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20/11/2020 | FRANCE | N°18/02985

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 2, 20 novembre 2020, 18/02985


20/11/2020



ARRÊT N°20/311



N° RG 18/02985 - N° Portalis DBVI-V-B7C-MMWV

APB/SK



Décision déférée du 05 Juin 2018 - Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de TOULOUSE ( F15/02259)

A. [N]

















[K] [O]





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SA SOCAMIL



















































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Grosse délivrée



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à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU VINGT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT

***



APPELANT



Monsieur [K] [O]

[Adresse 4]

[Localité 3]



Représenté par Me Cyrille PERIGAULT, avocat au barreau de TOU...

20/11/2020

ARRÊT N°20/311

N° RG 18/02985 - N° Portalis DBVI-V-B7C-MMWV

APB/SK

Décision déférée du 05 Juin 2018 - Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de TOULOUSE ( F15/02259)

A. [N]

[K] [O]

C/

SA SOCAMIL

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU VINGT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT

***

APPELANT

Monsieur [K] [O]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Cyrille PERIGAULT, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

SA SOCAMIL

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Joëlle GLOCK de la SCP FOSSAT-GLOCK, avocat postulant au barreau de TOULOUSE

Représentée par Me Paul COEFFARD de la SCP TEN FRANCE, avocat plaidant au barreau de POITIERS

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Octobre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant madame Alexandra PIERRE-BLANCHARD, conseillère chargée du rapport et madame Florence CROISILLE-CABROL, conseillère. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Caroline PARANT, présidente

Alexandra PIERRE-BLANCHARD, conseillère

Florence CROISILLE-CABROL, conseillère

Greffier, lors des débats : Eve LAUNAY

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par Caroline PARANT, présidente, et par Eve LAUNAY, greffière de chambre

EXPOSE DU LITIGE :

M. [O] a été embauché par la SA Socamil, exploitant une centrale d'achat du réseau E.Leclerc, suivant contrat à durée déterminée à temps complet, en qualité de préparateur 1er degré, niveau 1, échelon A de la convention collective applicable est celle du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 Juillet 2001. à compter du 25 Mars 2008.

Par avenant du 24 Septembre 2008, il était engagé sur le même poste à durée indéterminée, et promu au poste de préparateur 2ème degré, niveau II, échelon B1 par avenant du 4 Mars 2009.

En dernier lieu, la rémunération brute mensuelle de M. [O] s'élevait à 1 543,61€.

Le 29 juillet 2013, le salarié a été victime d'un accident du travail et a été placé en arrêt de travail jusqu'au 6 janvier 2014.

Par avis du 6 janvier 2014, le médecin du travail a rendu un avis d'aptitude à temps partiel sur un poste aménagé.

M. [O] a été positionné sur un poste à dominante administrative et l'avis d'aptitude au poste de préparateur de commandes avec aménagement a été renouvelé lors des visites à la médecine du travail les 24 février 2014, 25 avril 2014, et 29 août 2014.

Suivant fiche d'aptitude médicale du 19 novembre 2014, le médecin du travail a déclaré M. [O] « inapte préparateur commande et conduite d'engin (après étude du poste du 14 octobre 2014), apte activités bureautique, administratif aussi bien dans les domaines logistique, comptabilité '.'.

Par courrier du 30 décembre 2014, M. [O] a contesté l'avis d'inaptitude du 19 novembre 2014, et suivant décision du 24 juin 2015, le Ministère du Travail et de l'Emploi a conclu à l'inaptitude de M. [O] à son poste de préparateur de commande en indiquant qu'il « serait apte à occuper un poste administratif ou tout autre poste n'étant pas exposé aux contraintes suivantes : station debout prolongée, déplacements à pieds répétitifs dans des escaliers ou sur longue distance, port manuel de charges lourdes supérieures à 20kg ou port répétitif de charges supérieures à 20kg».

Le médecin du travail a repris ces préconisations dans son avis définitif d'inaptitude du 16 juillet 2015, intervenu après nouvelle visite médicale et prise d'avis d'un spécialiste.

Le 22 juillet 2015, l'employeur a adressé au salarié un courrier lui précisant qu'aucun poste n'était disponible en vue de son reclassement et l'a convoqué à un entretien préalable au licenciement le 29 juillet 2015.

M. [O] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par courrier du 14 août 2015.

Par acte du 2 septembre 2015, M. [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse de la contestation de son licenciement.

