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24/07/2020 | FRANCE | N°19/00672

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 2, 24 juillet 2020, 19/00672


24/07/2020





ARRÊT N°





N° RG 19/00672 - N° Portalis DBVI-V-B7D-MYWQ


FCC/SK





Décision déférée du 25 Janvier 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTAUBAN ( F 18/00066)


I. C...


























SA DALTA








C/





Q... U...






























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INFIRMATION PARTIELLE











Grosse délivrée





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à


REPUBLIQUE FRANCAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


***


COUR D'APPEL DE TOULOUSE


4eme Chambre Section 2


***


ARRÊT DU VINGT QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT


***





APPELANTE





SA DALTA


Z.I


[...]





Re...

24/07/2020

ARRÊT N°

N° RG 19/00672 - N° Portalis DBVI-V-B7D-MYWQ

FCC/SK

Décision déférée du 25 Janvier 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTAUBAN ( F 18/00066)

I. C...

SA DALTA

C/

Q... U...

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU VINGT QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT

***

APPELANTE

SA DALTA

Z.I

[...]

Représentée par Me Thierry DEVILLE de la SARL ALIZE 360, avocat au barreau du TARN-ET-GARONNE

INTIMÉE

Madame Q... U...

[...]

[...]

Représentée par Me Alexandra GUIGONIS de la SELAS JEAN-CLAUDE MARTY, avocat postulant au barreau de TOULOUSE

Représentée par la SELARL LAMBERT-VERNAY & Associés, avocat plaidant au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR

Affaire retenue sans audience en application des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 et modifié par l'article 6 de l'ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale en raison de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 pour faire face à l'épidémie de Covid-19 modifiée par la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire.

Caroline PARANT, présidente

Alexandra PIERRE-BLANCHARD, conseillère

Florence CROISILLE-CABROL, conseillère

Greffier : Eve LAUNAY

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

- signé par Caroline PARANT, présidente, et par Eve LAUNAY, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme Q... U... a été embauchée en contrat à durée indéterminée à compter du 18 décembre 2006 par la SA Dalta en qualité de chimiste, statut cadre. Mme Q... U... était classée au coefficient 350. La convention collective nationale applicable était celle des industries de la chimie.

Par LRAR du 22 avril 2015, la SA Dalta a adressé à Mme Q... U... un avertissement pour retards répétés depuis le début de l'année, que la salariée a contesté par LRAR du 23 septembre 2015.

Par lettre remise en main propre du 24 septembre 2015, la SA Dalta a convoqué Mme Q... U... à un entretien préalable à un éventuel licenciement en date du 1er octobre 2015, avec mise à pied conservatoire, puis elle lui a, par LRAR du 12 octobre 2015, notifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse pour persistance de retards, et refus d'assurer une formation et de répondre à un mail. Le contrat de travail a pris fin au 13 janvier 2016. La SA Dalta a dispensé Mme Q... U... d'effectuer son préavis de 3 mois, qu'elle lui a rémunéré.

Le 16 février 2016, Mme Q... U... a saisi le conseil de prud'hommes de Montauban. L'affaire a été radiée par décision du 8 septembre 2017, puis réinscrite sur conclusions déposées par Mme Q... U... le 6 mars 2018. En dernier lieu, elle a demandé notamment l'annulation de l'avertissement et le paiement d'un rappel de salaires au coefficient 550 ou à titre subsidiaire 460, de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, de dommages et intérêts pour avertissement nul, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire et d'un rappel pour solde de tout compte.

Par jugement du 25 janvier 2019, le conseil de prud'hommes de Montauban a :

- annulé l'avertissement du 22 avril 2015,

- dit que le licenciement de Mme Q... U... était sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la SA Dalta à payer à Mme Q... U... les sommes suivantes :

* 29.624,45 € de rappels de salaires, outre 2.962,44 € de congés payés afférents,

* 1.500 € de dommages et intérêts pour avertissement injustifié,

* 60.000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 700 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné la remise d'un bulletin de paie et d'une attestation Pôle Emploi conformes aux décisions prononcées,

- dit que le salaire moyen des 3 derniers mois était de 4.519,26 €,

- condamné la partie défenderesse aux dépens,

- débouté Mme Q... U... de ses autres demandes.

