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14/05/2019 | FRANCE | N°17/04957

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 2, 14 mai 2019, 17/04957


14/05/2019





ARRÊT N°19/343





N° RG 17/04957 - N° Portalis DBVI-V-B7B-L4SQ


DF/PP





Décision déférée du 28 Juillet 2017 - Tribunal de Grande Instance d'Albi - 10/02666


BLANQUE-JEAN


























E... L...








C/





N... L...


F... L...




























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CONFIRMATION











Grosse délivrée





le





à


REPUBLIQUE FRANCAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


***


COUR D'APPEL DE TOULOUSE


1ere Chambre Section 2


***


ARRÊT DU QUATORZE MAI DEUX MILLE DIX NEUF


***





APPELANTE





Madame E... L...


[...]





Représentée par M...

14/05/2019

ARRÊT N°19/343

N° RG 17/04957 - N° Portalis DBVI-V-B7B-L4SQ

DF/PP

Décision déférée du 28 Juillet 2017 - Tribunal de Grande Instance d'Albi - 10/02666

BLANQUE-JEAN

E... L...

C/

N... L...

F... L...

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 2

***

ARRÊT DU QUATORZE MAI DEUX MILLE DIX NEUF

***

APPELANTE

Madame E... L...

[...]

Représentée par Me Jean-louis JEUSSET de la SELARL INTER-BARREAU CABINET JEUSSET AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 31555/2017/020054 du 04/09/2017 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)

INTIMÉS

Monsieur N... L...

[...]

[...]

Monsieur F... L...

[...]

Représentés par Me Florence PAMPONNEAU de la SCP PAMPONNEAU PERROUIN BELLEN-ROTGER, avocat au barreau D'ALBI

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 19 Mars 2019 en audience publique, devant la Cour composée de :

C. GUENGARD, président

P. POIREL, conseiller

O. STIENNE, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : C. CENAC

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par C. GUENGARD, président, et par C. CENAC, greffier de chambre.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. C... L... et son épouse, Mme G... H... sont respectivement décédés le [...] et le [...], laissant à leur survivance leurs trois enfants N... L..., F... L... et E... L..., en l'état d'une donation partage en date du 29 juin 1979 au profit de chacun des enfants et d'une donation en date du 18 mai 1989 portant sur la nue-propriété d'un appartement situé à Levallois à leurs petits-enfants X..., R... et A... L....

Invoquant l'impossibilité d'un partage amiable, Mme E... L... a fait assigner ses frères en partage, par exploit d'huissier en date du 19 novembre 2010.

Par jugement en date du 26 mars 2013, le tribunal de grande instance d'Albi a ordonné la liquidation et le partage des successions de M. C... L... et de Mme G... H... et, préalablement aux opérations, ordonné une expertise confiée à Mme J....

Le rapport d'expertise a été déposé le 2 juillet 2015.

ll conclut que :

- M. N... L... a pris en charge sa mère depuis 1982 de façon constante et continue jusqu'au décès de celle-ci, du temps de sa location à Salvagnac avec services d'aide à domicile, puis lorsqu'elle a intégré la maison de retraite en tant que résidente,

- pendant ce temps, M. F... L... a secondé leur père resté à Paris jusqu'à ce que son état de santé impose qu'il rejoigne son épouse à la maison de retraite,

- M. F... L... a encaissé différents chèques émis sur le compte de son père pour un montant total de 19 218,94 €,

-M. N... L... a encaissé différents chèques émis sur le compte de son père pour un montant total de 45 771,75 €,

- M. N... L... a réglé diverses factures pour le compte de ses parents (repas portés à domicile, frais de séjour à la maison de retraite, frais annexes) pour un total de 79 819,42 €;

- M. F... L... a réglé diverses factures pour le compte de ses parents pour un total de 6 087,41 €,

- la masse active à partager s'élève à 192 852,09 € incluant le rapport des donations de 1979 et de 1989.