Par décision du 13 octobre 2015, le bureau de conciliation et d'orientation a :

- ordonné à la SA Socamil de produire copie du registre du personnel, les compte-rendus de réunions avec les délégués du personnel à compter de janvier 2014, et la copie des échanges avec le Médecin du travail depuis juillet 2013, et ce, sous astreinte de 50 € par jour de retard,

- renvoyé l'affaire au bureau de jugement.

Par jugement de départition du 5 juin 2018, le conseil de prud'hommes de Toulouse a:

-débouté M. [O] de sa demande de condamnation à paiement au titre de la liquidation de l'astreinte,

-dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

-condamné la SA Socamil à payer à M. [O] la somme de 19'000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-débouté M. [O] de ses demandes de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et pour manquement de l'employeur à son obligation d'exécution loyale et de bonne foi du contrat de travail,

-condamné la SA Socamil à payer à M. [O] la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-rejeté le surplus des demandes,

-ordonné l'exécution provisoire,

-condamné la SA Socamil aux dépens.

M. [O] a relevé appel de cette décision dans des conditions de régularité non discutées.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 4 octobre 2018, auxquelles il est fait expressément référence, M. [O] demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il déboute M. [O] de ses demandes au titre de la liquidation de l'astreinte, et de ses demandes au titre des manquements de l'employeur à ses obligations de sécurité et d'exécution loyale du contrat,

- en conséquence, de dire et juger que l'employeur n'a pas déféré à son obligation de produire l'intégralité des registres du personnel de la société et du groupe auquel il appartient, et le condamner à lui payer la somme de 52'600 € au titre de la liquidation de l'astreinte,

- dire et juger que l'employeur a manqué à son obligation d'exécution loyale et de bonne foi en modifiant le contrat de travail sans avoir recueilli son accord exprès, et le condamner à lui payer 15'000 € nets de CSG-CRDS à titre de dommages intérêts pour manquement à son obligation d'exécution loyale de bonne foi du contrat de travail,

- dire et juger que la SA Socamil a gravement manqué à son obligation de sécurité et la condamner à lui payer la somme de 35'000 € nets de CSG-CRDS à titre de dommages intérêts pour ce manquement,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- réformer le jugement sur le quantum des dommages et intérêts et allouer à M. [O] la somme de 35'000 € nets de CSG-CRDS à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la SA Socamil à lui payer la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 26 décembre 2018, auxquelles il est fait expressément référence, la SA Socamil demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [O] de sa demande de dommages et intérêts au titre d'un prétendu manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a dit le licenciement de M. [O] sans cause réelle et sérieuse et alloué au salarié la somme de 19000 € à titre de dommages et intérêts et 1500 € au titre des frais irrépétibles,

- dire bien fondé sur une cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de M. [O],

- débouter M. [O] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner M. [O] à verser à la société Socamil la somme de 3000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS :

Sur la demande de liquidation de l'astreinte :

M. [O] soutient que la société s'est bornée à produire volontairement un registre du personnel incomplet, ce qui ne permet pas d'identifier l'établissement auquel appartient le registre alors qu'elle comporte deux établissements, l'un à Tournefeuille, l'autre à Grisolles.

De plus il estime que la société aurait dû produire l'ensemble des registres du personnel des magasins appartenant au 'groupe' Leclerc.

La SA Socamil indique qu'elle ne tient qu'un seul et unique registre du personnel, lequel est produit aux débats, et qu'elle n'appartient à aucun groupe. Elle a également produit les échanges avec la médecine du travail et les comptes-rendus des réunions des délégués du personnel de sorte qu'il n'y a pas de défaut d'exécution.

Sur ce,

Ainsi que l'a pertinemment relevé le juge départiteur, le bureau de conciliation et d'orientation a imposé à la société de produire son registre unique du personnel et non ceux du prétendu 'groupe' Leclerc.

Par ailleurs la cour constate qu'il résulte des informations Infogreffe produites par la société, issues des greffes des tribunaux de commerce, que celle-ci dispose de deux établissements et non quatre comme allégué par le salarié au moyen d'un extrait de site Internet 'société.com' dont la fiabilité des informations n'est pas démontrée ; que s'il est exact que l'article L1221-13 du code du travail impose à l'employeur de tenir autant de registres du personnel que d'établissements occupant des salariés, force est de constater en l'espèce que la société Socamil tient un unique registre du personnel pour ces deux établissements en précisant que l'établissement secondaire situé à [Adresse 5] n'occupe que peu de salariés, et qu'elle est donc dans l'impossibilité de produire un autre registre.

