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12/10/2020 | FRANCE | N°18/04771

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 12 octobre 2020, 18/04771


12/10/2020



ARRÊT N°



N° RG 18/04771 - N° Portalis DBVI-V-B7C-MUAY

CB/NB



Décision déférée du 09 Octobre 2018 - Tribunal de Grande Instance de MONTAUBAN - 18/00296

(M. [U])

















[S] [C]





C/



[H] [C]











































CONFIRMATION

























Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU DOUZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT

***



APPELANT



Monsieur [S] [C]

[W] [T]

[Localité 8]

Représenté par Me Isabelle THULLIEZ, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE







INTIME



Monsieur [H]...

12/10/2020

ARRÊT N°

N° RG 18/04771 - N° Portalis DBVI-V-B7C-MUAY

CB/NB

Décision déférée du 09 Octobre 2018 - Tribunal de Grande Instance de MONTAUBAN - 18/00296

(M. [U])

[S] [C]

C/

[H] [C]

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU DOUZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT

***

APPELANT

Monsieur [S] [C]

[W] [T]

[Localité 8]

Représenté par Me Isabelle THULLIEZ, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

INTIME

Monsieur [H] [C]

Laurençon

[Localité 8]

Représenté par Me Jean CAMBRIEL de la SCP CAMBRIEL - DE MALAFOSSE - STREMOOUHOFF - GERBAUD COUTURE-ZOU ANIA, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, modifié par l'article 6 de l'ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020, portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale en raison de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 pour faire face à l'épidémie de Covid-19 modifié par l'article 1er I de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire, l'affaire a été traitée selon la procédure sans audience, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés.

La Cour était composée lors du délibéré de :

C. BELIERES, président

C. ROUGER, conseiller

C. MULLER, conseiller

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. BELIERES, président, et par L. SAINT LOUIS AUGUSTIN, greffier de chambre.

Exposé des faits et procédure

Par acte du 12 février 1996 les époux [A] et [B] [C] ont consenti une donation-partage au profit de leurs enfants, [S], [H] et [I] [C] aux termes de laquelle M. [S] [C] est devenu propriétaire de la parcelle située commune de Saint Vincent d'Autéjac (82) cadastrée section B n° [Cadastre 6] sur laquelle avait été creusé un puits en 1967 qui, avant ce partage, aurait desservi en eau d'irrigation l'ensemble de l'exploitation agricole des donateurs, dont une partie a été attribuée à M. [H] [C].

Mme [B] [C] et M. [A] [C] sont respectivement décédés le [Date décès 5] 1997 et le [Date décès 7] 2014 et dans son testament daté du 11 juillet 2010, ce dernier a indiqué vouloir que 'ce puits reste en indivision entre mes deux fils [S] et [H] afin qu'ils puissent s'en servir ensemble'.

En décembre 2017, l'alimentation en eau des terres de M. [A] [C] a été coupée depuis le puits situé sur la propriété de son frère M. [S] [C] suivant procès-verbal de constat d'huissier en date du 19 décembre 2017.

La mise en demeure adressée par M. [A] [C] à M. [S] [C] le 25 janvier 2018 par lettre recommandée avec accusé de réception d'avoir à rétablir sans délai l'usage du puits est restée vaine.

Par acte d'huissier de justice en date du 9 avril 2018 M. [H] [C] a fait assigner M. [S] [C] devant le tribunal de grande instance de Montauban aux fins de lui reconnaître le bénéfice d'une servitude de puisage.

