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15/04/2022 | FRANCE | N°19/01456

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1, 15 avril 2022, 19/01456


15/04/2022



ARRÊT N° 2022/251



N° RG 19/01456 - N° Portalis DBVI-V-B7D-M36X



SB/KS





Décision déférée du 01 Mars 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FOIX

( 16/00165)

A ATIA

SECTION ENCADREMENT

















[P] [I]





C/





SAS NATURA MUNDI



Maître [M] [X] ès qualités de mandataire judiciaire de la SAS NATURA MUNDI



Maître [F] [S] ès qualités d'administr

ateur judiciaire de la SAS NATURA MUNDI



AGS CGEA de Toulouse





























































INFIRMATION PARTIELLE





Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL ...

15/04/2022

ARRÊT N° 2022/251

N° RG 19/01456 - N° Portalis DBVI-V-B7D-M36X

SB/KS

Décision déférée du 01 Mars 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FOIX

( 16/00165)

A ATIA

SECTION ENCADREMENT

[P] [I]

C/

SAS NATURA MUNDI

Maître [M] [X] ès qualités de mandataire judiciaire de la SAS NATURA MUNDI

Maître [F] [S] ès qualités d'administrateur judiciaire de la SAS NATURA MUNDI

AGS CGEA de Toulouse

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU QUINZE AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANT

Monsieur [P] [I]

36 bis avenue de Lérida

09000 FOIX

Représenté par Me Regis DEGIOANNI de la SCP GOGUYER-LALANDE DEGIOANNI PONTACQ, avocat au barreau D'ARIEGE

INTIMÉS

SAS NATURA MUNDI

JARDIN BOTANIQUE

09000 LOUBIERES

Représentée par Me Véronique L'HOTE de la SCP CABINET SABATTE ET ASSOCIEES, avocat au barreau de TOULOUSE

Maître [M] [X] ès qualités de mandataire judiciaire de la SAS NATURA MUNDI

54 Rue Pargaminières

31000 TOULOUSE

Représentée par Me Véronique L'HOTE de la SCP CABINET SABATTE ET ASSOCIEES, avocat au barreau de TOULOUSE

Maître [F] [S] ès qualités d'administrateur judiciaire de la SAS NATURA MUNDI

10 rue Alsace Lorraine

31000 TOULOUSE

Sans avocat constitué

AGS CGEA de Toulouse

1 rue des Penitents Blancs

31015 Toulouse cedex

Représentée par Me Jean-françois LAFFONT, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant , S.BLUME et M.DARIES chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUME, présidente

M. DARIES, conseillère

N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par S. BLUME, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre.

FAITS - PROCEDURE - PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur [P] [I] a été initialement engagé par la société NATURA MUNDI par contrat à durée déterminée du 21 novembre 2011 au 21 mai 2012, en qualité de rédacteur, concepteur de formation à distance.

A compter du 22 mai 2012, il a bénéficié d'un contrat à durée indéterminée, en qualité de responsable de développement magasin.

Par avenant du 30 juin 2012, Monsieur [I] s'est vu confier le poste de responsable des achats en Ariège.

Le salarié a été élu délégué du personnel en janvier 2013.

Le 20 mai 2015, l'employeur a mis en oeuvre une procédure de licenciement pour motif économique et convoqué les délégués du personnel. Toutefois, par décision

du 2 septembre 2015, l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de Monsieur [I].

Le 21 septembre 2015, Monsieur [I] a pris acte de la rupture de son contrat de travail. L'employeur a contesté cette prise d'acte par un courrier du 20 octobre 2015.

Monsieur [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Foix afin de faire reconnaître que la prise d'acte de la rupture du 21 septembre 2015 produit les effets d'un licenciement nul.

La SARL NATURA MUNDI a été déclarée en redressement judiciaire par jugement du 9 mai 2018 et Maître [X] désigné en qualité de mandataire judiciaire de la société.

Par jugement du 1er mars 2019, le conseil de prud'hommes de Foix, section encadrement, a :

-Jugé que le départ de Monsieur [I] [P] s'analyse comme une démission;

-Débouté Monsieur [I] de l'ensemble de ses demandes ;

-Condamné Monsieur [I] à payer à la SARL MUNDI 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

-Débouté la société NATURA MUNDI de ses autres demandes ;

-Décidé que la garantie de l'AGS CGEA de Toulouse n'a pas à intervenir ;

-Condamné Monsieur [I] aux entiers dépens.

