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30/04/2020 | FRANCE | N°18/03169

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 2, 30 avril 2020, 18/03169


24/04/2020



ARRÊT N° 68/20



N° RG 18/03169 - N° Portalis DBVI-V-B7C-MNHN

APB/SK



Décision déférée du 14 Juin 2018 - Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de TOULOUSE ( F 16/00980)

A. MAFFRE

















[M] [G]





C/



SAS MAGELLIS CONSULTANTS














































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INFIRMATION PARTIELLE







Grosse délivrée



le



à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU TRENTE AVRIL DEUX MILLE VINGT

***

L'arrêt n'a pu être rendu à la date indiquée lors de l'audience de plaidoirie en raison de circonstances e...

24/04/2020

ARRÊT N° 68/20

N° RG 18/03169 - N° Portalis DBVI-V-B7C-MNHN

APB/SK

Décision déférée du 14 Juin 2018 - Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de TOULOUSE ( F 16/00980)

A. MAFFRE

[M] [G]

C/

SAS MAGELLIS CONSULTANTS

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU TRENTE AVRIL DEUX MILLE VINGT

***

L'arrêt n'a pu être rendu à la date indiquée lors de l'audience de plaidoirie en raison de circonstances exceptionnelles liées à l'état d'urgence sanitaire pour éviter la propagation du covid 19 et au plan de continuité d'activité de la cour.

APPELANT

Monsieur [M] [G]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté par Me Benoît DUBOURDIEU de la SELARL LEGAL WORKSHOP, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

SAS MAGELLIS CONSULTANTS prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Joseph AGUERA de la SCP JOSEPH AGUERA ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de LYON

Représentée par Me Bernard DE LAMY, avocat postulant au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Mars 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère et Florence CROISILLE-CABROL, conseillère, chargées du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. PARANT, présidente

A. PIERRE-BLANCHARD, conseillère

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

Greffier, lors des débats : E. LAUNAY

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. PARANT, présidente, et par E. LAUNAY, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE :

La SAS Magellis consultants a été créée en 2000 par Messieurs [V] et [P], et est spécialisée dans le conseil en organisation et en management.

En dernier lieu, elle disposait de 80 salariés répartis au sein de 3 agences sises à [Localité 6], [Localité 7] et [Localité 5], soumis aux dispositions de la convention collective nationale du personnel des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs conseils et des sociétés de conseils.

M. [R] [G] a été embauché à compter du 1er février 2005 par la SAS Magellis consultants en qualité de consultant senior manager, statut cadre, position 3.1 de la convention applicable, moyennant rémunération forfaitaire mensuelle brute d'un montant de 5 500 €.

Il a ensuite été promu directeur de l'agence de [Localité 7] au statut cadre, position 3.3, coefficient 270 de la convention applicable moyennant une rémunération mensuelle brute d'un montant de 14 000,66 €, outre l'avantage en nature constitué d'un véhicule et une rémunération variable d'un montant oscillant entre 5000 et 16 000 € selon les années entre 2005 et 2014.

M. [G] était également actionnaire de la société Magellis Consultants à hauteur de 7,9 % du capital.

L'agence de [Localité 7] dirigée par M. [G] comportait 25 collaborateurs en fin d'année 2015.

Par lettre du 17 février 2016, M. [G] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

M. [G] a été licencié par lettre du 14 mars 2016 pour cause réelle et sérieuse.

Il a saisi le 13 septembre 2016 le conseil de prud'hommes de Toulouse de diverses demandes.

En parallèle un litige commercial est né entre les parties au sujet de son exclusion en qualité d'associé et d'un rachat de ses actions à un prix minoré de sorte que le tribunal de commerce du Puy-en-Velay a condamné Segeco à lui verser des dommages intérêts par jugement du 11 octobre 2019. Cette décision fait l'objet d'un recours devant la cour d'appel de Riom dont l'examen est en cours.

Par jugement de départition du 14 juin 2018, le conseil de prud'hommes de Toulouse a :

- dit que le licenciement était justifié par une cause réelle et sérieuse,

- débouté M. [G] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour licenciement dans des conditions vexatoires,

- condamné la société Magellis consultants à verser à M. [G] les sommes suivantes :

* 4 207, 52 € à titre de prime de vacances conventionnelle,

* 23 935, 08 € à titre de l'indemnité de non-concurrence,

* 2 393, 51 € à titre de congés payés y afférents,

- débouté M. [G] de ses demandes relatives aux congés payés, à la rémunération variable, à la résistance abusive, aux congés payés sur prime de vacances, aux heures supplémentaires, à l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et au complément d'indemnité de non-concurrence,

- condamné M. [G] à restituer à la société Magellis consultants la provision par elle versée en exécution de l'ordonnance du bureau de conciliation et d'orientation du 13 septembre 2016,

- dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toute autre demande, plus ample ou contraire,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit sur les créances salariales dans la limite de 9 mois de salaires en application des articles R1454-14 et R1454-28 du code du travail, et fixé la moyenne mensuelle des trois derniers mois de salaire à 14 506,11 €,

- partagé les dépens par moitié entre les parties.

