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22/04/2022 | FRANCE | N°20/02126

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 2, 22 avril 2022, 20/02126


22/04/2022



ARRÊT N°2022/195



N° RG 20/02126 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NVIC

FCC/AR



Décision déférée du 03 Juillet 2020 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTAUBAN ( 18/00053)

MORVAN

















[Y] [V]





C/



S.A.S. DECATHLON

















































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INFIRMATION







Grosse délivrée



le 22 04 22



à Me Yannick LIBERI

Me Véronica FREIXEDA



















REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU VINGT DEUX AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANT



Monsieur [Y] [V]

28 RUE VELASQUEZ ...

22/04/2022

ARRÊT N°2022/195

N° RG 20/02126 - N° Portalis DBVI-V-B7E-NVIC

FCC/AR

Décision déférée du 03 Juillet 2020 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTAUBAN ( 18/00053)

MORVAN

[Y] [V]

C/

S.A.S. DECATHLON

INFIRMATION

Grosse délivrée

le 22 04 22

à Me Yannick LIBERI

Me Véronica FREIXEDA

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU VINGT DEUX AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANT

Monsieur [Y] [V]

28 RUE VELASQUEZ 31300 TOULOUSE

Représenté par Me Véronica FREIXEDA, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

S.A.S. DECATHLON Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité audit siège

4 Boulevard de Mons 59650 VILLENEUVE D'ASCQ

Représentée par Me Yannick LIBERI de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant A.PIERRE-BLANCHARD et F. CROISILLE-CABROL, conseillères chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

Greffier, lors des débats : A. RAVEANE

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffiere de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [Y] [V] a été embauché par la SAS Decathlon France suivant contrat à durée déterminée à temps plein prévu du 2 avril au 26 mai 2001 en qualité de vendeur sportif sur le site de Décathlon Purpan à Toulouse. Un contrat à durée indéterminée a ensuite été conclu à compter du 1er juin 2001 pour un poste de vendeur. Suivant avenant à compter du 2 septembre 2002, M. [V] est devenu responsable univers, statut cadre au forfait-jour. En dernier lieu, M. [V] était responsable de rayon.

La relation contractuelle était soumise à la convention collective nationale des articles de sport et des équipements de loisirs.

M. [V] a été successivement :

- élu délégué du personnel en 2002 ;

- désigné représentant syndical au comité d'entreprise en 2005 ;

- élu secrétaire du CHSCT et désigné délégué syndical central négociateur de branche, représentant syndical au CCE et conseiller du salarié entre janvier 2010 et avril 2013.

Depuis 2013, il n'a plus de mandat syndical au sein de la SAS Decathlon France.

Il a été élu conseiller prud'homal salarié le 14 décembre 2017, pour une durée de 4 ans.

Il a été placé en arrêt de travail du 21 octobre 2006 au 4 octobre 2009, puis à compter du 4 avril 2013.

Procédures antérieures :

* Le 10 novembre 2010, M. [V] a demandé la reconnaissance de sa dépression comme une maladie professionnelle.

Par décision du 6 décembre 2010, la CPAM a refusé de reconnaître une maladie professionnelle.

Sur contestation de M. [V], par décision du 13 mai 2011, la commission de recours amiable a confirmé ce refus.

Sur saisine par M. [V], par jugement du 21 mai 2014, le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Haute-Garonne a infirmé la décision de la commission de recours amiable, mis hors de cause la SAS Decathlon France, s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande et a dit qu'elle devait faire l'objet d'une instruction préalable par les services de la CPAM.

Par avis du 23 juin 2015, le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de la région de Toulouse - Midi Pyrénées a estimé que la maladie de M. [V] pouvait être reconnue comme une maladie professionnelle.

Par décision du 9 juillet 2015, la CPAM a reconnu la maladie professionnelle. La SAS Decathlon France a contesté cette décision et saisi la commission de recours amiable.

Par courrier du 9 novembre 2015, le secrétariat de la commission a indiqué au conseil de la SAS Decathlon France que, la société ayant été mise hors de cause par le jugement du 21 mai 2014, en application du principe de l'indépendance des rapports, la prise en charge au titre de la maladie professionnelle ne lui faisait plus grief de sorte que sa contestation était classée sans suite.

* En 2015, M. [V] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Haute-Garonne d'une demande de reconnaissance d'une faute inexcusable de la SAS Decathlon France suite à maladie professionnelle.