Par jugement du 9 octobre 2018 assorti de l'exécution provisoire cette juridiction a

- dit que M. [H] [C] ne bénéficie pas d'une servitude de puisage

Avant dire droit sur l'obligation naturelle alléguée,

- ordonné une mesure de constatation conformément aux articles 249 à 255 du code de procédure civile et commis pour y procéder M. [V] avec notamment pour mission de vérifier et décrire très précisément l'installation actuelle de pompage installée sur la parcelle B [Cadastre 6] d'[S] [C], de vérifier l'implantation du nouveau puits, sa proximité avec le puits plus ancien et si dernier est toujours en état de fonctionner, de vérifier et décrire, au besoin après avoir fait procéder à tous déblaiements ou excavations qui seraient nécessaires, si la parcelle B [Cadastre 1] de M. [H] [C] est ou a été alimentée physiquement en eau provenant des installations de pompage sises sur la parcelle B [Cadastre 6], de vérifier notamment au vu du procès-verbal de constat d'huissier du 19 décembre 2017 si l'installation décrite dans le bâtiment sur la parcelle B [Cadastre 1] est effectivement une arrivée directe d'un puits se trouvant sur la parcelle B [Cadastre 6]

- réservé toutes autres demandes.

Pour statuer ainsi et refuser à M. [H] [C] le bénéfice d'une servitude de puisage, elle a considéré que l'alimentation en eau par le puits se faisant au moyen d'un ouvrage dans un bâtiment situé sur le fonds de M. [H] [C] comprenant un tuyau directement branché sur le puits équipé de boîtiers électriques et d'une vanne dont l'ouverture et la fermeture permet l'écoulement dans les canalisations et que les commandes de fonctionnement du système se trouvent dans un hangar situé sur le fonds de M.[S] [C], le tout fonctionnant par la main de l'homme, il ne peut s'agir en droit d'une servitude continue au sens de l'article 688 du code civil car, si elle est apparente conformément à l'article 689 du code civil, elle ne répond pas aux critères édictés par l'article 692 du même code pour la constitution de servitude par destination du père de famille, à défaut de titre ; sur la prétention de M. [H] [C] à voir déclarer son frère débiteur d'une obligation naturelle à son égard muée en obligation civile, elle a relevé que l'installation de pompage avait subi en 2000 des travaux de rénovation qui auraient consisté notamment en un agrandissement du puits existant et la pose de canalisations et câblages électriques enterrés financés par l'Earl de [W] [T] gérée par M. [S] [C], auraient comporté une amenée d'eau sur la parcelle de son frère de sorte qu'il n'y aurait qu'un seul forage sur la nappe, même si sur le terrain l'huissier a pu constater la présence côte à côte de l'ancien puits originel devenu inutilisable et du nouveau puits 'jumeau' équipé en 2000 ; elle a, avant dire droit, ordonné une mesure de constatation conformément à l'article 249 du code de procédure civile dès lors que M. [S] [C] prétend qu'il n'est pas exactement démontré que son puits aurait alimenté la parcelle de son frère.

Par déclaration du 16 novembre 2018 M. [S] [C] a interjeté appel de cette décision en critiquant l'ensemble de ses dispositions.

Par jugement du 30 avril 2019 le tribunal a, à la demande des parties, et au visa des articles 101 et 102 du code de procédure civile renvoyé l'entier examen de l'affaire à la cour d'appel après exécution de la mesure d'instruction.

Prétentions et moyens des parties

M. [S] [C] demande dans ses conclusions du [Date décès 7] 2019, au visa des articles 4, 5 et 16 du code de procédure civile, de

- annuler le jugement

Statuant sur le fond,

- débouter M. [H] [C] de l'intégralité de ses demandes

A titre subsidiaire,

- réformer la décision entreprise

- débouter M. [H] [C] de l'intégralité de ses demandes

En toute hypothèse,

- condamner M. [H] [C] au paiement de la somme de 2.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- le condamner aux entiers frais et dépens, tant de première instance que d'appel.

