20/11/2020
ARRÊT N°
N° RG 19/02106
N° Portalis DBVI-V-B7D-M6OL
CD/ND
Décision déférée du 27 Novembre 2017
Commission Departementale d'Aide Sociale
de la Haute Garonne
(2120855)
Mme [X] [J]
[L] [C]
C/
LE PRESIDENT DU CONSEIL DEPARTEMENTAL DE LA HAUTE GARONNE
CONFIRMATION
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4ème chambre sociale - section 3
***
ARRÊT DU VINGT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT
***
APPELANT
Monsieur [L] [C]
[Adresse 3]
[Localité 7]
comparant en personne
INTIME
LE PRESIDENT DU CONSEIL DEPARTEMENTAL DE LA HAUTE GARONNE
[Adresse 2]
[Localité 6]
représenté par Mme [P] [F] (Membre de l'entrep.) en vertu d'un pouvoir spécial
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945.1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Octobre 2020, en audience publique, devant Mme C. DECHAUX, conseillère faisant fonction de président, chargée d'instruire l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
C. DECHAUX, conseillère faisant fonction de président
P. POIREL, conseiller
A. MAFFRE, conseiller
Greffier, lors des débats : L. SAINT LOUIS AUGUSTIN
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile
- signé par C. DECHAUX, conseillère faisant fonction de président, et par C. GIRAUD, directrice des services de greffe.
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [H] [C] née le [Date naissance 4] 1927 est décédée le [Date décès 5] 2015. Elle a été hébergée par la maison de retraite 'Résidence [8]' à [Localité 7], établissement pour personnes âgées dépendantes, du 7 février 2014 jusqu'à son décès le [Date décès 5] 2015.
Elle a déposé le 3 juin 2014 auprès du conseil départemental de la Haute-Garonne une demande d'allocation de solidarité aux personnes âgées.
Par courrier en date du 4 février 2016, le président du conseil départemental de la Haute-Garonne a écrit à M. [L] [C] que sa mère était en mesure de prendre en charge les dépenses qui lui incombaient au regard du montant de ses ressources additionné à celui de la participation des personnes tenues à son égard à l'obligation alimentaire.
La commission départementale d'aide sociale de la Haute-Garonne a rejeté le 27 novembre 2017, le recours de M. [L] [C] contre cette décision.
M. [L] [C] a régulièrement interjeté appel de cette décision le 20 décembre 2018 auprès de la commission centrale d'aide sociale.
Par suite du transfert au 1er janvier 2019, résultant de l'article 12 de la loi n°2016-1547 en date du 18 novembre 2016, de l'ensemble des contentieux de la commission centrale d'aide sociale aux cours d'appel spécialement désignées, la cour d'appel de Toulouse a été saisie de ce litige.
Par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 8 octobre 2020, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, M. [L] [C] soutient que la décision de refus de prise en charge des frais d'hébergement de sa mère ayant été prise le 4 février 2016, alors que la demande avait été faite en mai 2014 et que sa mère est décédée le [Date décès 5] 2015, est irrégulière et a eu pour conséquence de générer une demande de paiement de la somme de 18 190 euros par la maison de retraite, alors que 90% des ressources de sa mère (soit 904 euros mensuels) ont été de son vivant reversés à la maison de retraite et qu'un de ses frères a renoncé à la succession de sa mère laquelle ne comportait aucun actif patrimonial. Il demande à la cour de juger que le conseil départemental doit fournir une participation d'aide sociale.
Par 'mémoire' réceptionné au greffe le 18 mai 2020, repris oralement à l'audience, auquel il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, le président du conseil départemental de la Haute-Garonne conclut au rejet du recours de M. [C].
Il rappelle que l'article 205 du code civil fait peser sur les enfants une obligation alimentaire à l'égard de leurs parents et autres ascendants dans le besoin et se prévaut des dispositions de l'article L.132-6 du code de l'action sociale et des familles en soutenant qu'après étude de la situation financière des personnes tenues à l'obligation alimentaire envers Mme [C] et en l'absence de décision de justice, il a considéré que l'aide pouvant être apportée par les débiteurs d'aliments de l'intéressée permettait d'assumer la charge non couverte par les ressources de la résidente.
