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15/04/2022 | FRANCE | N°19/03380

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1, 15 avril 2022, 19/03380


15/04/2022



ARRÊT N° 2022/253



N° RG 19/03380 - N° Portalis DBVI-V-B7D-NDF5

M.D/K.S



Décision déférée du 04 Juillet 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de TOULOUSE ( F 18/00178)

JC [W]

SECTION COMMERCE CH 2

















[R] [T]





C/



SARL LA HALLE AUX PAINS






































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CONFIRMATION



Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU QUINZE AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX

***



APPELANT



Madame [R] [T]

Appt 32, 10impasse de l'Hippodrome

31100 TOULOUSE



...

15/04/2022

ARRÊT N° 2022/253

N° RG 19/03380 - N° Portalis DBVI-V-B7D-NDF5

M.D/K.S

Décision déférée du 04 Juillet 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de TOULOUSE ( F 18/00178)

JC [W]

SECTION COMMERCE CH 2

[R] [T]

C/

SARL LA HALLE AUX PAINS

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU QUINZE AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANT

Madame [R] [T]

Appt 32, 10impasse de l'Hippodrome

31100 TOULOUSE

Représentée par Me Laurent BOGUET de la SCP CATALA & ASSOCIÉS, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

SARL LA HALLE AUX PAINS

7 PLACE DUPUY

31000 TOULOUSE

Représentée par Me Yaële ATTALI, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant , S.BLUME et M.DARIES chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUME, présidente

M. DARIES, conseillère

N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par S. BLUME, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre.

FAITS ET PROCEDURE:

Madame [R] [T] a été engagée par la société La Halle aux Pains

le 27 janvier 2011 suivant contrat à durée déterminée en qualité de vendeuse préparatrice.

La relation s'est poursuivie selon contrat à durée indéterminée à compter

du 28 avril 2011.

Son poste de travail était situé dans un point de vente (une loge) au Marché Victor Hugo à Toulouse.

Le 22 juillet 2012, un incident a opposé Madame [T] à son employeur sur le lieu du travail, selon les constats faits par la police appelée sur les lieux.

L'employeur annonçait verbalement à Madame [T] sa mise à pied à titre conservatoire.

A la suite de cet incident la salariée a été prise en charge à la Clinique Ambroise Paré.

Le jour même Madame [T] a été placée en arrêt de travail et a porté plainte pénale contre son employeur.

Le lendemain, soit le 23 juillet 2012, Madame [T] a déclaré un accident de travail en communiquant le certificat initial du 22 juillet 2012.

La CPAM de la Haute-Garonne reconnaîtra le caractère professionnel de l'accident du travail.

Parallèlement, l'employeur a fait une déclaration de main courante en date

du 23 juillet 2012 et convoqué Madame [T] à un entretien préalable en vue d'une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement, fixé au 2 août 2012. Ce même courrier, confirmait sa mise à pied à titre conservatoire notifiée le 22 juillet 2012.

Le 7 août 2012, Madame [T] se voyait notifier par la société son licenciement pour faute grave, qu'elle contestait par courrier du 20 août 2012.

Le 25 octobre 2012, Madame [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse aux fins de contestation de son licenciement et de condamnation de l'employeur au paiement de diverses sommes.

La qualification d'accident de travail au profit de Madame [T] ayant été contestée par l'employeur devant le tribunal des affaires de la sécurité sociale, l'affaire a été radiée du rôle du conseil de prud'hommes dans l'attente de la décision à intervenir.

Par jugement en date du 8 juin 2016, le tribunal des affaires de sécurité sociale statuait définitivement et déclarait la prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident du travail survenu à Madame [T] le 22 juillet 2012 inopposable à la Sarl La Halle aux Pains.

L'affaire a été réinscrite au rôle du conseil de prud'hommes le 5 février 2018.