Il fait valoir que le premier juge a modifié l'objet du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile dans la mesure où les prétentions de M. [H] [C] tendaient à la reconnaissance d'une servitude de passage sur la parcelle B [Cadastre 6], au profit de la parcelle B [Cadastre 1], prétention qu'il fondait à titre principal sur l'existence d'un aveu et subsidiairement sur l'existence d'une obligation naturelle transformée en obligation civile et donc à la reconnaissance d'un droit réel fondé sur deux moyens de droit et en aucun cas à la reconnaissance d'une obligation personnelle qu'il aurait contractée, d'autant qu'il n'a pas invité les parties à s'expliquer sur ce point en violation de l'article 16 du code de procédure civile ; il ajoute que M. [H] [C] n'a aucune qualité pour se prétendre personnellement créancier d'une obligation d'amenée d'eau puisqu'il n'exploite pas personnellement le fonds agricole dont il est propriétaire, lequel est exploité depuis 1993 par l'Earl de Laurençon et que lui-même ne peut en aucun cas être tenu pour débiteur d'une obligation à cet égard puisque depuis le 1er janvier 1994 il n'exploite pas personnellement les terres qui lui appartiennent, l'installation de pompage litigieuse étant la propriété de l'Earl [W] [T] qui l'a intégralement financée.

Il conclut au rejet des prétentions de M. [H] [C].

Il rappelle que la servitude de puisage est une servitude discontinue qui, en vertu de l'article 691 du code civil, ne peut s'acquérir que par titre, que son frère ne démontre pas qu'une telle servitude aurait été consentie par la parcelle B [Cadastre 6] au profit de la parcelle B [Cadastre 1], qu'il ne peut se prévaloir des termes du testament de M. [A] [C] rédigé en 2010, à une époque où il n'était déjà plus propriétaire des parcelles litigieuses, d'autant que cet acte fait simplement référence à son souhait de voir ses deux fils avoir un usage commun du puits.

Il soutient qu'une servitude discontinue ne peut être reconnue que s'il existe un signe apparent de servitude à la date à laquelle le propriétaire des deux héritages dispose de l'un d'eux, caractérisant l'intention de l'auteur commun d'assujettir l'une des propriétés issues de la division au profit de l'autre, alors que la charge de la preuve pèse sur celui qui se prévaut de la servitude ; il souligne que l'acte de donation partage du 29 décembre 1992 aux termes duquel les fonds ont été divisés ne comporte aucune mention d'une servitude de puisage et qu'il n'est pas démontré l'existence à cette date de signes apparents d'une telle servitude ; il fait valoir que les attestations versées aux débats ne peuvent suppléer l'absence de commencement de preuve par écrit, d'autant que les témoignages se contentent d'indiquer qu'il y avait une installation de pompage permettant de desservir la maison d'habitation et la ferme constituée de plusieurs bâtiments d'exploitation implantés sur plusieurs parcelles sans aucunement indiquer que cette desserte concernait la parcelle [Cadastre 1], qu'en particulier plusieurs bâtiments accueillant un élevage de veaux étaient implantés sur la parcelle [Cadastre 3] qu'il a personnellement reçue dans le cadre de la donation-partage et qui était alimentée par l'eau du puits, comme attesté par le témoignage de M. [R] produit par [H] [C] lui-même ; il ajoute que la présence d'un ancien ballon d'eau sur la parcelle [Cadastre 1] ne permet pas de l'assimiler à un signe apparent de servitude car il existe un ancien puits sur la parcelle [Cadastre 6] qui a desservi son propre élevage de veaux jusqu'aux années 2000, date à laquelle il a creusé un nouveau puits ; il en déduit que la servitude dont se prévaut M. [H] [C] n'a pas été constituée du chef de leur auteur commun.

Il conteste toute faculté offerte à M. [H] [C] de puiser l'eau, ce qui constituerait un aveu ou une obligation naturelle transformée en obligation civile, puisque l'installation actuelle a été faite dans le courant de l'année 2000 soit postérieurement à la division et entièrement financée par lui, que la tolérance de l'exercice prolongé d'un droit de puisage ne constitue pas un aveu au sens de l'article 1383 du code civil en l'absence de manifestation non équivoque de volonté de reconnaître pour vrai un fait de nature à produire contre lui des effets juridiques, d'autant que l'aveu même non équivoque n'est pas admis comme mode de preuve d'une servitude discontinue qui, en vertu de l'article 695 du même code ne peuvent s'acquérir par prescription mais seulement que par un titre recognitif émanant du propriétaire du fonds asservi.