M. [G] a relevé appel de ce jugement dans des conditions non discutées.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 24 février 2020, auxquelles il est expressément fait référence, M. [G] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- retenu une cause réelle et sérieuse au licenciement,

- débouté M. [G] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages et intérêts pour licenciement intervenu dans des conditions vexatoires,

- condamné la société Magellis consultants à ne verser que 4 207,52€ au titre de la prime de vacances conventionnelle, sans versement de l'indemnité de congés payés afférente,

- débouté M. [G] de ses demandes relatives au solde des congés payés (19794,59 € ), à la rémunération variable (12 000 € au titre de solde de rémunération variable pour les années 2013 et 2015, outre 1 200 € de congés payés), aux heures supplémentaires (244 044 €, outre 24 404 € de congés payés), à l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé (87036,66 €) et à une indemnité complémentaire de non-concurrence (17449,58 €),

- condamné M. [G] à restituer à la société Magellis consultants la provision par elle versée en exécution de l'ordonnance du bureau de conciliation et d'orientation en date du 13/09/2016,

- débouté M. [G] de ses demandes de :

* 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

* formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-Dire et juger le licenciement est dépourvu une cause réelle et sérieuse,

Et par suite :

- condamner la société Magellis Consultants à verser 348 192 € au titre du préjudice tiré du licenciement,

- condamner la société Magellis Consultants à verser 42 000 € au titre du préjudice tiré des conditions abusives et vexatoires du licenciement

- condamner la société Magellis Consultants à verser à M. [G] :

* 29 794,59 € à titre du solde des congés payés,

* 12 492,76 € à titre du solde RTT de 18,62 jours ,

* 20 639,22 € à titre du solde de RTT,

* 5 000 € pour résistance abusive,

* 4 000 € au titre de solde de rémunération variable pour les années 2013 + 400 € au titre des congés payés,

* 2 000 € au titre de solde de rémunération variable pour les années 2014 + 200 € au titre des congés payés,

* 12 000 € au titre de solde de rémunération variable pour les années 2015 + 1200 € au titre des congés payés,

* 5 500 € au titre de solde de rémunération variable pour les années 2016 + 550 € au titre des congés payés,

-Au titre des heures supplémentaires :

A titre principal : condamner la société Magellis consultants à verser à M. [G]:

* 244 044 € au titre du paiement des heures supplémentaires,

* 24 404 € au titre des congés payés afférents,

* 131 311,05 € au titre du repos compensateur,

* 13 131,10 € au titre des congés payés afférents,

* 87 036,66 € au titre du travail dissimulé,

A titre subsidiaire, condamner la société Magellis consultants à verser à M.[G]:

* 57 791,16 € au titre du paiement des heures supplémentaires

* 5 779,11 € au titre des congés payés afférents

* 52 793,01€ au titre du repos compensateur

* 5 279,30 € au titre des congés payés afférents

* 87 036,66 € au titre du travail dissimulé

A titre infiniment subsidiaire, condamner la société Magellis consultants à verser à M. [G] :

* 13 011,48 € au titres du paiement des heures supplémentaires

* 1301,14 € au titre des congés payés afférents

* 87 036,66 € au titre du travail dissimulé

-Au titre de la prime de vacances :

- condamner la société Magellis consultants à verser à M. [G] :

* 5340 € de prime,

* 534 € de congés afférents,

- Un solde lié au solde de primes variables 2013 à 2016 de 235€ + 23,50€ de CP

- Un solde lié à l'accomplissement d'heures supplémentaires :

* À titre principal de 3 783, 65 €

* À titre subsidiaire de 1 105, 84 €

* À titre infiniment subsidiaire de 13, 01 €

-Au titre de la clause de non-concurrence, condamner l'employeur à verser au salarié :

* 17 449,58 € à titre d'indemnité complémentaire,

* 10 000 € pour résistance abusive,

-Sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile : 6 000 €.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 24 février 2019, auxquelles il est expressément fait référence, la société Magellis consultants demande à la cour de:

- confirmer le jugement entrepris ;

En conséquence,

- débouter M. [G] de l'intégralité de ses demandes ;

- le condamner au paiement de la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens d'appel.

MOTIFS :

Sur le licenciement :

Il appartient à la cour d'apprécier, conformément à l'article L 1235 - 1 du code du travail, le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement et rappelés dans l'exposé du litige ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l'espèce, M. [G] a été licencié par lettre du 14 mars 2016 pour cause réelle et sérieuse, libellée comme suit :

' En votre qualité de responsable du bureau de [Localité 7] de la société Magellis Consultant nous vous avons rencontré à plusieurs reprises afin de vous exposer les modalités d'intégration, le projet d'entreprise et échanger à propos de nos attentes pour développer le bureau de [Localité 7]. Nous avons également évoqué des dysfonctionnements au niveau du bureau avec des demandes de départs de la part de collaborateurs, la baisse significative de CA de l'entité Toulousaine de Magellis Consultant et la démotivation avérée des équipes.

Afin de redresser le cap, nous nous sommes rencontrés le 11 février 2016 en marge de la réunion managers organisée, sur [Localité 5] et regroupant l'ensemble des managers du groupe. A cette occasion vous avez marqué vos doutes quant au projet d'entreprise et vos contacts avec des cabinets concurrents du notre. Inquiets, nous avons souhaité organiser rapidement un nouveau point avec vous afin de nous assurer de votre souhait de poursuivre notre collaboration. Vous nous avez informé être en congé sur une période de 2 semaines consécutives nous avons été contraints d'attendre l'entretien du 8 Mars pour nous entretenir avec vous.

Suite à cette réunion qui devait rester confidentielle, vous avez fait part de vos interrogations aux équipes du bureau de [Localité 7] ce qui a fortement détérioré l'environnement de travail au sein du bureau.

Au cours de notre entretien du 8 mars vous avez à nouveau émis de nettes réserves quant à votre volonté de poursuivre dans le nouvel ensemble. Vous avez déclaré je cite 'que ce projet de rapprochement n'était pas le vôtre' !

En réponse à nos interrogations relatives à la baisse significative du chiffre d'affaires du bureau au cours de l'exercice écoulé, vous n'avez eu de cesse de répondre que les équipes que vous avez recrutées et dont vous avez la charge était trop bien rémunérées pour leur faible activité commerciale.