Le 4 février 2019, la SA Dalta a interjeté appel dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

Par conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 18 juin 2020 auxquelles il est expressément fait référence, la SA Dalta demande à la cour de :

rejetant toutes conclusions contraires comme étant injustes et infondées,

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

* annulé l'avertissement du 22 avril 2015,

* dit que le licenciement de Mme Q... U... était sans cause réelle et sérieuse,

* condamné la SA Dalta à payer à Mme Q... U... des sommes au titre des rappels de salaires, outre congés payés, des dommages et intérêts pour avertissement injustifié, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de l'article 700 du code de procédure civile,

* ordonné la remise d'un bulletin de paie et d'une attestation Pôle Emploi conformes aux décisions prononcées,

* dit que le salaire moyen des 3 derniers mois était de 4.519,26 €,

* condamné la partie défenderesse aux dépens,

- confirmer le jugement pour le surplus,

statuant à nouveau :

- dire et juger que :

* les demandes de rappels de salaires pour la période du 1er au 13 janvier 2013 pour 105 heures sont prescrites, le coefficient 350 appliqué à Mme Q... U... correspondait bien aux fonctions réellement exercées et assumées, et Mme Q... U... n'a donc droit à aucun rappel de salaire,

* le contrat de travail a été exécuté de bonne foi et Mme Q... U... n'a donc subi aucun préjudice du fait de l'exécution de son contrat de travail,

* la rémunération mensuelle moyenne ne peut être supérieure à 3.605 €,

* l'avertissement du 22 avril 2015 était justifié et ne doit pas être annulé,

* le licenciement reposait bien sur une cause réelle et sérieuse,

* la procédure de licenciement n'a pas été vexatoire,

* Mme Q... U... n'a pas subi de préjudices imputables à la SA Dalta du fait de l'avertissement ou du licenciement,

* la SA Dalta était en droit de retenir le solde restant dû au titre du prêt consenti à Mme Q... U... lors de l'établissement du solde de tout compte,

* l'astreinte et l'exécution provisoire demandées par Mme Q... U... ne sont pas justifiées (sic),

- débouter Mme Q... U... de toutes ses demandes,

- prendre acte que Mme Q... U... a d'ores et déjà perçu une somme nette de 25.871,26 € au titre de l'exécution provisoire et la condamner au remboursement de cette somme,

- condamner Mme Q... U... à payer à la SA Dalta la somme de 2.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Par conclusions récapitulatives n° 1 notifiées par voie électronique le 9 juin 2020 auxquelles il est expressément fait référence, Mme Q... U... demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

* annulé l'avertissement du 22 avril 2015,

*dit que le licenciement de Mme Q... U... était sans cause réelle et sérieuse,

* condamné la SA Dalta à payer à Mme Q... U... des sommes au titre des rappels de salaires, outre congés payés, des dommages et intérêts pour avertissement injustifié, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l'article 700 du code de procédure civile,

- réformer le jugement pour le surplus,

- condamner la SA Dalta à payer à Mme Q... U... les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes :

* 4.000 € de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

* 5.000 € de dommages et intérêts pour procédure vexatoire et recours abusif à la mise à pied conservatoire,

* 10.890 € de rappel de solde de tout compte,

* 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SA Dalta aux entiers dépens.

L'affaire initialement fixée à l'audience du 9 juillet 2020 a été retenue avec l'accord des parties selon la procédure sans audience en application des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 et modifié par l'article 6 de l'ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale en raison de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 pour faire face à l'épidémie de Covid-19 modifiée par la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire.

MOTIFS

1 - Sur la classification :

Mme Q... U... était classée au coefficient 350 de la convention collective nationale. Le jugement lui a alloué un rappel de salaire de 29.624,45 €, outre congés payés de 2.962,44€, ce qui correspond, selon le calcul de la salariée versé en pièce n° 28, aux salaires sur la base du coefficient 550 de février 2013 à janvier 2016 ; dans le dispositif de ses conclusions, Mme Q... U... demande la confirmation du jugement de ce chef et la cour est bien saisie de cette demande. Si, dans les motifs, Mme Q... U... réclame, à titre subsidiaire, la somme de 4.903,81 € outre congés payés de 490,38 € qui correspond, selon le calcul de la salariée versé en pièce n° 29, aux salaires sur la base du coefficient 460 de janvier 2013 à janvier 2016, elle ne reprend pas cette demande dans le dispositif, de sorte que la cour n'en est pas saisie.