Sur interrogation du magistrat rapporteur, la mandataire du conseil départemental a indiqué que la lettre du 4 février 2016 était la décision de refus de l'aide sociale en soulignant qu'elle mentionne les voies et délais de recours.
MOTIFS
L'article L.111-1 du code de l'action sociale et des familles pose le principe du droit à l'aide sociale, lequel repose sur un principe de solidarité nationale.
L'article L.132-6 du code de l'action sociale et des familles dispose en ses alinéas 1 et 3 que les personnes tenues à l'obligation alimentaire instituée par les articles 205 et suivants du code civil sont, à l'occasion de toute demande d'aide sociale, invitées à indiquer l'aide qu'elles peuvent allouer aux postulants et à apporter, le cas échéant, la preuve de leur impossibilité de couvrir la totalité des frais, et que la proportion de l'aide consentie par les collectivités publiques est fixée en tenant compte du montant de la participation éventuelle des personnes restant tenues de l'obligation alimentaire. La décision peut être révisée sur production par le bénéficiaire de l'aide sociale d'une décision judiciaire rejetant sa demande d'aliments ou limitant l'obligation alimentaire à une somme inférieure à celle qui avait été envisagée par l'organisme d'admission. La décision fait également l'objet d'une révision lorsque les débiteurs d'aliments ont été condamnés à verser des arrérages supérieurs à ceux qu'elle avait prévus.
L'article R.131-1 du code de l'action sociale et des familles dispose que dans le cadre de l'instruction des demandes d'admission au bénéfice de l'aide sociale, le demandeur, accompagné, le cas échéant d'une personne de son choix ou son représentant dûment mandaté à cet effet est entendu, s'il le souhaite préalablement à la décision du président du conseil départemental ou du préfet.
Le président du conseil départemental ou le préfet informe le maire de la commune de la résidence du demandeur et, le cas échéant, le président du centre communal ou intercommunal d'action sociale où la demande a été déposée de toute décision d'admission ou de refus d'admission à l'aide sociale, ainsi que de suspension, de révision ou de répétition de l'indu.
Il résulte en outre de l'article R.131-2 du code de l'action sociale et des familles que les demandes tendant à obtenir le bénéfice de l'aide sociale prévue aux titres III ('personnes âgées') et IV ('personnes handicapées') du livre II ('différentes formes d'aide et d'actions sociales') prennent effet au premier jour de la quinzaine suivant la date à laquelle elles ont été présentées.
Toutefois, pour la prise en charge des frais d'hébergement des personnes accueillies dans un établissement social ou médico-social, habilité à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale ou dans un établissement de santé dispensant des soins de longue durée, la décision d'attribution de l'aide sociale peut prendre effet à compter du jour d'entrée dans l'établissement si la demande a été déposée dans les deux mois qui suivent ce jour. Ce délai peut être prolongé une fois, dans la limite de deux mois, par le président du conseil départemental ou le préfet.
Le jour d'entrée mentionné au deuxième alinéa s'entend, pour les pensionnaires payants, du jour où l'intéressé, faute de ressources suffisantes n'est plus en mesure de s'acquitter de ses frais de séjour.
Il s'ensuit que le service de l'aide sociale du conseil départemental a obligation, avant décision, d'instruire la demande d'aide sociale dont il est saisi, ce qui implique d'identifier les obligés alimentaires et de faire le point sur leurs capacités contributives pour pouvoir ensuite refuser ou accorder, dans les proportions qu'il doit déterminer dans ce cas, l'aide sociale demandée.
Alors qu'il résulte de l'article R.131-2 du code de l'action sociale et des familles que les demandes tendant à obtenir le bénéfice de l'aide sociale prennent effet au premier jour de la quinzaine suivant la date à laquelle elles ont été présentées, le président du conseil départemental ne peut rendre une décision lui refusant l'aide sociale postérieurement au décès du demandeur.