La société Socamil a produit aux débats en pièces 15 et 15 bis son registre unique du personnel couvrant la période du 17 octobre 2014 au 21 septembre 2015 étant précisé que la première déclaration d'inaptitude contestée est intervenue le 19 novembre 2014, la seconde, définitive, le 16 juillet 2015, et que le licenciement a été prononcé le 14 août 2015, de sorte que le registre du personnel produit couvrait la période utile à la résolution du litige et notamment à l'examen de la question du reclassement.

Par ailleurs elle produit les comptes-rendus de réunion des délégués du personnel des 8 janvier 2014, 24 novembre 2014, 19 décembre 2014 et du 6 février 2015 en pièces 8,9, 11 et 12, ainsi que la copie des échanges avec le médecin du travail en pièces 1 à 7.

La cour considère donc, par confirmation du jugement entrepris, que la société a satisfait aux obligations de production sous astreinte mise à sa charge par le bureau de conciliation et d'orientation, de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de liquidation d'astreinte présentée par M. [O].

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :

M. [O] soutient que son accord exprès n'a jamais été recueilli concernant son affectation même temporaire sur un autre poste et qu'il y a eu modification de son contrat de travail puisqu'il est passé d'un poste de préparateur de commandes à un poste administratif de logistique. Même s'il s'agissait d'un aménagement de poste il y aurait dû, selon lui, y avoir un avenant au contrat de travail.

La SA Socamil indique le contrat de travail du salarié n'a jamais été modifié, que ce dernier est demeuré jusqu'au terme de la relation contractuelle préparateur de commandes, et que le médecin du travail n'avait pas souhaité se prononcer définitivement sur l'aptitude du salarié au poste et avait donc interrogé l'employeur sur la possibilité d'organiser une période transitoire, afin de voir comment l'état de santé évoluerait.

Ce n'est que dans le cadre de cette évolution et dans l'attente d'une consolidation qu'il a été mis en place avec l'accord des parties une période transitoire au cours de laquelle le salarié pouvait continuer à exercer une activité professionnelle en renfort au sein du service administratif logistique.

D'ailleurs tous les avis d'aptitude provisoire à un poste aménagé mentionnaient que le poste du salarié était celui de préparateur de commandes.

Sur ce,

Il est rappelé qu'à la suite de son accident du travail survenu le 29 juillet 2013, le salarié a fait l'objet d'un examen médical du 6 janvier 2014 aux termes duquel le médecin du travail a noté qu'il pouvait reprendre le travail sur un poste aménagé : poste de routage et entretien entrepôt, avec nécessité de le revoir dans un mois. L'avis visait le poste de préparateur de commandes.

Cette affectation temporaire a reçu au préalable l'assentiment du salarié comme l'écrivait le médecin du travail et l'employeur dans son mail du 20 décembre 2013.

Lors de la deuxième visite médicale du 20 janvier 2014, le médecin du travail l'a de nouveau déclaré apte sur son poste de préparateur de commandes mais à un poste aménagé consistant en du travail administratif et en l'utilisation de la balayeuse avec de nouveau la nécessité de le revoir sous un mois.

L'employeur a mis en 'uvre cette seconde affectation temporaire conforme à l'état médical du salarié.

Cet aménagement de poste a été renouvelé à plusieurs reprises jusqu'au 29 août 2014 date à laquelle le médecin du travail a préconisé un maintien sur un emploi administratif et a demandé à l'employeur de réfléchir à une possibilité de reclassement sur un poste sans contact ni proximité des chariots.

Le 19 novembre 2014, le salarié a été déclaré cette fois-ci inapte à son poste de préparateur de commandes et à la conduite d'engins. Le médecin l'a déclaré apte pour une activité de bureautique, administrative aussi bien dans des domaines logistiques comptabilité.

Il résulte de cette chronologie que le salarié ne saurait invoquer une modification de son contrat de travail alors qu'il a été maintenu sur son poste de préparateur de commandes ainsi que le mentionnent les différents avis du médecin du travail, que ce maintien s'est effectué au moyen d'aménagements temporaires, et que ce n'est que le 19 novembre 2014 qu'il a été déclaré inapte à son poste, le contrat ayant ensuite été suspendu.

Cette déclaration d'inaptitude a d'ailleurs été confirmée par décision du ministre du travail du 28 juin 2015, puis par nouvel avis du médecin du travail du 16 juillet 2015.