***

Par déclaration en date du 26 mars 2019, Monsieur [I] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

***

Aux termes de ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique

le 14 décembre 2020, Monsieur [I] demande à la cour de :

-Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Foix et statuant à nouveau juger que la prise d'acte de la rupture du 21/09/2015 doit produire les effets d'un licenciement nul eu égard au statut protecteur de Monsieur [I],

En conséquence,

-Condamner la société NATURA MUNDI à payer à Monsieur [I] les sommes suivantes:

-9.900 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

-990 € au titre des conges payés afférents,

-2.695 € à titre d'indemnité légale de licenciement,

-72.600 € à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur de septembre 2015 à juillet 2017,

-33.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société NATURA MUNDI de ses demandes reconventionnelles à savoir sa demande de condamnation à la somme de 9.900 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et sa demande de 10.000 € pour procédure abusive;

-Rejeter l'ensemble des demandes formulées par la société NATURA MUNDI.

***

Aux termes de ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique

le 20 janvier 2022, la SAS NATURA MUNDI et Me [X], ès qualités de mandataire judiciaire de la SAS NATURA MUNDI demande à la cour de :

-Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a fait produire à la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail de Monsieur [I] les effets d'une démission ;

-Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [I] de sa demande de condamnation de la société NATURA MUNDI à une indemnité compensatrice de préavis, à une indemnité de licenciement, à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu'à une indemnité pour violation du statut protecteur ;

-Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société NATURA MUNDI de ses demandes

reconventionnelles ;

-Condamner Monsieur [I] à verser à la société NATURA MUNDI la somme

de 9 900 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

-Condamner Monsieur [I] à la somme de 10 000 € pour procédure abusive ;

-Condamner Monsieur [I] à la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

-Débouter Monsieur [I] de toutes ses demandes, fins et conclusions. Condamner

Monsieur [I] aux entiers dépens.

***

Aux termes de ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique

le 22 juillet 2019, l'AGS CGEA de Toulouse demande à la cour de :

-Juger que l'AGS demande à la cour de noter son intervention ;

-Juger que s'agissant de l'intervention forcée de l'AGS, l'action ne peut avoir d'autre objet que l'inscription des créances salariales et que cette action ne peut que rendre le jugement commun à l'AGS sans condamnation directe à son encontre ;

-juger que l'arrêt à intervenir ne sera opposable à l'AGS que dans les limites des conditions légales d'intervention de celle-ci en vertu des articles L 3253-17 et D 3253-5 du Code du Travail.

-Confirmer et débouter Mr [I] de l'intégralité de ses autres demandes ;

-Subsidiairement réduire les éventuels dommages et intérêts ;

En tout état de cause,

-Mettre l'AGS hors de cause en ce qui concerne l'article 700 du code de procédure

civile ;

-Statuer ce que de droit quant aux dépens.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 21 janvier 2022.

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la prise d'acte de rupture

La prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié ne produit les effets d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse qu'en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite de l'exécution du contrat. Dans le cas contraire, elle s'analyse en une démission.

Au cas d'espèce M.[I] a pris acte de la rupture de son contrat de travail par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 21 septembre 2015 ainsi libellée :

« Après avoir vainement tenté de trouver une conciliation avec vous, je suis obligé de constater que les conditions de travail dans votre entreprise se dégradent pour moi au point que vous refusez désormais de me serrer la main, que vous affirmez publiquement devant des collègues que vous ne me serrerez plus la main et que vous refusez de me parler sans la présence d'un témoin, mettant ainsi en doute publiquement mon honnêteté et mon intégrité.

Contrairement à ce que vous affirmez, vous ne me saluez plus depuis mon retour de congé fin août.

Vous avez, le 9 septembre dernier, au cours d'une réunion durant laquelle je vous demandais de vous expliquer sur la nature de votre comportement à mon égard insinué publiquement devant des collègues de travail pris à témoin que j'avais menti auprès de l'inspection de travail en vue de faire annuler la procédure de licenciement économique qui me concernait.

Vous m'avez sans m'en avertir, retiré récemment les codes d'alarme d'accès à l'entreprise que j'avais depuis mon entrée dans la société.

Je constate, par ailleurs, depuis plusieurs mois déjà, un appauvrissement de mes missions et de mes responsabilités.

