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15/01/2021 | FRANCE | N°19/04570

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1, 15 janvier 2021, 19/04570


15/01/2021



ARRÊT N° 2021/30



N° RG 19/04570 - N° Portalis DBVI-V-B7D-NIDG

S.BLUMÉ/K.SOUIFA



Décision déférée du 07 Octobre 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ALBI

( 18/00089)

SECTION ENCADREMENT

















[R] [F]





C/



SA SOCIETE FRANÇAISE DE RADIOTELEPHONIE (SFR)



































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CONFIRMATION





Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU QUINZE JANVIER DEUX MILLE VINGT ET UN

***



APPELANT



Monsieur [R] [F]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représe...

15/01/2021

ARRÊT N° 2021/30

N° RG 19/04570 - N° Portalis DBVI-V-B7D-NIDG

S.BLUMÉ/K.SOUIFA

Décision déférée du 07 Octobre 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ALBI

( 18/00089)

SECTION ENCADREMENT

[R] [F]

C/

SA SOCIETE FRANÇAISE DE RADIOTELEPHONIE (SFR)

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU QUINZE JANVIER DEUX MILLE VINGT ET UN

***

APPELANT

Monsieur [R] [F]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Laurence DUPUY-JAUVERT, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

SA SOCIETE FRANÇAISE DE RADIOTELEPHONIE (SFR)

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par la SCP ARGO, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Novembre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant , S.BLUMÉ et M.DARIES chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUME, présidente

C.KHAZNADAR, conseillère

M. DARIES, conseillère

Greffier, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par S. BLUME, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre.

FAITS - PROCÉDURE - PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société de Services Informatiques pour Professionnels (ci-après,

la société 2SIP) et la société de Services Informatiques à Domicile (2SID), exerçant toutes les deux sous l'enseigne CONNECT ASSISTANCE une activité d'installation, de dépannage et de maintenance sur le réseau télécom fibre pour les services haut débit des clients de SFR, ont respectivement conclu avec M.[R] [F] des contrats de prestations de service en matière d'assistance informatique et internet les 16 janvier 2009 et 1er septembre 2010 pour une durée d'un an, puis le 16 mars 2012 pour une durée d'un an. La société 2SID a été radiée en 2015.

Les relations contractuelles se sont poursuivies par renouvellement tacite des contrats jusqu'au 5 avril 2017, date à laquelle la SA SFR , venant aux droits de la société 2SIP, a résilié les contrats de prestations par lettre adressée à M.[F] à effet

au 16 mars 2018.

M. [R] [F] est inscrit au registre du commerce et des sociétés d'Albi en qualité d'auto-entrepreneur depuis le 13 janvier 2009 et exerce sous l'enseigne Gaillac informatique une activité de réparation et vente de matériel technologique, installation et dépannage à domicile d'informatique.

M. [R] [F] a saisi le conseil de prud'hommes d'Albi le 31 août 2018 pour solliciter la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail et demander le versement de diverses sommes.

Le conseil de prud'hommes de Albi, section encadrement, par jugement

du 7 octobre 2019 a pris acte que la société 2SIP a fait l'objet d'une transmission universelle de patrimoine au sein de la société SFR au 1er avril 2018 et a :

- jugé que M. [F] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un contrat de travail ;

- jugé que les sommes demandées ont une nature commerciale ;

- constaté l'incompétence de la juridiction prud'homale en l'absence de contrat

de travail ;

- s'est déclaré matériellement incompétent pour statuer sur le différend opposant

M. [F] à la société SFR au profit du tribunal de commerce d'Albi ;

- condamné M. [F] aux dépens ;

- dit n'y avoir lieu à application pour les deux parties de l'article 700 du code de procédure civile.

-:-:-:-

Par déclaration du 18 octobre 2019, M. [R] [F] a interjeté appel de ce jugement.

-:-:-:-

Par requête du 21 octobre 2019, M. [R] [F] a sollicité l'autorisation du Premier président de la cour d'appel de Toulouse d'assigner à jour fixe.

Après ordonnance du premier président du 21 octobre 2020, M.[F] a fait assigner la SA Société Française de Radiotéléphonie par acte d'huissier du 25 octobre 2019.