La cour observe que le salarié, consulté sur cet aménagement temporaire par le médecin du travail durant l'année 2014, a donné son accord préalablement ; qu'un tel accord n'a pas été remis en question sur la prolongation de cet aménagement dans des conditions identiques d'un mois à l'autre et alors que sa situation était examinée mensuellement par le médecin du travail. Contrairement à ce que soutient M. [O], il n'y avait pas lieu à régularisation d'un avenant au contrat de travail alors qu'il était maintenu sur son poste contractuel avec aménagement dans l'attente de sa consolidation et d'une éventuelle déclaration d'inaptitude au poste de préparateur de commandes.

Ainsi la cour estime, comme le juge départiteur, que la société Socamil n'a pas manqué à son obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire de M. [O].

Sur l'obligation de sécurité :

M. [O] soutient que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité en ne lui permettant pas de regagner son poste administratif et en l'obligeant à quitter ce poste de façon brutale et soudaine alors qu'il l'occupait depuis 11 mois. Ainsi l'employeur a mis un coup d'arrêt à une évolution positive et a placé le salarié dans une situation de détresse psychologique.

La SA Socamil estime que la demande formulée à ce titre par le salarié fait double emploi avec celle relative aux manquements l'obligation de reclassement puisque le salarié soutient que l'employeur devait le maintenir sur un emploi administratif plutôt que le mettre en disponibilité le temps de la procédure d'inaptitude.

De plus, à compter du 19 novembre 2014 c'est-à-dire la date de déclaration d'inaptitude, l'employeur devait suspendre le contrat de travail et reprendre le paiement du salaire au-delà du délai d'un mois, ce qu'a fait celui-ci.

Sur ce,

Il résulte des développements précédents que M. [O] a occupé un poste aménagé à dominante administrative de manière temporaire dans le cadre d'une procédure d'aptitude avec réserves menée par le médecin du travail durant plusieurs mois en fonction de l'état de santé du salarié jusqu'à ce qu'il puisse se prononcer définitivement sur l'aptitude au poste.

Dans ces conditions il ne peut être reproché à l'employeur d'avoir mis fin à cet aménagement temporaire dès lors que la procédure était arrivée à son terme avec l'avis d'inaptitude du 19 novembre 2014, puisqu'il devait suspendre le contrat de travail.

Par ailleurs la société Socamil justifie avoir respecté son obligation de reprendre le paiement du salaire à l'issue du délai d'un mois après cet avis d'inaptitude.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité.

Sur le licenciement :

M. [O] soutient que la société n'a pas pris en compte les préconisations du médecin du travail et a décidé cinq jours après l'avis définitif d'inaptitude de le convoquer à un entretien préalable au licenciement.

Il indique que l'employeur n'a pas communiqué les registres du personnel complets, et que sur les documents communiqués il est constaté que plusieurs postes administratifs étaient disponibles.

Par ailleurs la société aurait volontairement réduit le périmètre de reclassement alors qu'elle appartient au groupe Leclerc dans lequel l'activité, l'organisation et le lieu d'exploitation permettent d'effectuer des permutations de personnel.

Le salarié fait valoir qu'il existe une gestion commune du personnel puisque la personne qui communique avec le médecin du travail est le manager RH du groupe «Socamil/Galec/e-leclerc'.

Pour sa part, la SA Socamil conteste appartenir à un groupe constituant le périmètre de recherche de reclassement.

Elle explique être une société juridiquement indépendante participant à un réseau de distribution et indique que ce mouvement est structuré autour d'une association (l'ACDLEC) qui décide de l'attribution de l'enseigne aux adhérents et définit une politique commerciale commune, d'un groupement d'achats (le GALEC) et de coopératives régionales qui d'une part permettent de grouper les achats, d'autre part assurent des fonctions logistiques au bénéfice des magasins, la mise en commun de ces moyens ayant pour objet de permettre d'offrir les meilleurs tarifs possibles aux consommateurs.

Il n'existe dans ce réseau de distribution aucune organisation du personnel ni aucune organisation de nature à permettre la permutation de tout ou partie du personnel, ni aucune politique commune de gestion des ressources humaines.

Par ailleurs, la société indique avoir échangé de manière régulière avec la médecine du travail pour trouver une solution de reclassement, mais qu'il n'existait aucun poste disponible et notamment aucun poste administratif. Elle produit en ce sens son registre du personnel montrant qu'elle n'a recruté aucun salarié sur ce type de poste durant la période pendant laquelle elle était soumise à l'obligation de rechercher un reclassement.

