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04/12/2020 | FRANCE | N°18/05115

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 1, 04 décembre 2020, 18/05115


04/12/2020



ARRÊT N° 2020/340



N° RG 18/05115 - N° Portalis DBVI-V-B7C-MVK7

C.KHAZNADAR/K.SOUIFA



Décision déférée du 05 Novembre 2018 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( 17/00595)

SECTION ENCADREMENT

















[I] [H]





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SARL STEP












































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Grosse délivrée



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à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU QUATRE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT

***



APPELANTE



Madame [I] [H]

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Pauline LE BO...

04/12/2020

ARRÊT N° 2020/340

N° RG 18/05115 - N° Portalis DBVI-V-B7C-MVK7

C.KHAZNADAR/K.SOUIFA

Décision déférée du 05 Novembre 2018 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( 17/00595)

SECTION ENCADREMENT

[I] [H]

C/

SARL STEP

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU QUATRE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT

***

APPELANTE

Madame [I] [H]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Pauline LE BOURGEOIS, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

SARL STEP

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Laurent DUCHARLET, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Octobre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant C. KHAZNADAR, conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUME, présidente

C. KHAZNADAR, conseillère

M. DARIES, conseillère

Greffier, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par S. BLUME, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre.

FAITS ' PROCÉDURE ' PRÉTENTIONS

Mme [I] [H] a été embauchée, à compter du 28 février 2005, par la SAS France Quick, en qualité d'équipière polyvalente, suivant contrat à durée indéterminée à temps partiel à hauteur de 24 heures de travail hebdomadaire, régi par la convention collective nationale de la restauration rapide du 18 mars 1988.

À compter du 1er janvier 2015, Mme [H] a été promue premier manager, classification cadre, niveau IV, échelon 4 ; son contrat de travail est passé à temps complet.

Le 31 août 2016, un incident est intervenu sur le lieu de travail de la salariée, des individus ayant agressé physiquement un client, en présence de Mme [H].

Le 1er septembre 2016, le restaurant Quick [Localité 4] à [Localité 5], dans lequel Mme [H] exerçait ses fonctions a été racheté par la SARL STEP, société franchisée de la marque Quick.

Le 14 septembre 2016, un autre incident a eu lieu dans le restaurant, des individus ayant agressé verbalement et physiquement les salariés présents. Mme [H] a été rappelée sur le lieu de travail pour prendre en charge les victimes.

Mme [H] a adressé un premier avis d'arrêt maladie à l'employeur daté

du 17 septembre 2016.

Le 25 octobre 2016, une déclaration d'accident du travail concernant Mme [H], correspondant aux faits survenus dans le restaurant le 14 septembre 2016 a été faite par l'employeur.

A l'issue d'une première visite médicale en date du 17 octobre 2016, la salariée a été déclarée inapte temporaire par le médecin du travail. A l'issue de la seconde visite médicale du 2 novembre 2016, Mme [H] a été déclarée 'inapte définitif à son poste et à tout poste dans l'entreprise' par le médecin du travail. Le médecin du travail a en outre adressé un courrier à l'employeur à la même date précisant qu'il ne préconise aucun reclassement ni aménagement de poste. Tout maintien du salarié dans l'entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé.

Suivant courrier du 2 décembre 2016, la SARL STEP a convoqué la salariée à un entretien préalable au licenciement fixé au 13 décembre suivant. Par lettre

du 17 décembre 2016, l'employeur a prononcé le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de la salariée.

Le 19 décembre 2016, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne a notifié le refus de prise en charge du caractère professionnel de l'accident ayant eu lieu le 14 septembre 2016.

Mme [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse le 10 avril 2017 aux fins de juger que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité, le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse et condamner la SARL STEP au paiement de diverses sommes à titre de rappels de salaire et d'indemnités.

Par jugement du 5 novembre 2018, le conseil de prud'hommes de Toulouse, section encadrement, a :

- jugé que le licenciement de Mme [H] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

- constaté que l'arrêt de travail de Mme [H] ne relève pas d'un accident du travail ;

- constaté que Mme [H] ne rapporte pas la preuve d'une dégradation de ses conditions de travail ;

- débouté Mme [H] de l'intégralité de ses prétentions ;

- condamné Mme [H] au paiement des entiers dépens et laissé à la charge des parties les frais, non compris dans les dépens, qu'elles ont dû engager dans l'instance, rejetant ainsi les demandes respectives des parties formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

-:-:-:-:-

Par déclaration du 7 décembre 2018 parvenue au greffe de la cour d'appel de Toulouse, Mme [I] [H] a régulièrement interjeté appel de ce jugement dont la notification par lettre RAR ne lui est pas parvenue.