Par jugement contradictoire en date du 28 juillet 2017, le tribunal de grande instance d'Albi a, en lecture de rapport, notamment :

- débouté Mme E... L... de sa demande au titre des meubles meublants;

- dit n'y avoir lieu à rapport successoral par N... L... au titre de dons manuels;

- ordonné le rapport à succession par M. F... L... des dons manuels reçus pour la somme de 14 476,80 €;

- déclaré recevable l'action en réduction de Mme E... L...;

- débouté Madame E... L... de sa demande au titre du recel successoral;

- renvoyé les parties devant le notaire désigné en exécution du précédent jugement aux fins de liquidation et partage des successions de M. C... L... et de son épouse Mme G... H...;

- désigné en tant que de besoin Me B..., notaire à Albi, si un de ses confrères n'est pas déjà en charge du dossier;

- dit qu'en cas d'empêchement du notaire commis, il sera remplacé sur simple requête;

- débouté Mme E... L... de sa demande de dommages-intérêts;

- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision;

- dit que les dépens en ce compris les frais de généalogiste, seront employés en frais privilégiés de partage;

- rejeté toute demande autre, contraire ou plus ample formulée par les parties.

Par déclaration électronique en date du 13 octobre 2017, Mme E... L... a relevé appel contre cette décision en ce qu'elle a :

- débouté Madame E... L... de sa demande au titre des meubles meublants;

- dit n'y avoir lieu à rapport successoral au titre de dons manuels par M. N... L... ;

- débouté Madame E... L... de sa demande au titre du recel successoral;

- débouté Mme E... L... de sa demande de dommages et intérêts et au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les dernières écritures de l'appelante en date du 11 janvier 2018 au terme desquelles Mme E... L... demande à la Cour de :

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a jugé recevable l'action en réduction;

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a ordonné le rapport à succession par F... L... des dons manuels reçus pour la somme 14.476,80 € dans le cadre de la liquidation et du partage des successions de Monsieur C... L... et de son épouse Madame G... H...;

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a renvoyé les parties devant le notaire désigné en exécution du premier jugement aux fins de liquidation et partage des successions de Monsieur C... L... et de son épouse Madame G... H... et désigner en tant que de besoin Maître B..., Notaire à Albi si un de ses confrères n'est pas déjà en charge du dossier;

- réformer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté Mme E... L... de sa demande au titre des meubles meublants et fixer la valeur des meubles meublants des époux L... décédés, selon le forfait fiscal de 5 % ce qui représente la somme de 14.037,07 €;

- dire et juger que les sommes encaissées par N... L... de son père C... L... à hauteur de 69.261,76 € constituent des dons manuels rapportables à la succession de Monsieur C... L... et de son épouse Madame G... H...;

- dire et juger que F... et N... L... se sont rendus coupables de recel successoral sur les avoirs bancaires ci-dessus mentionnés et que ces derniers seront dès lors privés de leur part successorale sur les sommes ci-dessus recélées;

- homologuer le rapport d'expertise judiciaire s'agissant des valeurs des biens immobiliers des successions L... et du passif successoral;

- dire et juger au regard de la masse nette à partager de droits des héritiers qu'il y a eu atteinte à la réserve de Madame L...;

-ordonner la réduction des libéralités les plus récentes, constituées par les dons manuels réalisés au profit de N... et F... L... jusqu'à concurrence des droits héréditaires de la concluante, en partant des dons manuels les plus récents jusqu'aux plus anciens;

- condamner en conséquence N... et F... L... au paiement de la réserve qui sera définie par Notaire désigné, sur la base de la décision à intervenir;

- renvoyer les parties devant le Notaire délégué par la Chambre Interdépartementale des notaires, afin qu'il soit procédé au partage définitif des successions des époux C... L..., selon les éléments retenus par la décision à intervenir;

- condamner N... et F... L... au paiement de la somme de 20,000 € à leur s'ur E... L..., et ce à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi, en raison de l'atteinte continue portée à ses droits héréditaires;

- les condamner au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, car il serait inéquitable de laisser à la charge de la concluante les frais exposés pour sa défense tant en première instance que devant la Cour;

- dire que les frais tant de la procédure de première instance que d'appel seront employés en frais privilégiés de partage, à l'exclusion des frais de généalogiste engagés pour la recherche incongrue de Madame L..., alors que ses frères connaissaient parfaitement son adresse.