Par jugement du 14 juin 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale a déclaré l'action recevable mais dit que l'avis d'un second comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles devait être recueilli. Sur appel interjeté par la SAS Decathlon France, par arrêt du 22 juin 2018, la cour d'appel de Toulouse a confirmé le jugement.

Par avis du 3 décembre 2018, le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles du Limousin - Poitou-Charente estimé qu'il existait un lien entre la pathologie déclarée et le travail.

Par jugement du 2 mai 2019, le pôle social du tribunal judiciaire de Toulouse a dit que la maladie professionnelle déclarée par M. [V] le 10 novembre 2010 était due à la faute inexcusable de la SAS Decathlon France et, avant-dire droit sur la réparation des préjudices, ordonné une expertise médicale judiciaire.

* Le 13 janvier 2011, M. [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse en alléguant une discrimination syndicale. Il a notamment demandé l'annulation d'un avertissement, des dommages et intérêts pour discrimination syndicale, la fixation de sa rémunération de base à 2.500 € bruts, des heures supplémentaires et des dommages et intérêts du fait de l'impossibilité de prendre le congé obligatoire de repos.

Par jugement du 11 février 2013, le conseil de prud'hommes de Toulouse a :

- jugé qu'il existait une discrimination syndicale,

- annulé l'avertissement,

- condamné la SA Decathlon France à payer à M. [V] des dommages et intérêts pour discrimination de 25.000 €,

- fixé la rémunération mensuelle de M. [V] au jour du jugement à 2.300 € bruts,

- fixé le rappel de salaire à la somme de 42.320 € sur 4 ans, outre congés payés,

- dit que M. [V] n'avait pas la qualité de cadre autonome et n'était pas soumis au forfait-jours,

- débouté M. [V] de ses demandes au titre des heures supplémentaires et de la contrepartie en repos,

- condamné la SAS Decathlon France aux dépens et à une indemnité de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur appel interjeté par la SAS Decathlon France, par arrêt du 5 février 2016, la cour d'appel de Toulouse a :

- confirmé le jugement sur le principe de la discrimination syndicale, sur le débouté au titre des heures supplémentaires et des repos compensateurs, sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmé pour le surplus,

- réduit les dommages et intérêts pour discrimination syndicale à 20.000 €,

- fixé la rémunération mensuelle brute de base à verser à 2.289 € à compter de janvier 2011, à revaloriser en fonction de l'évolution du salaire mensuel moyen brut des salariés de catégorie responsable de rayon, d'âge et d'ancienneté équivalents,

- dit que l'accord d'entreprise sur l'aménagement du temps de travail n'était pas applicable à M. [V],

- condamné la SAS Decathlon France à régulariser la situation de M. [V] auprès des organismes sociaux,

- débouté M. [V] de ses demandes d'annulation de l'avertissement et de la mise à pied disciplinaire,

- condamné la SAS Decathlon France au paiement de la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Par arrêt du 19 avril 2017, la cour d'appel a dit que la disposition de l'arrêt du 5 février 2016 relative à la revalorisation de la rémunération devait être interprétée en ce qu'il s'agissait de calculer le pourcentage d'augmentation du salaire moyen brut des salariés de catégorie responsable de rayon, d'âge et d'ancienneté équivalents, ce, en cohérence avec les éléments annuels résultant des NAO.

* Le 15 juin 2017, M. [V] a fait délivrer à la SAS Decathlon France un commandement aux fins de saisie-vente pour les salaires de janvier 2011 à décembre 2016 de 22.697,31 € outre accessoires et intérêts, déduction à faire des acomptes.

Par jugement du 22 novembre 2017, le juge de l'exécution de Toulouse a notamment validé le commandement aux fins de saisie-vente pour des salaires de 15.140,73 € outre intérêts, déduction à faire des acomptes, et condamné la SAS Decathlon France à délivrer à M. [V] les bulletins de paie rectifiés conformément aux arrêts des 5 février 2016 et 19 avril 2017.

* Le 21 août 2017, M. [V] a fait pratiquer une saisie-attribution pour les salaires pour un montant de 23.400,35 €.

Par jugement du 24 janvier 2018, le juge de l'exécution de Toulouse a limité la saisie-attribution à 15.140,73 € outre intérêts, déduction à faire des acomptes, et a condamné la SAS Decathlon France à délivrer à M. [V] les bulletins de paie rectifiés conformément aux arrêts des 5 février 2016 et 19 avril 2017.

Sur appel interjeté par la SAS Decathlon France, par arrêt du 19 septembre 2018, la cour d'appel de Toulouse a confirmé le jugement mais en limitant le montant de la saisie-attribution à 11.373,61 €.