-:-:-:-:-

Par ses dernières conclusions transmises par voie électronique

du 10 janvier 2020, Mme [I] [H] sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a jugé que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et l'a débouté de l'ensemble de ses demandes. Elle demande :

- la condamnation de la SARL STEP au paiement des sommes suivantes :

* 102,50 euros à titre de rappel de salaire en raison du plan boni de 10 % brut

des 14 jours de travail effectués sur le mois de septembre 2016, outre les congés payés afférents ;

* 102,50 euros à titre de rappel de salaire en raison du plan boni de 10 % brut du 2 au 17 décembre 2016, soit 15 jours, outre les congés payés afférents ;

* 145,68 euros à titre de prime conventionnelle hebdomadaire en remplacement du directeur du 1er au 16 septembre 2016, outre les congés payés afférents ;

* 68,45 euros au titre du décompte d'une journée maladie supplémentaire au mois de septembre 2016, outre les congés payés afférents ;

* 558,15 euros au titre du maintien à 100 % du salaire,au prorata du temps partiel, statut cadre, durant l'arrêt de travail du 17 au 30 septembre 2016, outre les congés payés afférents ;

* 732,90 euros au titre du maintien à 100 % du salaire, au prorata du temps partiel, statut cadre, durant l'arrêt de travail du mois d'octobre 2016 (déduction faite des IJSS), outre les congés payés afférents ;

* 1 407,87 euros au titre du maintien à 100 % du salaire, au prorata du temps partiel, statut cadre, durant l'arrêt de travail du mois de novembre 2016 (déduction faite des IJSS), outre les congés payés afférents ;

* 85,56 euros au titre du paiement de la journée du 17 décembre 2016, outre les congés payés afférents ;

* 85,92 euros au titre du maintien du salaire, au prorata du temps partiel, statut cadre, durant l'arrêt de travail du 1er au 2 décembre 2016 (déduction faite des IJSS), outre les congés payés afférents ;

- de dire que l'employeur n'a pas exécuté le contrat de travail de façon loyale, caractérisé en particulier par la violation de l'obligation de sécurité ;

- la condamnation de la SARL STEP au paiement de la somme de 16 482 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'exécution fautive du contrat de travail ;

- de dire que le licenciement pour inaptitude ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse ;

- de dire que les sommes versées à l'occasion du solde de tout compte ne sont pas conformes aux dispositions légales, conventionnelles et contractuelles ;

- la condamnation, en conséquence, de la SARL STEP au paiement des

sommes de :

* 32 964 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du licenciement sans cause réelle et sériesue ;

* 6 487,59 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement (reliquat) ;

* 8 241 euros au titre de l'indemnité de préavis, outre les congés payés

afférents :

- la condamnation de la SARL STEP, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au paiement des sommes de 2 000 euros pour la première instance et

de 2 000 euros pour la procédure d'appel, outre aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Sur l'exécution fautive du contrat de travail, Mme [H] soutient que l'employeur a manqué à ses obligations de loyauté et de bonne foi en ne payant pas l'intégralité des sommes dues au titre du salaire malgré les relances effectuées par courrier.

Sur le licenciement, elle fait valoir que son inaptitude est la conséquence des manquements fautifs de l'employeur qui a violé son obligation de sécurité dès lors qu'elle a subi des agressions sur son lieu de travail sans que la société ne mette en oeuvre les mesures nécessaires pour assurer sa sécurité et protéger sa santé. L'inaptitude avait un caractère professionnel. Elle ajoute que la SARL STEP n'a pas respecté son obligation de reclassement et n'a pas respecté la procédure de consultation des délégués du personnel.

Elle soutient, qu'en conséquence, ses demandes indemnitaires sont fondées et notamment que le montant des dommages et intérêts en réparation du licenciement sans cause réelle et sérieuse ne saurait, à titre principal, être inférieur à 12 mois de salaire en raison de l'absence de consultation des délégués du personnel sur les possibilités de reclassement envisageables et, à titre subsidiaire, qu'il ne saurait être inférieur à 6 mois de salaire. Elle indique que l'employeur doit être condamné au paiement de l'indemnité spéciale de licenciement dès lors qu'au moment de la notification du licenciement, l'employeur avait connaissance de la déclaration d'accident du travail.