La SA Dalta demande l'infirmation du jugement en soutenant que les demandes relatives aux salaires antérieurs au 13 janvier 2013 sont prescrites et que Mme Q... U... relevait bien du coefficient 350.

Or, compte tenu de la période de réclamation à compter du mois de février 2013, la fin de non-recevoir tirée de la prescription est sans objet.

Il résulte de la convention collective nationale des industries de la chimie que les emplois d'ingénieurs et cadres correspondent à des fonctions pour lesquelles sont définis les politiques ou les objectifs généraux pour l'exercice de la spécialité ou la gestion d'un ou plusieurs secteurs d'activité de l'entreprise ; que ces fonctions réclament des titulaires des compétences techniques et des aptitudes à participer à la gestion économique de leurs secteurs d'activité ; que les salariés doivent faire preuve, sur le plan humain, vis-à-vis de leurs collaborateurs, de qualité d'animation et de motivation ; que ces fonctions réclament des titulaires un esprit de créativité et d'innovation et comportent une autonomie et l'obligation de prendre, après recherche et analyse des informations, les initiatives nécessaires pour faire face à des situations nouvelles par le choix des moyens et des méthodes à mettre en oeuvre ; que les salariés prennent des décisions ayant des conséquences sur les hommes, l'activité et les résultats de l'entreprise ; qu'ils prennent des décisions propres à animer et coordonner l'activité des subordonnés ; qu'ils ont la responsabilité de former, d'informer, de faire progresser et participer à l'action commune selon les aptitudes ; que les salariés qui n'ont pas de personnel sous leur autorité sont classés par équivalence.

Le coefficient 350 concerne le débutant sans expérience professionnelle et n'assumant pas encore des responsabilités lui permettant d'être classé dans l'un des niveaux supérieurs.

Le coefficient 550 concerne le salarié qui assume des responsabilités importantes au plan de la complexité technique ou d'autres éléments spécifiques équivalents ; il anime et coordonne l'activité des agents de maîtrise, techniciens et cadres des coefficients inférieurs placés sous son autorité ; il participe à la définition des objectifs de son secteur d'activité.

Il était prévu, pour les cadres :

- un accès au coefficient 400 après 3 ans au coefficient 350 et au plus tard à 29 ans ;

- un accès au coefficient 460 au plus tard 6 ans après la première affectation.

Aucun délai n'était prévu pour l'accès au coefficient 550.

Dans ses conclusions, Mme Q... U... se borne à affirmer qu'en sa qualité de directrice recherche et développement ainsi qu'il ressort de l'organigramme, elle 'faisait partie des cadres les plus importants de l'entreprise', et à viser l'article 5 du contrat de travail qui définissait ses attributions comme suit :

'- Améliorer la gamme des produits existants,

- Rechercher des procédures réduisant les coûts de produits ou de fabrications,

- Rechercher de nouvelles formules sur demande hiérarchique supérieure,

- Rédaction des fiches techniques de formulation,

- Réaménagement des procédés de formulation,

- Présentation des nouvelles formules à la force de vente,

- Assistance technique en clientèle, afin d'appuyer l'action des commerciaux,

- Concevoir et mettre en production une gamme de produits, destinés au secteur automobile et autres,

- La gestion du personnel de l'usine : conditionnement, expédition et entretien,

- Suivi des normes et certifications.'

Néanmoins, Mme Q... U... ne justifie pas en quoi elle participait à la définition des objectifs de son secteur d'activité. De plus, la SA Dalta souligne qu'elle n'avait aucun agent de maîtrise, technicien ou cadre de coefficient inférieur placé sous son autorité, dont elle organisait le travail, ce qu'elle ne dément pas.

La cour ne peut donc que débouter la salariée de sa demande de rappel de salaire et infirmer le jugement sur ce point.

Par suite, Mme Q... U... sera également déboutée sa demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail pour défaut d'application du coefficient correspondant à sa qualification professionnelle, et le jugement sera confirmé de ce chef.

2 - Sur l'avertissement :

Dans sa lettre d'avertissement du 22 avril 2015, la SA Dalta reprochait à Mme Q... U... de ne pas respecter ses horaires de travail de 9h à 12h et de 14h à 18h ; ainsi, elle soutenait que, depuis le début de l'année 2015, la salariée arrivait 'quasiment chaque jour' dans l'entreprise après 9h30 et 'régulièrement' entre 9h30 et 10h30.