Je suis contraint de constater que, dans votre entreprise, les principes de prévention du harcèlement moral et de préservation de la santé des employés sont bafoués.

Je ne reprendrai donc plus mon activité dans votre établissement car je considère que mon contrat de travail est rompu de votre fait à compter de la présentation de cette lettre. »

L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige. Il convient donc d'examiner l'ensemble des manquements de l'employeur invoqués par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

M.[I] soutient que sa prise d'acte de rupture est justifiée par un harcèlement ayant entraîné une dégradation progressive de ses conditions de travail et de son état de santé.

ll est rappelé qu'en application des dispositions de l'article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits à et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article 1154-1 du code de travail dispose qu'il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il en résulte que s'il appartient au salarié d'établir la matérialité des faits qu'il invoque, les juges doivent quant à eux, appréhender ces faits dans leur ensemble et rechercher s'ils permettent de présumer l'existence du harcèlement allégué. En ce cas alors, il revient à l'employeur d'établir qu'ils ne caractérisent pas une situation de harcèlement.

Il résulte également de l'article L. 1152-3 du code du travail que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de l'article L.1152-1, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

M.[I] fait état des agissements suivants de son employeur :

- le retrait de son véhicule de fonction par l'employeur.

Le salarié expose que l'employeur lui avait accordé un usage professionnel et personnel du véhicule avant de l'en priver le 26 février 2014.

- le refus opposé à sa demande de congés pour les 9 et 10 février, présentée

le 19 janvier 2015 alors qu'il avait présenté cette demande le 19 janvier 2015 dans le respect du délai instauré dans l'entreprise. Il considère que ce refus était de pure mauvaise foi et ne visait qu'à le déstabiliser.

- la réduction de ses attributions et de ses responsabilités.

Le salarié soutient qu'alors qu'il assurait une fonction de responsable de production et des agents de production, l'employeur lui a ôté la supervision du colisage et du travail d'atelier, et l'a ainsi rétrogradé. Il soutient également que l'employeur a cessé de le consulter dans la prise de décisions relevant de ses fonctions.

- le comportement abusif de l'employeur dans le cadre de la procédure de licenciement économique.

Monsieur [I] rappelle que l'inspection du travail avait souligné le non-respect par la société NATURA MUNDI de ses obligations à son égard et avait refusé l'autorisation de licenciement pour deux raisons: le manquement de l'employeur à ses obligations de reclassement et un délit d'entrave.

A l'appui de sa demande tendant à voir établir le harcèlement dont il a été l'objet, le salarié présente à la cour les éléments suivants:

- un certificat médical établi le 30 novembre 2015 par un médecin psychiatre mentionnant un suivi psychothérapique depuis janvier 2013 avec une décompensation se traduisant par un état anxieux et des cris d'angoisses dans un contexte professionnel difficile et conflictuel.

- des extraits de son dossier médical de la médecine du travail dans lequel est portée la mention suivante: 'se dit harcelé par son employeur qui ne lui parle plus, reproches, suppression de voiture de fonction, mise au placard.'

- des mails par lesquels M.[I] interroge son employeur de janvier à mars 2015 sur la possibilité d'utiliser la voiture à des fins personnelles et professionnelles et évoque une reprise du véhicule par l'employeur le 6 janvier 2015.

- une demande de deux jours de congés datée du 19 janvier 2015 pour

les 9 et 10 février 2015, rejetée pour présentation tardive.

- une note de service du 3 février 2015 indiquant que les demandes de congés doivent être présentées un mois à l'avance alors qu'un compte rendu de réunion du 20/11/2012 recommandait la demande des congés 3 à 4 semaines avant.

-un échange de courriels avec l'employeur en novembre 2014 sur son profil de poste impliquant une modification de ses missions.

- des messages échangés avec l'employeur entre mars et juillet 2015 concernant la désignation d'un nouveau responsable du colisage net et la perte du management de l'équipe d'atelier, les interrogations du salarié sur l'absence de consultation préalable sur les décisions de l'employeur et le retrait des codes de l'alarme d'accès à l'entreprise alors que son contrat de travail prévoit qu'il est chargé de la mise en oeuvre de l'ouverture et de la direction du magasin qui sera ouvert à Toulouse.

- la décision de l'inspecteur du travail du 2 septembre 2015 de refuser l'autorisation de licencier pour motif économique M.[I].

