé une activité professionnelle salariée) n'est pas le bon car dans le courrier reçu le 30 juin 2015 le motif avait été raturé et corrigé. Je vous ai adressé plusieurs courriers recommandés comme celui du 30 septembre 2015 dans lequel je souhaitais des précisions juridiques et réglementaires de cette erreur et pour lequel je n'ai pas eu de réponse précise.

J'ai réalisé une lettre recommandée adressée à Mme [J], la médiatrice de Pôle Emploi du Midi Pyrénées et je n'ai reçu aucune réponse depuis le 24 octobre 2015.

Dans le courrier du 8 janvier 2016 je renouvelle ma demande avec en plus le fait que votre montant évalué ne tenait pas compte d'un remboursement qui avait été prélevé sur le mois d'Août 2015.

Tous ces points démontrent une ingérence dans mon dossier. Comme je l'ai déjà plusieurs fois écrit, je ne remets pas en cause le bien fondé d'un trop perçu des allocations chômage, mais je vous serais reconnaissante de bien vouloir me donner plus de précisions.

En attendant une réponse de votre part, je vous demande de bien vouloir différer les remboursements de ce trop-perçu.

Je vous prie d'agréer'.»

Il ne peut se déduire comme il est soutenu que par ce courrier Mme [I] aurait reconnu sans équivoque être débitrice envers Pôle Emploi de la somme réclamée par la mise en demeure du 6 avril 2016. S'il en ressort qu'elle ne conteste pas le principe qu'il puisse y avoir un trop perçu à sa charge, elle réitère sa demande de justifications à ce titre, s'opposant au paiement tant qu'elle n'aurait pas obtenu les précisions sollicitées.

En conséquence, à défaut de toute reconnaissance claire et dépourvue d'équivoque de la dette au sens de l'article 2240 susvisé de nature à caractériser un acte interruptif de prescription, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, l'assignation en paiement n'ayant été délivrée par Pôle Emploi que par acte du 11 août 2017, en application de l'article L 5422-5 du code du travail, se trouvent prescrites à ladite date toutes les prestations prétendues indues versées antérieurement au 11 août 2014 représentant du 21/01/2013 au 15/07/2014 selon le tableau produit en pièce 8 par Pôle Emploi un total de 21.093,59 € ainsi que le soutient l'appelante.

2°/ Sur le solde dû par Mme [H] [I] et l'action en responsabilité

Déduction faite des montants atteints par la prescription, Mme [H] [I] resterait redevable envers Pôle Emploi au titre du solde du trop-perçu de prestations versées au titre de l'ARE depuis le 11 août 2014 au regard du tableau récapitulatif de régularisation sus-visé et compte tenu de la remise gracieuse d'ores et déjà accordée souverainement par l'instance paritaire régionale, ainsi que d'une récupération sur allocation de 433,74 € intervenue en août 2015 et déjà déduite du solde de l'indu réclamé, de la somme de 3.462,67 €

(24.556,26 - 21.093,59).

Selon les dispositions de l'article 1376 ancien du code civil dans sa version applicable à l'espèce, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.

L'erreur commise lors du versement de l'indu ne fait pas obstacle à l'exercice de l'action en répétition par son auteur.

Mme [I] admet dans ses écritures qu'il est incontestable que Pôle Emploi a commis une erreur manifeste dans l'étude de son dossier conduisant à un calcul erroné du montant de son allocation versée depuis le 21 janvier 2013.

Il ressort de la notification de droits du 22 janvier 2013 que le taux journalier de l'ARE a été calculé à compter du 21 janvier 2013 à un montant journalier net de 100,80 € calculé sur un salaire journalier brut moyen de 198,35€ qui ne correspondait pas aux revenus perçus par Mme [I] précédemment à sa cessation d'activité, elle-même indiquant que son revenu journalier brut aurait plutôt été de 130€. Il ressort de son bulletin de paie du 1/11 au 11/12/2012 que sur les 11 mois et 11 jours de l'année 2012 écoulés elle avait perçu un salaire brut fiscal de 44.006,45, soit pour 345 jours écoulés un salaire brut fiscal journalier de 127,55 € et non de 198,35€. comme retenu dans la notification de droits susvisée. Cette situation est sans rapport avec la reprise d'activité du 19/11/2014 réalisée près d'un an plus tard.