Dans ses conclusions, Mme Q... U... réplique qu'elle était cadre autonome libre de ses horaires de travail, lesquels ne figuraient pas dans son contrat de travail, et qu'elle était souvent à son poste avant 9h, entre 12h et 14h, et après 18h.

Or, Mme Q... U... ne faisait pas partie des cadres dirigeants au sens de l'article L 3111-1 du code du travail ; elle n'était pas soumise à une convention de forfait-jours ; ses bulletins de paie mentionnaient un temps de travail mensuel de 169 heures soit 39 heures par semaine ; ainsi, elle devait se conformer à des horaires de travail collectifs, et ce, même s'ils ne figuraient pas dans son contrat de travail.

Dans ses conclusions, l'employeur indique que les horaires de l'entreprise sont de 8h à 12h et de 14h à 18h, sauf le vendredi où ils finissaient à 17h ; il précise que, pour les cadres sédentaires, les horaires sont de 9h à 12h et de 14h à 18h - ce qui ne correspond d'ailleurs qu'à 35 heures par semaine, soit moins qu'il n'est mentionné sur les bulletins de paie de Mme Q... U.... Il produit des attestations de 5 salariés affirmant que Mme Q... U... arrivait régulièrement vers 9h30-10h, voire plus tard, attestations que Mme Q... U... estime mensongères et dictées par l'employeur. Néanmoins, ces attestations étaient rédigées dans des termes variés et Mme Q... U... n'établit pas les prétendues pressions de l'employeur.

Mme Q... U... produit de son côté des mails qu'elle a envoyés entre 8h45 et 9h30, ce qui correspond aux rares jours où elle arrivait avant 9h30, étant rappelé qu'elle était tenue d'être présente dès 9h.

Par ailleurs, Mme Q... U... n'a, pour la première fois, contesté cet avertissement que par courrier du 23 septembre 2015, soit 5 mois plus tard.

La cour considère ainsi l'avertissement comme étant fondé.

Il y a lieu par conséquent d'infirmer le jugement en ce qu'il a annulé l'avertissement et alloué à la salariée des dommages et intérêts pour avertissement injustifié.

3 - Sur le licenciement :

En application des articles L 1232-1, L 1232-6 et L 1235-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les termes du litige, le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur et forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute persiste, il profite au salarié. La charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse est partagée.

La lettre de licenciement pour cause réelle et sérieuse était rédigée comme suit :

'Cette décision est essentiellement motivée par votre manque de motivation et d'implication professionnelle associée à des absences et retards répétés et votre refus manifeste de coopérer.

Il est important de rappeler le rôle essentiel que vous occupez dans notre société, dont la principale activité est la fabrication de savons, détergents et produits d'entretien (...)

Or, malgré nos différentes mises en garde et avertissements verbaux, nous sommes au regret de constater que vous manquez à vos obligations contractuelles.

En effet, notamment en date du 23 septembre 2015 lors d'une réunion de travail à laquelle vous étiez conviée et pour laquelle votre présence était essentielle sur le recyclage de produits et matières premières qui a débuté à 9 heures 30 avec plusieurs participants, vous ne vous êtes présentée qu'à 10 heures sans justification.

Malheureusement, ce comportement est récurrent de votre part et d'autant plus inacceptable que plusieurs salariés étaient mobilisés pour cette réunion, essentielle pour notre société. Le comportement inadmissible qui met les autres collaborateurs de l'entreprise en difficulté, ne vous honore pas.

Celui-ci s'inscrit malheureusement dans une succession de faits similaires, que nous ne pouvons plus tolérer de votre part.

Ainsi, en date du 23 mars dernier, vous avez été invitée à une réunion dans le cadre de vos fonctions, concernant l'audit ISO 9001 qui a débuté à 8 heures. Mais vous êtes arrivée avec plus d'une heure de retard, sans motif.

Monsieur R..., PDG, vous l'a fait remarquer et vous n'avez eu pour seule réponse, que de lui expliquer que votre présence n'était pas nécessaire.

Contrairement aux propos que vous avez tenus, cette réunion a lieu régulièrement tous les ans, et en votre présence. Il est donc indispensable que vous y soyez et à l'heure.

A cela, vous avez surenchérie en expliquant à votre PDG, qu'il n'avait qu'à vous sanctionner par un avertissement. Afin d'enrayer votre provocation, ce dernier a feint d'ignorer vos paroles.

