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10/07/2020 | FRANCE | N°18/05477

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 2, 10 juillet 2020, 18/05477


10/07/2020



ARRÊT N°



N° RG 18/05477 - N° Portalis DBVI-V-B7C-MWRV

APB/SK



Décision déférée du 12 Décembre 2018 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( 16/01375)

E. MOUILLERAC

















[I] [P]





C/



Association ANRAS ON SOLIDAIRE INSTITUT MEDICO-EDUCATIF [6]






































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INFIRMATION







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU DIX JUILLET DEUX MILLE VINGT

***



APPELANT



Monsieur [I] [P]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représenté par Me Paulin...

10/07/2020

ARRÊT N°

N° RG 18/05477 - N° Portalis DBVI-V-B7C-MWRV

APB/SK

Décision déférée du 12 Décembre 2018 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( 16/01375)

E. MOUILLERAC

[I] [P]

C/

Association ANRAS ON SOLIDAIRE INSTITUT MEDICO-EDUCATIF [6]

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU DIX JUILLET DEUX MILLE VINGT

***

APPELANT

Monsieur [I] [P]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Pauline VAISSIERE de la SELARL VOA, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

ANRAS (association nationale de recherche et d'action solidaire)

INSTITUT MEDICO-EDUCATIF [6]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Sonia BRUNET-RICHOU, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

Affaire retenue sans audience en application des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 et modifié par l'article 6 de l'ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale en raison de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 pour faire face à l'épidémie de Covid-19 modifiée par la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire.

Caroline PARANT, présidente

Alexandra PIERRE-BLANCHARD, conseillère

Florence CROISILLE-CABROL, conseillère

Greffier : Eve LAUNAY

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

- signé par Caroline PARANT, présidente, et par Eve LAUNAY, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [I] [P] a été embauché à compter du 4 mai 1998 par l'association Anras en qualité d'agent de service intérieur, surveillant de nuit, suivant contrat de travail à durée déterminée à temps partiel.

Par avenant du 1er janvier 2005, M. [P] a vu son temps de travail passer à temps plein.

Au dernier état de la relation contractuelle, le salarié a exercé les fonctions d'ouvrier qualifié d'internat, coefficient 458 de la convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées.

Son salaire était en dernier lieu de 1722,08 € pour un poste à temps plein.

Il était affecté au sein de l'institut médico éducatif [6], situé à [Localité 4] (Tarn-et-Garonne).

La relation de travail s'est poursuivie sans incident jusqu'en juillet 2014, date à laquelle M. [P] a dénoncé la négligence de son employeur dans une affaire concernant une résidente.

Il explique qu'il aurait eu connaissance d'actes à caractère sexuel commis sur une jeune fille atteinte d'une pathologie lourde et qu'il aurait constaté à son retour de congés que rien n'avait été entrepris s'agissant de la protection de cette jeune fille.

L'association explique quant à elle que par précaution, le jeune soupçonné aurait été immédiatement mis à distance avec un maintien de suivi à domicile, d'un accompagnement des parents et d'une recherche d'un nouvel établissement médico-social susceptible de l'accueillir.

Du 24 septembre 2014 au 5 janvier 2015, M. [P] a été placé en arrêt de travail.

En février 2015, le salarié a de nouveau été placé en arrêt de travail.

Le 16 novembre 2015, dans le cadre de la visite de reprise, la médecine du travail le déclarait inapte à son poste et à tout poste dans l'entreprise aux termes d'un seul examen, comme suit : 'inapte définitivement à la reprise de son poste de travail et à tout poste dans cette entreprise. Pas de deuxième visite. »

Par lettre du 2 décembre 2015, l'association Anras a proposé trois postes à titre de reclassement à M. [P] :

- un porte d'agent de maintenance à [Localité 8],

- un poste d'agent d'accueil à [Localité 5],

- un poste d'agent administratif à [Localité 7].

Par lettre du 10 décembre 2015, M. [P] a refusé ces propositions.

Par lettre du 14 décembre 2015, M. [P] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Il a été licencié par lettre du 28 décembre 2015 pour inaptitude d'origine non professionnelle et impossibilité de reclassement.