Il prétend qu'il n'est, en outre, nullement démontré que M. [H] [C] aurait effectivement bénéficié pour sa parcelle [Cadastre 1] d'un droit de puisage sur la parcelle [Cadastre 6] puisque selon constat d'huissier du 21 juin 2018 il existe deux puits sur cette dernière parcelle [Cadastre 6], un vieux puits qui paraît être celui construit par l'auteur des parties qui ne comporte aucune pompe ni installation et un second puits, plus récent dans lequel se trouve intégrée une seconde pompe qui ne fonctionne plus, que s'il existe une conduite d'eau au niveau du bâtiment appartenant à M. [H] [C], celle -ci est bouchée par un scotch adhésif et n'est pas raccordée au bâtiment, rien ne permettant d'affirmer qu'elle ait jamais été branchée à la conduite principale ; il critique le rapport de M. [V] en ce qu'il croit pouvoir affirmer que la parcelle B [Cadastre 1] a été alimentée physiquement en eau provenant de l'installation de pompage, les dispositions de l'article 249 et suivants du code de procédure civile ne permettant pas à ce technicien judiciaire de porter un avis sur les conséquences de fait ou de droit pouvant en résulter, d'autant qu'il a seulement constaté la présence d'une conduite provenant du puits terminée par un T dont une branche était connectée à son bâtiment et l'autre bouchée et la présence à proximité d'une conduite permettant d'alimenter le bâtiment de son frère mais qui n'était pas connectée à la conduite principale.

Il en déduit que c'est à tort que [H] [C] affirme que son frère lui a accordé une droit de puisage en assumant la remise en état de l'installation dont il prétend qu'une partie du réseau d'eau desservait son exploitation, ce qui n'est pas démontré en l'absence de commencement de preuve par écrit et en présence d'attestation ([R], [L]) ne précisant pas la date à laquelle a été construite la tranchée destinée à accueillir la canalisation d'arrivée d'eau ni les parcelles desservies et les photos versées aux débats ne permettant pas de prouver une servitude de puisage, d'autant qu'elles ne sont pas datées.

Il ajoute que la servitude alléguée ne peut résulter d'une obligation naturelle qu'il aurait volontairement exécutée pour honorer le voeu de son père porté dans son testament puisque M. [H] [C] a, en cause d'appel, renoncé à se prévaloir d'une servitude de puisage constituée par son père antérieurement à la division de son fonds pour affirmer que son frère [S] aurait constitué une telle servitude sur l'installation nouvellement créée en 2000 qui ne peut donc être concernée par le testament et que le vieux puits n'était équipé d'aucune installation de pompage ; il fait, en outre, remarquer que si l'accomplissement d'une obligation naturelle peut constituer une source d'obligation, elle ne peut consister qu'en un droit personnel et non en un droit réel mais qu'aucun des deux frères n'exploite les terres litigieuses qui sont mises à disposition de deux personnes morales non appelées dans la cause.

Subsidiairement, il fait valoir que le jugement a, à juste titre, rejeté les demandes de M. [H] [C] sur la servitude de puisage mais mentionne à tort dans son dispositif que M. [H] [C] ne bénéficie pas d'une servitude de puisage alors qu'il s'agit d'un droit réel et non d'un droit personnel de sorte qu'il convient de dire que la parcelle B [Cadastre 4] commune de Saint Vincent d'Autéjac ne bénéficie pas d'une servitude de puisage sur la parcelle B [Cadastre 6] de la même commune.

Il indique s'opposer à toute mesure d'instruction avant dire droit pour les motifs déjà énoncés.