Par jugement en date 4 juillet 2019, le conseil de prud'hommes de Toulouse, section commerce, en sa formation de départage, a :

-Jugé non établi le harcèlement moral allégué par [R] [T] ;

-Jugé le licenciement fondé sur une faute grave;

-Débouté [R] [T] de l'ensemble de ses demandes ;

-Condamné [R] [T] aux dépens ;

Par déclaration en date du 18 juillet 2019, Madame [T] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

PRETENTIONS DES PARTIES:

Aux termes de ses dernières conclusions, envoyées par voie électronique

le 16 octobre 2019, Madame [T] demande à la cour de :

-Infirmer le jugement dont appel,

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

-Juger qu'elle a été victime de harcèlement moral au sein de la Sarl La Halle aux Pains;

En conséquence :

-Condamner la société Sarl La Halle aux Pains à lui verser les sommes suivantes :

-9.186,00 € correspondant à six mois de salaires au titre de la nullité de son licenciement

-832,84 € correspondant au rappel de salaire relatif à la mise à pied conservatoire

-1.531,11 € correspondant à l'indemnité compensatrice de préavis de 1 mois

-153,11 € correspondant aux congés payés sur préavis

-459,33 € au titre de l'indemnité de licenciement

-10.000 € correspondant à la réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral dont elle a été victime

-2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire,

-Constater l'absence de faute grave et de cause réelle et sérieuse du licenciement,

En conséquence,

-Condamner la société SARL LA HALLE AUX PAINS à verser à Madame [T] les sommes

suivantes :

-9.186,00 € correspondant à six mois de salaire au titre de la nullité de son licenciement

-832,84 € correspondant au rappel de salaire relatif à la mise à pied conservatoire

-1.531,11 € correspondant à l'indemnité compensatrice de préavis de 1 mois

-153,11 € correspondant aux congés payés sur préavis

-459,33 € au titre de l'indemnité de licenciement

-10.000 € correspondant à la réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral dont elle a été victime

-2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

A titre infiniment subsidiaire,

-Juger que la rupture du contrat a été réalisée durant une suspension du contrat de travail due à un syndrome anxio dépressif reconnu maladie professionnelle,

En conséquence,

-Condamner la société Sarl La Halle aux Pains à verser les sommes suivantes :

-9.186,00 € correspondant à six mois de salaires au titre de la nullité de son licenciement

-832,84 € correspondant au rappel de salaire relatif à la mise à pied conservatoire

-1.531,11 € correspondant à l'indemnité compensatrice de préavis de 1 mois

-153,11 € correspondant aux congés payés sur préavis

-459,33 € au titre de l'indemnité de licenciement

-10.000 € correspondant à la réparation du préjudice que Madame [T] a subi du fait du harcèlement moral dont elle a été victime

-2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Aux termes de ses dernières conclusions envoyées par voie électronique

le 7 janvier 2020, la Sarl La Halle aux Pains demande à la cour de :

-Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en toutes ses dispositions ;

-Condamner en sus Madame [R] [T] à payer la somme de 3000,00 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance en date du 21 janvier 2022.

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION:

I/ Sur le harcèlement moral:

Selon l'article L 1152-1 du code du travail, 'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel'.

Mme [T] soutient que:

- elle a fait l'objet quotidiennement depuis juillet 2012 de brimades, remarques intempestives, humiliations, crises de colère, pressions et menaces de la part de Monsieur [M], gérant de la sarl, agissements décrits dans les courriers adressés à l'employeur le 17 juillet 2012 et le 20 août 2012 (de contestation du licenciement) et elle verse également des attestations à cet effet,

- elle a dû accomplir des tâches particulièrement difficiles ne figurant pas sur la fiche de poste,

- ces agissements ont eu pour incidence une dégradation des conditions de travail et de son état de santé, elle s'est sentie isolée, travaillant seulement avec Monsieur [M] ou son épouse,

- elle a été en arrêt de travail à compter du 22 juillet 2012 à la suite des violences physiques et du choc psychologique subis dont il est découlé un syndrome anxio dépressif,

- les faits du 22 juillet, déclarés comme accident du travail par elle, ont été pris en charge au titre des risques professionnels le 11 octobre 2012.