-:-:-:-

Par ses dernières conclusions du 21 octobre 2019 adressées au greffe par voie électronique, M. [R] [F] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, de dire que seule la juridiction sociale est compétente pour connaître de ses demandes à l'encontre de la SA SFR et, statuant à nouveau :

- de requalifier la relation contractuelle en contrat de travail ;

- de condamner la SA SFR à lui verser les sommes suivantes :

' 8696,75 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

' 869,67 euros au titre des congés payés y afférent ;

' 10 146,21 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

' 26 090,28 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

' 70 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

' 57 020,30 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance auprès du pôle emploi ;

' 99 680,75 euros à titre de rappels de salaire pour la période du 15 mars 2014 au 15 mars 2018 ;

' 9968,07 euros au titre des congés payés y afférent ;

' 9238,70 euros au titre des rappels de congés payés du 15 mars 2014

au 15 mars 2018 ;

' 32 641,06 euros au titre des frais de déplacement ;

- de condamner la SA SFR à lui remettre sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la signification de l'arrêt à venir les documents sociaux suivants :

- bulletins de salaire pour la période du 15 mars 2014 au 15 mars 2018 ;

- attestation pôle emploi ;

- certificat de travail ;

- de condamner la SA SFR aux entiers dépens et à lui verser la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de juger que les intérêts dus seront capitalisés conformément à l'article 1343-2 du code civil ;

- de juger 'qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées et qu'en cas d'exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application des dispositions de l'article A444-32 du code de commerce sur les sommes n'étant pas dues en exécution du contrat de travail devront être supportées par la société défenderesse en application des dispositions de l'article R. 631-4 du code de la consommation en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile'.

Il fait valoir avant tout débat au fond, sur la compétence matérielle, que du fait de la requalification de la relation contractuelle avec la SASU 2SIP aux droits de laquelle vient la SA SFR en contrat de travail, le litige relève de la compétence de la juridiction sociale et que la cour étant juridiction d'appel, elle doit évoquer le fond considérant qu'il est de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive.

Sur la requalification en contrat de travail, le salarié expose :

- que l'existence d'un contrat de travail repose sur la réunion de trois éléments à savoir la fourniture d'un travail, le paiement d'une rémunération et l'existence d'un lien de subordination juridique ;

- que l'existence ou non de ce lien de subordination juridique s'apprécie par le biais d'un faisceau d'indices ;

- que le juge doit restituer à la relation contractuelle leur véritable nature juridique et que la seule volonté des parties est impuissante à soustraire le travailleur au statut social qui en découle ;

- que les plannings d'intervention ont été établis par la société 2SIP ;

- que les clients ont pris rendez-vous auprès des techniciens support technique de SFR lesquels ont identifié des créneaux libres par le biais de l'outil connect partner ;

- que la société lui a donné des instructions extrêmement précises concernant la réalisation des rendez-vous ;

- que les périodes de disponibilité et d'indisponibilité étaient planifiées sous le strict contrôle de la société Connect Assistance ;

- que les interventions ne pouvaient être annulées que sous certaines conditions sous peine de sanction ;

- que la seule possibilité d'annulation prévue pour le technicien est qu'il se trouve un remplaçant pour la même date et la même heure ;

- que la tenue était 'logotée' et le matériel imposé, ces deux éléments l'identifiant comme un salarié SFR ;

- qu'il était interdit de signaler aux clients qu'il était indépendant ;

- que la société 2SIP a organisé les réunions commerciales et fixé les objectifs ;

- que les compte-rendus ne poursuivaient d'autres objectifs que de connaître les attentes des clients et déterminer ainsi les produits et services complémentaires à proposer ;

- que la société 2SIP a exercé son pouvoir disciplinaire par le biais de sanctions disciplinaires lorsqu'un dépannage n'était pas conforme aux attentes ;

- que la société 2SIP contrôlait leur activité, qu'ils étaient évalués et classés ;

- que les techniciens devaient se plier aux règles d'inventaires sous peine

de sanction ;

- que la société 2SIP fixait rigoureusement les process d'intervention ;

- qu'il était intégré à un service organisé ;

- que la société 2SIP planifiait ses congés payés et qu'il avait des formations strictement surveillées ;

- que son secteur d'intervention était déterminé par la société ;

- qu'il était en situation de dépendance économique.

M. [F] estime que son contrat de travail est à temps complet, qu'il est en droit de bénéficier de rappels de salaire dans la limite de la prescription triennale. Il fait observer que la date à prendre en compte pour le point de départ de la prescription est celle de la notification de la rupture du contrat et non celle de l'échéance du

préavis 11 mois plus tard.

M. [F] demande que la société lui communique les documents permettant de calculer les déplacements qu'il a effectués, lesquels devraient être indemnisés.

Il souligne qu'il est en droit de demander des dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse compte tenu de son ancienneté, du préjudice subi et de l'absence de bénéfice de l'assurance chômage.

