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19/04/2022 | FRANCE | N°19/03046

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 19 avril 2022, 19/03046


19/04/2022



ARRÊT N°



N° RG 19/03046

N° Portalis DBVI-V-B7D-NB62

A.M R / RC



Décision déférée du 27 Mai 2019

Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE (19/00500)

M. [Y]

















Compagnie d'assurances MILLENIUM INSURANCE COMPANY LIMITED



C/



[Z] [D]

[I] [E]

SELARL AEGIS





























































INFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU DIX NEUF AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANTE



MILLENIUM INSURANCE COMPANY LIMITED

Compagnie d'assuranc...

19/04/2022

ARRÊT N°

N° RG 19/03046

N° Portalis DBVI-V-B7D-NB62

A.M R / RC

Décision déférée du 27 Mai 2019

Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE (19/00500)

M. [Y]

Compagnie d'assurances MILLENIUM INSURANCE COMPANY LIMITED

C/

[Z] [D]

[I] [E]

SELARL AEGIS

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU DIX NEUF AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

MILLENIUM INSURANCE COMPANY LIMITED

Compagnie d'assurances de droit britannique, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

13, ragged Staff Wharf Queesway

1314 GIBRALTAR

Représentée par Me Jean-marc CLAMENS de la SELAS CLAMENS CONSEIL, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Madame [Z] [D]

34, rue de Lalande

31650 SAINT ORENS DE GAMEVILLE

Représentée par Me Mathieu SPINAZZE de l'ASSOCIATION CABINET D'AVOCATS DECKER & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

Monsieur [I] [E]

9 rue Raymond Delmotte

31400 TOULOUSE

Représenté par Me Raymond LABRY, avocat au barreau de TOULOUSE

SELARL AEGIS

Pris en la personne de Maître [M] [O], es qualité de mandataire judiciaire de la société FD MOE

35 boulevard Lascrosses

31000 TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Septembre 2021, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant A.M. ROBERT, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. DEFIX, président

A.M. ROBERT, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRET :

- REPUTE CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par S. LECLERCQ, Conseiller, par suite d'un empêchement du président et par N. DIABY, Greffier de chambre.

.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [D] souffre d'une affection neuromusculaire particulièrement invalidante. Lourdement handicapée, elle ne peut se déplacer qu'à l'aide d'un fauteuil roulant.

Elle a confié à la société Fd Moe dont le dirigeant est M. [I] [E], assurée auprès de la société Millénium Insurance Company Limited, selon devis en date du 24 mars 2016, des travaux d'adaptation de son logement pour un montant de 66 286,24 €.

Les travaux ont débuté durant l'été 2016.

Se plaignant d'un retard dans l'exécution des travaux et de malfaçons et non conformités constatés par huissier le 9 décembre 2016, Mme [D] a fait assigner devant le juge des référés, par acte en date du 03 février 2017, la Sas Fd Moe et M. [I] [E].

L'entreprise sous-traitante la Sarl Marchet Lairle Plâtrerie est intervenue volontairement à l'instance.

Par ordonnance en date du 30 mars 2017 le juge des référés a condamné la société FD Moe à payer, à titre de provisions, à Mme [D] la somme provisionnelle de 3000 € et à la Sarl Marchet Lairle Plâtrerie la somme de 13 780,26 € et a ordonné une mesure d'expertise confiée à Monsieur [N].

Par jugement en date du 8 juin 2017 le tribunal de commerce de Toulouse a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire en faveur de la Sas Fd Moe et désigné la Selarl Aegis en qualité de mandataire judiciaire.

A la requête de Madame [D], les opérations d'expertise ont été étendues, par ordonnance du 12 septembre 2017, à la compagnie Millenium Insurance, assureur de la société Fd Moe et à la Selarl Aegis mandataire judiciaire de la société Fd Moe.

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 05 avril 2018.

Le 21 décembre 2017, le tribunal de commerce de Toulouse a prononcé la liquidation judiciaire de la société Fd Moe et désigné la Selarl Aegis en qualité de mandataire liquidateur.

Mme [D] a déclaré sa créance pour un montant de 300 000 € le 26 février 2018.