Dans son courrier du 17 juillet 2012, Madame [T] conteste les reproches faits par l'employeur,

- à compter du 7 juillet 2012 à savoir une erreur de caisse de 300 €, la non-conformité de la quantité de produits livrés le matin avec le chiffre saisi sur la caisse, les nombreuses annulations le même jour et les jours précédents,

- le 11 juillet 2012, un écart de caisse de 200 € sur la journée du 10 juillet.

Elle indique que le 11 juillet, l'employeur lui a présenté deux documents à signer, le premier étant un avenant au contrat antidaté à septembre 2011 modifiant les jours de travail du fait d'heures supplémentaires et le second document relatant selon l'employeur les événements du samedi 7 juillet et mardi 10 juillet 2012, mais elle a refusé de signer.

Elle ajoute que le samedi 14 juillet l'employeur lui a demandé de nouveau de signer les documents, l'a menacée de la licencier et lui a dit : « vous m'avez bien baisé

[R] ».

Par courrier du 20 août 2012 de contestation du licenciement, Madame [T] écrit

notamment : « depuis le 7 juillet vous n'avez cessé de me reprocher mon travail (qui reste inchangé depuis mon embauche), vous m' imputez des erreurs de caisse que je ne suis pas en mesure de vous expliquer, je ne comprends pas le comportement agressif et menaçant auquel vous faites référence (malgré tout ce que vous avez tenu à mon égard et que je vous ai demandé de cesser dans mon courrier

du 17 juillet 2012).'

Elle indique qu'elle ne comptait pas la caisse en fin de son horaire de travail

à 14 heures, ne faisait pas le fond de caisse sauf après le courrier du 17 juillet, elle le vérifiait à son arrivée à sept heures, elle n'était pas au courant des quantités livrées le matin à la loge, tout étant géré par le gérant.

À partir du 18 juillet, un document a été établi pour l'enregistrement des produits livrés.

Elle affirme avoir respecté les consignes de tenue de caisse et en ce qui concerne l'erreur de caisse et les annulations du mardi 10 juillet 2012, elle a sollicité de consulter le document sur lequel l'employeur s'est basé mais il s'y est refusé.

S'agissant des 71 annulations, elle explique qu'elle n'a pas reçu de formation pour manipuler la caisse, qu'elle est le plus souvent seule à se débrouiller, que ces annulations n'ont jamais été la cause de quelque erreur de caisse dans les recettes journalières ce dont l'employeur n'avait jamais fait la remarque.

Elle conteste le grief fait du 20 juillet au 22 juillet de ce qu'elle aurait 'fait la tête' alors qu'elle n'a jamais été agressive ou menaçante et qu'elle lui a demandé d'arrêter de la harceler depuis le début du mois.

Elle ajoute : 'vous avez persisté dans vos actes arrivant même à intensifier la chose dès réception de ce courrier [17 juillet] jusqu'à m'agresser physiquement, ce que vous qualifiez de 'faire la tête' n'est autre que le résultat de votre harcèlement, je n'en pouvais plus, j'étais affaiblie psychologiquement'.

Sur les faits du 22 juillet, suite à la présentation de la note de service précisant notamment l'interdiction d'usage du téléphone pendant les heures de travail, lequel devait être éteint, elle conteste qu'il ait sonné et confirme avoir refusé de le remettre au gérant qui a décidé une mise à pied conservatoire.

Elle déclare : « suite à cet événement, vous avez fermé le rideau et m'avait agressé physiquement. J'ai fait un malaise et suis tombée. Vous vous êtes positionné devant l'entrée de la loge pour ne laisser entrer personne (moi au sol) ceci étant la période que vous citez dans votre lettre de licenciement. Je ne pouvais tout simplement pas sortir étant donné que vous veniez de m'agresser et que suite à cela, j'ai fait un malaise, j'étais au sol attendant d'être évacuée par une ambulance. C'est à ce moment-là que mon mari et ma belle-s'ur sont arrivés, prévenus par une personne du marché. Ne me voyant pas, apeuré, il a demandé ce qui se passait mais sans jamais se mêler du conflit. Vous avez refusé de lui donner de mes nouvelles tout en continuant à vendre vos produits, m'enjambant pour accéder à ceux-ci'.