Cependant, en date du 2 avril 2015, une nouvelle réunion de travail qui portait sur la mise en conformité et la réglementation CLP en présence de quatre autres participants avait été programmée pour commencer à 9 h 15.

Une fois de plus, vous êtes arrivée avec une demi-heure de retard, alors qu'il était attendu une participation active de votre part.

Une nouvelle fois, vous avez eu une conduite désinvolte, en répondant ironiquement : à mince j'avais oublié que c'était à 9 heures 15'.

Nous sommes navrés de relever que, malgré notre avertissement en date du 22 avril dernier concernant vos retards systématiques, votre comportement ne s'est pas amélioré et que vous avez persévéré dans votre attitude.

Vous arrivez systématiquement à quelques rares exceptions au mieux à 9h30 au lieu de 9 h 00 et à 14 h 30 au lieu de 14 h 00.

Enfin, le 18 septembre 2015, vous avez refusé d'assurer la formation concernant le logiciel SDS+.

Rappel des faits :

Le logiciel SDS+, pour l'essentiel, permet en fonction de la composante d'un produit, d'établir de ce dernier sa fiche de données Sécurité (c'est-à-dire sa dangerosité, précautions à prendre, étiquetage produit Etc..).

Vous êtes à ce jour, l'unique salariée de la Société, formée pour l'utilisation de ce logiciel.

Ce fonctionnement fragilise la bonne marche de l'entreprise, car il repose uniquement sur votre présence et vos disponibilités.

En effet, nous nous sommes trouvés dans l'incapacité d'utiliser ce logiciel en raison de votre absence pour congés payés en juillet et en août dernier.

Afin de pallier à cette situation, nous vous avons sollicitée en date du 26 août pour former 3 personnes supplémentaires (Messieurs I... Directeur Général, W... Directeur Général, R... Président Directeur Général).

Vous avez répondu en date du 3 septembre, que 'vous ne vous le sentiez pas' et que vous préféreriez former une seule personne. Vous avez également précisé que cela exigerait 2 heures de temps.

Nous avons pris en compte vos remarques, et le 18 septembre 2015, par e-mail, nous vous avons confirmé que vous assureriez la formation de Mademoiselle T... K... Assistante QSE à l'utilisation du logiciel.

De cette manière, il était convenu que votre collègue formalise par écrit un 'petit guide d'utilisation', afin que nous puissions par la suite être en capacité de l'utiliser, comme prévu initialement.

C'est alors que le même jour, vous avez formellement refusé de former votre collègue au prétexte qu'il s'agissait d'un 'transfert de compétences'.

Vous êtes allée jusqu'à dire à votre employeur que : 'si cela ne te va pas, tu n'as qu'à me sanctionner'.

Votre attitude provocatrice, et ce de façon délibérée, de ne plus vouloir coopérer ne peut perdurer plus longtemps.

Pour finir, depuis le 25 août 2015, nous vous avons sollicitée par e-mail sur la question suivante :

Relevons-nous de la réglementation 'certiblockle'', et si oui, pour quels produits et quelles actions devons-nous engager pour être en conformité avec cette réglementation.

A ce jour, nous restons sans réponse de votre part.

Or, vous avez tous les moyens à votre disposition pour mener à bien votre fonction. Vous avez la compétence, la responsabilité et le support nécessaire pour répondre au poste clairement défini sur votre contrat de travail et validé par vous.

Toutefois, nous remarquons avec regret, votre refus manifeste de continuer à travailler avec nous, et votre nonchalance.

Votre manque de professionnalisme, ainsi que votre attitude déloyale face à la Société qui vous emploie ne nous permet plus de travailler ensemble.

Vous avez profité de l'indulgence de vos supérieurs et vous avez profité de leur confiance et même abusé de leur patience.

Dès lors, votre comportement inacceptable et ce d'autant plus en raison de vos fonctions de chimiste au statut cadre, ne nous permet plus de vous garder dans notre société.

Votre conduite met en cause la bonne marche de l'entreprise. Il est impossible pour nous d'organiser le travail dans des conditions normales. Vos collègues de travail subissent les conséquences de votre comportement, et à terme l'entreprise, compte tenu de la spécificité de vos fonctions, peut se trouver en grande difficulté...'

Compte tenu des termes de la lettre, l'employeur se place sur le terrain disciplinaire de la faute constitutive d'une cause réelle et sérieuse de licenciement.