En votre qualité de responsable de bureau vous assumez la charge de développement et d'animation et ne pouvez à ce titre incriminer uniquement vos équipes suite à la baisse de Chiffre d'affaires. Il apparaît que vous n'assumez pas vos responsabilités et que vous n'avez pas mis en oeuvre les actions nécessaires au bon déroulement de votre mission de responsable de bureau.

A ce jour une réelle démotivation est observée sur le bureau et force est de constater que l'absence d'implication comme responsable du bureau de [Localité 7].

En notre qualité d'employeur nous sommes responsables de la bonne dynamique de l'ensemble des bureaux de la société.

Suite à nos divers entretiens il s'avère que vous n'entendez pas assumer ni la bonne intégration de votre bureau au sein de notre société, ni le management de vos équipes, ni le développement commercial de notre marque sur une région nouvelle pour nous. Nos points de vue divergent sur la définition du rôle de manager, sur la politique commerciale et le déploiement de la stratégie du groupe. Étant donné l'éloignement géographique du bureau, nous devons pouvoir nous appuyer sur un management local adhérant pleinement au projet d'entreprise. Votre attitude de désengagement qui se caractérise notamment par vos différents contacts avec des cabinets de conseil directement concurrents de nos activités sur [Localité 7] et la communication informelle, anxiogène que vous diffusez auprès des équipes mettent en danger l'équilibre du bureau et retardent gravement son intégration au sein de notre société ce qui pénalise nos salariés toulousains, et affectent leurs conditions de travail par une détérioration du climat social dont nous sommes comptables. Par la présente nous vous notifions votre licenciement pour cause réelle et sérieuse...'.

La société Magellis Consultants explique qu'en 2015, un rapprochement a été initié entre la société et le groupe Segeco, que ce processus a abouti au début de l'année 2016 à l'acquisition de la société par ce groupe, et que des négociations ont été menées avec M. [G] afin d'envisager ses modalités d'intégration au sein du groupe compte tenu de son statut d'associé et de directeur salarié de l'agence de [Localité 7].

C'est à cette occasion que d'importantes divergences sont apparues car M. [G] adoptait une attitude d'opposition manifeste.

Ainsi, non seulement il aurait refusé d'évoquer les résultats financiers de l'agence lorsqu'ils étaient préoccupants, mais il aurait en outre affiché auprès des collaborateurs de l'agence sa désapprobation sur l'acquisition de la société par le groupe au point de détériorer le climat social.

La société Magellis Consultants produit à l'appui de ses affirmations l'attestation de M. [C], directeur des ressources humaines du groupe ayant rencontré l'intéressé au sujet du projet de rapprochement ; celui-ci indique avoir été alerté par les trois managers du bureau de [Localité 7] sur le comportement de M. [G] qui, après la journée de présentation du projet, avait réuni ses propres équipes et marqué son désaccord avec la stratégie du groupe de sorte que les équipes étaient inquiètes et déstabilisées ; le témoin affirme également que les équipes étaient marquées par plusieurs départs au sein du bureau toulousain et par un 'mode directif et intrusif de Monsieur [G] dans le management du bureau sans pour autant remplir son rôle de commercial puisque depuis de longs mois l'activité était en baisse sans que Monsieur [G] n'intervienne'.

Il est également produit par l'employeur un courrier du 3 mars 2017 de l'ancien directeur associé de la société, M. [O], indiquant que M. [G] avait regretté ne pas être à l'initiative du projet de vente de la société dont il était l'un des trois principaux animateurs, et qu'il s'était alors désengagé de l'activité de l'agence de sorte qu'avait suivi une importante démobilisation du personnel.

Enfin, pour faire preuve des griefs reprochés dans la lettre de licenciement, la société Magellis verse aux débats une attestation co-rédigée par les deux associés fondateurs de la société, Messieurs [V] et [P], expliquant leur parcours professionnel commun et leur relation d'amitié avec M. [G], puis un conflit ayant émaillé leurs relations en début d'année 2011 à la suite duquel les intéressés ont décidé de repartir sur de nouvelles bases après une réunion du 12 avril 2011. Ils ajoutent avoir découvert que 'l'agressivité de M. [G] s'était déportée sur ses managers ([D], [S] et [U])', et qu'à la suite de la présentation du projet de rapprochement avec Segeco, M. [G] avait manifestement réussi son entretien avec le président du groupe mais il n'avait plus donné de ses nouvelles par la suite.

Ainsi, pour démontrer l'existence d'une cause réelle et sérieuse du licenciement d'un cadre de l'entreprise ayant 11 ans d'ancienneté, n'ayant fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire ni même d'un quelconque recadrage sur l'exercice de ses missions durant la relation contractuelle, la société Magellis se contente de produire l'attestation du responsable des ressources humaines du groupe chargé de conduire le rachat de la société et dont il n'est pas discuté qu'il n'a rencontré qu'à deux reprises le salarié, le courrier d'un ancien directeur associé rédigé en termes totalement imprécis après avoir bénéficié d'un accord transactionnel à la suite de son licenciement, ainsi que l'attestation co-rédigée par les deux anciens actionnaires principaux et dirigeants de la société.

Il s'agit donc de témoins dont la proximité d'intérêts avec l'employeur à la date du licenciement conduit la cour à examiner avec précaution les faits rapportés, lesquels s'inscrivent dans le contexte du rachat de la société.

Or, non seulement ces attestations ne sont corroborées par aucun élément concret relatif au 'désengagement' reproché au salarié vis-à-vis de l'activité de l'agence, ni à l'agressivité de celui-ci à l'égard de managers dont le nom n'est pas cité et dont il n'émane aucune attestation, mais en outre il est constant que le salarié a déposé plainte contre ces témoins pour faux témoignages, la procédure étant encore en cours.