M. [P] a saisi le 20 mai 2016 le conseil de prud'hommes de Toulouse de la contestation de ce licenciement.

Par jugement du 12 décembre 2018, le conseil de prud'hommes de Toulouse a :

- dit qu'il n'est pas retenu de manquement de la part de l'employeur, ni sur la procédure, ni sur la recherche de reclassement ; que le licenciement prononcé par l'association Anras à l'encontre de M [P] reposait sur une cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

- rejeté l'ensemble de ses demandes de M. [P],

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens éventuels sont à charge de M. [P].

M. [P] a relevé appel dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 15 mars 2019, auxquelles il est expressément fait référence, M. [P] demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- dire et juger M. [P] recevable et bien fondé en ses prétentions ;

- condamner l'Anras à payer à M. [P] les sommes suivantes :

* 3 444,16 € à titre d'indemnité de préavis ;

* 344,41 € au titre des congés payés afférents ;

* 29 274 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure pénale, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 14 juin 2019, auxquelles il est expressément fait référence, l'association Anras demande à la cour de :

- confirmer le jugement dans sa totalité,

- débouter M. [P] de ses demandes ;

- dire et juger que le licenciement notifié pour inaptitude repose bien sur une cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

- débouter M. [P] de la totalité des demandes formulées à ce titre ;

- dire et juger qu'il ne peut y avoir lieu à délivrance du bulletin de salaire et de nouvelle attestation Pôle emploi ;

En conséquence,

- débouter M. [P] de la totalité des demandes ;

- condamner M. [P] à verser à l'Anras la somme de 2 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la partie défaillante aux entiers dépens.

L'affaire initialement fixée à l'audience du 5 juin 2020 a été retenue avec l'accord des parties selon la procédure sans audience en application des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 et modifié par l'article 6 de l'ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020 adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale en raison de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 pour faire face à l'épidémie de Covid-19 modifiée par la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire.

MOTIFS :

Sur la régularité de la lettre de licenciement :

La lettre de licenciement notifiée à M. [P] a été signée par M. [F], directeur de l'établissement [6], l'un des nombreux établissements de l'Anras.

M. [P] conteste la qualité de cette personne pour prononcer son licenciement, estimant que seul le président de l'association pouvait le faire, et que de ce seul le fait le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.

Il est constant qu'en l'absence de dispositions statutaires contraires attribuant cette compétence à un autre organe, il entre dans les attributions du président d'une association de mettre en 'uvre la procédure de licenciement et donc de signer la lettre de licenciement.

En l'espèce, l'article 14 des statuts de l'association adoptés le 14 février 2013 indique que 'le Président anime l'association, est le garant de l'application des statuts, préside les réunions de l'association et représente celle-ci dans tous les actes de la vie civile.

Le président représente l'association en justice. Il a qualité pour ester en justice au nom de l'association, tant en demande qu'en défense, former tout appel ou pourvoi en cassation et consentir toutes transactions, après consultation du bureau.

Il ordonnance les dépenses. Il peut déléguer tout ou partie de ses pouvoirs à un autre

membre du bureau. (...).

Dans toutes ses attributions, le Président agit par délégation du Conseil d'Administration.'

Les statuts de l'Anras n'attribuent pas à un autre organe que le président le pouvoir de licencier.

En revanche il résulte des dispositions précitées que celui-ci peut déléguer le pouvoir de licencier à un autre membre du bureau.

L'association produit une délégation de pouvoirs du président à M. [F] en date du 6 avril 2009, laquelle comporte en page 2 une délégation générale en matière de gestion du personnel précisant que le directeur sélectionne et recrute les personnels dans la limite des postes autorisés, qu'il assure le suivi de la gestion du personnel de l'établissement qu'il dirige tant sur le plan administratif que disciplinaire, qu'il dispose du pouvoir disciplinaire, étant précisé que les licenciements qui pourraient intervenir doivent être approuvés par la direction générale.

Cependant cette délégation de pouvoir est antérieure aux statuts du 14 février 2013 et il est constant que M. [F], directeur d'un établissement, n'est pas membre du bureau. Il est rappelé que le licenciement litigieux a été prononcé postérieurement à l'adoption des statuts, et qu'aucune délégation de pouvoirs postérieure aux statuts de 2013 n'est invoquée.