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Par ses dernières conclusions transmises par voie électronique

du 9 janvier 2020, la SARL STEP sollicite la confirmation totale du jugement entrepris et demande, en conséquence, de :

- dire que la procédure de licenciement est régulière ;

- dire que Mme [H] ne rapporte pas la preuve que l'employeur aurait manqué à son obligation de sécurité ou d'exécuter loyalement le contrat de travail ;

- débouter Mme [H] de l'ensemble de ses demandes ;

- la condamner au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur l'exécution du contrat de travail, la SARL STEP soutient avoir payé l'intégralité des sommes dues au titre des salaires.

Sur la rupture du contrat de travail, elle fait valoir qu'elle n'a commis aucun manquement à son obligation de sécurité dès lors que la salariée n'a été victime d'aucune agression le 14 septembre 2016 et que depuis aucun autre fait d'agression ne s'est produit au sein du restaurant. Elle ajoute que la mention de l'avis de la médecine du travail indiquant 'tout maintien du salarié dans l'entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé' la dispensait de rechercher une solution de reclassement et de procéder à la consultation des délégués du personnel.

Sur les demandes indemnitaires, elle soutient, notamment, que Mme [H] ne justifie pas de son préjudice. Dès lors que les arrêts de travail ont été considérés comme d'origine non-professionnelle, l'employeur ne saurait supporter les conséquences financières d'un licenciement pour inaptitude professionnelle.

-:-:-:-:-

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures transmises par voie électronique.

-:-:-:-:-

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance en date

du 14 janvier 2020.

SUR CE :

Sur le licenciement :

En application de l'article L.4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent (') 3° la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés (').

L'origine professionnelle de l'inaptitude de la salariée n'est pas subordonnée, devant la juridiction prud'homale, à la reconnaissance par la caisse primaire d'assurance maladie du lien de causalité entre la maladie ou l'accident dont le salarié a été victime et son inaptitude.

Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur en avait connaissance.

Le lien entre l'inaptitude et l'accident du travail relève du pouvoir souverain des juges du fond.

En application des dispositions de l'article L.1226-10 du code du travail :

Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.

Mme [H] invoque de multiples agressions sur le lieu de travail subies soit de manière directe, soit de manière indirecte, lorsqu'elle s'est rendue sur les lieux après la fin de son service.

La salariée invoque :

- un braquage à main armée le 6 mars 2009 sur le lieu du restaurant, pour lequel elle était présente ;

- dans la nuit du 4 au 5 août 2013, un braquage à main armée sur les lieux du restaurant, séquestration, abus sexuel au cours duquel elle a été contrainte de se rendre sur les lieux, juste après les faits pour prendre en charge les victimes et le personnel en état de choc ;

- le 18 septembre 2014, un braquage à main armée sur les lieux du restaurant, au cours duquel elle a également été contrainte de se rendre sur les lieux après les faits au regard de sa fonction ;

- le 31 août 2016, peu avant 22 heures, toujours sur les lieux du restaurant, trois individus ont agressé physiquement un client, les membres de l'encadrement et l'agent de sécurité. Ils ont lancé des bouteilles de verre sur les personnes et les vitres du restaurant. Mme [H] a géré seule le situation traumatique des personnes présentes au restaurant, en sa qualité de 1er manager ;

- le 14 septembre 2016, à 21 h50, le personnel a été victime d'une agression verbale puis physique par des clients qui ont lancé des chaises. L'agent de sécurité était à proximité du restaurant mais pas encore en service lequel débutait à 22 h. Mme [H], laquelle avait quitté le restaurant à 20 h, a été prévenue par téléphone. Elle s'est alors rendue immédiatement sur les lieux, en sa qualité de 1er manager, pour prendre en charge le personnel et aider les victimes.

Mme [H] précise que son assistance aux victimes de l'agression

du 14 septembre 2016 lui a remémoré l'agression subie, quinze jours auparavant,

le 31 août 2016. Cette salariée a été en arrêt de travail du 17 septembre 2016 jusqu'au 17 décembre 2016.

L'existence et la description de ces braquages et agressions

n'est pas contestée par l'employeur et caractérise un climat d'insécurité avéré sur

le lieu du restaurant Quick de [Localité 5] [Localité 4], lequel ne pouvait être ignoré

de la société STEP. Le fait que la société STEP ait repris l'activité du restaurant

au 1er septembre 2016 n'est pas de nature à réduire ou à faire disparaître son obligation de sécurité.