Et M. [G] oppose à juste titre aux faits relatés dans le courrier de M. [O], ancien directeur associé, les propres écrits de celui-ci lors de son licenciement intervenu en 2016 et notamment un mail du 9 septembre 2016 par lequel il faisait ses adieux à ses collègues en remerciant M. [G] et en indiquant que la vente de la société marquait 'le début d'un désastre'et se révélait être 'une opération assez stupéfiante sur le plan de la destruction de valeur, au moins en ce qui concerne [Localité 7] qui a perdu en moins d'un an la moitié de ses forces vives'. Ce mail fait également état du rachat des actions de M. [O] et de M. [G] à moitié prix de ce qui a été proposé aux autres associés, ce qui confirme la thèse développée par M. [G] sur les conditions désavantageuses d'intégration groupe qui lui ont été proposées.

Pour sa part, M. [G] rappelle la place importante qu'il occupait au sein de la société, en sa qualité de directeur de l'agence de [Localité 7] depuis 10 ans, agence dont le chiffre d'affaires est passé sous sa gouvernance de 300'000 € en 2005 à 2,4 millions d'€ en 2015.

Il est exact que les résultats de l'agence de [Localité 7] ont connu une baisse entre 2014 et 2015 de l'ordre de 14,3 % cependant M. [G] n'est pas contredit lorsqu'il indique que l'agence de [Localité 5] où se trouve le siège du groupe Segeco affichait également une contre-performance identique en 2015 avec -13,8 % sans que son directeur ne soit inquiété.

La cour relève que l'employeur ne produit strictement aucun élément pour imputer cette baisse de chiffre d'affaires aux actions ou aux carences de M. [G] alors que celui-ci oppose des explications objectives sur cette baisse temporaire de résultat à savoir une situation économique instable dans le secteur aéronautique toulousain cette année-là, le report d'une décision de mise en place d'un projet de déploiement SI de 2015 à 2016 correspondant à 120'000 €, et la décision de restructuration en 2015 concernant quatre personnes pour lesquelles les coûts de sortie avaient perturbé les finances de l'agence et réduit les capacités de production. Ces explications ne sont pas critiquées par l'employeur.

La société Magellis ne produit par ailleurs aucun élément sur le prétendu refus de M. [G] d'évoquer les résultats de l'agence de [Localité 7], refus dont il lui est fait reproche dans la lettre de licenciement. Il n'est d'ailleurs produit aucune demande d'explication ou de rendez-vous en ce sens par l'employeur.

Sur le contexte dans lequel il a été procédé à son licenciement, M. [G] explique que l'intégration de la société au groupe Segeco a été réalisée « au pas de charge » sans le consulter véritablement, et que les conditions de son intégration au groupe étaient nettement plus défavorables en terme salarial puisqu'elles représentaient une baisse de 47 % de sa rémunération, outre le rachat de ses actions à des conditions moins favorables que celles proposées aux deux autres associés.

Un premier projet de contrat lui a été soumis le 3 février 2016, dont il a sollicité la modification, en recevant en réponse à ses demandes la convocation à l'entretien préalable du 8 mars 2016.

Les pièces produites aux débats confirment effectivement que le projet d'intégration de la société au groupe ne lui a été présenté qu'à l'occasion d'entretiens informels dont aucun compte rendu n'a été établi, qu'il a été indiqué au salarié qu'il serait convoqué à une réunion d'information du 8 mars 2016 pour laquelle il a en réalité reçu une convocation à un entretien préalable au licenciement, entretien au cours duquel la société Magellis lui a soumis un second projet de contrat de travail pratiquement identique au premier, qu'il a refusé de signer.

La société qui conteste dans le cadre de la présente instance l'existence d'un refus du salarié de se soumettre aux nouvelles conditions financières pouvant être à l'origine du licenciement ne produit pour autant aucun élément de nature à démontrer une quelconque acceptation et, dans le cadre de la procédure commerciale opposant les parties, elle conclut au contraire devant le premier président de la cour d'appel de Riom que M. [G] a refusé ses conditions financières d'intégration au groupe.

Elle conteste également le caractère désavantageux des nouvelles conditions proposées par le groupe car la baisse de salaire était justifiée pour être conforme à la grille de salaire en vigueur dans le groupe et aurait été compensée par la valorisation des actions de la société nettement supérieure à la valeur réelle et par l'octroi de titres Sogeco, toutefois la cour estime que les éléments produits ne permettent pas d'établir la réalité de cette compensation.

Au demeurant la cour rappelle que les possibilités pour l'employeur de modifier les éléments essentiels du contrat de travail du salarié sont, en cas de modification de la situation juridique de l'employeur, strictement encadrées par les dispositions d'ordre public de l'article L1224-1 du code du travail.

S'agissant des dysfonctionnements et du départ de collaborateurs que lui reproche la société Magellis de manière elliptique dans la lettre de licenciement, M. [G] rappelle qu'un seul salarié, M. [Z] a fait l'objet en 2015 d'une rupture conventionnelle menée par lui et finalisée par le dirigeant du groupe, les autres ruptures conventionnelles ayant eu lieu en 2015 ont été validées par les deux autres actionnaires (MM. [V] et [P]) dans un contexte de ralentissement de l'activité de l'agence de [Localité 7].

M. [G] conteste également avoir émis des doutes sur la stratégie de l'entreprise comme il le lui est reproché, étant précisé que la société Magellis ne verse aucun élément concret sur ce point autres que l'attestation de M. [A] (DRH du groupe) à l'initiative du licenciement.

De son côté, le salarié verse aux débats le mail du 8 décembre 2015 par lequel M. [V] récapitulait la position de chacun vis-à-vis du projet de rapprochement avec le groupe Segeco, classant M. [G] parmi les 'enthousiastes'.