L'appelante produit des témoignages:

- Madame [Z], déclare avoir été témoin à plusieurs reprises d'une altercation entre l'intéressée et son patron, ainsi le mercredi 11 juillet 2012, il l'a accusée de vol dans la caisse en lui disant qu'il avait des preuves comptables, le 20 juillet 2012 elle a constaté qu'il était méfiant à son égard épiant tous ses faits et gestes tout en la provoquant avec des paroles désobligeantes mais elle a gardé son calme. Le dimanche 22 juillet elle a constaté que Monsieur [M] avait le même comportement envers Madame [T] et que le rideau était fermé avec celle-ci à l'intérieur en interdisant à sa famille de rentrer dans la loge. Elle ajoute que durant cette période le comportement de l'appelante a changé, elle était fatiguée, stressée de ces accusations incessantes jusqu'à en pleurer sur le lieu de travail.

- Madame [V] atteste avoir vu le 22 juillet le patron fermer le rideau de la loge et lorsqu'il est entré, elle a entendu Madame [T] crier 'ne me touchez pas'.

- Madame [F] [D] atteste avoir été témoin de pression morale de la part de l'employeur à l'encontre de l'appelante, ainsi à plusieurs reprises il lui a demandé de signer des papiers reconnaissant un vol (sans les avoir lus), les choses ont changé suite à ce dit vol dans la caisse de 300 €, le patron contestait presque chacune des actions de la salariée, devenait de plus en plus insistant, les discussions ayant même lieu devant les clients. Madame [T] vivait de plus en plus mal les pressions de son patron.

La cour constate que Madame [T] se réfère à des éléments qui pour une grande partie sont invoqués par l'employeur dans le cadre du licenciement pour faute grave.

L'ensemble des éléments laisse présumer une situation de harcèlement moral

Il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La SARL conteste tout fait de harcèlement moral.

1/ Sur les erreurs de caisse:

Par courrier du 11juillet 2012, la société indiquait à Madame [T] avoir constaté:

- le samedi 7 juillet 2012 un écart de caisse de 110 euros entre la caisse rendue et le ticket de caisse final soit un manque d'environ 300 euros,

- le mardi 10 juillet 2012 s'agissant de la réception des marchandises, une différence entre le ticket de caisse les encaissements théoriques de 200 euros environ,

que la salariée n'a pas su expliquer. L'employeur considérait qu'il s'agissait de graves erreurs en contrevenance des directives données dès le 08 juillet et qu'il lui rappelait, à savoir: toutes les ventes doivent être tickées, le tiroir-caisse doit être fermé après chaque transaction, les annulations de ligne doivent faire l'objet d'une sortie de ticket systématique avec une explication cohérente et ne seront plus tolérées les multiples annulations non justifiables vu la faible affluence, les livraisons et retours des marchandises doivent être pesés et notés avec précisions sur la fiche à cet effet.

L'employeur ajoutait que si de telles erreurs devaient se reproduire, il serait dans l'obligation de prendre des sanctions disciplinaires à son encontre.

Sur ce:

La matérialité des écarts est établie auxquels la salariée ne donne pas d'explication alors qu'elle a une pratique de plusieurs mois dans cette entreprise et aussi dans l'activité de vendeuse notamment en boulangerie, tel qu'il ressort du curriculum vitae et des témoignages qu'elle a versés aux débats de ces employeurs précédents.

En tout état de cause, la SARL a exercé son pouvoir de direction en faisant part des dysfonctionnements constatés.

2/ Sur le refus le 11 juillet 2012 de la salariée de signer des documents:

L'employeur indique qu'il s'agit de la procédure de tenue de caisse à respecter alors que l'appelante oppose que M. [M], voulait lui faire signer, un avenant au contrat de travail et 'un compte-rendu' établi par le seul employeur de ce qui s'était passé les 07 et 10 juillet 2012.