La cour retient que l'ensemble des éléments, pris dans leur ensemble, permet de supposer l'existence d'un harcèlement moral.

Il appartient à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Sur le retrait du véhicule

L'employeur précise que seule la voiture de fonction est considérée comme un avantage en nature, faisant partie de la rémunération et devant apparaître sur le bulletin de salaire. En l'espèce ni le contrat de travail ni même son avenant, ne prévoient l'attribution d'un véhicule de fonction à M.[I] , d'autre part, ses bulletins de salaire ne le mentionnent pas davantage. Il expose qu'un véhicule a été mis à la disposition du salarié à des fins professionnelles et qu'il ne pouvait le conserver le weekend sauf demande ponctuelle.

La cour constate que si la mention d'une attribution de véhicule de fonction n'apparait pas sur le contrat de travail du salarié, M.[I], dans les faits, a bien bénéficié au cours de la relation contractuelle de l'utilisation régulière d'un véhicule d'entreprise à des fins personnelles. Cela résulte des courriels échangés entre le salarié et l'employeur courant janvier 2015 (pièces 41 employeur) aux termes desquelles l'employeur , s'il conteste l'existence d'un accord permanent entre les parties sur ce point, convient de la mise à disposition du salarié d'un véhicule pour un usage tant professionnel que personnel lors de la mission d'ouverture de la boutique de Toulouse (courriel du 6 janvier 2015), situation à laquelle il met fin très clairement le 6 janvier 2015 ('j'ai attendu le plus possible pour te faire bénéficier de l'usage de cette voiture. Je fais le choix d'arrêter cet état de fait(...)Cependant je comprends très bien que cette annonce soit difficile car elle prend effet immédiatement(...)Je te laisse donc volontiers l'usage de la 2e Yris pour ton usage personnel le temps que tu puisses te retourner et t'organiser, c'est à dire jusqu'à la fin de semaine prochaine.'

Il est donc avéré qu'il a été mis fin par l'employeur en janvier 2015 à l'avantage résultant d'une utilisation durable à des fins personnelles d'un véhicule de l'entreprise par le salarié, dans un contexte de tensions relationnelles dont attestent les échanges de courriels versés aux débats de part et d'autre depuis fin 2014.

Sur les congés

Monsieur [I] expose que son refus d'autoriser deux jours de congés sollicités par le salarié est motivé par le non respect par celui-ci du délai d'un mois imposé pour toute demande de congé et produit à cet égard une note de service du 3 février 2015 précisant cette régle.

La cour relève toutefois que la note de service est postérieure à la demande de congés formée par le salarié le 19 janvier 2015, et qu'il ressort d'un compte rendu de 'réunion générale" du 20 novembre 2012 versé aux débats par l'appelant qu'il fallait déposer les demandes de congé 3 à 4 semaines avant. La demande de congé ayant été soumise à l'employeur le 19 janvier 2015 pour les 9 et 10 février 2015, le délai de trois semaines en vigueur à cette date a bien été respecté.

Ce motif de refus avancé par l'employeur , à l'exclusion de toute autre considération tenant au bon fonctionnement de l'entreprise, n'est donc pas pertinent et n'a pu que convaincre le salarié du caractère injustifié d'une décision non fondée sur des raisons objectives.

Sur le retrait de missions et de responsabilités

L'employeur objecte que dans le cadre de son pouvoir de direction il peut ajouter ou supprimer des tâches à un salarié dès lors que cela n'affecte ni sa rémunération ni sa catégorie professionnelle. Il expose que certaines tâches ont bien été retirées au salarié dans le cadre d'une réorganisation interne sans modification de son contrat de travail. Il précise que la modification de tâches s'explique par un mouvement de personnel sur différents services et une évolution du poste de responsable produits et fournisseurs.

La cour observe à la lecture de la fiche de poste établie en novembre 2014 (pièce 2 salarié) et de la note adressée au salarié le 5 juin 2015, que Monsieur [I] qui a occupé un poste de 'responsable produit et relations fournisseurs' à compter de novembre 2014, est devenu 'responsable des achats' en juin 2015. Si cette modification n'a pas donné lieu à une réduction de la rémunération, elle s'est pour autant accompagnée d'une diminution manifeste et importante des attributions et responsabilités du salarié.