Il produit également un document qu'il a élaboré le 8 janvier 2016 dénommé « éléments de réflexion ' projet de développement professionnel » à destination du groupe, ce document qualifie le projet de 'mobilisateur' et M. [G] conclut le document par la phrase suivante : « un projet que je perçois très favorablement, pour lequel je souhaite m'engager personnellement et m'être à son service tous les atouts que j'ai déjà utilisés lors de la construction de nager lisse consultant lors de la dernière décennie ».

L'attestation que M. [O], ancien directeur associé, a rédigée à son profit avant de transiger avec l'employeur confirme l'entière implication de M. [G] dans le projet.

Surtout, M. [G] conteste avoir fait part à ses collaborateurs d'interrogations sur le projet de rapprochement avec Segeco ayant détérioré l'ambiance de travail : non seulement la lettre de licenciement est totalement imprécise sur les propos qui auraient pu être tenus par l'intéressé à ses collaborateurs, mais surtout, M. [G] verse aux débats les attestations de plusieurs d'entre eux contredisant les griefs reprochés.

Ainsi, l'attestation de Mme [X], ancienne salariée de l'entreprise entre 2008 et 2018 et ancienne représentante du personnel, confirme que M. [G] n'avait organisé aucune réunion d'information sur le projet de rapprochement, qu'elle n'avait eu aucun écho de la part de ses collègues sur d'éventuelles attitudes négatives de M. [G] et qu'au contraire celui-ci y voyait dans le projet une opportunité d'évolution pour ses équipes.

M. [B], exerçant l'activité de consultant et régulièrement présent à l'agence de [Localité 7], témoigne de la bonne atmosphère de travail qui y régnait, cette agence connaissant une progression spectaculaire de l'activité, de la bonne image dont bénéficiait M. [G], et du départ brutal de celui-ci.

Mesdames [N] et [E], et M. [Y], anciens salariés de l'agence, confirment l'absence de réunion d'information sur le projet de rapprochement, l'attitude positive de M. [G] durant cette période et son départ soudain de l'entreprise.

M. [H] [I], ancien stagiaire au sein de l'agence d'octobre 2014 à octobre 2015, décrit M. [G] comme à l'écoute permanente de ses équipes, et le climat de travail très agréable.

M. [G] produit encore les différents baromètres internes à l'entreprise au sujet de l'atmosphère de travail, établis en 2013 et 2014, démontrant l'absence de difficultés sur ce point.

La lettre de licenciement reproche encore à M. [G] d'avoir pris des contacts avec des cabinets concurrents de la société, or la société Magellis ne verse aucun élément sur ce point et M. [G], qui conteste ce grief, fait observer qu'il est resté sans emploi après son licenciement et a dû créer sa propre activité de consulting.

Enfin, il lui est reproché une inaction dans le développement commercial, mais la cour constate que la société Magellis ne produit aucun écrit (ni mail, ni courrier de recadrage, ni compte-rendu d'entretien) allant dans ce sens ; de son côté M. [G] rappelle qu'il a toujours perçu une rémunération variable attractive, et que lorsque les résultats de l'agence de [Localité 7] ont été communiqués par le président le 23 novembre 2015, aucun reproche n'a été formulé à son encontre.

M. [G] a d'ailleurs présenté un plan d'action commerciale détaillé pour 2016, qu'il produit aux débats : l'examen de ce document contredit l'attentisme dont il lui est fait grief.

En définitive, après avoir analysé l'ensemble des pièces versées aux débats par les deux parties, la cour estime que les griefs reprochés à M. [G] dans la lettre de licenciement dans des termes imprécis ne sont corroborés par aucun élément objectif du dossier, l'employeur faisant reposer ses allégations sur les déclarations des dirigeants de la société et du groupe Segeco c'est-à-dire les décisionnaires du sort du contrat de travail de M. [G].

La chronologie des faits, les documents de travail et les témoignages produits par le salarié montrent que celui-ci a exercé loyalement et sérieusement ses fonctions de directeur d'agence durant de nombreuses années, laquelle agence a connu un développement commercial important jusqu'en 2015, année charnière au cours de laquelle d'autres agences ont également subi un ralentissement économique ayant conduit à envisager un rapprochement de la société Magellis avec le groupe Segeco.

L'intégration de cette agence au groupe ne permettait pas à l'employeur d'imposer au salarié des conditions de rémunération totalement différentes de celles appliquées à la relation contractuelle en cours, et la cour estime que M. [G] était légitime à refuser la diminution de son salaire de 47 % ainsi que le rachat de ses actions à des conditions financières qu'il n'estimait pas satisfaisantes.

Force est de constater que la société a décidé de se séparer de ce directeur d'agence après ce refus, pour des motifs ni réels ni sérieux.

Dans ces conditions, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et rejeté les demandes de M. [G].

Le licenciement que la cour juge dépourvu de cause réelle et sérieuse ouvre droit à M. [G] à une indemnisation de son préjudice sur le fondement de l'article L1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable à la cause.

M. [G] avait 48 ans lors du licenciement, il bénéficiait d'une rémunération moyenne de 14'541,32 € bruts par mois et indique être resté sans emploi de sorte qu'il a créé une société de conseil générant des revenus très inférieurs, dont il justifie, ainsi que ceux de sa petite activité agricole.

En considération de ces éléments il sera alloué à M. [G] la somme de 120'000€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le caractère vexatoire du licenciement :

M. [G] ne justifie pas de mesures vexatoires entourant la procédure de licenciement, de plus la circonstance selon laquelle on lui a annoncé qu'il participerait à une réunion alors qu'il lui a été adressé une convocation à un entretien préalable au licenciement est insuffisante à caractériser l'existence d'un préjudice distinct de celui déjà réparé au titre de la rupture du contrat de travail.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur les congés payés :

M. [G] sollicite le paiement d'un solde de congés payés correspondants à 44,36 jours restant dûs.

Il est constant qu'à l'issue de son contrat de travail, aucune somme n'a été versée au salarié au titre d'un solde de congés payés.