Procédure actuelle :

Le 23 février 2018, M. [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Montauban en se disant victime d'une discrimination en raison de ses activités syndicales et de son état de santé ; il a demandé notamment la fixation de son salaire de base à compter du 1er janvier 2018 et le paiement de primes, de dommages et intérêts pour préjudice lié à la perte de valeur du PEA sur les primes non perçues, de dommages et intérêts pour perte des droits à retraite, de dommages et intérêts pour discrimination syndicale et de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de bonne foi.

La SAS Decathlon France lui a opposé l'autorité de la chose jugée.

Par jugement du 3 juillet 2020, le conseil de prud'hommes de Montauban a :

- dit que les demandes de M. [V], en tant que victime d'une discrimination salariale en raison de l'état de santé et des activités syndicales, ont déjà été jugées,

- débouté M. [V] de ses demandes en discrimination salariale en raison de l'état de santé et des activités syndicales,

- débouté les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [V] aux entiers dépens.

M. [V] a relevé appel de ce jugement le 3 août 2020, dans des conditions de forme et de délai non discutées, énonçant dans sa déclaration les chefs critiqués du jugement.

Par conclusions récapitulatives n° 3 notifiées par voie électronique le 15 mars 2022, auxquelles il est expressément fait référence, M. [V] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau et y ajoutant,

- dire que M. [V] a été victime d'une discrimination salariale en raison de l'état de santé et qu'il continue de subir une discrimination salariale en raison de ses activités syndicales,

- fixer le salaire de base de M. [V] à compter du 1er janvier 2018 à la somme de 2.748,21 €, à compter du 1er janvier 2019 à la somme de 2.763,19 €, à compter du 1er janvier 2020 à la somme de 2.953,80 €, à compter du 1er janvier 2021 à la somme de 3.029,01 € et à compter du 1er janvier 2022 à la somme de 3.294,43 €,

- ordonner à la SAS Decathlon France de fournir à M. [V], chaque année à la suite des NAO le détail du calcul de la revalorisation du salaire de base, constitué par la somme des augmentations collectives et de la moyenne des augmentations individuelles, appliqué aux responsables de rayons, de même âge et de même ancienneté tant que durera la relation de travail,

- ordonner la rectification et la remise des bulletins de salaire pour les années 2018, 2019, 2020, 2021 et 2022,

- condamner la SAS Decathlon France à verser à M. [V] les sommes suivantes :

* 52.722,02 € au titre des rappels de primes pendant la période d'arrêt maladie professionnelle :

primes mensuelles : 8.718,58 €,

primes trimestrielles : 24.563,86 €,

primes de participation légale : 19.439,58 €,

* 5.272,22 € à titre de congés payés y afférents,

* 489.438,19 € à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice lié à la perte de valeur du plan épargne entreprise sur les primes non perçues correspondant à :

72.167,24 € à titre de préjudice pour la période d'arrêt maladie,

417.270,95 € à titre de préjudice financier pour la période postérieure,

* 17.398,27 € à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice pour la perte des droits à retraite,

* 4.594 € au titre des primes et des valeurs des parts du compte épargne entreprise pour la période du 1er janvier 2011 au 3 avril 2013,

* 40.000 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination en raison des activités syndicales,

* 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour violation 'de l'obligation et de bonne foi',

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir (sic),

- ordonner la capitalisation des intérêts de retard,

- condamner la SAS Decathlon France à verser à M. [V] la somme de 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions responsives et récapitulatives n° 2 notifiées par voie électronique le 16 mars 2022, auxquelles il est expressément fait référence, la SAS Decathlon France demande à la cour de :

- confirmer le jugement,

- in limine litis, juger que les demandes de M. [V] ont déjà été jugées et que le principe de l'autorité de la chose jugée s'applique,

- juger que les demandes de M. [V] ne sont pas justifiées,

- juger que les demandes de M. [V] sont en tout état de cause prescrites,

- juger que M. [V] a été intégralement rempli de ses droits,

- débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner M. [V] à verser à la SAS Decathlon France la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

MOTIFS

1 - Sur la discrimination :

En vertu de l'article L 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, en raison de ses origines, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille, de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance à une ethnie, une nation ou une race, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son nom de famille, de son état de santé ou de son handicap.

Aux termes de l'article L 1132-4, toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance de ces dispositions est nul.