M. [H] [C] demande dans ses conclusions du 18 avril 2019, au visa de l'article 1100 du Code civil, de

- dire que M. [S] [C] s'est reconnu débiteur d'une obligation naturelle pour respecter les volontés de son père

- dire en conséquence qu'il est autorisé à puiser de l'eau du puits situé sur la parcelle cadastrée section B n° [Cadastre 6] et à utiliser le réseau de distribution en place

- condamner M. [S] [C] à rétablir sans délai l'usage de puits à son bénéfice et ce sous astreinte de 400 € par infraction constatée outre les frais d'huissier qui seraient rendus nécessaires pour la constatation de l'infraction

- condamner M. [S] [C] à lui payer la somme de 3.500 € par application de l'article 700, 1° du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel qui comprendront notamment le coût du procès-verbal de constat établi par Me [O] le 19 décembre 2017 ainsi que le coût de la consultation confiée à M. [V].

Il s'oppose à toute nullité du jugement qui n'a nullement statué au-delà des demandes présentées puisque, s'il a sollicité à titre principal la reconnaissance de l'existence d'une servitude de puisage, il a également à titre subsidiaire demandé de se voir reconnaître sur le fondement de l'article 1100 du code civil le bénéfice d'une obligation naturelle, d'autant que M. [S] [C] a expressément répondu aux moyens développés à l'appui.

Il fait valoir qu'en vertu de ce dernier texte les obligations peuvent naître de l'exécution volontaire ou de la promesse d'exécution d'un devoir de conscience envers autrui, qu'il y a notamment obligation naturelle des héritiers à exécuter un voeu exprimé par le testateur, que le débiteur peut par un acte de volonté non équivoque valablement transformer en obligation civile l'obligation naturelle qu'il a conscience d'assumer, que l'engagement unilatéral pris en connaissance de cause d'exécuter une obligation naturelle transforme celle-ci en obligation civile.

Il souligne que depuis 1996, date de la donation partage jusqu'en décembre 2017 M. [S] [C] a honoré la volonté de son père durant sa vie et postérieurement à son décès survenu le [Date décès 7] 2014 dans le respect des termes du testament.

Il soutient que le fait que l'ancien puits ne soit plus équipé d'aucune installation de pompage est indifférent dès lors que le premier puits a été creusé en 1967 et a permis de desservir en eau sa propriété et celle de M. [S] [C] jusqu'en 2000, qu'en 2000 il a été décidé de creuser juste à côté de l'ancien puits un nouveau puits permettant de bénéficier d'une réserve d'eau plus importante et d'installer un nouveau réseau qui a desservi les deux fonds comme le faisait l'ancien, ainsi qu'a pu le constater M. [V] désigné comme constatant judiciaire, et ce pendant 18 ans de 2000 à 2017 date où le tuyau alimentant la parcelle B [Cadastre 1] a été débranché (T d'irrigation bouchonné et neutralisé).

Il conteste que M. [S] [C] ait financé seul l'installation du nouveau puits, même s'il ne peut le prouver, et souligne que la nouvelle installation a effectivement permis de distribuer en eau sa propriété pour la période 2000 à 20017 et donc tant durant la vie de [E] [A] [C] qu'après son décès, de sorte qu'en procédant en 2000 au financement de la remise en état du puits et de son réseau d'amenée d'eau dont partie dessert l'exploitation de son frère, M. [S] [C] a matérialisé son engagement unilatéral d'exécuter l'obligation naturelle de respecter les voeux de son père.

Il affirme que son exploitation a bénéficié d'un usage prolongé de l'eau en provenance du puits situé sur la parcelle B [Cadastre 6] depuis la donation partage de 1996 à décembre 2017 soit pendant 21 ans.

Il précise qu'il ne demande pas que soit constitué un droit réel mais que lui soit reconnu un droit personnel de pomper l'eau sur le puits de la parcelle B [Cadastre 6].

