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25/04/2022 | FRANCE | N°21/04315

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 25 avril 2022, 21/04315


25/04/2022



ARRÊT N°



N° RG 21/04315

N° Portalis DBVI-V-B7F-ON4X

S.L / RC



Décision déférée du 23 Septembre 2021

Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE (21/00842)

Mme [M]

















[T] [K]



C/



CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE LA HAUTE GARONNE CDHG)

[Adresse 5]









































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INFIRMATION







Grosse délivrée



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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT CINQ AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANT



Monsieur [T] [K]

[Adresse 2]

[Localité 4] (FRANCE)

Représenté par Me Aimée CARA ...

25/04/2022

ARRÊT N°

N° RG 21/04315

N° Portalis DBVI-V-B7F-ON4X

S.L / RC

Décision déférée du 23 Septembre 2021

Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE (21/00842)

Mme [M]

[T] [K]

C/

CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE LA HAUTE GARONNE CDHG)

[Adresse 5]

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT CINQ AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANT

Monsieur [T] [K]

[Adresse 2]

[Localité 4] (FRANCE)

Représenté par Me Aimée CARA de la SELARL CABINET D'AVOCATS MONTAZEAU & CARA, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE LA HAUTE GARONNE, COLLECTIVITE TERRITORIALE

représentée par son Président en exercice

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Karine DURRIEUX, avocat au barreau de TOULOUSE

[Adresse 5]

Pris en la personne de son Directeur

[Adresse 1]

[Localité 3]

Sans avocat constitué

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant S LECLERCQ, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. DEFIX, président

J.C. GARRIGUES, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

Greffier, lors des débats : N. DIABY

ARRET :

- REPUTE CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par M. DEFIX, président, et par N. DIABY, greffier de chambre.

EXPOSE DU LITIGE

A la suite d'un accident de la circulation qui s'est produit le 17 février 2016, M. [T] [K] a été poursuivi pour des faits de blessures involontaires commis au moyen d'un véhicule terrestre à moteur sur la personne de M. [Z] [R], agent de la voirie départementale rattaché au Conseil départemental de la Haute-Garonne.

Par décision du 19 octobre 2017, le tribunal correctionnel de Toulouse a prononcé la relaxe de M. [K] et, au motif pris de cette relaxe ainsi que de l'absence de demande sur le fondement de l'art. 470-1 CPP, déclaré irrecevable la constitution de partie civile de M. [R].

Cette décision est devenue définitive par suite d'un arrêt du 2 décembre 2019 de la cour d'appel de Toulouse constatant le désistement d'appel de M. [R] et du ministère public.

Par courrier du 8 novembre 2017, le Département de Haute-Garonne a sollicité de M. [K] le paiement de la somme de 20.188,51 € au titre des débours ainsi que des frais de gestion qu'il avait dû exposer en raison de l'arrêt de travail de son agent.

M. [K] n'ayant rien réglé, la paierie du Département de la Haute-Garonne a

émis un titre de perception, valant titre exécutoire, en date du 23 mars 2018.

Par courrier du 22 juin 2018, M. [K] a, par l'intermédiaire de son conseil, contesté le bien-fondé de cette créance indemnitaire en raison de la décision de relaxe dont il avait fait l'objet.

Par courrier en réponse du 6 juillet 2018, le Département de la Haute-Garonne a indiqué maintenir sa créance.

C'est dans ces conditions que M. [K] a, par acte d'huissier en date du 27 janvier 2020, fait assigner le Conseil départemental de la Haute-Garonne et la Direction générale des finances publiques aux fins, d'une part, de faire constater l'illégalité du titre de perception et, d'autre part, d'être déchargé de payer les sommes qui y figurent.

Par ordonnance contradictoire du 23 septembre 2021, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulouse a :

- déclaré irrecevable l'action en contestation engagée par M. [K] pour cause de prescription ;

- mis fin à l'instance ;

- condamné M. [K] à payer les dépens ainsi que la somme de 1.000 € au Département de la Haute-Garonne au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi le juge de la mise en état a considéré que le recours contentieux engagé par M. [K] était entaché de tardiveté pour avoir été engagé au-delà du délai de deux mois prévu par l'art. R. 421-5 du CJA.

Par déclaration en date du 21 octobre 2021, M. [K] a relevé appel de cette ordonnance, critiquant l'ensemble de ses dispositions.