Vu les dernières écritures d'intimé en date du 9 mars 2018 au terme desquelles Messieurs N... et F... L... demandent à la Cour de:

Sur l'appel principal :

- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il débouté Madame L... de sa demande concernant les meubles meublants ;

- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il débouté Madame L... de sa demande de qualifier de dons manuels les sommes reçues par Monsieur N... L... et d'ordonner leur rapport à la succession;

- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a jugé que Monsieur F... L... devait rapporter la somme de 14 476,80 €;

- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté Madame L... de sa demande de condamnation des concluants sur le fondement du recel successoral;

- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a débouté Madame L... de sa demande indemnitaire et de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile;

- confirmer le jugement de première instance qui a passé les dépens en frais privilégiés de partage, en ce compris les frais de généalogistes;

- débouter Madame E... L... de ses plus amples demandes ;

Sur l'appel incident :

- réformer le jugement de première instance en ce qu'il a déclaré recevable la demande en réduction des libéralités;

- réformer le jugement de première instance en ce qu'il a déclaré recevable la demande fondée sur le recel successoral;

Y ajoutant :

- condamner Mme L... à verser aux concluants la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture de la mise en état a été ordonnée le 4 mars 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il ressort de l'acte d'appel limité et des conclusions d'intimés que le jugement entrepris n'est contesté qu'en ce qu'il a débouté Mme E... L... de ses demandes au titre des meubles meublants, de rapport des dons manuels reçus par N..., en ce qu'il a statué sur la recevabilité puis débouté Mme L... de sa demande au titre recel successoral, déclaré recevable l'action en réduction, débouté Mme L... de sa demande de dommages et intérêts et sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en ce qu'il a statué sur les dépens.

Sur la demande au titre des meubles meublants:

Le premier juge a rejeté la demande de Mme L... au titre des meubles ayant meublé l'appartement de M. C... L..., dont ce dernier était de son vivant locataire au [...] , à défaut d'inventaire des meubles au décès dont une partie avait été déménagée à l'Union Chez N... L... mais également dans l'appartement situé au [...], Mme L... n'apportant aux débats aucun élément de nature à justifier de la consistance du mobilier, le forfait fiscal en la matière, ne pouvant suppléer sa carence dans l'administration de la preuve.

Il est en effet établi que si une partie de ces meubles a bien été déménagée à l'Union chez N..., ayant d'abord été déposée en garde meubles puis livrée à son domicile en juin 2003, il ressort d'une facture déménagement antérieure au décès, en date du 31 août 2002, que 17 M3 de meubles ont été transférés de l'appartement situé au [...] à l'appartement situé au N°4 de la même place, à savoir l'appartement donné à E... au terme de la donation partage du 29 juin 1979.

Il ressort par ailleurs de la déclaration de succession que les parties avaient déclaré au titre des meubles un forfait mobilier de 952, 76 € au titre de la succession de M. C... L... et de 409, 73 € au titre de la succession de Mme G... H..., confirmant le peu de valeur du mobilier.

Mme L... conteste très curieusement avoir elle même reçu des meubles appartenant de ses parents affirmant que l'appartement qui lui a été transmis par la donation partage de 1979 était entièrement vide et en veut pour preuve un contrat de location non meublé qu'elle a consentie sur cet appartement le 7 octobre 2003, deux mois après le décès de son père, ce qui ne permet cependant pas d'exclure qu'elle ait antérieurement, en août 2002, réceptionné dans cet appartement 17 M3 de meubles provenant de l'appartement de son père, meubles à propos desquels elle ne donne aucune explication, M. N... L... indiquant pour sa part que les meubles qu'il a réceptionnés consistaient en un vieux matériel de tapisserie de son père qui n'avait qu'une valeur affective et dont il se serait débarrassé à son décès.

Ainsi, Mme L... ne s'expliquant pas utilement sur le mobilier dont elle a elle même pris possession, ni n'apportant aucun élément de contestation de la valeur du mobilier telle que ressortant de la déclaration commune de succession, ne saurait prospérer en sa demande de voir fixer la valeur des meubles meublants dépendant de la succession de ses parents à un autre montant, en l'occurrence sur la base du forfait fiscal de 14037,07€.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme L... de sa demande de ce chef.

Sur les sommes perçues par N... L...:

S'il résulte des dispositions de l'article 843 du code civil que l'héritier venant à une succession doit rapporter à ses co-héritiers tout ce qu'il a reçu du défunt par donation entre vifs, directement ou indirectement' cette obligation suppose que soit établie la preuve de l'intention libérale.

Or, il n'appartient pas à l'héritier qui a reçu des fonds d'établir l'existence d'une contre partie mais à l'héritier qui sollicite le rapport de rapporter la preuve l'intention libérale.

Il n'est pas contesté par N... L... qu'il a encaissé sur ses comptes une somme de 68 911,76 € provenant de son père.