Motifs de la décision

Sur la procédure

Aux termes de l'article 4 du code de procédure civile l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et en vertu de l'article 5 du même code le juge doit se prononcer seulement sur ce qui est demandé.

Le tribunal ne s'est nullement affranchi de cette règle puisque M. [H] [C] sollicitait, tant dans les motifs que le dispositif de ses dernières conclusions 'n° 2 complémentaires' au visa de l'article 1100 du code civil, de 'dire qu'en laissant son frère puiser l'eau pendant 17 ans et en procédant au financement du réseau d'amenée d'eau à la propriété de son frère, M. [S] [C] s'est reconnu débiteur d'une obligation naturelle pour respecter les volontés de son père et de dire que cette obligation naturelle s'est transformée en obligation civile, la parcelle cadastrée section B n° [Cadastre 1] bénéficiant d'une servitude de puisage sur le puits installé sur la parcelle située commune de Saint Vincent D'Autéjac cadastré section B [Cadastre 6]..'.

Ce fondement juridique était bien dans le débat et a été contradictoirement examiné.

Le tribunal a, certes, écarté la déduction que M. [H] [C] voulait faire à savoir le bénéfice d'une servitude de puisage en indiquant 'peu important que le demandeur ait ajouté, à tort, qu'elle aboutit à caractériser une servitude'.

Mais il n'a pas pour autant modifié l'objet du litige au sens de l'article 4 du code de procédure civile dans la mesure où la demande portait sur la reconnaissance d'un droit de puisage, qu'il appartient au juge en vertu de l'article 12 du code de procédure civile de restituer aux faits leur exacte qualification juridique et qu'il a ordonné, 'avant dire droit sur l'obligation naturelle alléguée', une mesure d'instruction pour connaître la situation de fait réelle avant de pouvoir en faire une analyse juridique.

Au demeurant, M. [S] [C] a conclu en réponse sur le moyen soulevé de l'existence d'une obligation naturelle en exposant qu'elle se heurtait à 'trois difficultés juridiques majeures' et en soutenant 'surtout, si l'accomplissement d'une obligation naturelle peut constituer une source d'obligation, il s'agit de droit personnel...' de sorte qu'aucune atteinte au principe du contradictoire n'est démontrée.

Aucune nullité du jugement n'est donc encourue.

Sur la servitude de puisage

En cause d'appel, M. [H] [C] ne formule plus aucun demande tendant à la reconnaissance d'une servitude de puisage grevant le fonds section B n° [Cadastre 6] de M. [S] [C] au profit de son fonds section B n° [Cadastre 1].

Il convient de lui en donner acte, étant précisé que le tribunal l'a débouté de cette demande.

Sur l'obligation naturelle

Aux termes de l'article 1100 du code civil les obligations naissent d'actes juridiques, de faits juridiques ou de l'autorité de la seule loi ; elles peuvent naître de l'exécution volontaire ou de la promesse d'exécution d'un devoir de conscience envers autrui.

Jusqu'au [Date décès 7] 1996 les parcelles n° [Cadastre 6] et n° [Cadastre 1] appartenaient à M. [A] [C], père de M. [H] [C] et de M. [S] [C], qui les leur a respectivement attribuées suivant acte de donation partage.

La parcelle n° [Cadastre 6] disposait depuis 1967 d'un puits avec station de pompage dont l'eau alimentait également la parcelle [Cadastre 1] grâce à une installation d'arrivée en provenance dudit puits et la situation a persisté avec le creusement en 2000, à moins d'un mètre du précédent, d'un nouveau puits qui a désormais assuré cette alimentation grâce à une nouvelle pompe électrique et des canalisations enterrées.

Il y a obligation naturelle entre frères afin de remplir un devoir de conscience à maintenir de la part de l'un, malgré le partage et en l'absence de titre, un usage préexistant depuis près d'une vingtaine d'années au profit de l'autre.