Ainsi, le salarié était notamment en charge de la supervision et du management de l'équipe de production et des espaces en collaboration avec le responsable de la production, du management de l'équipe de colisage en collaboration avec la direction commerciale et de la conception des nouveaux produits. Il était de plus le responsable hiérarchique du responsable de production et des agents de production. Acompter du 9 juillet 2015 M.[I] s'est vu retirer le management de l'équipe de colisage et du travail de l'atelier (courriel de l'employeur: 'tu ne supervises plus le travail de l'atelier'). Il démontre en outre par des courriels des 1er, 3 septembre 2015 et 22 mai 2015 qu'il n'était plus associé à l'élaboration de nouveaux produits, qu'il ne supervisait plus le chef d'atelier et n'était plus consulté lors d'une étude de prix alors qu'il était responsable des produits .

Cette réduction significative des responsabilités d'encadrement et des missions du salarié ne relève pas d'un simple aménagement de poste ainsi que le soutient l'employeur mais s'analyse en une rétrogradation.

Sur le comportement abusif et déloyal de l'employeur dans le cadre de la procédure de licenciement économique

L'employeur fait valoir que le licenciement envisagé de M.[I] s'inscrivait dans un licenciement économique collectif ; que les témoignages de salariés , anciens salariés et fournisseurs qu'il produit attestent de ce que son comportement d'employeur était normal et correct à l'égard d'autrui, contrebattant la description très négative faite de son comportement dans divers témoignages produits par l'appelant .

Il ajoute que le salarié a exercé une activité salariée au sein de la société NORIA DISTRIBUTION dès le 14 septembre 2015, ce qui explique la volonté de celui-ci de rompre rapidement le contrat de travail avec la société NATURA MUNDI par une prise d'acte de rupture à effet immédiat , après la décision du 2 septembre 2015 de l'inspecteur du travail de refus d'autorisation de licenciement.

La cour relève qu'aucune réponse n'est apportée par l'employeur à l'interrogation du salarié sur l'absence de proposition de reclassement dans le poste de directeur du magasin de Toulouse , poste qui était disponible du fait de la démission le 26 juin 2015 de la salariée qui occupait ce poste, alors que le contrat de travail de l'intéressé

du 10 avril 2012 à effet au 22 mai 2012 le chargeait expressément de l'ouverture puis de la direction du magasin devant être ouvert à Toulouse.

Ces éléments caractérisent une attitude déloyale de l'employeur dans la conduite de la procédure de licenciement économique qu'il avait initiée à l'égard du salarié, peu importe que celle-ci n'ait pas été menée à son terme du fait du refus d'autorisation de l'inspecteur du travail.

S'agissant de la dégradation de l'état de santé du salarié

La société Natura Munid relève à la lecture du certificat médical du 30 novembre 2015, que le salarié présentait déjà en 2013 des troubles anxieux justifiant un suivi psychiatrique .

Il demeure pour autant qu'aux termes de certificats médicaux

des 16 et 30 novembre 2015 le salarié, quelles que soient des fragilités antérieures, a présenté une décompensation se manifestant par des troubles anxieux et crises d'angoisse ayant justifié un traitement médicamenteux, cette dégradation de l'état de santé étant concomitante de la détérioration des relations avec son employeur et des modifications apportées à ses missions et responsabilités. Le ressenti difficile du salarié est également rapporté par le médecin du travail dans le dossier médical du salarié après une visite en janvier 2015. Le salarié a fait l'objet d'un arrêt de travail de 7 jours le 20 mars 2015 pour troubles anxieux.

L'ensemble des éléments examinés par la cour révèle une dégradation des conditions de travail du salarié à raison d'agissements répétés de l'employeur de janvier à septembre 2015 de nature à porter atteinte à la dignité, et à altérer la santé physique ou mentale du salarié , les éléments médicaux produits caractérisant une dégradation certaine de l'état de santé du salarié, dont la concomitance avec les décisions ci-dessus examinées de l'employeur permet de retenir un lien avec la dégradation des conditions de travail du salarié. La volonté certaine du salarié de rompre rapidement son contrat de travail à compter de septembre 2015, dont justifie l'employeur par la justification de l'activité salariée immédiatement poursuivie par M.[I] au sein d'une autre société, ne remet pas en cause la réalité des agissements de harcèlement dont il a été l'objet durant les mois qui ont précédé la rupture.

Sur les conséquences du harcèlement

Lorsque la résiliation judiciaire du contrat de travail d'un salarié protégé est prononcée aux torts de l'employeur, la rupture produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur.

