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10/05/2019 | FRANCE | N°17/01373

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 2, 10 mai 2019, 17/01373


10/05/2019





ARRÊT N°19/249





N° RG 17/01373 - N° Portalis DBVI-V-B7B-LQBS


APB/VM





Décision déférée du 20 Février 2017 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( F15/02610)


Christian BACOU


























J... D...








C/





SA GAN ASSURANCES
























>


































































INFIRMATION PARTIELLE











Grosse délivrée





le





à


REPUBLIQUE FRANCAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


***


COUR D'APPEL DE TOULOUSE


4eme Chambre Section 2


***


ARRÊT DU DIX MAI DEUX MILLE DIX NEUF


***





APPELANT





Monsieur J... D...


...

10/05/2019

ARRÊT N°19/249

N° RG 17/01373 - N° Portalis DBVI-V-B7B-LQBS

APB/VM

Décision déférée du 20 Février 2017 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TOULOUSE ( F15/02610)

Christian BACOU

J... D...

C/

SA GAN ASSURANCES

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 2

***

ARRÊT DU DIX MAI DEUX MILLE DIX NEUF

***

APPELANT

Monsieur J... D...

[...]

Représenté par Me Karim CHEBBANI de la SELARL CABINET CHEBBANI, avocat au barreau de TOULOUSE, postulant et par Me Pierre ROBIN de la SELARL R&R, avocat au barreau de PARIS, plaidant

INTIMÉE

SA GAN ASSURANCES

[...]

Représentée par Me Antoine MANELFE, avocat au barreau de TOULOUSE, postulant et par Me Julie BEOT-RABIOT de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de PARIS, plaidant

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Mars 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Alexandra PIERRE-BLANCHARD, conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Caroline PARANT, présidente

Christine KHAZNADAR, conseillère

Alexandra PIERRE-BLANCHARD, conseillère

Greffière, lors des débats : Brigitte COUTTENIER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par Caroline PARANT, présidente, et par Brigitte COUTTENIER, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. J... D... a été embauché suivant un contrat de travail à durée indéterminée le 1er octobre 1998 par la société Groupama, en qualité de responsable assurance et activité santé.

Il exerçait alors les fonctions de 'responsable du développement marché des travailleurs non salariés'.

Le contrat de travail de M. D... a été transféré le 17 décembre 2012 de la société Groupama vers la société GAN ASSURANCES.

En dernier état des relations contractuelles, M. D... occupait le poste de 'responsable commercial de réseaux', statut cadre, classe 7, région sud-ouest, sous la direction du responsable du département développement.

La convention collective applicable à la relation contractuelle est la convention collective nationale de l'inspection d'assurance.

Le contrat de travail de M. D... prévoyait une rémunération brute annuelle de 75 000 € sur 12 mois, outre une part variable payée en avril de chaque année, ainsi qu'une convention de forfait de 205 jours travaillés par an.

Les missions de M. D... couvraient un secteur géographique de 14 départements de la région sud-ouest et consistaient à assurer le développement commercial de ce secteur.

M. D... a été placé en arrêt maladie du 1er janvier 2014 au 18 janvier 2014, du 17 septembre 2014 au 20 novembre 2014, puis du 6 juillet 2015 jusqu'à ce jour, le contrat de travail étant toujours suspendu.

Par courrier du 31 août 2015, M. D... a sollicité la reconnaissance auprès de la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute Garonne de sa maladie résultant d'un 'burn out' au titre de la législation professionnelle.

Par courrier du 25 novembre 2015, la CPAM de la Haute Garonne a notifié à M. D... son refus de prise en charge au titre des maladies professionnelles.

M. J... D... a été admis au régime de l'invalidité en catégorie 2 à compter du 6 juillet 2018.

Parallèlement, le 13 octobre 2015, M. D... a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse, d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de diverses demandes en paiement.

Par jugement du 20 février 2017, le conseil de prud'hommes de Toulouse a débouté M. D... et la société GAN ASSURANCES de l'intégralité de leurs demandes et condamné M. J... D... aux entiers dépens.

Ce dernier a relevé appel du jugement entrepris dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 14 septembre 2018, auxquelles il est expressément fait référence, M. D... conclut à l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de :

- juger que la société GAN ASSURANCES a commis multiples manquements dont celui du non-respect de son obligation de sécurité de résultat,

- juger que la convention de forfait annuel en jours à laquelle il était soumis est nulle,

- juger que l'employeur, par ses manquements, a généré une dégradation conséquente de ses conditions de travail qui a eu des conséquences lourdes sur son état de santé,

en conséquence,

- prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société GAN ASSURANCES,

- dire que la rupture produira tous les effets d'un licenciement abusif,

- condamner la société GAN ASSURANCES à lui payer les sommes suivantes :

-200 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-29 171,44 € au titre de l'indemnité de préavis outre 2 917,14 € de congés payés y afférents, à titre subsidiaire 24 754,36 € d'indemnité de préavis et 2 475,43 € de congés payés y afférents,