Par actes en date des 5 et 12 février 2019 Mme [D] a fait assigner à jour fixe devant le tribunal de grande instance de Toulouse, M. [I] [E], la Selarl Aegis en sa qualité de mandataire judiciaire de la société FD Moe et la société Millenium Insurance Company Limited, en sa qualité d'assureur de la société FD Moe, aux fins d'indemnisation.

Par jugement réputé contradictoire du 27 mai 2019, le tribunal de grande instance de Toulouse a :

- constaté que la société Fd Moe a manqué à ses obligations contractuelles ;

- ordonné la résiliation du contrat de maîtrise d'oeuvre aux torts de la société Fd Moe ;

- dit que la compagnie Millenium, en sa qualité d'assureur de la société Fd Moe, est in solidum tenue au paiement de ces sommes à concurrence du plafond de sa garantie en ce domaine soit 7.000 € ;

- constaté que M. [E] a usurpé le titre d'architecte ;

- dit que M. [E] a commis des fautes à l'égard de Mme [D] de nature à engager sa responsabilité personnelle ;

En conséquence,

- condamné in solidum la société Fd Moe, M. [E] et son assureur Millenium Insurance Company Limited dans la limite de son plafond de garantie à porter et à payer à Mme [D] la somme de 77.884,05 € TTC ;

- fixé au passif de la société Fd Moe la somme globale de 77.884,05 € TTC correspondant à la réparation de l'entier préjudice subi par Mme [D] :

* 53.834, 05 € TTC pour le préjudice matériel ;

* 16.050 € TTC à titre de dommage et intérêts au titre du préjudice de jouissance ;

* 8.000 € à titre de dommage et intérêts au titre du préjudice moral ;

- débouté les parties pour le surplus ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

- condamné solidairement la société Fd Moe, son assureur, et M. [E] au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamné solidairement la société Fd Moe, son assureur, et M. [E] aux entiers dépens ;

- ordonné communication du présent jugement à M. le Procureur de la République.

Pour statuer ainsi le tribunal a notamment estimé qu'au regard des conclusions de l'expert judiciaire et d'un retard de chantier de 17 mois il convenait de prononcer la résiliation du contrat de maîtrise d'oeuvre aux torts exclusifs de la société Fd Moe et que Mme [D] devait être indemnisée de ses préjudices, tant matériel que de jouissance et moral.

Il a considéré que la société Millenium Insurance était solidairement tenue des condamnations de son assurée au titre de la garantie responsabilité civile professionnelle dans la mesure où le retrait de la société Fd Moe était intervenu dans un contexte mélangeant malfaçons et inexécutions et aboutissant non pas à une rénovation de l'immeuble mais à de nouvelles dégradations sur des ouvrages existants.

Il a retenu que la situation dans laquelle se retrouvait Mme [D] était causée par l'incompétence du maître d'oeuvre qui utilisait donc des manoeuvres frauduleuses en revendiquant une fausse qualité d'architecte engageant ainsi sa responsabilité délictuelle.

Par déclaration en date du 28 juin 2019, la Millenium Insurance Company Limited a relevé appel de toutes les dispositions de ce jugement à l'exception de celles ayant dit que M. [E] a commis des fautes à l'égard de Mme [D] de nature à engager sa responsabilité personnelle, débouté les parties pour le surplus et ordonné la communication du présent jugement à M. le procureur de la république.

DEMANDES DES PARTIES

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 16 septembre 2019, la société Millenium Insurance Company Limited , appelante, demande à la cour, au visa des articles L.113-1 et suivants, L.112-6 du Code des assurances et 1231-1 du Code civil de :

A titre principal,

- dire que sa garantie n'est pas mobilisable ;

En conséquence,

- infirmer le jugement dont appel qui l'a condamnée à garantir indemne son assurée la société Fd Moe ;

- débouter Mme [D] et la société Fd Moe de l'intégralité de leurs demandes à son encontre ;

- les condamner in solidum à lui verser la somme de 2.500 € au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

A titre subsidiaire,

- limiter l'indemnisation des préjudices subis par Mme [D] à la somme de 22.991,60 € ;

- la débouter du surplus de ses demandes ;

- juger qu'elle est fondée à opposer à son assurée et à Mme [D], sa franchise contractuelle correspondant à 20 % du montant du sinistre avec un minimum de 2.000 € et un maximum de 7.000 € ;