M. [G] justifie par les pièces produites qu'au 6 novembre 2014, il disposait d'un solde de 37,04 jours tel que figurant sur la base interne Fitnet, et que les jours de congés ne figurent plus sur ses bulletins de salaire à compter d'août 2014 sans qu'il n'ait pu obtenir d'explication.

Il produit également un tableau par lequel il effectue le décompte des congés payés acquis depuis cette date et jusqu'à la rupture du contrat de travail, et des congés payés pris sur cette même période. À l'appui de ce tableau il verse aux débats ses fiches de demande de congés correspondantes validées par l'employeur.

Pour contredire ce décompte, le juge départiteur a retenu l'argumentation de l'employeur selon laquelle il convenait également de déduire les périodes de fermeture de l'agence, par exemple 15 jours durant l'été 2015.

Or en déduisant les périodes de fermeture de l'agence chaque année, il est impossible d'aboutir au décompte de 37,04 jours restants au 6 novembre 2014 alors que cette donnée émane du logiciel interne de l'entreprise.

De plus, M. [G] verse aux débats un échange de mails avec Mme [L], en charge sur [Localité 6] de recenser les demandes de congés, dont il ressort que le salarié a pris une seule semaine de congés au mois d'août 2015 pour être présent lors de la reprise d'une salariée en congé maternité, et qu'il travaillait donc y compris durant les périodes officielles de fermeture de l'agence comme d'autres salariés.

L'employeur ayant omis de tenir à jour sur les bulletins de paie postérieurs à août 2014, les décomptes de congés payés ne peut venir a posteriori produire des plannings de congés remplis par ses soins.

Dans ces conditions, la cour estime la demande du salarié bien fondée en son principe et en son montant, il y sera fait droit par infirmation du jugement déféré.

Ce solde de congés payés correspond à la somme 29'794,59 € ; M. [G] a obtenu une provision de 10'000 €devant le bureau de conciliation et d'orientation de sorte qu'il pourra conserver celle-ci et que le solde devra être versé par la société Magellis.

En revanche, la cour ne saurait faire droit à la demande indemnitaire pour résistance abusive de la société, cet élément étant insuffisamment caractérisé en l'espèce.

Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.

Sur le solde de jours de RTT :

M. [G] précise que l'ensemble des salariés de l'agence bénéficiaient de jours de RTT pour l'année et qu'il restait à la date de rupture du contrat de travail un solde de 18,62 jours correspondant au solde de 2014 de 5,04 jours outre 9 jours en 2015 et 4,58 jours en 2016.

Il verse aux débats une extraction du logiciel de l'entreprise effectuée confirmant un solde en fin d'année 2014 de 5,04 jours de RTT et les différents notes de service expliquant les modalités d'acquisition des jours de RTT en 2015 et 2016 et faisant référence à un accord d'entreprise qu'aucune des parties ne produit, mais selon lequel les cadres bénéficieraient de jours de RTT.

La société Magellis ne conclut pas sur cette demande, à laquelle la cour fera droit par infirmation du jugement entrepris au regard des éléments produits aux débats par M. [G], justifiant du bien fondé de sa demande à hauteur de 12 492,76 €.

Sur le rappel de prime :

M. [G] soutient qu'il bénéficiait un bonus discrétionnaire au mois de décembre de chaque année sans qu'aucune règle ne soit contractuellement fixée pour en définir les règles d'attribution.

Il demande un rappel de 'rémunération variable' sur 2013 à 2016 calculé par référence à l'année 2012 au cours de laquelle il avait perçu 12'000 €.

La société Magellis Consultants soutient que l'intéressé ne démontre pas qu'il pouvait bénéficier chaque année d'une 'rémunération variable', alors qu'il avoue même qu'il s'agissait d'un bonus discrétionnaire. Aucune disposition contractuelle ne fixe de règles précises et le montant de la prime était variable d'un exercice à l'autre, il s'agissait d'une gratification et d'une partie de la prime conventionnelle de vacances.

La cour constate au regard des éléments produits qu'effectivement les sommes versées annuellement au salarié étaient très variables dans leur montant, recevaient la qualification de « prime de performance » sur les bulletins de salaire mais ne correspondaient nullement à la fixation d'un quelconque objectif quantitatif ni qualitatif, de sorte qu'elles ne peuvent recevoir la qualification de « rémunération variable » ; au demeurant à défaut de constance, de généralité ou de fixité elles ne peuvent recevoir la qualification de primes.

Dans ces conditions le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande.

Sur les heures supplémentaires et le repos compensateur :

La société Magellis Consultants soutient que M. [G] ne peut présenter une demande au titre du décompte du temps de travail car il était cadre dirigeant : il disposait d'un pouvoir de décision autonome, d'importantes responsabilités et d'une délégation de pouvoir, il encadrait 25 collaborateurs et gérait de manière autonome l'organisation de son travail et son emploi du temps, et était le troisième salarié le mieux rémunéré de la société.

De son côté, M. [G] conteste le statut de cadre dirigeant que veut lui attribuer la société, en rappelant qu'il était tenu de remplir très précisément un outil informatique 'Fitnet' pour indiquer ses jours d'absence et ses rendez-vous, qu'il bénéficiait d'un bonus discrétionnairement défini par le directeur général et le président, et qu'en sa qualité de directeur d'agence de [Localité 7] il avait les mêmes attributions que son collègue de [Localité 5] qui n'a jamais été considéré comme un cadre dirigeant.