Madame [T] énonce que l'employeur lui a de nouveau demandé de signer

les 2 documents le 14 juillet.

Monsieur [M] explique qu'à partir de septembre 2011, la salariée ayant sollicité de faire des heures supplémentaires, ses horaires ont été modifiés d'un commun accord mais malgré sa demande, elle a refusé de signer l'avenant à cette fin. Il a versé des acomptes pour les heures supplémentaires et régularisé en juillet 2012.

Sur ce:

L'employeur a été négligent mais les témoignages versés par l'appelante, dont les rédacteurs ne précisent pas leur qualité et leurs liens avec elle, n'expliquent pas dans quelle circonstance ils étaient présents et à même de vérifier le contenu des documents.

Au regard des positions divergentes des parties, il n'est établi, ni les menaces alléguées par l'appelante, ni le caractère injustifié du refus de Madame [T].

3/ Sur la note de service du 19 juillet 2012:

Celle-ci mentionne et rappelle les procédures de vente à respecter outre que 'les appels et réception d'appels sur les téléphones personnels sont interdits. Les portables doivent être éteints.Tout manquement à ce rappel pourra justifier une sanction disciplinaire'.

Cette note de service, comme le souligne le premier juge, relève du pouvoir de direction de l'employeur s'appliquant à l'entreprise.

4/ Sur les faits du 22 juillet 2012:

Une altercation est intervenue à la suite du reproche fait par l'employeur à Madame [T] de ne pas avoir éteint son téléphone personnel en contrevenance de la note de service, téléphone qui a sonné, ce qu'elle conteste.

Néanmoins, cet appel téléphonique est crédible. Madame [E], autre salariée, certifie que Madame [T] se servait fréquemment de son téléphone portable pour des communications privées pendant les heures de travail, notamment le dimanche lorsqu'elles travaillaient ensemble, malgré la remarque faite comme à Madame [L], autre employée, qui corrobore avoir fait l'objet d'une observation à ce sujet.

D'autre part madame [T] a appelé sa famille qui est intervenue sur les lieux avant l'arrivée de la police.

Elle a refusé de remettre son téléphone à l'employeur.

Ce dernier a prononcé une mise à pied conservatoire immédiate et a confirmé celle-ci sur un document manuscrit versé à la procédure que Madame [T] a refusé de signer de même que de quitter la loge.

Monsieur [M] a baissé le rideau de la loge.

La salariée allègue que ce dernier l'a agressée, elle a eu un malaise et est tombée au sol et a prévenu sa famille, son époux et sa belle-soeur sont arrivés sur place, puis la police et une ambulance.

L'employeur oppose qu'il est sorti de la loge pour attendre la police et Madame [S], cliente et témoin, atteste qu'il était dans un état de grande émotion et extrêmement perturbé par ces évènements.

L'intéressée a déposé plainte, déclarant que l'employeur l'a prise par le bras, l'a traînée sur 3 à 4 mètres, elle a réussi de se dégager de son emprise, il a pris son sac et l'a jeté à terre. Il a refusé que quiconque rentre dans la loge et ne lui a pas porté assistance. Un autre commerçant est intervenu à la demande du patron et l'ambulance l'a prise en charge.

Le médecin légiste mentionne que l'examen clinique est sans particularité, si ce n'est sur le plan psychologique, l'intéressée se disant très choquée par l'agression et verbalisant sa peur.

La plainte a été classée sans suite.

Le jugement rendu par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale le 8 juin 2016, à la suite de la contestation de la sarl du caractère professionnel de l'accident, considère que la matérialité de l'accident n'est pas établie et mentionne:

' Madame [T] indique dans sa lettre datée du 23 juillet 2012 jointe à sa déclaration d'accident du travail qu'elle présente de nombreuses ecchymoses, l'employeur l'ayant trainée sur trois/quatre mètres, ce qui n'est pas objectivé par le certificat médical initial qui ne fait état que d'un seul hématome sur la face interne du bras,

- Madame [T] a déclaré devant les services de police s'être écroulée à terre, donc de manière volontaire, de sorte que le Tribunal ne peut qu'être conduit à s'interroger sur l'origine des blessures physiques médicalement constatées'.