L'employeur produit le contrat de prestation prévoyant la mise en 'uvre d'un personnel de sécurité pour la tranche horaire de 22 heures à 2h du matin.

Toutefois, il résulte du déroulement des agressions du 31 août 2016 et

du 14 septembre 2016 que celles-ci se sont produites avant 22 heures, c'est à dire avant le début effectif de la prestation de sécurité, même si l'agent était présent. Les moyens mis en 'uvre par l'employeur étaient donc insuffisants pour assurer la sécurité du personnel. Il existe bien un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

L'employeur a effectué une déclaration d'accident auprès de la caisse primaire en octobre 2016 concernant Mme [H]. Cette déclaration a précisé que Mme [H] était à son domicile au moment de l'incident survenu au restaurant mais a aussi indiqué que celle-ci s'était rendue sur le lieu de travail pour la prise en charge des victimes rapidement après les faits.

Les productions établissent que l'employeur a également été destinataire d'arrêts de travail rectifiés concernant Mme [H] mentionnant un accident du travail.

L'employeur ne peut utilement invoquer le fait que Mme [H] s'est rendue sur les lieux du travail de sa propre initiative et en dehors de son temps de travail, alors que le soutien à ses subordonnés, en situation d'urgence, même en dehors de son temps de travail programmé, fait partie de ses attributions de 1er manager.

L'avis du médecin du travail met en évidence qu'un retour de Mme [H] sur le lieu de travail serait très gravement préjudiciable. Or, il résulte des productions relatives à l'instruction de l'accident du travail par la caisse primaire que la salariée est angoissée par le contact avec la clientèle et subit des symptômes anxio-dépressifs suite à une succession d'agressions sur le lieu de travail.

La cour retient en conséquence que Mme [H] n'a pas été exposée directement à l'agression du 14 septembre 2016 mais que cette salariée a été exposée, à cette date, à la détresse immédiate de ses collaborateurs, victimes de ces faits, ce qui a réactivé le climat d'insécurité objectivé par la précédente agression du 31 août 2016 sur le lieu de travail, 15 jours auparavant, dont elle avait été directement victime.

Le fait que l'accident du 14 septembre 2016 n'a pas été retenu par la caisse primaire d'assurance maladie, ce après la rupture du contrat de travail, n'exonérait pas l'employeur de son obligation de respecter les règles applicables aux victimes d'accident du travail au moment du prononcé du licenciement de Mme [H]

le 17 décembre 2016.

Ainsi, il y a lieu de retenir que l'inaptitude de Mme [H] avait un caractère professionnel.

L'employeur a écrit le 2 décembre 2016 à Mme [H] qu'il avait consulté les délégués du personnel mais n'en justifie pas dans la présente procédure judiciaire.

Par ailleurs, l'inaptitude définitive de Mme [H] à son poste a été prononcée uniquement dans le périmètre de l'entreprise. La société STEP fait partie d'un réseau de sociétés franchisées à l'enseigne Quick, dans lesquels une permutation de personnel était possible. Or l'employeur ne justifie pas de recherches de reclassement auprès de la société France Quick, ni dans le réseau des franchisés Quick. L'employeur justifie avoir interrogé seulement quatre sociétés au titre du reclassement de Mme [H]. Il a donc commis un manquement à son obligation de reclassement de la salariée inapte.

Dès lors, le licenciement de Mme [H] est sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Par application de l'article 12 de la convention collective de la restauration rapide, compte tenu de son ancienneté et de son statut cadre, Mme [H] est fondée à réclamer une indemnité de préavis à hauteur de trois mois de salaire. Il lui sera donc alloué, conformément à la demande, la somme de 8 241 €, outre les congés payés afférents.

Le caractère professionnel de l'inaptitude ayant été retenu, l'employeur aurait du respecter les dispositions de l'article L.1226-14 du code du travail portant au double l'indemnité légale de licenciement. Il sera donc fait droit à la demande de Mme [H] sur le reliquat d'indemnité de licenciement à hauteur de la somme de 6 487,59 €.

Par application des dispositions de l'article L.1226-15 du code du travail, dans sa version applicable au litige, à défaut de réintégration, l'indemnité octroyée au salarié ne peut être inférieure à douze mois de salaire.

L'ancienneté de Mme [H] dans l'entreprise à la date de la rupture était de 11années et 11 mois. Son salaire mensuel brut moyen s'élevait à la somme

de 2 772,15 €.