Par ailleurs, dans son testament olographe du 11 juillet 2012, le donateur, M. [A] [C] a exprimé le désir de voir persister ce bénéfice commun du puisage puisqu'il a notamment indiqué 'concernant le puits se trouvant en contrebas de la ferme, l'ayant moi-même construit et payé, souhaite que ce puits reste en indivision entre mes deux fils [S] et [H] afin qu'ils puissent s'en servir ensemble. En espérant que mes choix seront respectés avec dignité, calme et sagesse'.

Il y a obligation naturelle des héritiers à exécuter un voeu exprimé par le testateur.

Cette obligation naturelle a été transformée en obligation civile par M. [S] [C] qui a, de manière claire et non équivoque, pris l'engagement précis de l'exécuter.

En vertu du principe du consensualisme, il n'y a pas de formalisme particulier à respecter pour transformer une obligation naturelle en obligation civile ; si l'article 1341 devenu 1359 du code civil impose un écrit s'agissant d'un acte juridique l'article 1348 devenu 1360 autorise la liberté de preuve en cas d'impossibilité de produire un écrit pour une raison morale, ce qui doit être admis en l'espèce en raison des liens familiaux unissant [H] [C] et [S] [C]

L'exécution volontaire de l'alimentation en eau de puisage au profit de [H] [C] ressort de manière certaine de son exécution ininterrompue depuis 1996, date à laquelle [S] [C] est devenu propriétaire de la parcelle cadastrée section B n° [Cadastre 6] abritant le puits jusqu'en décembre 2017, date à laquelle il y a mis fin.

Le puits ancien creusé en 1967 permettait effectivement de desservir en eau les fonds B [Cadastre 6] et B [Cadastre 1] ; le technicien judiciaire a noté 'l'existence d'un ancien local technique vide, l'ancienne station de pompage a été supprimée.. le puits (ancien) se trouve à 10 cms de l'ancien local technique... avec un niveau d'eau à quatre mètres du bord du puits' ; il a constaté que 'côté local technique sur la buse, à 20 cm du bord supérieur (du puits), on note la présence d'un orifice ancien emplacement de la canalisation de la pompe'.

Le nouveau puits creusé en 2000 sur le fonds n° [Cadastre 6], qui 'se trouve à 80 cm à gauche de l'ancien et en recul par rapport à celui-ci ...avec une eau qui se trouve au même niveau que l'ancien puits... avec une pompe côté champ parcelle [Cadastre 6]" a continué à desservir le fonds n° [Cadastre 1].

A l'issue d'investigations menées contradictoirement M. [V] indique que 'Au droit de l'excavation se trouve un ballon et le mécanisme de fonctionnement, l'ensemble fonctionne'

Il décrit les différents constats effectués au fur et à mesure des déblaiements, dégagements de terre ayant mis à jour canalisations, tuyaux, gaines tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du bâtiment de M. [S] [C] et du bâtiment de M. [H] [C].

Il note 'la présence d'un T de raccord de tuyau avec à gauche une canalisation venant du puits, l'autre extrémité étant bouchonnée. Une gaine technique orange contenant un câble électrique a été mise à jour ; il a été déconnecté des commandes de fonctionnement du puits ; il se trouvait dans le sens de pénétration du bâtiment ; en dessous du T se trouve un tuyau sectionné de 40 mm de diamètre qui se dirige sur le bâtiment se trouvant sur la parcelle [Cadastre 1] appartenant à M. [H] [C] ; la coupure n'est pas nette, l'intérieur est propre..les deux tuyaux en polyéthylènes sont identiques et dans le même prolongement' ; il en conclut que 'La parcelle B [Cadastre 1] de [H] [C] a été alimentée physiquement en eau provenant de l'installation de pompage sise sur la parcelle B [Cadastre 6] avant que le tuyau alimentant la parcelle B [Cadastre 1] ne soit débranché, le T de dérivation a été découvert bouchonné et neutralisé'....