Le salarié dont le contrat est résilié aux torts de l'employeur a le droit d'obtenir à titre de sanction de la méconnaissance du statut protecteur par l'employeur une indemnité au moins égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de la rupture jusqu'à l'expiration de la période de protection, dans la limite de deux ans, augmentée

de 6 mois.

Le salarié a été élu délégué du personnel le 8 janvier 2013, et la durée de son mandat est de quatre ans, de sorte que son mandat expirait le 8 janvier 2017. Il est donc fondé à recevoir une indemnité correspondant à la rémunération qu'il aurait perçue entre septembre 2015 et juillet 2017 , soit la somme réclamée de 72 600 euros, somme qui donnera lieu à fixation d'une créance du salarié au passif de la procédure collective de la société NATURA MUNDI et non à la condamnation de celle-ci ainsi que sollicité par l'appelant.

L'article 954 du Code de procédure civile dispose que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

Aux termes du dispositif de ses écritures l'appelant sollicite l'octroi de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En l'état du harcèlement dont le salarié a été l'objet , la cour, faisant droit à la demande du salarié, dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Compte tenu de son ancienneté de 4 ans, il est justifié de fixer la créance du salarié au passif de la procédure collective de la SARL NATURA MUNDI au titre de l'indemnité compensatrice de préavis à la somme réclamée de 9 900 euros correspondant

à 3 mois de salaire et l'indemnité de congés correspondante ainsi que l'indemnité légale de licenciement de 2 695 euros dont les montants ne sont pas utilement contestés.

Compte tenu de l'ancienneté de 4 ans du salarié, de son salaire moyen brut

de 3 300 euros et de ce que M. [I] a retrouvé un travail immédiatement après la rupture sans que celui-ci ne justifie du montant de la rémunération perçue, la créance du salarié au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est fixée à 25 000 €.

L'arrêt est déclaré commun à l'AGS et ne lui est opposable que dans les limites des conditions légales d'intervention de celle-ci en vertu des articles L 3253-17

et D 3253-5 du Code du Travail.

Sur les demandes de la société NATURA MUNDI

Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, la demande de l'employeur tendant à la condamnation du salarié à une indemnité correspondant au préavis non exécuté est injustifiée et sera rejetée.

Le caractère abusif de l'action exercée par le salarié ne peut qu'être écarté en considéation des diverses condamnations prononcées à l'encontre de l'employeur. La SARL NATURA MUNDI représentée par son mandataire judicaire Maître [X] est donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre par confirmation du jugement entrepris.

Sur les demandes annexes

La SARL NATURA MUNDI représentée par son mandataire judiciaire, partie perdante, supportera les entiers dépens de première instance et d'appel.

Eu égard à la procédure collective de la SARL NATURA MUNDI, aucune circonstance particulière d'équité ne commande qu'il soit fait application, en cause d'appel, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M. [I].

La SARL NATURA MUNDI représentée par son mandataire judiciaire Maître [X] est déboutée de ses demandes au titre des frais et dépens.

Le jugement déféré est infirmé en ses dispositions concernant les frais et dépens de première instance.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, réputé contradictoirement, en dernier ressort

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SARL NATURA MUNDI représentée par son mandataire judiciaire Maître [X] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et d'indemnité compensatrice de préavis

L'infirme pour le surplus

Statuant à nouveau des chefs infirmés

Fixe les créances de M.[P] [I] au passif de la procédure collective de la SARL NATURA MUNDI aux sommes suivantes:

. 9 900 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

. 990 euros à titre d'indemnité de congés payés correspondante

. 2 696 euros à titre d'indemnité légale de licenciement

. 72 600 euros à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur

. 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile

Déclare le présent arrêt opposable à l'AGS-CGEA de Toulouse dans les limites prévues aux articles L.3253-6 et suivants du code du travail et les plafonds prévus aux articles L.3253-17 du code du travail.

Rejette toute demande plus ample ou contraire

Condamne Maitre [X] , ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL NATURA MUNDI aux dépens de première instance et d'appel

Le déboute de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Le présent arrêt a été signé par S.BLUMÉ, présidente et par C.DELVER, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

C.DELVER S.BLUMÉ

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 1
Numéro d'arrêt : 19/01456
Date de la décision : 15/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-15;19.01456 ?
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