En application de l'article L 1134-1, en cas de litige relatif à la méconnaissance de ces textes, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Dans le cadre du présent litige, M. [V] soutient être victime d'une discrimination syndicale et d'une discrimination en raison de son état de santé. Il demande :

- la fixation de son salaire de base à compter du 1er janvier 2018,

- la fourniture par la SAS Decathlon France du détail du calcul de la revalorisation du salaire de base,

- la rectification et la remise des bulletins de salaire pour les années 2018, 2019, 2020, 2021 et 2022,

- la condamnation de la SAS Decathlon France au paiement des sommes suivantes :

* des primes pendant les périodes d'arrêt de travail, d'octobre 2006 à octobre 2009 et d'avril 2013 à février 2016 (primes mensuelles, primes trimestrielles, primes de participation légale),

* des dommages et intérêts pour perte de valeur du plan épargne entreprise sur les primes non perçues,

* des dommages et intérêts pour perte des droits à retraite sur les primes non perçues,

* des primes (primes mensuelles, primes trimestrielles), des participations légales et supra-légales et des valeurs des parts du compte épargne entreprise, pour la période du 1er janvier 2011 au 3 avril 2013,

* des dommages et intérêts pour discrimination syndicale,

* des dommages et intérêts pour violation de l'obligation de bonne foi.

a - Sur l'autorité de la chose jugée :

Aux termes de l'article 1355 nouveau du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement ; il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

La SAS Decathlon France oppose à M. [V] l'autorité de la chose jugée tirée du jugement du conseil de prud'hommes de Toulouse du 11 février 2013 et de l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 5 février 2016.

Il résulte des conclusions de M. [V] lors de l'instance ayant abouti à l'arrêt d'appel du 5 février 2016, que celui-ci soutenait alors être victime d'une discrimination syndicale et demandait :

* des dommages et intérêts de 40.000 € pour discrimination, à la fois pour perte de rémunération subie du fait de la discrimination syndicale sur la période de 2003 à 2011, soit pendant 9 ans, au titre du salaire de base (pour tous les mois), des primes mensuelles et trimestrielles (pour les mois en dehors des périodes d'arrêt maladie), des primes de participation légale (pour tous les mois) et des droits sur le compte épargne entreprise (pour tous les mois), et pour les autres mesures discriminatoires subies (avertissement, mise à pied disciplinaire, réticence à payer ses frais),

* la fixation de son salaire de base à 2.500 € à compter de la saisine du conseil de prud'hommes.

Il ne demandait pas le paiement de rappels de rémunérations au titre de la discrimination, sa demande en paiement de rappels de salaires concernant des heures supplémentaires en raison d'une 'inéligibilité' au forfait-jours, sans lien avec la discrimination - demande dont il a été débouté par le conseil de prud'hommes.

Dans son arrêt, la cour d'appel a notamment :

- confirmé le principe d'une discrimination syndicale,

- réduit les dommages et intérêts pour discrimination de 20.000 €,

- fixé la rémunération mensuelle brute de base à 2.289 € à compter de janvier 2011, à revaloriser en fonction de l'évolution du salaire mensuel moyen brut des salariés de catégorie responsable de rayon, d'âge et d'ancienneté équivalents,

- confirmé le débouté au titre des heures supplémentaires.

* S'agissant de la demande de fixation du salaire de base à compter du 1er janvier 2018, elle se heurte effectivement à l'autorité de la chose jugée puisque l'arrêt du 5 février 2016 interprété par l'arrêt du 19 avril 2017 fixait ce salaire à 2.289 € à compter du mois de janvier 2011, ce montant étant à revaloriser pour l'avenir en fonction de l'évolution du salaire mensuel moyen brut des salariés de catégorie responsable de rayon, d'âge et d'ancienneté équivalents, et en cohérence avec les éléments annuels résultant des NAO. Il n'appartient donc pas à la cour de réexaminer le montant à compter de janvier 2018, les parties devant simplement faire application des précédentes précisions. S'il existe une difficulté d'exécution tenant à la revalorisation, M. [V] doit saisir le juge de l'exécution.

* S'agissant des demandes de production du détail du calcul de la revalorisation du salaire de base et de remise de bulletins de salaire rectifiés à compter de 2018, elles sont afférentes à la demande de fixation du salaire de base qui est irrecevable, ce qui les rend elles aussi irrecevables.