DEMANDES DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 janvier 2022, M. [K], appelant, demande à la cour, au visa des articles 1 de la loi n° 57-1424 du 31 décembre 1957, L.212-1 du code des relations entre le public et l'administration, L.1617-5 et R.3342-8-1 du code général des collectivités territoriales, 1er, 2 et 4 de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques, 11 et 24 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, et R 421-5 du CJA, de :

- réformer en toutes ses dispositions l'ordonnance dont appel et, statuant à nouveau,

- dire l'action non prescrite et renvoyer l'affaire au fond devant le tribunal judiciaire de Toulouse, - condamner le Conseil Départemental de la Haute-Garonne à lui verser la somme de 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, M. [K] fait valoir que sa demande devant le tribunal judiciaire est recevable pour avoir été présentée dans le délai de contestation ouvert par la loi dès lors que, d'une part, la date de notification du titre de perception du 23 mars 2018 n'est pas établie et que, d'autre part, il a introduit un recours gracieux rejeté par une décision du 6 juillet 2018 qui, n'ayant pas respecté les exigences posées par l'art. R. 421-5 CJA relatives à l'indication des voies et délais de recours, lui a rendu inopposable le délai de recours de 2 mois prévu par l'art. L. 1617-5 1° code général des collectivités territoriales.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 31 janvier 2022, le Conseil départemental de la Haute-Garonne, collectivité territoriale représentée par son Président, intimé, demande à la cour, au visa des articles L.1617-5 du code général des collectivités territoriales et 122 du code de procédure civile, de :

- confirmer l'ordonnance dont appel en toutes ses dispositions ;

- condamner M. [K] à lui payer la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, le Département invoque la tardiveté du recours exercé par M. [K] : son action devant le tribunal judiciaire ayant été introduite le 27 janvier 2020 alors que le délai de 2 mois prévu par l'art. L. 1617-5 1° du code général des collectivités territoriales était déjà expiré parce qu'il avait commencé à courir à compter de la notification du titre de perception du 23 mars 2018 et, en toute hypothèse, depuis le 17 juillet 2018, jour de réception du courrier de rejet en date du 6 juillet 2018.

La [Adresse 5], assignée à personne par acte d'huissier en date du 5 novembre 2021, n'a pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DECISION

La [Adresse 5], assignée à personne, n'ayant pas constitué avocat, la décision sera réputée contradictoire en vertu de l'article 474 du code de procédure civile.

Sur le point de départ du délai pour agir

Aux termes de l'art. 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Aux termes de l'art. L. 1617-5 1° al. 3 du code général des collectivités territoriales, l'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois à compter de la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite.

Aux termes de l'art. L. 411-2 al 1er du code des relations entre le public et l'administration, toute décision administrative peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai.

En l'espèce, il appartient au conseil départemental d'établir la tardiveté du recours intenté par M. [K], ce qui impose notamment de démontrer la date du point de départ du délai d'action dont ce dernier disposait pour contester le titre de perception émis à son encontre.

A cet égard, le conseil départemental ne verse aux débats aucun document ou élément permettant d'établir directement la notification du titre objet du litige.

Pareillement, le courrier de contestation de M. [K], qui ne porte lui-même aucune date et sur lequel figure le tampon du service courrier du Département mentionnant le « 22 juin 2018 », ne fait pas référence explicite à la date de réception de l'avis de sommes à payer.

Pour autant, si la date exacte de la notification du titre de perception émis le 23 mars 2018 demeure incertaine, tout comme celle du courrier de contestation de M. [K], il n'est pas en revanche contesté que le conseil départemental lui ait opposé un refus par courrier en réponse du 6 juillet 2018. Or, il résulte de la teneur dudit courrier en réponse que le conseil départemental a entendu rejeter ce qu'il considérait lui-même être un recours gracieux formulé à l'endroit de son titre de perception du 23 mars 2018.

Ainsi, à défaut d'autre date certaine, c'est à celle de la réception du courrier du 6 juillet 2018 qu'il convient de se référer.

Ladite décision de rejet de ce recours gracieux ayant été reçu par M. [K] le 17 juillet 2018, c'est à compter de cette date qu'a commencé à courir le délai de recours contentieux.

Sur le délai pour agir

Aux termes de l'art. R. 421-5 du code de justice administrative, les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision.