C'est d'ailleurs dans ces conditions qu'une décision du ministre du travail du 5 octobre 2016, confirmée par un jugement du tribunal administratif de Toulouse du 25 octobre 2018, a rejeté une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé de l'Anras présentée par M. [F], au motif que ce dernier n'avait pas qualité pour agir ni engager une procédure de licenciement car les statuts de l'association ne permettaient pas au président de déléguer son pouvoir à un directeur d'établissement non membre du bureau.

L'Anras fait observer que cette décision administrative fait l'objet d'un recours devant la cour administrative d'appel, et que le directeur d'établissement avait bien le pouvoir de licencier car le règlement intérieur de l'association en date du 1er juin 2006 a notamment 'pour objet de préciser et compléter les statuts de l'association', et prévoit dans son article 4 que 'le président peut donner pouvoir et délégation à tout mandataire de son choix présentant les compétences nécessaires, et en particulier au directeur général ou un directeur d'établissement, pour représenter l'association ou agir en son nom dans le cadre d'une mission précise en fonction d'une délibération indiquant l'objet de cette délégation le contenu de la mission'.

Cependant il s'agit d'une version du règlement intérieur destinée à compléter la version des statuts alors en vigueur, laquelle n'est pas produite aux débats contrairement à ce que conclut l'association (sa pièce n°30 est le règlement intérieur, et non les statuts de 2006) ; comme le soutient à juste titre M. [P] et ainsi que l'a retenu le tribunal administratif dans sa décision, le principe de la hiérarchie des normes s'oppose à ce qu'un tel règlement intérieur fixe des dispositions contraires aux statuts de l'association adoptés postérieurement.

Il importe peu que l'article 21 des statuts se réfère au règlement intérieur en indiquant que celui-ci 'est destiné à fixer les divers points non prévus aux statuts, notamment ceux qui ont trait à l'administration interne de l'association, à son fonctionnement, aux délégations accordées à la direction générale, au directeur d'établissement, au fonctionnement des instances consultatives' dans la mesure où les statuts sont clairs sur les circonstances dans lesquelles le président peut déléguer ses pouvoirs ainsi que sur les personnes potentiellement délégataires, et qu'en tout état de cause un règlement intérieur de 2006 ne peut venir contredire les dispositions de statuts adoptés en 2013.

Dans ces conditions, la cour estime, par infirmation du jugement déféré, que le licenciement a été notifié à M. [P] par une personne n'ayant pas qualité pour le faire au nom de l'employeur, de sorte que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse sans qu'il soit nécessaire d'examiner le moyen soutenu au titre de la violation de l'obligation de reclassement.

Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail :

M. [P] avait acquis 17 ans et 7 mois d'ancienneté au moment de son licenciement étant précisé que l'Anras occupe plus de 10 salariés (en réalité plus de 2000 ) et il percevait en dernier lieu un salaire moyen de 1722,08 € bruts. Il ne justifie pas de sa situation personnelle et professionnelle postérieurement au licenciement.

Au regard de ces éléments, M. [P] est bien fondé à obtenir une indemnité compensatrice de préavis équivalent à deux mois de salaire soit 3444,16 € outre 344,41 € au titre des congés payés y afférents.

Le préjudice né de la rupture du contrat de travail sera réparé par l'allocation de la somme de 18'000 € à titre de dommages intérêts sur le fondement de l'article L1235-3 du code du travail.

Il sera fait application des dispositions de l'article L1235-4 du code du travail dans la limite de trois mois d'indemnisation.

Sur le surplus des demandes :

l'Anras, succombante, sera condamnée aux dépens de première instance par infirmation du jugement déféré ainsi qu'aux dépens d'appel, et à payer à M. [P] la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

Dit et juge que le licenciement de M. [P] est dénué de cause réelle et sérieuse,

Condamne l'Anras à payer à M. [P] les sommes suivantes :

- 3444,16 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 344,41 € bruts au titre des congés payés y afférents,

-18'000 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne à l'Anras de rembourser au pôle emploi Occitanie les indemnités chômage versées à M. [P] dans la limite de trois mois d'indemnisation,

Rejette le surplus des demandes,

Condamne l'Anras aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Caroline PARANT, présidente, et par Eve LAUNAY, greffière.

La greffièreLa présidente

Eve LAUNAYCaroline PARANT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 2
Numéro d'arrêt : 18/05477
Date de la décision : 10/07/2020

Références :

Cour d'appel de Toulouse 42, arrêt n°18/05477 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-07-10;18.05477 ?
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