Enfin, il considère que la société a dissimulé son emploi sous couvert de son statut d'indépendant et qu'il est en droit de percevoir une indemnité forfaitaire de travail dissimulé.

***

Par ses dernières conclusions du 16 décembre 2019 adressées au greffe par voie électronique, la SA Société française de radiotéléphonie (SFR) demande à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, y ajoutant de condamner M. [F] aux entiers dépens et à lui verser la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et, à titre subsidiaire, de renvoyer le dossier devant le conseil de prud'hommes d'Albi afin qu'il soit statué sur le fond.

La société fait valoir:

- qu'il existe une présomption de non-salariat dès lors que le prestataire est immatriculé au registre du commerce et des sociétés ;

- que la condition que le prestataire soit ainsi immatriculé est essentielle à la lecture du contrat ;

- qu'il appartient au prestataire de rapporter la preuve de l'existence d'un contrat de travail ;

- que M. [F] n'a pas été soumis à un lien de subordination et a exercé dans le seul cadre d'un contrat de prestation de service ;

- que les relations entre l'enseigne Connect Assistance et M. [F] étaient celles d'une véritable relation de partenariat puisque l'enseigne lui proposait des missions lors de ses plages de disponibilité, à charge pour lui de les accepter ou non et dans l'affirmative de les exécuter convenablement ;

- que M. [F] n'a jamais contesté ce cadre juridique pendant la période où il a exercé ces prestations ;

- que l'intégralité des techniciens intervenant pour le compte de l'enseigne Connect Assistance étaient indépendants ;

- que les techniciens disposaient de leur propre matériel d'intervention ;

- que M. [F] était libre d'organiser son temps de travail et ses congés comme il le souhaitait et disposait librement de ses plannings, qu'il pouvait librement renseigner les heures voire les jours ou les semaines au cours desquels il n'était pas disponible ; les interventions n'étant proposées que sur les créneaux disponibles précédemment identifiés par M. [F] ;

- qu'il avait la possibilité d'annuler les interventions et qu'elle contrôlait uniquement le fait que cette possibilité ne donne pas lieu à une pratique abusive et systématique ;

- qu'il n'avait pas un nombre minimal d'interventions à réaliser et qu'il était même encouragé à réduire le nombre de ses interventions en cas de dépendance

économique ;

- que M. [F] n'était soumis à aucun pouvoir de sanction et qu'elle était uniquement en mesure de déterminer les conditions dans lesquelles elle souhaitait que les interventions soient effectuées ;

- que l'inventaire a pour unique objectif de déterminer quels nouveaux matériels doivent être délivrés à M. [F] dans le but de réaliser ses installations (box SFR, boîtiers ADSL ...) ;

- que le classement avait pour but de récompenser la satisfaction du client et le taux de détection des dysfonctionnements et non de récompenser la personne ayant effectué le plus grand nombre de visites auprès des clients ;

- que lors de ses interventions M. [F] se présentait comme partenaire de l'enseigne Connect Assistance ;

- que la rémunération de M. [F] variait chaque mois en fonction du nombre d'interventions effectuées sur ses plages horaires disponibles ;

- que la 'dé-rémunération' n'est pas une sanction pécuniaire mais uniquement une procédure appliquée en cas de manquement aux procédures par le prestataire issue du principe de l'exception d'inexécution ;

- que M. [F] ne dépendait pas économiquement de l'enseigne Connect Assistance.

Sur les demandes de rappels de salaire, elle expose qu'elles sont prescrites jusqu'au 31 août 2015, que de plus l'appelant sollicite deux indemnités de congés payés pour la même période.

Sur les demandes liées à la rupture du contrat, la société souligne qu'elles sont infondées en l'absence de contrat de travail, que M. [F] a d'ores et déjà bénéficié d'un préavis.

Sur la demande liée à la perte de chance auprès du pôle emploi, la société fait observer que M. [F] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice.

Sur la demande liée au travail dissimulé, la société soutient que l'élément intentionnel n'est pas caractérisé en fonction du nombre d'heures supplémentaires finalement retenues et qu'il n'existe pas de contrat de travail.

Sur la demande liée aux frais de déplacement, la société allègue que la rémunération prenait en charge les frais de déplacement.

La société soutient qu'évoquer le fond du litige dans la présente affaire aurait pour conséquence de la priver d'un double degré de juridiction.

-:-:-:-

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En vertu de l'article L1411-1 du code du travail le conseil de prud'hommes est seul compétent pour connaître des différends qui peuvent s'élever entre l'employeur et les salariés à l'occasion du contrat de travail. La compétence de la juridiction prud'homale est donc dictée par la nature des relations contractuelles établies entre M.[F] et la société SFR qu'il convient d'apprécier -ci après.