Aux termes de la jurisprudence du Conseil d'Etat (CE Ass., 13 juillet 2016, arrêt n° 387763), le principe de sécurité juridique s'oppose à ce que puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps de telle sorte que, sauf circonstances particulières, le délai dans lequel peut être exercé le recours juridictionnel d'un administré ne peut excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance, et ceci même si les voies de recours n'ont pas été portées à sa connaissance.

En l'espèce, la lettre du conseil départemental du 6 juillet 2018 mentionne, sous la signature de son auteur, que « la présente décision peut faire l'objet d'un recours auprès du Tribunal administratif de Toulouse dans un délai de deux mois à compter de sa notification ».

Si le délai règlementaire est correctement mentionné, l'indication relative à la juridiction compétente est quant à elle erronée puisque, comme cela a été relevé par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulouse dans son ordonnance du 9 mars 2021, la cause de la créance indemnitaire contestée résidant dans les suites d'un accident de la circulation au sens de la loi du 5 juillet 1985, seul le juge judiciaire peut en connaître au titre de l'action subrogatoire engagée par l'employeur de la personne privée qui en a été victime.

Il résulte de l'indication erronée figurant dans la lettre du 6 juillet 2018 que le délai de deux mois prévu par l'art. L. 1617-5 1° al. 3 du code général des collectivités territoriales n'est pas opposable au recours contentieux intenté par M. [K]. En effet, à l'instar des dispositions de l'art. L. 1617-5 1° du code général des collectivités territoriales dont se prévaut le conseil départemental, le principe de cohérence procédurale commande que les dispositions de l'art. R. 421-5 du code de justice administrative soient également applicables mutatis mutandis à l'occasion du recours contre un acte administratif relevant par exception de la compétence du juge judiciaire.

Pour autant, le délai d'action en contestation dont dispose M. [K] ne saurait être perpétuel sans méconnaître le besoin de sécurité juridique qui préside à la jurisprudence du Conseil d'Etat, laquelle est applicable aux faits de l'espèce en raison du principe de cohérence procédurale précité. Il y a lieu cependant d'en faire une application circonstanciée dès lors que la règle qui y est exposée réserve expressément l'existence de circonstances particulières.

Or, d'une part, si l'action de M. [K] a certes été engagée un an et demi après le 17 juillet 2018, c'est dans un contexte où le conseil départemental ne pouvait prétendre être victime de la remise en cause de la stabilité d'une situation juridique consolidée par l'effet du temps et être ainsi exposé à un recours excessivement tardif, dès lors qu'il avait parfaitement connaissance de ce que la cause de la créance dont il réclamait paiement était non seulement contestée par M. [K] mais avait été également écartée par le tribunal correctionnel à l'occasion des poursuites engagées contre ce dernier.

Cette circonstance particulière doit également être prise en considération parce que l'application automatique du délai d'un an conduirait en l'espèce à porter atteinte à la substance même du droit au recours juridictionnel ; or vu la relaxe prononcée par le tribunal correctionnel, il importe que le conseil départemental qui réclame paiement d'une créance vienne en débattre devant le juge afin d'en justifier le bien-fondé.

En conséquence, l'ordonnance du 23 septembre 2021 sera infirmée en ce qu'elle a déclaré prescrite l'action engagée par M. [K] contre le titre de perception du 23 mars 2018. Celle-ci sera reconnue recevable et l'affaire renvoyée au fond devant le tribunal judiciaire de Toulouse.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

L'ordonnance dont il a été relevé appel doit être infirmée en ce qu'elle a condamné M. [K] au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Le Conseil départemental de la Haute-Garonne sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

Il sera condamné à payer à M. [K] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en appel et non compris dans les dépens.

Il sera débouté de sa demande sur le même fondement.

Par ces motifs,

La Cour,

Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Toulouse du 23 septembre 2021 ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant,

Dit que l'action de M. [T] [K] en contestation du titre de perception émis le 23 mars 2018 n'est pas prescrite ;

Renvoie l'affaire au fond devant le tribunal judiciaire de Toulouse ;

Condamne le Conseil départemental de la Haute-Garonne aux dépens de première instance et d'appel ;

Le condamne à payer à M. [T] [K] la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en appel et non compris dans les dépens ;

Déboute le Conseil départemental de la Haute-Garonne de sa demande sur le même fondement.

Le GreffierLe Président

N. DIABYM. DEFIX

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 21/04315
Date de la décision : 25/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-25;21.04315 ?
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