En toute hypothèse,

- condamner tout succombant au paiement des dépens dont distraction à la Selas Clamens Conseil avocats qui est en droit de les recouvrer, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 30 mars 2020, M. [E], intimé et sur appel incident, demande à la cour, au visa des articles L.227-6 du Code de commerce, et 1240 du Code civil :

À titre principal,

- réformer le jugement en ce qu'il a constaté qu'il avait usurpé le titre d'architecte et en ce qu'il a dit qu'il avait commis des fautes à l'égard de Mme [D] de nature à engager sa responsabilité personnelle ;

- dire qu'il n'a commis aucune faute détachable de ses fonctions ;

- juger que Mme [D] a procédé à une interruption de chantier inutile ;

-prendre acte des travaux de finition que la société Fd Moe proposait d'effectuer chez Mme [D] lors de la procédure de référés avec une date d'achèvement au plus tard avant le 15 mai 2017 ;

- constater que cette dernière n'a pas accepté cette proposition ;

- dire que Mme [D] a commis une faute exonératoire de responsabilité à son encontre ou de la société Fd Moe ,

- prendre acte des documents qu'il produit qui démontrent la réalité de son activité de maître d'oeuvre et la réalité de sa couverture d'assurance ;

- juger que sa responsabilité personnelle ne peut pas être engagée ;

- dire qu'il n'existe aucun lien de causalité entre sa prétendue faute et les préjudices allégués par Mme [D] ;

En conséquence,

- rejeter les demandes de Mme [D] à son encontre ;

- constater que les demandes de Mme [D] sont redondantes et représentent un enrichissement sans cause ;

- dire que la perte de chance alléguée par Mme [D] est inexistante ;

- juger que les préjudices de Mme [D] sont infondés tant dans leur principe que dans leur quantum ;

En conséquence,

- rejeter l'ensemble des demandes fins et prétentions de Mme [D] ;

A titre subsidiaire,

- ramener à de plus juste proportion les demandes de Mme [D] ;

- constater qu'il est dans une situation financière délicate ;

- lui octroyer des délais de paiements de 24 mois en cas de condamnations pécuniaires ;

- condamner la société Aegis, prise en la personne de Me [M] [O], ès qualités de mandataire de la société Fd Moe, et la compagnie d'assurances Millenium Insurance Company Limited ès qualité d'assureur de la société Fd Moe, à le relever et le garantir de toutes les sommes qui pourraient être mises à sa charge ;

En toute hypothèse,

- condamner tout succombant à lui verser une somme de 4.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 7 juillet 2021, Mme [D], intimée et sur appel incident, demande à la cour, au visa des articles 1103, 1231, 1240 et 1345-5 du Code civil et L.223-22 du Code de commerce de :

- confirmer le jugement dont appel sauf en ce qu'il :

* a déclaré la franchise lui étant opposable et limité la condamnation de la compagnie Millenium Insurance Company Limited à la somme de 7.000 € ;

* l'a déboutée du surplus de ses demandes indemnitaires au titre du préjudice de jouissance et au titre du préjudice moral ;

Et statuant à nouveau,

Sur les demandes formulées à l'endroit de la société Fd Moe et Millenium :

- dire que la franchise au titre de la responsabilité civile professionnelle lui est inopposable, en tant que tiers victime ;

- condamner in sodium, la société Fd Moe, la Millenium Insurance Company Limited à payer la somme de 121.394,05 € ;

- fixer au passif de la société Fd Moe la somme globale de 121.394,05 € correspondant à la réparation de l'entier préjudice qu'elle a subi :

* 53.834,05 € à titre de dommages et intérêts au titre de préjudice financier ;

* 47.560 € à titre de dommages et intérêts au titre de préjudice de jouissance ;

* 20.000 € à titre de dommages et intérêts au titre de préjudice moral ;

Si par extraordinaire la Cour devait lui rendre opposable la franchise,

- condamner in sodium la société Fd Moe au total de la somme de 121.394,05 € et la Millenium Insurance Company Limited au montant déduit de la franchise ;

Sur la demande en condamnation de M. [E] :

- condamner M. [E] en réparation de son entier préjudice correspondant à la somme de 121.394,05 € ;

- débouter M. [E] de sa demande de délais de paiement ;

A titre subsidiaire,

- constater que M. [E] a usurpé le titre d'architecte ;