La cour examinera ainsi successivement les griefs.

Sur les retards :

Il a été jugé, lors de l'examen de l'avertissement du 22 avril 2015, que la salariée devait respecter des horaires collectifs de travail. S'agissant des retards persistants de manière générale malgré cet avertissement (9h30 au lieu de 9h, et 14h30 au lieu de 14h), l'employeur se réfère aux attestations déjà évoquées, indiquant que Mme Q... U... arrivait souvent le matin à 9h30 ou 10h voire plus tard, et, l'après-midi, à 14h30 ou 15h. Les mails produits par la salariée, à partir de 8h45, entre 12h et 14h et après 18h, et les attestations de salariés indiquant que Mme Q... U... était régulièrement présente entre 12h et 14h et travaillait tard le soir, ne contredisent pas les attestations produites par l'employeur, puisqu'il pouvait arriver que Mme Q... U... soit à l'heure le matin et l'après-midi et rattrape ses heures entre 12h et 14h et le soir. Il demeure que Mme Q... U... se conformait de manière très aléatoire aux horaires imposés par l'entreprise.

S'agissant des retards des 23 mars et 2 avril 2015, Mme Q... U... soulève la prescription tirée de l'article L 1332-4 du code du travail aux termes duquel aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales, en soulignant que l'employeur n'a engagé la procédure de licenciement que le 24 septembre 2015.

La prescription est effectivement acquise, et de surcroît l'avertissement du 22 avril 2015 a purgé le pouvoir disciplinaire de l'employeur pour les faits connus de lui à cette date.

S'agissant du retard du 23 septembre 2015, l'employeur verse aux débats un mail de M. R..., PDG, du 18 septembre 2015, adressé à plusieurs salariés dont Mme Q... U..., programmant une réunion pour le 23 septembre 2015 à 9h30 et demandant aux salariés d'être à l'heure, et un autre mail du 23 septembre 2015 à 17h39 dans lequel M. R... reprochait à Mme Q... U... de ne pas avoir été à l'heure à la réunion du matin. Par mail du 23 septembre 2015, Mme Q... U... répliquait qu'elle n'avait pas reçu de mail de convocation et que son ordinateur avait dû 'bugguer'. Dans ses conclusions, Mme Q... U... ajoute que M. R..., constatant son absence, n'avait qu'à l'appeler à 9h30 pour qu'elle vienne. Néanmoins, elle ne produit aucune pièce relative à ce bugg informatique, elle ne précise pas comment elle a pu finalement se présenter à la réunion si elle n'en avait pas eu connaissance, et il n'appartenait pas à M. R... de la relancer. Le grief est donc établi.

Sur le refus de formation :

Par mail du 26 août 2015, M. R... a demandé à Mme Q... U... de former trois personnes dont lui-même au fonctionnement du logiciel de création et gestion de FDS ; Mme Q... U... ayant indiqué qu'elle ne se sentait pas à l'aise pour former plusieurs personnes, par mail du 18 septembre 2015, M. R... lui a alors demandé de limiter la formation à Mme T... K..., assistante QSE, celle-ci pouvant à son tour rédiger un petit guide d'utilisation du logiciel afin que d'autres personnes puissent l'utiliser. Mme Q... U... ne conteste pas avoir refusé d'assurer cette formation.

Dans ses conclusions, Mme Q... U... indique qu'il n'entrait pas dans ses attributions de former des personnes, qu'elle n'en avait pas le temps, que cette formation était trop complexe pour une 'stagiaire', et qu'en réalité l'employeur voulait former un tiers sur son poste.

Néanmoins, en application de la convention collective, du fait de son statut de cadre, Mme Q... U... avait la responsabilité de former des collaborateurs ; Mme K... n'était pas une simple 'stagiaire', mais une salariée en contrat de professionnalisation ; la SA Dalta ne cherchait pas à former une salariée pour remplacer Mme Q... U... à son poste ; elle souhaitait simplement que, pendant les congés payés de Mme Q... U..., d'autres salariés soient capables d'utiliser ce logiciel, que seule Mme Q... U... connaissait, ce logiciel étant essentiel au bon fonctionnement de l'entreprise. Selon l'employeur, cette formation ne devait durer que 2 heures. Enfin, il n'appartenait pas à Mme Q... U... de discuter cette directive en présupposant que Mme K... n'aurait pas les compétences de base pour assimiler cette formation.