* S'agissant de la demande en paiement des primes pendant les périodes d'arrêt de travail, d'octobre 2006 à octobre 2009 et d'avril 2013 à février 2016 (primes mensuelles, primes trimestrielles, primes de participation légale), la cour constate que, dans la précédente instance, M. [V] demandait le paiement de dommages et intérêts comprenant divers chefs de préjudice dont la perte des primes mensuelles, trimestrielles et de participation, que cette perte, pour les primes mensuelles et trimestrielles, ne concernait pas les périodes de maladie, que cette perte n'était pas alléguée au-delà de l'année 2011, et qu'aujourd'hui M. [V] rattache sa demande à une discrimination liée à son état de santé, laquelle n'était pas en question précédemment. Ainsi, il n'y a pas autorité de la chose jugée sur ce point.

Il en est de même des demandes afférentes en dommages et intérêts pour perte de valeur du plan épargne entreprise sur ces primes et en dommages et intérêts pour perte des droits à retraite sur ces primes.

* S'agissant de la demande en paiement des primes (primes mensuelles, primes trimestrielles), des participations légales et supra-légales et des valeurs des parts du compte épargne entreprise, pour la période du 1er janvier 2011 au 3 avril 2013, il a été dit que, précédemment, M. [V] ne demandait que des dommages et intérêts ; de plus, les dommages et intérêts ne concernaient pas les années 2012 et 2013. Il n'y a donc pas autorité de la chose jugée.

* S'agissant de la demande de dommages et intérêts pour discrimination syndicale, la cour ne peut que constater que l'arrêt du 5 février 2016 a déjà alloué à M. [V] des dommages et intérêts pour discrimination syndicale, et que, dans le cadre de la présente procédure, M. [V], qui se contente d'affirmer que 'la discrimination syndicale perdure', n'évoque aucun fait nouveau de nature à laisser supposer l'existence d'une nouvelle discrimination syndicale. Il y a donc autorité de la chose jugée sur cette demande.

* Enfin, s'agissant de la demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de bonne foi, elle n'avait jamais été formée lors de la précédente instance, de sorte qu'il n'y a pas autorité de la chose jugée.

b - Sur la prescription :

La SAS Decathlon France soulève la prescription des demandes de rappels de salaires formées d'octobre 2006 à février 2016, tirée de l'article L 1471-1 du code du travail, relatif à l'action portant sur l'exécution du contrat de travail, qui se prescrit par 2 ans.

Néanmoins, en 2006, l'action en paiement des salaires était soumise à l'article 2277 ancien du code civil prévoyant un délai de prescription de 5 ans ; le délai est resté à 5 ans avec l'article L 3245-1 du code du travail issu de la loi du 17 juin 2008 renvoyant à l'article 2224 du code civil ; puis, s'est appliqué le délai de 3 ans de l'article L 3245-1 modifié par la loi du 14 juin 2013, pour les délais encore en cours au 16 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. Ce délai court à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, et la demande peut porter sur les sommes dues au titre des 3 dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des 3 années précédant la rupture du contrat.

En l'espèce, M. [V] ne saurait prétendre qu'il ne pouvait intenter une action en paiement des primes qu'après les arrêts des 5 février 2016 et 19 avril 2017 qui fixaient le salaire de base et la méthode de calcul de ce salaire sur lequel sont calculées les primes. En effet, lors de la précédente instance engagée le 13 janvier 2011, M. [V] estimait que son salaire de base devait être fixé à 2.500 € et évaluait déjà les primes, ce qui prouve qu'il disposait de tous les éléments nécessaires relatifs à l'évaluation de sa rémunération, et il n'avait pas besoin d'attendre les décisions de la cour d'appel pour former une action en paiement des primes.

Ainsi, le point de départ du délai de prescription doit être fixé au jour de l'échéance de chacune des primes. M. [V] ayant saisi le conseil de prud'hommes le 23 février 2018, il est prescrit en ses demandes antérieures au 23 février 2015.

La demande au titre des primes pendant les périodes d'arrêt de travail, d'octobre 2006 à octobre 2009 et d'avril 2013 à février 2016 (primes mensuelles, primes trimestrielles, primes de participation légale) est donc prescrite au titre des primes d'octobre 2006 à octobre 2009 et d'avril 2013 à janvier 2015, et celle au titre des primes, participations légales et supra-légales et des valeurs des parts du compte épargne entreprise, pour la période du 1er janvier 2011 au 3 avril 2013, est entièrement prescrite.

c - Sur le fond :

* S'agissant des primes, il est rappelé que M. [V] n'est recevable en ses demandes que pour la période de février 2015 à février 2016, compte tenu de la prescription. M. [V] affirme que :

- les primes mensuelles, de 1 à 10 % du salaire, sont assises sur le chiffre d'affaires du rayon ;

- les primes d'intéressement trimestrielles, de 1 à 25 % du salaire, sont assises sur le chiffre d'affaires réalisé par le magasin ;

- les primes de participation correspondent à un pourcentage dont le taux est fixé chaque année, prenant en compte l'ensemble de la rémunération mensuelle du salarié (salaire de base + primes).