L'absence de poste disponible a d'ailleurs été constatée par les délégués du personnel lors de la réunion du 27 juillet 2015.

La SA Socamil indique que le salarié invoque à tort le poste de Mme [Y] recrutée en qualité d'employée administrative du 19 au 24 décembre 2014, alors qu'à cette date le salarié n'était pas licencié et qu'il s'agissait d'un contrat à durée déterminée de quelques jours qui ne pouvait éviter le licenciement intervenu au mois d'août 2015.

Elle soutient que le salarié ne peut davantage invoquer le poste de Mme [L] recrutée en CDD du 20 juillet au 21 août 2015 alors qu'il s'agissait d'un emploi au service comptabilité pour lequel le salarié n'était pas qualifié.

Par ailleurs concernant le poste de M. [T] le 31 juillet 2015, il s'agissait d'un poste de contrôleur chargeur impliquant l'accomplissement de gestes incompatibles avec les restrictions médicales (manutention et conduite d'un engin de manutention).

S'agissant du poste de Mme [E] il a été pourvu le 12 septembre 2015, soit après le licenciement du 14 août 2015 et de surcroît il s'agissait d'un accroissement temporaire d'activité.

Le juge départiteur ne pouvait préjuger d'un processus de recrutement antérieur au licenciement du salarié alors qu'il n'est pas démontré que le poste était vacant avant le licenciement.

Sur ce,

Par application des dispositions de l'article L.1226-10 du code du travail dans leur rédaction applicable à la cause, si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise et après avis des délégués du personnel, un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste ou aménagement du temps de travail.

Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté.

L'inaptitude à tout poste dans l'entreprise constatée par le médecin du travail ne dispense pas l'employeur de rechercher l'existence d'une possibilité de reclassement du salarié, au sein de l'entreprise ou du groupe auquel elle appartient.

L'obligation de recherche de reclassement qui pèse sur l'employeur est impérative. Elle doit être sérieuse et loyale et être effectuée à l'égard des entreprises du groupe auquel appartient l'employeur concerné, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, après que l'inaptitude ait été constatée et avant la proposition à l'intéressé d'un poste de reclassement approprié à ses capacités.

Lors de la recherche de reclassement, l'employeur doit faire état de la situation précise du salarié dont le reclassement est recherché, c'est à dire du poste qu'il occupait, de ses compétences professionnelles et des restrictions émises par le médecin du travail.

Il appartient à l'employeur qui prétend s'être trouvé dans l'impossibilité d'effectuer un tel reclassement d'en rapporter la preuve et de justifier du périmètre des recherches mises en oeuvre.

S'agissant du périmètre de reclassement, M. [O] ne peut reprocher à l'employeur de ne pas avoir recherché de reclassement au niveau du 'groupe' dans la mesure où la société Socamil est une société n'appartenant pas à un groupe mais à un réseau de distribution composé de sociétés commerciales juridiquement indépendantes.

La circonstance selon laquelle ce réseau de distribution opère sous l'enseigne commune Leclerc, et est structuré autour d'une association définissant les orientations globales du réseau et assurant une politique d'achat commune, est insuffisante à faire preuve de la permutabilité du personnel entre les différentes sociétés de ce réseau n'ayant aucun lien capitalistique entre elles.

De plus, la cour constate que les parties ne produisent strictement aucune pièce de nature à établir l'existence d'une telle permutabilité.

M. [O] affirme qu'il existe une politique de recrutement commune au 'groupe' Leclerc en produisant un organigramme sur lequel figurent la centrale d'achat et l'association des centres distributeurs sans pour autant que ce document n'étaye son affirmation.

Enfin, la production du mail du 24 novembre 2014 par lequel Mme [F], Manager RH de la société Socamil, transmet un courrier au médecin du travail à partir d'une adresse mail 'Veronique [F]/socamil/galec/e-leclerc/fr' est insuffisante à démontrer l'existence d'une gestion des ressources humaines commune à un groupe.

S'agissant de l'obligation de reclassement interne incombant à la société Socamil, la cour considère que le délai relativement court de cinq jours séparant l'avis d'inaptitude du courrier par lequel l'employeur a indiqué au salarié qu'aucun poste n'était disponible ne saurait à lui seul démontrer l'absence de toute recherche de reclassement.