Sur la nature de la relation contractuelle

L'existence d'un contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à la convention, mais des conditions de fait dans laquelle s'est exercée l'activité. L'élément distinctif du contrat de travail réside dans le lien de subordination, dont il résulte que l'activité est exercée sous l'autorité de l'employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements.

L'article L8221-6 I et II du code du travail prévoit une présomption de non salariat pour les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des société ou au répertoire des métiers, sauf à établir que les conditions d'exécution de la prestation les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard du cocontractant. M.[F] ayant été immatriculé en qualité d'auto-entrepreneur à compter du 13 janvier 2009 au registre du commerce et des sociétés d'Albi

pour l'activité de réparation et vente de matériel technologique, installation et dépannage à domicile d'informatique, formation à l'informatique, est présumé ne

pas être lié avec la société SFR, donneur d'ordre, par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription. Il lui appartient donc de rapporter la preuve du lien de subordination.

Sur les prestations et leur rémunération

Il n'est pas contesté que M.[F] a exécuté des prestations pour le compte de la société 2SIP et que le montant de la rémunération variait en fonction des factures établies par le prestataire sur la base du nombre d'interventions effectuées. Elle ne présentait donc pas le caractère de fixité qui préside à un contrat de travail.

La dé-rémunération dont excipe M.[F], caractérisée par un refus partiel de paiement par le donneur d'ordre en cas de manquement d'un prestataire dans l'exécution d'une prestation, est expressément prévue dans le contrat liant les parties (article 7 annexe 4) et procède de l'application du principe d'exception d'inexécution. Cet élément ne saurait constituer une sanction pécuniaire pouvant être l'indice d'une relation de travail salarié.

Sur le lien de subordination

Il est de principe que le lien de subordination se caractérise par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Les principaux critères d'appréciation de l'existence du lien de subordination sont le lieu de travail, les horaires, la fourniture de matériel, la mise à disposition du personnel et l'intégration à un service organisé.

M.[F] , qui réitère l'argumentation développée en première instance , soutient que le lien de subordination est établi par les faits et circonstances suivantes:

- le planning des interventions

- l'existence d'un logo imposé par la société SFR sur les tenues

- l'organisation de réunions commerciales et la fixation d'objectifs

- le pouvoir disciplinaire

- le contrôle de l'activité du prestataire

- la fixation du process d'intervention

- l'intégration du prestataire dans un service organisé

- le lien de dépendance économique

Sur l'organisation du planning

M.[F] soutient qu'il n'était pas libre de l'organisation de son temps de travail dans la mesure où son planning d'interventions était établi par la société 2SIP et lui était adressé via une plateforme dédiée sous la dénomination de 'connect partner' prévoyant la date , l'heure et la durée de l'intervention.

Cette modalité de travail n'est pas contestée par la société SFR qui rappelle toutefois qu'en vertu du contrat de prestations conclu avec M.[F] (article 2-1 du contrat du 16 mars 2012) , celui-ci restait maître de la gestion de son temps de travail et renseignait librement les périodes de disponibilité et d'indisponibilité ainsi que les périodes de congés. Au-delà des seuls termes du contrat, insuffisants pour apprécier l'organisation effective du temps de travail de l'appelant, M.[F] ne disconvient pas que la société SFR planifiait ses interventions sur l'outil informatique 'connect partner' dans le respect des périodes de disponibilité et d'indisponibilité qu'il avait préalablement saisies mais soutient que les périodes d'indisponibilité étaient rares. Si le listing des interventions produit par l'appelant (pièce 17) révèle une grande régularité dans les interventions planifiées par SFR, il comporte néanmoins des plages horaires et dates vierges de toute intervention avec la mention ' pas dispo', 'sans titre' le samedi ou en semaine ( ainsi 4 jours sur la semaine du 21 au 28 septembre 2015). Il résulte par ailleurs des courriels échangés avec Connect Assistance que M.[F] décidait de ses congés librement.

La possibilité de refuser une intervention est expressément prévue par le

contrat (article 3.1) et il n'est pas allégué par M.[F] qu'il ait été privé de ce droit, la plate-forme informatique Be connect prévoyant du reste la possibilité d'annuler en ligne une intervention en cas d'indisponibilité du technicien, ou de demande de résiliation du client. De plus il n'est pas imposé un nombre minimum d'interventions.