Invoquant une discrimination liée à son état de santé, il se plaint d'avoir été privé de ces primes alors qu'il était en arrêt pour maladie professionnelle, et que les périodes d'arrêt pour maladie professionnelle doivent être assimilées à du temps de travail.

La SAS Decathlon France réplique qu'à l'époque, M. [V] était en maladie simple et que ce n'est que le 3 décembre 2018 que la maladie professionnelle a été reconnue, de sorte que le salarié n'avait pas droit aux primes, et que les primes ne peuvent pas être versées de façon rétroactive.

En réalité, la CPAM a reconnu une maladie professionnelle par décision du 9 juillet 2015 suite à l'avis du comité régional de Toulouse - Midi Pyrénées du 23 juin 2015, mais cette décision était inopposable à la SAS Decathlon France qui avait été mise hors de cause par le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du 21 mai 2014. L'avis du 3 décembre 2018 du 2e comité régional, celui du Limousin - Poitou-Charentes, n'a été donné que dans le cadre de la procédure en reconnaissance de la faute inexcusable à laquelle la SAS Decathlon France était partie. Il demeure qu'en 2015 et 2016, à l'égard de la SAS Decathlon France, M. [V] était réputé être en arrêt maladie simple et non en arrêt maladie professionnelle, de sorte qu'il ne pouvait pas prétendre au versement des primes d'intéressement, et qu'il ne peut pas y prétendre aujourd'hui de manière rétroactive suite à l'avis du 3 décembre 2018.

Il sera donc débouté de sa demande de ce chef.

* S'agissant des demandes de dommages et intérêts pour perte de valeur du plan épargne entreprise et des dommages et intérêts pour perte des droits à retraite, elles sont liées au non paiement des primes d'intéressement. Or, il vient d'être dit que ces primes n'étaient pas dues.

M. [V] sera donc débouté de ses demandes.

* S'agissant des dommages et intérêts pour violation de l'obligation de bonne foi, M. [V] indique que la SAS Decathlon France a fait preuve de mauvaise foi en refusant d'appliquer 'la loi' et qu'elle l'a mis en difficulté sur le plan financier et moral.

Or, la cour n'allouant aucune somme à M. [V] et ne retenant aucun manquement de la part de la SAS Decathlon France, elle ne peut que le débouter de sa demande de dommages et intérêts.

2 - Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

Le salarié qui perd au principal supportera les entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi que ses propres frais irrépétibles. L'équité commande de laisser à la charge de l'employeur ses propres frais.

PAR CES MOTIFS,

Infirme le jugement, sauf en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, qui seront confirmées,

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant,

Déclare irrecevables, en vertu de l'autorité de la chose jugée, les demandes de M. [V] relatives à la fixation de son salaire de base à compter du 1er janvier 2018, à la fourniture par la SAS Decathlon France du détail du calcul de la revalorisation du salaire de base, à la rectification et la remise des bulletins de salaire pour les années 2018, 2019, 2020, 2021 et 2022, et aux dommages et intérêts pour discrimination syndicale,

Déclare irrecevables, comme prescrites, les demandes de M. [V] relatives aux primes pour la période d'octobre 2006 à octobre 2009 et d'avril 2013 à janvier 2015, et les demandes relatives aux primes, participations légales et supra-légales et valeurs des parts du compte épargne entreprise, pour la période du 1er janvier 2011 au 3 avril 2013,

Déboute M. [V] du surplus de ses demandes (primes de février 2015 à février 2016, dommages et intérêts pour perte de valeur du plan épargne entreprise sur les primes non perçues, dommages et intérêts pour perte des droits à retraite sur les primes non perçues, dommages et intérêts pour violation de l'obligation de bonne foi),

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne M. [V] aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Catherine BRISSET, présidente, et par Arielle RAVEANE, greffière.

LA GREFFIERELA PRESIDENTE

A. RAVEANEC. BRISSET.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 2
Numéro d'arrêt : 20/02126
Date de la décision : 22/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-22;20.02126 ?
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