- juger que M. [E] a commis des fautes à son égard de nature à engager sa responsabilité personnelle ;

- constater les préjudices qu'elle a subits du fait des manquements fautifs de M. [E] ;

- dire que les préjudices qu'elle a subits constituent un préjudice de perte de chance de ne pas contracter avec M. [E] et la société Fd Moe ;

En conséquence,

- condamner M. [E] au paiement de la somme de 109.254,654 € à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice de perte de chance, soit 90 % du préjudice subi ;

- condamner M. [E] au paiement de la somme de 5.000 € au titre de dommages et intérêts à titre de préjudice moral complémentaire ;

- débouter M. [E] de sa demande de délais de paiement ;

En toute hypothèse,

- débouter M. [E], la société Fd Moe, la Millenium Insurance Company Limited , de l'intégralité de leurs demandes ;

- condamner solidairement M. [E], la société Fd Moe, la Millenium Insurance Company Limited, au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner solidairement M. [E], la société Fd Moe, la Millenium Insurance Company Limited , aux entiers dépens.

La Selarl Aegis en sa qualité de mandataire liquidateur de la Sas Fd Moe, assignée à personne habilitée par acte en date du 19 septembre 2019 contenant dénonce de la déclaration d'appel et à qui l'appelante a signifié ses conclusions par acte du 18 décembre 2019 à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.

Il sera statué par arrêt réputé contradictoire en application des dispositions de l'article 474 alinéa 1 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 août 2021.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l'article 954 alinéa 5 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

En vertu de l'article 472 du code de procédure civile la cour doit statuer sur le fond et ne peut faire droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où elle les estime réguliers, recevables et bien fondés.

La demande principale de Mme [D] à l'encontre de la Selarl Aegis ès qualités

Il doit être rappelé qu'en vertu des dispositions des articles L 622-22 et L 641-3 du code de commerce la présente instance ne peut tendre qu'à la fixation de la créance de Mme [D] au passif de la liquidation de la Sas Fd Moe.

Le contrat conclu entre Mme [D] et la Sas Fd Moe constitue un contrat de louage d'ouvrage au sens de l'article 1787 du code civil car il porte sur la réalisation de travaux d'aménagement et d'accessibilité de son habitation.

Aucune date de début et de fin d'exécution des travaux n'a été convenue par les parties mais elles s'accordent pour dire qu'ils ont débuté dans le courant de l'été 2016.

Mme [D] a mis fin au contrat par courrier de son conseil adressé à la Sas Fd Moe le 20 décembre 2016.

Elle a fondé cette résiliation sur le retard pris dans l'exécution des travaux, l'inhabitabilité de la maison ayant rendu nécessaire son hébergement chez sa fille et l'existence de nombreuses malfaçons et non-conformités.

M. [E], dirigeant de la Sas Fd Moe, a indiqué à Mme [D] par message électronique du 26 août 2016 : « Pour info nous avons reçu une grosse partie du matériel nécessaire aux travaux. Sur place les ouvriers reprennent les travaux lundi pour ne plus interrompre jusqu'au 1er octobre. ».

Le 3 octobre suivant, les travaux n'étant pas terminés il indiquait : « Vous trouverez ci-dessous la facture d'avancement des travaux. A aujourd'hui toute la maçonnerie est faite, le placo-plâtre et cloisonnement sont finis depuis vendredi, nous attaquons les peintures et le sol sera posé en suivant (...) ».

Par la suite il a reconnu dans des messages datés des 25 octobre et 16 novembre 2016, les travaux n'étant toujours pas terminés, «un certain manque de suivi » concernant les travaux d'électricité et de plaquisterie, «certains dysfonctionnements dans certains articles (sic) ou avancé de chantier » ainsi que «certaines difficultés notamment de planning et de disponibilité avec les artisans».

Par message en date du 6 décembre 2016 Mme [D] a interpellé le conducteur de travaux de l'entreprise, M. [V], sur la durée des travaux, sur des non-conformités des travaux au devis initial ainsi que sur l'engagement pris par l'entreprise de « reprendre toutes les malfaçons ».

Aucune réponse ne lui a été apportée.

L'expert judiciaire indique qu'aucune réception n'est possible en l'état, les travaux étant loin d'être finis.