Mme [H] a perçu des indemnités pôle emploi jusqu'en août 2018. Elle suivi une formation de gestionnaire de paie et retrouvé un emploi depuis le 27 août 2018 en qualité d'assistante paie pour un montant mensuel brut de 1 803,69 €.

Il lui sera donc alloué, conformément à la demande, la somme de 32 964 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes de rappel de salaire :

* les demandes relatives au plan Boni

Le contrat de travail liant les parties a prévu qu'à la rémunération brute de base s'ajoutera une part variable, dite plan Boni, assise sur les résultats quantitatifs et qualitatifs de la salariée, et dont les modalités de calcul seront réactualisées tous les ans. Le versement de ce plan boni est lié à la condition de la présence de la salariée au 31 décembre de l'année concernée.

Dans la mesure où le licenciement prononcé pour inaptitude est sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu à préavis de sorte que Mme [H] doit être considérée comme faisant toujours partie de l'effectif de l'entreprise à la date

du 31 décembre 2016.

Il sera donc alloué à Mme [H] la somme de 205 € au titre du plan Boni sur les mois de septembre et de décembre 2016, outre les congés payés afférents.

* sur la prime de remplacement du directeur

La salariée invoque le titre V article 43 de la convention collective de la restauration rapide laquelle prévoit que :

« Si la rémunération du salarié est inférieure au minimum conventionnel du poste faisant l'objet du remplacement, le salarié perçoit une prime de remplacement, dès le premier jour de celui-ci et pendant toute sa durée. Dans ce cas, le montant de la prime doit porter la rémunération du salarié à un montant au moins égal au minimum conventionnel du poste faisant l'objet du remplacement(...) ».

Mme [H] indique qu'à compter du mois de mai 2016, il n'y a eu aucun directeur en poste dans le restaurant Quick de [Localité 5] [Localité 4] et qu'elle a alors perçu de la société France Quick une prime hebdomadaire de remplacement. Toutefois, l'employeur STEP précise qu'à compter du 1er septembre 2016, M. [D] superviseur était présent ainsi que le gérant de la société de sorte que Mme [H] n'a pas eu à remplacer le directeur.

La salariée ne démontre pas par ses productions qu'elle a effectivement remplacé le directeur du restaurant à compter du 1er septembre 2016. Le rejet de cette demande par les premiers juges sera confirmé.

* sur la demande au titre du maintien de salaire durant l'arrêt maladie

Mme [H] invoque les stipulations des accords collectifs au sein de la société France Quick applicables pendant 15 mois après la cession, l'article 19 de la convention collective de la restauration rapide et les dispositions applicables au salarié victime d'un accident du travail lesquelles prévoient un maintien du salaire pendant l'arrêt maladie à 100 %.

La cour relève que Mme [H] ne produit pas d'accord collectif de l'entreprise France Quick relatif au maintien du salaire par l'employeur. La recherche d'un tel accord sur Légifrance applicable à la période des faits a été négative.

L'article 19 B de la convention collective de la restauration rapide prévoit, en cas d'absence au travail justifiée par l'incapacité résultant de la maladie le versement de 90 % de la rémunération brute que le salarié aurait gagnée s'il avait continué à travailler.

L'article 20 de la convention collective visant l'absence au travail justifiée par un accident du travail ne prévoit pas un maintien de salaire d'un montant supérieur.

Les dispositions des accords sur la prévoyance annexés à la convention collective ne prévoient pas davantage l'augmentation du maintien de salaire.

Les dispositions de l'article D.1226-1 du code du travail, applicable à la date des faits, concernant l'arrêt de travail pour maladie prévoit un maintien de salaire par l'employeur à hauteur de 90 % de la rémunération brute.

Aucun texte ne prévoit le maintien du salaire à hauteur de 100 % au cas d'accident du travail.

Ainsi, au vu des bulletins de salaire et du relevé de paiement des indemnités journalières de sécurité sociale, le maintien du salaire à hauteur de 90 %, pour la période du 17 septembre 2016 au 1er décembre 2016 [le 2 décembre 2016 marquant la reprise du paiement du salaire] aurait dû s'élever à la somme de 3 068,85€ alors que l'employeur n'a versé que la somme de 403,09 €. En conséquence, il reste dû par l'employeur au titre du maintien de salaire la somme de 2 665,76 €.

L'inaptitude ayant pour origine un accident du travail, Mme [H] est fondée à obtenir en outre le paiement des congés payés, à hauteur de la demande formulée, soit la somme de 278,47 €.