Il n'est pas contestable que les relations des parties sont devenues conflictuelles à compter de début juillet 2012, à la suite de la découverte de plusieurs erreurs de caisse et annulations imputées à la salariée et se sont dégradées sous la surveillance de l'employeur réaffirmant les directives à suivre.

Le conflit, dans lequel chaque partie exprime 'sa vérité', a atteint son paroxisme

le 22 juillet 2012 en plein marché lors de l'incident au cours duquel comme le dit justement le premier juge 'les protagonistes ont sur-réagi'.

Madame [T] de même que l'employeur en ont subi un vif ressenti.

Monsieur [M] a exercé son pouvoir de direction, en faisant part de dysfonctionnements constatés et en réaffirmant par écrit des directives s'appliquant à l'ensemble des salariés, sans que ses agissements caractérisent un harcèlement moral.

Madame [T] sera donc déboutée de ses demandes afférentes au harcèlement moral et le jugement du conseil de prud'hommes confirmé sur ces chefs.

II/ Sur le licenciement :

Tout licenciement doit être fondé sur une cause à la fois réelle et sérieuse.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importante telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. La charge de la preuve de la faute grave incombe à l'employeur. Le juge doit tenir compte des éléments qui lui sont alors soumis pour apprécier la gravité de la faute soutenue. En cas de doute, celui-ci profite au salarié.

L'incident du 22 juillet 2012, à la suite duquel l'appelante a été en arrêt de travail, a été déclaré immédiatement en accident du travail par Madame [T] puis retenu au titre des risques professionnels par la CPAM.

La Sarl a formé contestation contre cette reconnaissance qui a donné lieu au jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du 08 juin 2016.

L'inopposabilité à l'employeur, dans ses rapports avec la caisse primaire, du caractère professionnel de la maladie du salarié ne fait pas obstacle à ce que ce dernier invoque à l'encontre de son employeur l'origine professionnelle de l'accident ou de la maladie pour bénéficier de la législation protectrice applicable aux salariés victimes d'accident du travail ou d'une maladie professionnelle.

L'article L 1226-9 du code du travail dispose qu'au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.

La lettre de licenciement du 07 août 2012 qui fixe le cadre du litige, est rédigée ainsi :

« J'ai décidé de vous licencier pour faute grave. Les raisons de ce licenciement sont les suivantes. (..) votre travail a donné satisfaction jusqu'au mois de juillet 2012, mois durant lequel j'ai eu à déplorer de votre part des fautes professionnelles, un comportement agressif et des actes d'insubordination à mon égard.

Le samedi 7 juillet 2012, je vous signalais un écart de caisse. Vous n'avez pu me donner d'explication, aussi je vous ai rappelé les consignes de tenue de caisse (...)

Le mardi 10 juillet 2012, malgré les rappels des jours précédents, j'ai constaté à nouveau une erreur de caisse pour un montant de 208,54 € ainsi que 71 annulations pour un total de 76,10 € sans que vous puissiez là encore me fournir d'explication.

Par ailleurs, à plusieurs reprises, le constat a été fait que votre caisse restait ouverte, ce qui contrevient aux directives qui vous ont été données.

Ces erreurs constituent des fautes professionnelles. (...)

Du vendredi 20 juillet au dimanche 22 juillet 2012, en ma présence, vous avez eu une attitude exécrable, totalement fermée (vous faisiez la tête) ou alors, lorsque je vous adressais la parole, vous deveniez agressive et menaçante, et ce y compris en présence de la clientèle.

(...) Le samedi 21 juillet 2012, vous avez persisté dans cette attitude dénigrante à mon égard.