Il constate les malfaçons ou non conformités suivantes :

- dans la chambre no 2 les plaques de polystyrènes au faux-plafond ont été dégradées, la fenêtre a été posée trop bas et le linoléum est complètement détérioré,

- dans la chambre no 1 le plafond en polystyrène est abîmé et les gravats n'ont pas été dégagés,

- les gravats intérieurs et extérieurs n'ont pas été dégagés.

Il impute les non-finitions, malfaçons et non-conformités à « l'incompétence du maître d'oeuvre » et évalue la durée des travaux de reprises à deux semaines et celle d'achèvement des travaux à un mois.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, notamment le retard important pris dans la réalisation des travaux, la résiliation unilatérale du contrat par Mme [D] est justifiée et la rupture contractuelle doit être imputée à faute à la Sas Fd Moe, le jugement étant confirmé sur ce point.

Cette dernière engage sa responsabilité contractuelle pour manquement à son obligation de résultat à laquelle elle est tenue en tant qu'entreprise générale maître d'oeuvre s'agissant de travaux non réceptionnés présentant des non-finitions importantes et des malfaçons et non-conformités.

Elle doit réparation à Mme [D] de son entier préjudice, lequel, en application des dispositions de l'article 1149 du code civil dans sa rédaction applicable au présent litige, doit être de la perte qu'elle a faite et du gain dont elle a été privée.

Mme [D] justifie avoir réglé à la Sas Fd Moe la somme de 26 514,50 € le 1er juillet 2016 et celle de 25 700 € le 4 octobre 2016 soit au total 52 214,50 €.

L'expert judiciaire constate que les travaux réalisés représentent environ 40 000 € et indique que pour terminer les travaux (électricité, peinture, aménagement et équipement de la salle de bains et d'extérieur) de la maison de Mme [D] sur la base du devis contractuel « il faut une enveloppe de 30 815,40 € Ttc ».

Il évalue le coût des malfaçons et non conformités à la somme de 2475 € Ttc tout en précisant qu'il n'y a pas de désordre susceptible de compromettre la solidité de l'ouvrage ni même de le rendre impropre à destination.

Le préjudice de Mme [D] s'établit donc au surcoût généré par le retard dans l'exécution des travaux ainsi qu'au coût des travaux de reprises des malfaçons imputables à la société Fd Moe.

Compte tenu de la somme qu'elle a déjà réglée (52 214,50 €) et du coût de finition du chantier (30 815,50 €) au regard de ce qu'elle aurait dû en tout état de cause payer (66 286,24 €) le surcoût généré par le retard dans l'exécution des travaux est de 16 743, 76 € (52 214,50 + 30 815,50 - 66 286, 24).

Le coût des travaux de reprise doit être retenu à hauteur de 2475 €, soit au total 19 218, 16 € Ttc.

Mme [D] réclame en outre la somme de 17691,65 € au titre des frais de maison de retraite, celle de 2853 € au titre des frais de garde meuble, celle de 47 560 € au titre du préjudice de jouissance et celle de 20 000 € au titre du préjudice moral.

Au regard de la nature des travaux devant être exécutés par l'entreprise Fd Moe, lesquels concernaient notamment l'ouverture de murs porteurs, la réfaction des plafonds, murs et sols de toutes les pièces ainsi que la réfaction totale de l'unique salle de bains, il n'est pas contestable que Mme [D] s'est trouvée dans l'obligation de vider la maison de ses meubles et de trouver un autre hébergement pour la durée des travaux.

Les frais qui en ont résulté constituent un préjudice indemnisable à compter de la date à laquelle les travaux auraient dû être achevés soit le 1er octobre 2016.

Mme [D] produit une attestation établie le 25 juillet 2018 par M. [H], dirigeant de la société Illibox Déménagements, indiquant que Mme [D] a entreposé son mobilier dans ce garde-meubles du 18 juin 21016 au 7 mai 2018 pour le prix de 124 € par mois.

Son préjudice, au titre des frais de garde-meuble doit être fixé à la somme de 2480 € (124X20).

Elle indique qu'hébergée dans un premier temps chez sa fille, elle a dû s'installer en maison de retraite d'octobre 2017 à avril 2018 puis à nouveau à compter d'octobre 2018 et produit les factures d'une résidence seniors Ovélia pour un montant de 17691,65 €, somme à laquelle son préjudice de ce chef doit être fixé.