S'il est regrettable que Pôle Emploi n'ait pas été en mesure d'expliquer ni avant ni après l'engagement de la procédure judiciaire la soi-disant erreur de taux de l'ARE, alors qu'il ne s'agissait pas, de janvier 2013 à novembre 2014, d'un problème de taux erroné mais d'un mauvais calcul du salaire de référence ainsi qu'il résulte tant de la lettre de la médiatrice régionale du 23 août 2016 que de la mise en demeure du 11 mai 2017, il n'en demeure pas moins que la notification de droits du 22 janvier 2013 à compter du 21/01/2013 était erronée quant au salaire journalier brut moyen de base servant au calcul de l'allocation. Cette erreur a perduré jusqu'en juin 2015 nonobstant la détention par Pôle Emploi des attestations de versement de salaires du nouvel employeur de Mme [I] à compter du 19 novembre 2014 établies le 5 mars 2015 et produites en pièce 4 par l'intimé et la déclaration manifeste par Mme [I] de sa reprise d'activité dès novembre 2014 déjà prise en compte dans le relevé du 30 janvier 2015 (pièce 9 de l'appelante).

Mme [I], quelle que soit l'appréciation de la gravité de l'erreur de Pôle Emploi, ne justifie néanmoins pas d'un préjudice résultant de cette erreur alors que pendant plus de deux ans elle a perçu plus qu'elle n'aurait dû percevoir et ne se retrouve débitrice que d'un reliquat minime compte tenu des dispositions ci-dessus dont l'incidence fiscale préjudiciable n'est pas caractérisée.

Certes elle a subi des suites du prononcé du jugement de première instance assorti de l'exécution provisoire une saisie-attribution diligentée à l'initiative de Pôle Emploi par acte du 9 mai 2019 sur ses avoirs auprès de la [5]. Néanmoins, cette mesure d'exécution était fondée sur un titre exécutoire et donc sans caractère fautif.

L'action en responsabilité diligentée par Mme [I] à l'encontre de Pôle Emploi doit en conséquence être rejetée ainsi que retenu par le premier juge mais il y a lieu, infirmant le jugement entrepris sur le montant de la condamnation prononcée, de la condamner à restituer à Pôle Emploi la somme de 3.462,67 € outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 11 mai 2017 tels que sollicités, en application des dispositions de l'article 1231-6 du code civil.

De ce montant devront être déduites les sommes encaissées par Pôle Emploi soit par retenue sur les allocations au-delà de la somme de 433,74 € déjà déduite dans le calcul du solde, soit des suites de la procédure d'exécution diligentée par acte du 9 mai 2019.

3°/ Sur les dépens et les frais irrépétibles

Principale partie succombante Pôle Emploi Occitanie supportera les dépens de première instance et d'appel et se trouve redevable d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dans les conditions définies au dispositif du présent arrêt sans pouvoir lui-même prétendre à l'application de ce texte à son profit.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Infirme le jugement entrepris uniquement en ses dispositions relatives au rejet de la fin de non-recevoir tirée de la prescription, au montant de la condamnation prononcée à l'encontre de Mme [H] [I], aux dépens de première instance et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare prescrite l'action en répétition de l'indu engagée par Pôle Emploi s'agissant des prestations réglées à Mme [H] [I] jusqu'au 11 août 2014

Condamne Mme [H] [I] à restituer à Pôle Emploi Occitanie la somme de 3.462,67 € au titre des prestations indûment perçues à compter du 12 août 2014 jusqu'au 30 juin 2015 outre intérêts au taux légal à compter du 11 mai 2017

Dit que de ce montant devront être déduites les sommes encaissées par Pôle Emploi soit par retenue sur les allocations au-delà de la somme de 433,74 € déjà déduite dans le calcul du solde, soit des suites de la procédure de saisie-attribution diligentée par acte du 9 mai 2019

Condamne Pôle Emploi Occitanie aux dépens de première instance et d'appel qui comprendront les frais liés aux mesures d'exécution forcée engagées sur exécution provisoire du jugement de première instance

Condamne Pôle Emploi à payer à Mme [H] [I] une indemnité de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant au titre de la procédure de première instance que de celle d'appel

Déboute Pôle Emploi de sa demande d'indemnité sur ce même fondement.

Le GreffierLe Président

N. DIABYC. ROUGER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 19/02397
Date de la décision : 09/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-09;19.02397 ?
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