Malgré ses longs développements, la contestation de Mme E... L... relativement aux sommes retenues par les premiers juges ne porte que sur un chèque d'un montant de 350 € pour lequel elle soutient que s'il a bien été libellé à l'ordre de la SCP G. SIMONIN, E. LE MARREC, il a en fait profité exclusivement à N..., s'agissant du règlement de frais d'huissier afférents aux biens immobilier de ce dernier.

Elle verse aux débats, au soutien de cette affirmation, une attestation de l'agence immobilière COP de Levallois dont elle affirme qu'il s'agissait de l'agence de ses parents et qui confirme «n'avoir jamais eu aucun contact avec la SCP SIMONIN, LE MAREC, [...] » ce qui apparaît bien évidemment insuffisant à rapporter la preuve que ce chèque aurait été émis en règlement de frais d'huissier incombant à N....

S'agissant de l'affectation des fonds perçus, l'appelante reproche au premier juge d'avoir suivi l'expert lequel n'aurait pourtant jamais pu établir que les fonds encaissés trouvaient une correspondance en débit dans les comptes bancaires de N... L..., à défaut pour celui-ci d'avoir produit ses relevés de compte personnels et ce malgré sommation en date du 24 janvier 2012, le seul listing établi de la main du défendeur à son profit ne pouvant valoir preuve et les seules factures de maison de retraite n'établissant pas la preuve de leur paiement par N....

Elle soutient que qu'il appartient à N... L... qui a perçu des fonds et qui se prétend libéré de justifier de ses paiements et non pas à elle d'apporter la preuve que ses parents se sont bien acquittés de leurs dépenses personnelles

Elle reproche ainsi à l'expert de n'avoir pas investigué sur les possibilités financières de ses parents qui avaient en moyenne un revenu mensuel total de 2 973€, ce alors que:

- la maison de retraite de Mme L... n'a jamais dépassé un coût mensuel de 1 091€ et que celui de la maison de retraite de M. L... était de 1 173 € de sorte que les frais d'hébergement du couple n'ont jamais dépassé le montant de leurs revenus,

- ses parents disposaient d'importantes liquidités ,

-il ressort de leurs relevés de compte que de novembre 1999 à novembre 2003, ils prélevaient mensuellement sur leurs comptes, en sus des dons manuels qu'auraient reçus les défendeurs, une somme totale de 2 588 € suffisante à faire face à leurs dépenses mensuelles.

Si le premier juge a bien observé que les relevés de compte de M. N... L... n'étaient pas produits, il a toutefois retenu par des motifs pertinents qu'il ressortait des attestations de la comptable et de la directrice de la maison de retraite que M. N... L... s'était seul acquitté des frais de séjour de ses parents en maison de retraite, qu'il existait une corrélation entre les montant reçus par N... et les règlements opérés par ce dernier auprès de la maison de retraite à tout le moins pour les années 2002 et 2003 et au titre du monument funéraire à hauteur de 5 710€ et que le fait que N... ait été amené à faire l'avance essentiellement des frais d'hébergement de sa mère à la maison de retraite était concordant avec le fait, non contesté, qu'il s'occupait de sa mère, étant le proche d'elle, celle ci ne vivant plus avec son époux qui était alors en région parisienne.

De surcroît, il est vain pour Mme L... d'essayer de démontrer que ses parents avaient les moyens de faire face à leurs frais de séjour en maison de retraite puisqu'en définitive il n'est pas contesté qu'il s'en sont effectivement acquittés par le remboursement des avances faites par leur fils, par les versements litigieux, N... L... n'ayant jamais prétendu à créance de ce chef, ni d'ailleurs le département.

Au contraire, N... L... observe justement qu'il ne ressort pas des extraits de compte de C... L... à la Banque de France que celui s'acquittait mensuellement et directement des frais de maison de retraite, aucune des factures produites ne correspondant à une écriture au débit sur le compte de son père et force est de constater que l'appelante n'a elle même jamais prétendu le contraire, se contentant d'affirmer que les prélèvements mensuels globaux effectués par son père pour un montant de 2 588 € servaient nécessairement à payer la maison de retraite, sans individualiser un quelconque règlement mensuel régulier correspondant au coût de la maison de retraite dans les comptes de son père.

Enfin, le fait qu'à côté des sommes versées à leur fils, M. et Mme L... aient effectué des prélèvements réguliers sur leur compte, ainsi qu'ils en avaient la possibilité et le droit, ne saurait suffire à affirmer que les versements effectués au profit de N... l'ont été dans une intention libérale, ce qui n'est pas établi, toute autre supputation quant aux habitudes de vie de M. et Mme L... étant inopérantes.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a, sans invcerser la charge de la preuve, débouté Mme E... L... de sa demande de ce chef.