Elle n'a pu par ailleurs jouir de l'agrément de vivre dans sa propre maison depuis le 1er octobre 2016, ce qui constitue un préjudice distinct de celui engendré par les frais d'hébergement qu'elle a dû engager, mais qui ne saurait être égal, compte tenu du dédommagement de ces frais, à la valeur locative de sa maison. Compte tenu de la durée de la privation de jouissance, ce chef de préjudice sera évalué à la somme de 10 000 €.

La situation générée par les manquements contractuels de la Sas Fd Moe a par ailleurs entraîné des tracas divers causant un préjudice moral à Mme [D] qui sera suffisamment réparé par l'octroi d'une indemnité de 3000 €.

Au final, la créance de Mme [D] à fixer au passif de la liquidation de la Sas Fd Moe s'établit ainsi que suit :

- 19 218,16€ Ttc au titre du surcoût et des travaux de reprise,

- 2480 € au titre des frais de garde-meuble,

- 17691,65 € au titre des frais d'hébergement en maison de retraite,

- 10000 € au titre du préjudice de jouissance,

- 3000 € au titre du préjudice moral,

soit au total la somme de 52 390,41 €, le jugement étant infirmé sur ce point.

La garantie de la société Millenium Insurance Company Limited

Aux termes de l'article L 124-3 du code des assurances, le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.

Aux termes de l'article 1315 du code civil dans sa rédaction applicable au présent litige celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Il résulte de ces dispositions que lorsque le bénéfice du contrat qui a été souscrit auprès d'un assureur de responsabilité est invoqué, non par l'assuré, mais par la victime du dommage, laquelle est un tiers, il incombe à cet assureur de démontrer, en versant le contrat aux débats, quelle est l'étendue de sa garantie pour le sinistre objet du litige.

Le principe de l'existence du contrat d'assurance n'est pas contesté par les parties, l'assureur produisant les conditions particulières et les conditions générales Rcp-Cg-Millenium-2015-08 du contrat d'assurance responsabilité civile professionnelle et décennale souscrit par la Sas Fd Moe le 1er juillet 2015 à effet au 1er novembre 2015 avec tacite reconduction annuelle.

Aux termes des conditions particulières la garantie responsabilité civile professionnelle, seule applicable en l'espèce au regard de l'absence de réception et de la nature des désordres constatés, a pour objet « les dommages causés aux tiers par l'assuré dans le cadre des activités professionnelles précisées dans les conditions particulières ».

L'assureur ne peut dénier sa garantie en invoquant des exclusions de garantie stipulées à l'article 6 des conditions générales Rcp-Cg-Millenium-2015-08 alors qu'aucune des pièces contractuelles produites ne sont revêtues de la signature de l'assuré de sorte qu'il n'est pas démontré que ce dernier a pris connaissance de l'ensemble des informations figurant dans les conditions générales.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que la société Millenium Insurance Company Limited doit sa garantie et qu'elle est tenue in solidum avec la société Fd Moe.

Elle sera condamnée à payer à Mme [D] les sommes de 19 218,16 € Ttc au titre du surcoût et des travaux de reprise, 2480 € au titre des frais de garde-meuble, 17691,65 € au titre des frais d'hébergement en maison de retraite, 10000 € au titre du préjudice de jouissance et 3000 € au titre du préjudice moral, soit au total la somme de 52 390,41 €, sous réserve de l'application de la franchise de 7000 € prévue aux conditions particulières du contrat d'assurance opposable à l'assuré comme aux tiers s'agissant d'une garantie non obligatoire.

Les demandes de Mme [D] à l'encontre de M. [E]

Pour réclamer la condamnation de M. [E] solidairement avec la société Fd Moe dont il est le dirigeant, Mme [D] soutient que M. [E] a commis une faute de gestion au sens de l'article L 223-22 du code de commerce engageant sa responsabilité personnelle en ce qu'il a mis en avant la qualité d'architecte, qui l'a amenée à contracter avec quelqu'un qui n'était pas en mesure de faire les travaux commandés.

A titre subsidiaire, elle fait valoir qu'en se présentant sous une fausse qualité M. [E] a commis une faute de nature à engager sa responsabilité personnelle délictuelle et qu'ainsi elle subit un préjudice constitué par la perte de chance de ne pas avoir pu contracter avec une autre entreprise, perte de chance qu'elle évalue à 90% ainsi qu'un préjudice moral complémentaire qu'elle évalue à 5000 €.