Il indique que 'Dans l'angle intérieur gauche du bâtiment A de M. [H] [C] se trouve une dalle béton avec posé dessus un ballon servant au pompage d'un puits (citerne de répartition de pression). On trouve à l'extrémité une canalisation en polyéthylène de 40 mm de diamètre et une seconde de 32 mm de diamètre dont l'extrémité est recouverte d'une adhésif orange et une gaine électrique orange. Cette alimentation électrique permettait d'être connecté par l'intermédiaire des commandes de fonctionnement du puits situés dans le hangar D de M. [S] [C]. Il a été constaté contradictoirement que le câble contenu dans cette gaine se trouve déconnecté desdites commandes.

Il précise, après réalisation d'une mise en eau, que 'la canalisation en polyéthylène de 40 mm de diamètre se trouvant à l'intérieur du bâtiment de la parcelle B [Cadastre 1] appartenant à [H] [C], dont l'installation est décrite dans le procès-verbal de constat du 19 décembre 2017 de Me [O], est effectivement une arrivée directe du puits se trouvant sur la parcelle B [Cadastre 6]. La seconde de 32 mm de diamètre serait un retour pour alimenter le bâtiment de M. [S][C]'.

Ainsi le nouveau puits sur la parcelle de M. [S] [C] a continué comme l'ancien à desservir durant la période de 2000 à 2017 soit pendant plus de 17 ans le fonds de M. [H] [C].

Cette desserte a été maintenue lors du creusement d'un nouveau puits et d'une nouvelle installation en 2000, que ce soit du vivant du père ou après son décès le [Date décès 7] 2014.

Ces circonstances caractérisent suffisamment la volonté de M. [S] [C] de transformer l'obligation naturelle en obligation civile, qui devient, dès lors susceptible d'exécution forcée.

Le fait que M. [S] [C] ait ou non financé lui-même l'installation actuelle est, à cet égard, indifférent, tout comme le fait que la parcelle [Cadastre 2] a été mise à disposition d'une Earl de Laurençon dont M. [H] [C], qui détient plus de 50 % des parts, est déclaré associé exploitant, ladite convention de mise à disposition étant subordonnée au maintien de sa qualité d'associé.

Par ailleurs, cette obligation revêt une nature personnelle et non réelle, ce droit d'usage étant attaché à son bénéficiaire et non à la parcelle desservie.

Il convient dès lors de faire droit à la demande de rétablissement de l'usage du puits au bénéfice de [H] [C], comme sollicité.

Sur les demandes annexes

M. [S] [C] qui succombe supportera la charge des dépens de première instance en ce compris les frais de la mesure d'instruction et les dépens d'appel et doit être débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité et la nature de l'affaire conduisent à ne pas faire droit à la demande présentée par M. [H] [C] au titre des frais irrépétibles exposés devant le tribunal et la cour.

Par ces motifs

La Cour,

- Dit n'y avoir lieu à annulation du jugement.

- Confirme le jugement.

Y ajoutant,

- Dit que M. [S] [C] a transformé une obligation naturelle d'autorisation d'usage de l'eau et du réseau de distribution du puits implanté sur la parcelle cadastrée section B n° [Cadastre 6] commune de Saint Vincent d'Autéjac (82) en obligation civile de nature personnelle au bénéfice de M. [H] [C].

- Condamne M. [S] [C] à rétablir l'usage du puits implanté sur la parcelle cadastrée section B n° [Cadastre 6] au profit de M. [H] [C], dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, sous astreinte provisoire de 150 € par infraction constatée suivant constat d'huissier et courant pendant une durée six mois.

- Dit que la charge finale des frais de constat d'huissier que M. [H] [C] serait contraint d'exposer à ce titre sera intégralement supportée par M. [S] [C].

- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.

- Condamne M. [S] [C] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Le greffierLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 18/04771
Date de la décision : 12/10/2020

Références :

Cour d'appel de Toulouse 11, arrêt n°18/04771 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-10-12;18.04771 ?
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