* sur les rappels de salaire

Mme [H] expose que l'employeur a décompté à tort une journée de maladie supplémentaire : il est décompté en septembre 15 jours d'arrêt maladie alors que la période du 17 septembre au 30 septembre 2016 ne comporte que 14 jours.

L'employeur fait valoir qu'il n'a pas commis d'erreur puisque l'avis médical mentionne comme point de départ le 15 septembre 2016.

La salariée sollicite en outre le paiement de la journée du 17 décembre 2016, décomptée à tort par l'employeur, cette date correspondant à la date d'envoi du courrier de licenciement et non à sa réception.

L'employeur considère que Mme [H] n'est pas fondée à prétendre au règlement de la journée du 17 décembre 2016 correspondant à la date d'envoi de la lettre de licenciement.

La cour retient qu'il résulte des productions que le certificat médical initial adressé à l'employeur mentionnait bien la date du 17 septembre 2016, de sorte que le certificat rectificatif visant l'accident du travail adressé ultérieurement mentionnant la date du 15 septembre 2016 est erroné sur ce point.

Mme [H] est donc fondée à obtenir paiement, conformément à sa demande, de la somme de 68,45€ brut, outre les congés payés afférents, au titre de la journée décomptée à tort en septembre 2016.

Par ailleurs, la cour retient que la cessation du contrat de travail et l'arrêt de la rémunération du salarié intervient le jour de la première présentation de la lettre de licenciement. Dès lors, Mme [H] est fondée à obtenir paiement de la journée

du 17 décembre 2016 correspondant à la date d'envoi de la lettre de licenciement. Il lui sera donc alloué, conformément à sa demande, la somme de 85,56 € outre les congés payés afférents.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail :

Mme [H] n'explique pas dans ses écritures la nature et l'étendue du préjudice distinct de celui réparé par les sommes allouées au titre des divers rappels de salaire et de maintien de salaire. Elle sera déboutée de cette demande.

Sur les demandes accessoires :

Le licenciement déclaré illégitime est sanctionné par l'article L.1235-4, du code du travail. La cour ordonne le remboursement par la SARL STEP à pôle emploi des sommes versées à la salariée au titre du chômage dans la limite de 6 mois.

La SARL STEP qui échoue en ses prétentions sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Mme [H] est en droit de réclamer l'indemnisation des frais non compris dans les dépens exposés à l'occasion de cette procédure. La SARL STEP sera donc tenue de lui payer la somme de 3 000 euros au total pour la procédure de première instance et la procédure d'appel, en application des dispositions de l'article 700 al. 1er 1° du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Toulouse

du 5 novembre 2018 en ce qu'il a :

- débouté Mme [H] de sa demande de rappel de la prime de remplacement du directeur,

- débouté Mme [H] de sa demande de dommages et intérêts en réparation de l'exécution fautive du contrat de travail,

- débouté la société STEP de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

Infirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que le licenciement de Mme [H] est sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SARL STEP à payer à Mme [I] [H] les sommes suivantes :

- 32 964 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 6 487,59 € au titre du reliquat de l'indemnité spéciale de licenciement,

- 8 241 € brut au titre du préavis, outre 824,10 € au titre des congés payés afférents,

- 205 € brut au titre du plan Boni sur les mois de septembre et de décembre 2016, outre 20,50 € brut au titre des congés payés afférents.

- 2 665,76 € brut au titre de rappel sur le maintien du salaire du 17 septembre 2016 au 1er décembre 2016 inclus,

- 278,47 € brut au titre des congés payés sur la période du 17 septembre 2016

au 1er décembre 2016,

- 68,45 € brut de rappel de salaire au titre de la journée décomptée à tort en septembre 2016, outre 6,84 € au titre des congés payés afférents,

- 85,56 € brut de rappel de salaire au titre de la journée décomptée à tort

le 17 décembre 2016, outre la somme de 8,55 € au titre des congés payés afférents,

Condamne la SARL STEP à rembourser à pôle emploi Occitanie les indemnités chômage versées à Mme [I] [H], ce, dans la limite de 6 mois,

Condamne la SARL STEP aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la SARL STEP à payer à Mme [I] [H] la somme

de 3 000 € au total, au titre de la procédure de première instance et de la procédure d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par S.BLUMÉ, présidente et par C.DELVER, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

C.DELVER S.BLUMÉ

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 1
Numéro d'arrêt : 18/05115
Date de la décision : 04/12/2020

Références :

Cour d'appel de Toulouse 41, arrêt n°18/05115 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-12-04;18.05115 ?
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