Sur le matériel et le logo

Si la liste des équipements nécessaires à l'activité du prestataire était établie par la société donneuse d'ordre aux termes de l'annexe 4 du contrat du 16 mars 2012, il demeure acquis que le prestataire disposait de son propre matériel, aucune obligation n'étant par ailleurs faite à celui-ci de faire l'acquisition de l'équipement nécessaire auprès du distributeur de la société donneuse d'ordre.

Quant à l'exigence par le donneur d'ordre de l'apposition du logo de SFR sur les tenues des prestataires intervenant auprès des propres clients du donneur d'ordre, elle est prévue par les contrats liant les parties et permet aux clients d'identifier SFR à travers le prestataire. Elle s'inscrit dans la mise en oeuvre même de la prestation commandée par les clients de SFR , objet du contrat de prestation conclu avec M.[F]. Elle ne peut être l'indice de l'existence d'un contrat de travail.

Sur l'intégration dans un service organisé et le contrôle assuré par SFR

L'appelant soutient que son activité était intégrée dans un service organisé, que la société SFR fixait les procédures d'intervention, qu'elle prévoyait notamment un contrôle des stocks ainsi qu'un contrôle aléatoire chez les clients après intervention. Il ajoute que son activité faisait l'objet d'un classement.

Les courriels que l'appelant verse aux débats émanent en grande partie de M.[Y], responsable du secteur Languedoc Roussillon/Midi Pyrénées de Connect Assistance. Ils fixent les conditions d'intervention, s'agissant notamment des modalités de contact avec les clients avant déplacement à leur domicile, ou encore des délais d'intervention dont la réduction est attendue par des procédés de replanification de rendez-vous avec les clients. Ces diverses recommandations adressées aux prestataires qui ont pour

objet d'uniformiser les process d'intervention auprès des clients et d'augmenter le taux de satisfaction de ces derniers, sont des procédés qui n'excèdent pas le cadre normal des prérogatives d'un donneur d'ordre au prestataire.

Les classements opérés par SFR entre les prestataires ne récompensaient pas le nombre d'interventions mais relèvent de méthodes commerciales visant à motiver les prestataires ; ils n'affectent donc pas l'indépendance des prestataires.

Les compte-rendus de rendez-vous et contrôles aléatoires des prestations par le donneur d'ordre après intervention, dont excipe l'appelant, ont pour objet de s'assurer de la bonne exécution des prestations et s'inscrivent dans le cadre des prérogatives du donneur d'ordre à l'égard du prestataire et ne saurait caractériser un lien de subordination.

Quant au contrôle des stocks par des inventaires mensuels sollicités par la société SFR ( sous l'enseigne de Connect Assistance), l'employeur expose qu'ils ont pour finalité de permettre au donneur d'ordre de fournir aux prestataires le matériel nécessaire à son intervention (Box SFR, boîtier, ADSL), ce qui impliquait la connaissance du matériel disponible chez le prestataire. Cette organisation logistique ne tend pas à caractériser l'existence d'un lien de subordination.

Il n'est pas établi par ailleurs que M.[F] était assujetti à des objectifs quantitatifs, contrôlés et sanctionnés. A cet égard aucun élément ne vient démontrer que le courriel de M.[M] (employé de Connect Assistance, pièce 41) dont excipe l'appelant , et qui incite à la vente de prestations complémentaires, ait été adressé à M.[F] ainsi qu'aux prestataires, en l'absence de mention du ou des destinataires du message.

Sur le lien de dépendance économique

L'affirmation de l'appelant selon laquelle les prestations fournies à SFR représentent 70% de son chiffre d'affaires total n'est pas étayée par des éléments comptables sérieux, la production de factures étant insuffisante à elle seule à caractériser ce pourcentage. En tout état de cause le lien de subordination économique éventuel, à le supposer établi, n'est pas spécifique aux contrats de travail et n'est pas un élément probant permettant de caractériser l'existence d'une relation de travail salarié.

***

En l'absence de lien de subordination établi par M.[F], le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de requalification de la relation contractuelle entre M.[F] et la société SFR en contrat de travail et dit que le conseil de prud'hommes d'Albi est matériellement incompétent pour statuer au profit du tribunal de commerce d'Albi.

Sur les demandes annexes

M.[F], partie principalement perdante, sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Aucune circosntance d'équité ne justifie de faire application de l'article 700 du code de procédure civile

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions

Condamne M.[R] [F] aux entiers dépens

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par S.BLUMÉ, présidente et par C.DELVER, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

C.DELVER S.BLUMÉ

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 1
Numéro d'arrêt : 19/04570
Date de la décision : 15/01/2021

Références :

Cour d'appel de Toulouse 41, arrêt n°19/04570 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-01-15;19.04570 ?
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