Il ajoute que des jours de RTT lui ont été attribués, ce qui est incompatible avec ce statut de cadre dirigeant, et que dans le projet de contrat qui lui avait été soumis par le groupe Segeco, il était assujetti à une convention de forfait, ce qui montre qu'il était considéré comme cadre autonome. De plus les éléments produits à l'appui du licenciement montrent qu'il a été informé tardivement du projet de rapprochement et était sommé d'accepter les nouvelles conditions de travail au sein du groupe, ce qui démontre qu'il ne définissait nullement la politique de l'entreprise ni ne participait à la stratégie de celle-ci, et qu'il était soumis à une obligation de reporting importante.

Sur ce,

Aux termes du second alinéa de l'article L 3111-2 du code du travail :

'Sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement'

Ces critères, qui sont cumulatifs, impliquent que seuls relèvent de la catégorie des cadres dirigeants, les cadres participant à la direction de l'entreprise.

En l'espèce, il résulte des éléments de la cause que M. [G] était soumis par l'employeur à un décompte de son temps de travail consistant à enregistrer sur le logiciel de l'entreprise ses journées d'absence avec la tenue d'un décompte de jours de RTT impliquant que l'employeur le considérait comme un cadre autonome mais non un cadre dirigeant, ce que confirmait formellement le projet de contrat de travail qui lui était proposé avant de le licencier ; il est également justifié que la signature de ruptures conventionnelles concernant les collaborateurs de M. [G] était soumise à validation par les deux dirigeants actionnaires majoritaires ou, en dernier lieu, par le DRH du groupe ; que M. [G], actionnaire très minoritaire, ne disposait d'aucun pouvoir de décision sur la stratégie de l'entreprise comme le démontrent d'ailleurs les circonstances dans lesquelles il a été licencié puisqu'il n'a eu aucun avis à donner (même purement indicatif) sur le rachat de la société et son intégration au groupe Segeco.

Par conséquent, la cour considère par infirmation du jugement déféré que M. [G] n'avait pas la qualité de cadre dirigeant de sorte que sa demande de paiement d'heures supplémentaires est recevable.

Aux termes de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties, et si l'employeur doit être en mesure de fournir les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de présenter à l'appui de sa demande des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies, afin de permettre à l'employeur qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le contrat de travail de M. [G] fixe la durée du travail à 169 heures et ne comporte aucune convention de forfait ; M. [G] indique que, sans avenant, il a été payé sur la base de 151,67 heures de sorte qu'il lui est dû à minima 17h33 supplémentaires par mois.

Il est exact que les bulletins de salaire mentionnent une rémunération sur la base de 151,67h, cependant le salarié omet de tenir compte de l'application à son profit du système de jours de RTT tel que décrit dans les notes de service dont il se prévaut d'ailleurs pour solliciter le paiement d'un solde de RTT, demande à laquelle la cour a fait droit.

Le quantum de ces jours de RTT compense précisément la différence entre 35 et 39h de travail hebdomadaires.

L'existence d'heures supplémentaires non rémunérées entre 151,67 heures et 169 heures par mois n'est donc pas établie.

M. [G] ajoute qu'il travaillait bien au-delà de 169 heures mensuelles, et soutient qu'en réalité il travaillait entre 50 et 60 heures par semaine.

Au soutien de sa demande il présente les éléments suivants :

-un tableau récapitulatif des repas professionnels pris entre 12 heures et 14 heures c'est-à-dire selon lui en dehors des heures de travail,

-un tableau fournissant des exemples de justificatifs de frais de déplacement qui auraient eu lieu hors les 35 heures hebdomadaires,

-des mails adressés à ses collaborateurs principalement en soirée après 18h30 et les justificatifs de frais professionnels comportant des heures de paiement situées en dehors des heures théoriques de travail,

-l'attestation d'un stagiaire M. [H] [I] indiquant que M. [G] était présent à l'agence lors de son arrivée vers 8h30 et était encore présent lorsqu'il quittait les lieux vers 19 heures. Il évoquait également des réunions organisées avec l'équipe de management de l'agence au-delà de 20 heures.

La cour observe que cette dernière attestation est imprécise sur l'amplitude de travail de M. [G] ; que les mails produits et les justificatifs d'achat ne peuvent fournir des éléments sur cette amplitude ; et que M. [G] ne produit aucun récapitulatif quotidien ou hebdomadaire de nature à permettre à l'employeur d'y répondre par des éléments précis.

En conséquence, la demande en paiement d'heures supplémentaires n'est pas soutenue par des éléments suffisamment précis de nature à permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments, elle sera donc rejetée par confirmation du jugement entrepris.

Il en est de même de la demande subséquente d'indemnisation fondée sur le dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires.

Sur le travail dissimulé :

En application de l'article L 8221 - 5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paye un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Toutefois la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

L'existence d'heures supplémentaires non rémunérées n'ayant pas été retenue par la cour, la demande présentée au titre du travail dissimulé sera rejetée par confirmation du jugement déféré.

Sur les primes de vacances :

L'article 31 de la convention collective des bureaux d'études techniques fixe une prime de vacances d'un montant au moins égal à 10 % de la masse globale des indemnités de congés payés prévues par la convention collective et précise que 'toutes primes ou gratifications versées en cours d'année à divers titres et quelle qu'en soit la nature peuvent être considérées comme primes de vacances à condition qu'elles soient au moins égales aux 10 % prévus à l'alinéa précédent et qu'une partie soit versée pendant la période située entre le 1er mai le 31 octobre'.

Il est constant que n'a jamais perçu de prime de vacances dénommée en tant que telle, mais la société affirme que le salarié a été rempli de ses droits par l'intermédiaire de la gratification annuelle versée à hauteur de 10'000 € en 2014.