Sur la demande au titre du recel successoral:

L'action en recel successoral est indépendante de l'action en partage.

Le jugement entrepris n'est pas critiqué en ce qu'il a fait justement application à l'espèce des dispositions de l'article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, dès lors que lors que la prescription trentenaire antérieure n'était pas acquise à la date d'entrée en vigueur de la loi au 19 juin 2008.

Il résulte de ces dispositions que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

La loi nouvelle ayant eu pour effet de réduire le délai de prescription s'applique en effet aux prescriptions en cours à compter de son entrée en vigueur au 19 juin 2008, sans pouvoir jamais excéder la durée de prescription antérieure.

En l'espèce, Il résulte d'un courrier adressé par son conseil à F... L... le 3 juillet 2009 que E... L... avait connaissance d'une somme de 20 759 € perçue par lui et d'une somme de 67 146 € perçue par N..., sans qu'aucune date antérieure ne puisse être retenue comme marquant sa connaissance des faits lui permettant d'agir, de sorte que l'action devait être intentée avant le 3 juillet 2014.

En aucun cas le fait que Mme L... ait fait référence aux dispositions de l'article 778 du code civil dans ses conclusions signifiées le 13 septembre 2011 à la suite de son assignation en partage ne saurait suffire à interrompre la prescription, alors qu'elle n'a pas formulé expressément de prétentions de ce chef, aucune demande à ce titre n'étant reprise dans le dispositif de ses écritures.

Contrairement à ce qu'indique Mme L..., le tribunal n'a pu, dans sa décision en date du 23 mars 2013 ayant ordonné le partage et une expertise, réserver la demande au titre des dispositions de l'article 778 du code civil dont il n'était pas saisi.

Il résulte cependant des dispositions de l'article2239 du Code civil que l'expertise ordonnée avant tout procès suspend la prescription, celle ci recommençant à courir pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois à compter du jour où elle a été exécutée.

En l'espèce, une expertise a été ordonnée le 26 mars 2013, portant notamment sur les comptes, soit 3 ans, 8 mois et 23 jours après le départ du délai de prescription et le rapport a été déposé le 21 Juillet 2015, ce qui a eu pour effet de suspendre la prescription qui a recommencé à courir à compter de cette date.

Il n'est pas contesté que Mme L... a formulé sa demande au titre du recel successoral pour la première fois devant le tribunal de grande instance par ses écritures en date du 9 septembre 2016, soit un an, un mois et 19 jours après que la prescription a recommencé à courir, de sorte qu'au total (4 ans, 10 mois et 12 jours), l'action en recel successoral n'est pas prescrite.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a déclaré recevable l'action en recel successoral.

Il le sera nécessairement également en ce qu'il a débouté Mme E... L... de sa demande de ce chef à l'encontre de N..., dès lors qu'il a été sus retenu que les sommes encaissées par N... ne constituaient pas des libéralités rapportables.

Quant aux sommes perçues par F... et dont l'obligation de rapport à la succession n'est pas critiquée, le premier juge a fait une appréciation pertinente des éléments qui lui étaient soumis en retenant que Mme L... ne rapportait pas la preuve qui lui incombait de la volonté de F... de rompre l'égalité du partage en sa faveur, alors que celui a encaissé les sommes litigieuses à compter de 1998, dans le cadre de la prise en charge de son père et de la gestion de ses immeubles et que ces sommes avaient dans son esprit vocation à 'compenser' cette implication, aucun moyen ou élément nouveau versé aux débats devant la cour ne permettant de retenir à l'encontre de F... L... la preuve d'une intention de rompre à son profit l'égalité du partage.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté Mme E... L... de sa demande de ce chef à l'encontre de F....

Sur l'action en réduction:

C'est à bon droit que le tribunal a dit que les dispositions de l'article 921 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 23 juin 2006 n'étaient pas applicables à la présente demande dans le cadre d'une succession ouverte antérieurement à son entrée en vigueur au 1er janvier 2007 mais que lui étaient applicables les dispositions de l'article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, à compter de son entrée en vigueur au 19 juin 2008, qui a réduit le délai de prescription de trente ans à cinq ans en matière d'action personnelle ou mobilière, sans jamais pouvoir excéder au total la durée prévue par la loi antérieure.