Il lui appartient de démontrer l'existence d'une faute et d'un préjudice en lien de causalité directe et certaine avec la faute.

Il est produit au débat par Mme [D] deux messages électroniques datée des 24 et 29 mars 2016 et signés de « [I] [E]-Architecte Maître d'Oeuvre », les messages postérieurs ne comportant plus la mention « architecte ».

Il est produit par M. [E] lui-même la copie de la facture d'acompte du 3 octobre 2016 mentionnant en en-tête « SAS FD MOE Architecture & maîtrise d'Oeuvre » (pièce 7).

De même il est justifié par un procès-verbal d'assemblée générale que le 10 avril 2017, peu de temps après l'assignation en référé de M. [E] personnellement intervenue en février 2017, la Sarl Puzzle Architecture, dont ce dernier est le seul associé et dont le siège social est le même que celui de la Sas Fd Moe, a changé de dénomination sociale pour devenir Puzzle Construction.

Il ressort de ces éléments que M. [E] a commis une faute en se présentant faussement comme architecte auprès de Mme [D] et le jugement doit être confirmé en ce qu'il a ordonné la communication de la décision au procureur de la république.

Cependant, la fausse qualité d'architecte de M. [E] n'est pas en lien de causalité direct et certain avec les préjudices invoqués par Mme [D] dans la mesure où les travaux effectués ne nécessitaient pas l'intervention d'un architecte et où seuls les manquements de la société Fd Moe en qualité de maître d'oeuvre et entreprise générale du bâtiment sont à l'origine des préjudices subis par la maître d'ouvrage.

En l'absence de preuve d'un lien direct et certain entre la faute de M . [E] et le préjudice de Mme [D], cette dernière sera déboutée de ses demandes à l'encontre de M. [E], le jugement étant infirmé sur ce point.

Les demandes annexes

Succombant, la Selarl Aegis ès qualités et la société Millenium Insurance Company Limited supporteront les dépens de première instance et les dépens d'appel.

La société Millenium Insurance Company Limited se trouve redevable d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant au titre de la procédure de première instance qu'au titre de la procédure d'appel, dans les conditions définies au dispositif du présent arrêt et ne peut elle-même prétendre à l'application de ce texte à son profit.

L'équité ne commande pas de faire droit à la demande de M. [E] au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement rendu le 27 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Toulouse sauf ses dispositions constatant que la société Fd Moe a manqué à ses obligations contractuelles, ordonnant la résiliation du contrat aux torts de la société Fd Moe, disant que la société Millenium Insurance Company limited doit sa garantie et est tenue in solidum avec la société Fd Moe ainsi que celle ordonnant la communication du jugement au procureur de la république ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

- Fixe la créance de Mme [D] au passif de la liquidation de la Sas Fd Moe aux sommes suivante : 19 218,16 € Ttc au titre du surcoût et des travaux de reprise, 2480 € au titre des frais de garde-meuble, 17691,65 € au titre des frais d'hébergement en maison de retraite, 10000 € au titre du préjudice de jouissance et 3000 € au titre du préjudice moral, soit au total la somme de 52 390,41 € ;

- Dit que l'assureur de la Sas Fd Moe, la société Millenium Insurance Company Limited, est tenu in solidum avec la Selarl Aegis en sa qualité de mandataire liquidateur de la Sas Fd Moe au paiement de l'intégralité de ces sommes et l'y condamne, sous réserve de l'application de la franchise contractuelle de 7000 € ;

- Déboute Mme [Z] [D] de ses demandes à l'encontre de M. [I] [E] ;

- Condamne in solidum la Selarl Aegis ès qualités et la société Millenium Insurance Company Limited aux dépens de première instance et d'appel ;

- Condamne la société Millenium Insurance Company Limited à payer à Mme [D] la somme de 5000 € au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel ;

- Déboute la société Millenium Insurance Company Limited et M . [I] [E] de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le GreffierPour le Président empêché,

(Art. 456 du code de procédure civile)

N. DIABYS. LECLERCQ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 19/03046
Date de la décision : 19/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-19;19.03046 ?
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