De plus, la 'décision' litigieuse est une simple lettre en date du 4 février 2016 adressée à M. [L] [C], datée du 4 février 2016 ainsi rédigée: 'par courrier en date du 14/04/2014, Madame [H] [C] a déposé une demande de prise en charge par l'aide sociale des frais liés à son hébergement à la maison de retraite '[8]' à compter du 07/02/2014. J'ai le regret de vous informer, qu'en application de l'article L.132-6 du code de l'action sociale et des familles, Madame [H] [C] décédée le [Date décès 1]/2015, était en mesure de prendre en charge les dépenses qui lui incombaient au regard du montant de ses ressources additionné à celui de la participation des personnes tenues à son égard à l'obligation alimentaire. En conséquence cette demande ne peut être acceptée'.
Il est exact que ce courrier qui est signé pour le président du conseil départemental et par délégation par 'le directeur', M. [W] [D], mentionne la possibilité d'un recours contentieux dans le délai de deux mois au secrétariat de la commission départementale d'aide sociale avec les coordonnées de cette commission ainsi que celle d'un recours gracieux, dans le même délai adressé au président du conseil départemental.
Suite à la notification de ce document, présenté sur l'audience comme étant la 'décision', la commission départementale d'aide sociale de la Haute-Garonne a rejeté le recours de M. [L] [C] en reprenant la motivation générale de la lettre du 4 février 2016.
La cour constate que le dossier transmis par la commission centrale d'aide sociale ne comporte aucune trace d'instruction de la demande déposée par Mme [H] [C] et il n'est du reste pas allégué qu'une décision de refus a été prise de son vivant.
De même, les pièces listées et jointes au 'mémoire' du conseil départemental ne font nullement référence à une décision prise par le conseil départemental suite au dépôt de la demande de Mme [C].
Par contre y est joint:
* copie du recours gracieux de M. [C] en date du 7 mars 2016 adressé au président de conseil départemental et de la réponse qui y a été apportée le 7 juin 2016 pour le président du conseil départemental et par délégation par 'le directeur', M. [W] [D],
* copie de l'attestation de séjour de Mme [C] à l'Ehpad [8], datée du 11 mars 2014, indiquant qu'elle a intégré cet établissement le 7 février 2014,
* copie de l'accusé réception en date du 3 juin 2014 par le président du conseil départemental adressé à Mme [C] de sa demande d'aide sociale aux personnes âgées et de la possibilité d'être entendue dans le cadre de l'instruction de son dossier,
* copie de l'attestation de la caisse d'allocations familiales de la Haute-Garonne en date du 5 avril 2014 attribuant à Mme [C] l'aide personnalisée au logement d'un montant mensuel de 85.75 euros,
* copie des pensions de retraite perçues par Mme [C] à porter sur sa déclaration de revenus 2013 (488 euros pour Probtp, 496.69 euros pour l'Ag2R retraite Arrco, 339.72 euros pour l'Ircem, 10 505 euros pour la caisse régionale d'assurance retraite et de la santé au travail),
* copie de l'acte de décès de Mme [H] [C] en date du [Date décès 5] 2015.
Il résulte donc de l'ensemble de ces éléments qu'aucune instruction véritable de la demande d'aide sociale déposée par Mme [C] [H] n'a été effectuée par les services du conseil départemental en l'absence de tout élément relatif à la situation des obligés alimentaires et à leur participation possible aux frais d'hébergement de leur mère.
La décision entreprise de la commission départementale d'aide sociale rejetant le recours de M. [C] doit en conséquence être infirmée, et la prise en charge par le conseil départemental de la Haute-Garonne des frais d'hébergement de Mme [H] [C] à la maison de retraite 'Résidence [8]' à [Localité 7], au titre de l'aide sociale doit être ordonnée.
PAR CES MOTIFS,
- Infirme la décision entreprise de la commission départementale d'aide sociale de la Haute-Garonne,
Statuant à nouveau,
- Ordonne la prise en charge par le conseil départemental de la Haute-Garonne des frais d'hébergement de Mme [H] [C] à la maison de retraite 'Résidence [8]' à [Localité 7], au titre de l'aide sociale
- Condamne le conseil départemental de la Haute-Garonne aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par C. DECHAUX, conseillère faisant fonction de président et C. GIRAUD, directrice des services de greffe.
La Directrice des La Présidente
services de greffe
C. GIRAUD C. DECHAUX
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