Le grief est donc établi.

Sur le refus de répondre à un mail :

La SA Dalta produit un mail du 26 août 2015, dans lequel M. R... a demandé à Mme Q... U... de confirmer que l'entreprise était concernée par la réglementation 'certibiocide' et de préciser quels produits étaient visés et quelles démarches devait engager l'entreprise. La SA Dalta indique que Mme Q... U... n'a pas répondu à ce mail.

Mme Q... U... se borne à indiquer que la SA Dalta ne prouve pas qu'elle n'aurait pas répondu, et que, si tel était le cas, l'employeur l'aurait relancée.

Or, s'agissant d'une charge de la preuve partagée, il appartient à la salariée de prouver que les dires de l'employeur sont faux, et qu'elle a donné une réponse, sans que l'employeur ait à la relancer, ce qu'elle ne fait pas. Dans ses conclusions, Mme Q... U... ne précise même pas quelle réponse elle aurait donnée à ce mail.

Ce grief est donc établi.

Au vu des griefs établis et du précédent disciplinaire, la cour considère que le licenciement reposait bien sur une faute constitutive d'une cause réelle et sérieuse. Par infirmation du jugement, il convient de débouter Mme Q... U... de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par ailleurs, Mme Q... U... réclame des dommages et intérêts pour licenciement vexatoire en raison de la mise à pied conservatoire qui lui a été notifiée alors qu'elle a été licenciée pour cause réelle et sérieuse. Toutefois, il ressort des bulletins de paie de septembre et octobre 2015 que, pendant la période de mise à pied conservatoire, il n'y a eu aucune retenue de salaire. Le simple fait que l'employeur ait décidé, après réflexion, de ne pas licencier la salariée pour faute grave mais pour cause réelle et sérieuse, ne rend pas la mise à pied conservatoire abusive ; en l'absence d'autre élément de nature à établir le caractère vexatoire des circonstances du licenciement, Mme Q... U... sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts de ce chef, par confirmation du jugement.

4 - Sur le solde de tout compte :

Le bulletin de paie de janvier 2016 porte trace d'une retenue de 10.890 € pour 'échéance emprunt'. La SA Dalta produit en effet un contrat conclu avec Mme Q... U... le 4 octobre 2012, par lequel l'employeur a accordé à la salariée un prêt d'un montant de 9.000€ remboursable en une seule fois, le 4 janvier 2013, moyennant un taux d'intérêt annuel de 7 %. Trois années d'intérêts sur la somme de 9.000 € représentent effectivement 1.890 €, soit un total dû en janvier 2016 de 10.890 €.

Mme Q... U..., qui demande l'infirmation du jugement qui l'a déboutée de sa demande en remboursement de cette somme, se borne à indiquer que la retenue était injustifiée, sans plus de précisions.

Il convient donc de confirmer le jugement sur ce point.

5 - Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

La salariée qui perd en toutes ses demandes principales supportera les entiers dépens de première instance et d'appel et ses frais irrépétibles. L'équité commande de laisser à la charge de l'employeur ses propres frais irrépétibles.

6 - Sur le remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire :

Il n'y a pas lieu d'ordonner expressément le remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire dans la mesure où l'infirmation des condamnations prononcées en première instance entraîne de droit l'obligation de restituer les dites sommes.

PAR CES MOTIFS,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté Mme Q... U... de sa demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire et de sa demande de rappel pour solde de tout compte, ces chefs étant confirmés,

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant :

Dit que le licenciement de Mme Q... U... était fondé sur une faute constitutive d'une cause réelle et sérieuse,

Déboute Mme Q... U... de ses demandes de rappel de salaires outre congés payés, d'annulation de l'avertissement du 22 avril 2015, de dommages et intérêts pour avertissement injustifié, et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rappelle que l'infirmation des condamnations prononcées en première instance entraîne de droit la restitution des sommes versées à Mme Q... U... au titre de l'exécution provisoire,

Condamne Mme Q... U... aux dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Caroline PARANT, présidente, et par Eve LAUNAY, greffière.

La greffière La présidente

Eve LAUNAY Caroline PARANT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 2
Numéro d'arrêt : 19/00672
Date de la décision : 24/07/2020

Références :

Cour d'appel de Toulouse 42, arrêt n°19/00672 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-07-24;19.00672 ?
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