Or, ainsi que l'a justement retenu le juge départiteur, cette somme a été versée en décembre c'est-à-dire en dehors de la période de prise en compte.

M. [G] est donc fondé à solliciter la prime de vacances pour la période de janvier 2014 à juin 2016 soit 10 % des indemnités de congés payés, elles-mêmes calculées sur la base de 10 % de la rémunération perçue dont il convient d'exclure le bonus discrétionnaire contrairement au calcul effectué par le salarié.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a alloué à M. [G] la somme de 4207,52 € à ce titre, en revanche il sera infirmé en ce qu'il a considéré qu'au regard de sa nature et de son mode de calcul cette prime n'ouvrait pas droit à congés payés y afférents.

En effet le montant de la prime de vacances étant déterminé en fonction du temps de travail effectif accompli au cours de la période de référence, cette prime de vacances n'a pas pour objet de rémunérer les périodes de travail et de congés confondus, de sorte qu'elle doit effectivement être prise en compte dans l'assiette de calcul des congés payés.

Il sera donc alloué à M. [G] la somme de 420,75 € à titre de congés payés sur prime de vacances.

En revanche, les sommes réclamées nouvellement en cause d'appel au titre d'un complément de prime de vacances calculées sur le solde de rémunération variable et sur les heures supplémentaires seront rejetées par ajout au jugement déféré dans la mesure où aucune condamnation n'a été prononcée par cette cour au titre de la rémunération variable ni au titre d'heures supplémentaires.

Sur l'indemnité de non-concurrence :

Il est constant que le contrat de travail de M. [G] prévoyait son article 8 une clause de non-concurrence, et que l'employeur ne l'a pas libéré de cette clause de sorte que la contrepartie financière est due à compter du 15 avril 2016, sur 12 mois.

M. [G] soutient qu'il a été partiellement rempli de ses droits et qu'un solde lui reste dû, à hauteur de 2239,29 € ainsi que les congés payés y afférents, en tenant compte de la condamnation déjà prononcée en première instance à hauteur de 23'935,08 € outre les congés payés y afférents.

Par ailleurs il demande un complément d'indemnité de non-concurrence de 17'449,58€ au motif que la contrepartie financière prévue contractuellement serait trop peu importante.

La Société Magellis Consultants sollicite pour sa part la confirmation de la condamnation prononcée en première instance et s'oppose au reliquat sollicité, fondé sur l'intégration dans l'assiette de calcul de l'avantage en nature alors que celui-ci n'aurait pas à être inclus, et que seule la rémunération effective devrait être prise en compte.

Elle indique par ailleurs que l'indemnité complémentaire sollicitée n'est pas justifiée.

Sur ce,

La cour relève que les demandes de complément de 2239,29 € et de congés payés y afférents, fondées sur l'intégration de l'avantage en nature, ne sont pas formulées au dispositif des conclusions de M. [G], de sorte que la juridiction n'en est pas saisie.

S'agissant de l'indemnité complémentaire, il est rappelé que l'indemnité de non-concurrence doit être calculée, selon les stipulations contractuelles, à hauteur de 15 % sur la base de la dernière rémunération brute mensuelle.

Aucun élément de la cause ne permet de considérer que cette contrepartie est dérisoire ou insuffisante, de sorte que la cour confirmera le jugement entrepris ayant condamné l'employeur à verser au salarié les sommes de 23'935,08 € au titre de la clause de non-concurrence outre 2395,51 € au titre des congés payés y afférents, et rejettera le surplus des demandes.

Le jugement sera encore confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages intérêts présentée par le salarié pour sanctionner l'employeur d'avoir sous-évalué la contrepartie financière, et pour un retard dans le versement de cette contrepartie, alors que le préjudice causé par le retard en paiement est réparé par l'allocation d'intérêts de retard et que la résistance abusive de l'employeur n'est pas démontrée.

Sur le surplus des demandes :

La société Magellis, succombante, sera condamnée aux dépens de première instance par infirmation du jugement déféré ainsi qu'aux dépens d'appel, et à payer à M. [G] la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [G] suivantes:

-la demande indemnitaire pour licenciement brutal et vexatoire,

-la demande indemnitaire pour résistance abusive relative au paiement du solde de congés payés,

-les demandes au titre d'une 'rémunération variable',

-le complément d'indemnité de non-concurrence,

-l'indemnité pour sous-évaluation et retard dans le versement de la contrepartie à la clause de non-concurrence,

-les demandes au titre des heures supplémentaires, du repos compensateur et du travail dissimulé,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Magellis à payer à M. [G] les sommes suivantes :

-4207,52 € au titre de la prime de vacances conventionnelle,

-23'935,08 € au titre de l'indemnité de non-concurrence,

-2393,51 € au titre des congés payés y afférents,

L'infirme sur le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,

Dit et juge que le licenciement de M. [G] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

Condamne la société Magellis à payer à M. [G] :

- 120'000 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L1235-3 du code du travail,

- 420,75 € à titre de congés payés sur prime de vacances conventionnelle,

- 29'794,59 € à titre de solde de congés payés, dont il conviendra de déduire la provision de 10'000 € obtenue par l'intéressé devant le bureau de conciliation et d'orientation,

Rejette le surplus des demandes,

Condamne la société Magellis à payer à M. [G] la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Magellis aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Caroline PARANT, présidente, et par Eve LAUNAY, greffière.

La greffièreLa présidente

Eve LAUNAYCaroline PARANT

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 2
Numéro d'arrêt : 18/03169
Date de la décision : 30/04/2020

Références :

Cour d'appel de Toulouse 42, arrêt n°18/03169 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-04-30;18.03169 ?
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