Le dimanche 22 juillet 2012, en application d'une note deservice placardée dans la loge (ainsi que dans les locaux de la Halles au Pains, place Dupuy) qui prévoyait notamment d'éteindre son téléphone portable pendant le service, je vous ai demandé de vous exécuter, ce que vous avez refusé. Le ton est monté et devant votre obstination, je vous ai immédiatement mis à pied à titre conservatoire, le temps de prendre une décision à votre encontre. Devant votre refus de quitter l'entreprise, j'ai rédigé la mise à pied sur un papier que je vous ai présenté (il était 8h24) document que vous avez refusé de signer en refusant une nouvelle fois de quitter l'entreprise.

Vous êtes alors sortie téléphoner contrevenant une nouvelle fois la note de service.

Ces refus de respecter les consignes et de signer les documents remis par votre employeur constituent des actes d'insubordination. Votre mari est alors arrivé, accompagné de vos deux enfants et de votre belle soeur se permettant de s'immiscer dans nos affaires. Celui-ci très agité, criait, vociférait et prenait à partie passants et commerçants. Dans un accès de fureur il m'a menacé en ces termes : « je sais où tu habites, je te ferai la peau sale fils de pute ».

Les écarts de caisse constatés et les annulations des 07 et 10 juillet 2012 ont fait l'objet d'un courrier de constatation de l'employeur du 11 juillet 2012 et d'un rappel des consignes, avec précision que de nouvelles erreurs pourront donner lieu à sanction.

Aussi ces dysfonctionnements ne peuvent fonder un licenciement, sauf à être invoqués comme des précédents si de nouvelles erreurs étaient survenues après le 11 juillet, ce qui n'est pas établi.

Si Madame [T] reconnaît avoir 'fait la tête', cela est insuffisant pour caractériser une attitude agressive et dénigrante de sa part pour la période du 20 au 21 juillet.

S'agissant de l'incident du 22 juillet, Madame [T] a contrevenu à la directive concernant les appels téléphoniques puis a refusé de quitter la loge malgré l'établissement par l'employeur de la mise à pied conservatoire manuscrite.

Dans le cadre de l'enquête de la CPAM, Monsieur [M] explique que la police qu'il a appelée, tardant à venir, il a sollicité deux commerçants de bien vouloir se poser en médiateurs afin de faire entendre raison à Madame [T] et que la situation se dégradant par des allusions qu'elle faisait aux clients, il a décidé de fermer la loge en tirant le rideau pour ne pas donner un spectacle désolant à la clientèle. Il est retourné dans la loge pour lui signifier son devoir de quitter l'entreprise et elle s'est mise à crier: 'il a fermé le rideau pour me frapper!', cherchant à laisser supposer qu'il était en train de la molester, ce qu'il dénie.

Monsieur [G] [U], commerçant, explique que le dimanche 22 juillet, Monsieur [M] est venu le voir, lui a dit avoir notifié une mise à pied conservatoire à sa salariée qui a refusé de quitter les lieux. Il a tenté de les concilier mais la salariée a dit qu'elle souhaitait un écrit de l'employeur pour quitter le poste.

Cet écrit n'était pas nécessaire mais a été établi et Madame [T] s'est maintenue dans la loge malgré les tentatives de médiation extérieures.

La situation ensuite est devenue ingérable jusqu'à l'arrivée des services de police.

La contrevenance par Madame [T] à une directive connue et le refus réitéré de la salariée de quitter l'entreprise malgré la mise à pied conservatoire et l'intervention d'un tiers constituent une faute grave ayant eu une incidence sur l'image de l'entreprise, empêchant la poursuite des relations de travail et le maintien de la salariée au sein de celle-ci.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera donc confirmé et l'appelante sera déboutée de ses demandes.

III/ Sur les demandes annexes:

Madame [T], partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel.

L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile .

PAR CES MOTIFS:

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne Madame [R] [O] épouse [T] aux dépens d'appel,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Le présent arrêt a été signé par S.BLUMÉ, présidente et par C.DELVER, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

C.DELVER S.BLUMÉ

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 1
Numéro d'arrêt : 19/03380
Date de la décision : 15/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-15;19.03380 ?
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