En effet les nombreux échanges avec la médecine du travail intervenus en amont de l'avis définitif d'inaptitude montrent la volonté de l'employeur d'adapter le poste du salarié pour le conserver dans ses effectifs ; ensuite à partir du 16 juillet 2015, point de départ de la période durant laquelle l'employeur était soumis à l'obligation de reclassement, celui-ci a écrit au salarié le 22 juillet 2015 pour l'associer à ces recherches de reclassement en le convoquant à cet effet à un entretien fixé au 27 juillet 2015 c'est-à-dire avant l'engagement de la procédure de licenciement. La société lui précisait qu'en cas d'impossibilité de se déplacer à cet entretien il pouvait faire valoir ses observations par courrier. M. [O] a répondu qu'il ne se déplacerait pas et n'a formulé aucune observation dans le sens de son reclassement.

Il est rappelé que dans son avis d'inaptitude le médecin du travail a préconisé un reclassement sur un poste de type administratif ou un poste sans station debout prolongée ni déplacement à pied répétitif ni port de charges, et que la société a pour activité principale la logistique.

La société Socamil justifie par la production de son registre unique du personnel qu'il n'existait aucun poste disponible de ce type en interne, comme le constataient également les délégués du personnel lors de leur réunion du 27 juillet 2015.

L'examen du registre du personnel montre que l'immense majorité des salariés est constituée de préparateurs de commandes, poste auquel le salarié était déclaré inapte, et qu'aucun poste administratif compatible avec l'état de santé et les compétences du salarié n'était disponible durant la période de recherche de reclassement (16 juillet au 14 août 2015).

Le seul poste compatible avec l'état de santé du salarié ayant fait l'objet d'un recrutement durant cette période est celui de Mme [L], recrutée en contrat à durée déterminée du 20 juillet au 21 août 2015 mais il s'agissait d'un emploi nécessitant des compétences comptables, et M. [O] ne contredit pas la société lorsqu'elle affirme que le salarié ne disposait d'aucune compétence ni qualification dans ce domaine.

S'agissant du poste de contrôleur chargeur pourvu par M. [T] en contrat à durée déterminée le 31 juillet 2015, la liste des tâches figurant au contrat de ce salarié montre clairement que le poste était incompatible avec l'état de santé de M. [O] et l'avis du médecin du travail prohibant les stations debout prolongées et la manutention, puisqu' y figurent des tâches de chargement de palettes dans les camions, des tâches de préparation et de déchargement ainsi que des opérations de contrôle sur la zone de chargement et les quais, ce qui implique de la manutention, une station debout prolongée et des déplacements à pied répétitifs.

S'agissant enfin de l'embauche de Mme [E] sur un poste administratif le 10 septembre 2015, la cour observe qu'il s'agissait d'un recrutement postérieur de près d'un mois au prononcé du licenciement, et effectué dans le cadre d'un contrat à durée déterminée pour accroissement temporaire d'activité.

Contrairement à ce qu'a retenu le juge départiteur, il n'est pas permis de considérer qu'un tel recrutement laissait supposer que les besoins étaient connus de l'employeur avant de licencier le salarié alors qu'aucune pièce ne vient étayer cette supposition ; il est rappelé que l'employeur n'était plus soumis à l'obligation de rechercher un reclassement depuis le 14 août 2015.

En conséquence la cour considère par infirmation du jugement déféré que ces éléments ne permettent pas de retenir une violation par l'employeur de son obligation de reclassement.

Les demandes présentées par M. [O] au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse seront en conséquence rejetées.

Sur le surplus des demandes :

M. [O], échouant en son procès, sera condamné aux dépens de première instance par infirmation du jugement entrepris ainsi qu'aux dépens d'appel.

Le jugement sera encore infirmé en ses dispositions sur les frais irrépétibles.

Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [O] de ses demandes de liquidation d'astreinte, de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail,

L'infirme sur le surplus,

Statuant à nouveau, et y ajoutant,

Dit et juge que le licenciement pour inaptitude de M. [O] repose sur une cause réelle et sérieuse,

Déboute M. [O] de sa demande de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [O] aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Caroline PARANT, présidente, et par Eve LAUNAY, greffière.

La greffièreLa présidente

Eve LAUNAYCaroline PARANT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 2
Numéro d'arrêt : 18/02985
Date de la décision : 20/11/2020

Références :

Cour d'appel de Toulouse 42, arrêt n°18/02985 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-20;18.02985 ?
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