Il résulte de ces dispositions que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

L'action en réduction des libéralités constitue une action personnelle soumise en conséquence à la prescription quinquennale. Elle n'est par ailleurs soumise à aucun formalisme particulier et en ce sens une action en partage par laquelle il est sollicité la liquidation et le partage d'une succession avec rapport des libéralités manifeste suffisamment l'intention de l'héritier réservataire de solliciter la réduction des libéralités consenties par le de cujus.

En l'espèce, les époux L... sont tous deux décédés en 2003.

La prescription trentenaire antérieure n'était pas acquise à la date de l'entrée en vigueur au 19 juin 2008 de la réforme de la prescription ayant réduit le délai de prescription applicable aux prescriptions en cours de sorte que l'action devait être introduite au plus tard le 18 juin 2013.

Mme E... L... a fait assigner ses frères en partage par exploit en date du 19 novembre 2010, sollicitant la désignation d'un notaire aux fins d'établissement des forces successorales mais également, ainsi qu'elle l'a précisément formulé dans ses écritures, aux fins de détermination de la réserve et de la quotité disponible, d'imputation des libéralités et de détermination de la part réductible, ce qui a eu pour effet d'interrompre la prescription qui n'est donc pas acquise.

L'action de Mme E... L... en réduction des libéralités est donc recevable et le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il en a ainsi décidé.

Sur le fond, Mme E... L... demande 'l'homologation du rapport d'expertise s'agissant des valeurs des biens immobiliers des successions et du passif successoral', de 'dire en conséquence qu'il y a eu atteinte à la réserve de Mme L...', d'ordonner 'la réduction des libéralités selon l'ordre légal' et de' condamner N... et F... L... au paiement de la réserve qui sera définie par le notaire sur la base de la décision à intervenir'.

Ces demandes ne sont cependant nullement chiffrées dans son dispositif et de surcroît, la demande de réduction tient notamment compte de la valeur d'un bien immobilier donné aux petits enfants lesquels ne sont pas en la cause alors que la valeur de ce bien participe du calcul de la réserve et de la quotité disponible et qu'ils encourent la réduction de leur donation, ainsi que de la somme de 69 261.78€ dont elle demandait le rapport à N..., ce dont elle est déboutée et de l'application d'un forfait pour les meubles meublants à hauteur de 14037.07€, dont elle est également déboutée, de sorte que la cour n'est pas en mesure de déterminer l'actif de la succession, ni en conséquence la réserve et la quotité disponible, ni d e se déterminer sur une possible réduction.

La décision entreprise sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a renvoyé les parties devant le notaire afin qu'il soit procédé aux opérations de compte, de liquidation et de partage, lesquelles comprendront le rapport et l'éventuelle réduction des libéralités, sur la base du présent arrêt.

Sur les dommages et intérêts:

Il n'est pas davantage qu'en première instance établi en cause d'appel que Mme L... aurait été contrainte d'assigner ses frères en partage du fait d'une résistance fautive de leur part et le simple fait qu'ils se soient défendus en première instance comme en appel ne suffit pas à caractériser une 'atteinte continue aux droits' de leur soeur, laquelle succombe en son appel.

La décision entreprise sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a débouté E... L... de sa demande de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice moral et matériel.

La décision entreprise n'est pas critiquée en ce qu'elle a dit que les dépens de première instance seront employés en frais privilégiés de partage et c'est par de motifs pertinents que la cour adopte n'ayant rien à y ajouter ou à y retrancher en l'absence de tout autre argument plus pertinent présenté devant la cour qu'elle y a inclus les frais de généalogiste engagés par ses frères. Il y a donc lieu à confirmation de ces chefs.

Succombant en son recours, Mme E... L... en supportera les dépens et sera en conséquence déboutée de sa demande en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, étant condamnée à verser aux intimés une somme de 3 000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement entrepris.

Y ajoutant,

Condamne Mme E... L... à payer à N... L... et F... L... une somme de 3000€ en application des dispositions de article 700 du Code de Procédure Civile.

Renvoie les parties devant le notaire pour qu'il soit procédé sur ces bases aux opérations de compte, liquidation et partage ainsi qu'au rapport et éventuellement à la réduction des libéralités.

Condamne Mme E... L... aux dépens du présent recours.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

C.CENAC C.GUENGARD

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 2
Numéro d'arrêt : 17/04957
Date de la décision : 14/05/2019

Références :

Cour d'appel de Toulouse 12, arrêt n°17/04957 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-14;17.04957 ?
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