-121 499 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, subsidiairement 103 101,79€ à ce même titre,

-25 000 € à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur,

-15 000 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect des règles relatives aux repos quotidien et hebdomadaire,

-243 308,58 € à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires sur les suites de l'annulation de la clause de forfait jours, outre 24 330,86 € de congés payés y afférents,

-66 805,24 € à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,

-7 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Gan assurance aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 21 septembre 2018, auxquelles il est expressément fait référence, la société GAN ASSURANCES conclut à la confirmation du jugement entrepris et demande à la cour de :

- constater que la convention de forfait annuel en jours de M. D... ne souffre d'aucune difficulté tant dans son fondement juridique que dans ses modalités d'application,

- constater qu'elle n'a pas manqué à son obligation de sécurité de résultat,

En conséquence,

- constater que la demande de résiliation judiciaire de M. D... n'est pas fondée,

- débouter M. D... de l'intégralité de ses demandes,

- condamner M. D... à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par arrêt du 23 novembre 2018, la présente cour a :

-infirmé le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la convention de forfait jours opposable au salarié,

-statuant à nouveau du chef infirmé,

-dit que la convention de forfait jours conclue entre les parties est inopposable à M. J... D...,

-dit que l'existence de l'accomplissement d'heures supplémentaires est établie,

-sursis à statuer sur la demande de rappel de salaire relative aux heures supplémentaires,

-ordonné la réouverture des débats à l'audience du 22 mars 2019 aux fins suivantes:

1) production par M. J... D... d'un nouveau décompte des heures supplémentaires revendiquées:

-précisant les horaires effectués par journée de travail, en tenant compte des mentions des agendas,

-excluant les jours de RTT,

-excluant les temps de pause notamment pour repas,

-précisant de manière distincte les temps de trajet en excluant les trajets domicile-travail et les trajets purement privés, pour conserver les seuls déplacements professionnels,

et conclusions de l'appelant uniquement sur la demande de rappel de salaire relative aux heures supplémentaires,

2) conclusions en réponse de la SA GAN ASSURANCES uniquement sur ce point,

-fixé un calendrier de procédure dans l'arrêt,

-sursis à statuer sur l'ensemble des autres demandes,

-réservé les dépens.

Par conclusions additionnelles sur réouverture des débats notifiées par voie électronique le 1er mars 2019, auxquelles il est fait expressément référence, M. D... demande à la cour :

-de lui donner acte de ce qu'il maintient l'intégralité des demandes formalisées au moyen de ses conclusions récapitulatives du 14 septembre 2018,

-s'agissant des demandes formulées au titre des heures supplémentaires, de condamner la société GAN ASSURANCES à lui payer les sommes de 243'308,58 € à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires sur les suites de l'annulation de la clause de forfait jours, outre 24'330,86 € au titre des congés payés y afférents,

-condamner la société GAN ASSURANCES aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions additionnelles sur réouverture des débats notifiées par voie électronique le 22 février 2019, auxquelles il est fait expressément référence, la société GAN ASSURANCES demande à la cour :

à titre principal :

-dire et juger que M. D... ne verse pas aux débats d'élément permettant d'étayer le quantum des prétendues heures supplémentaires qu'il revendique, en conséquence, le débouter de sa demande de rappel de salaire au titre des prétendues heures supplémentaires ainsi que celles au titre des congés payés y afférents,

à titre subsidiaire :

-dire et juger que le seuil de déclenchement des heures supplémentaires est fixé à 38 heures,

-dire et juger que le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires doit être calculé sur la base du salaire minimum conventionnel,

-en conséquence, condamner la société GAN ASSURANCES à verser à M. D... la somme de 33'025,27 € bruts au titre des heures supplémentaires et la somme de 3 305,22€ bruts au titre des congés payés afférents,

à titre infiniment subsidiaire :

-dire et juger que le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires doit être calculé sur la base du salaire minimum conventionnel,

-en conséquence, condamner la société GAN ASSURANCES à verser à M. D... la somme de 48'409,02 € bruts au titre des heures supplémentaires et la somme de 4840,90 € bruts au titre des congés payés afférents,

En tout état de cause :

dire et juger que la demande de rappel de salaire formulé par M. D... doit s'entendre en «brut » égard aux cotisations et contributions devant être précomptées sur les sommes à caractère de salaire.

MOTIFS :

Sur les heures supplémentaires :

Il est rappelé qu'il a été jugé par arrêt du 23 novembre 2018 infirmant sur ce point le jugement entrepris que la clause de forfait jours était inopposable à M. J... D..., de sorte que celui-ci était fondé à revendiquer à son profit l'application du régime de droit commun relatif à la durée du travail, prévoyant une durée de travail hebdomadaire de 35 heures ainsi que la majoration des heures supplémentaires.

La société GAN ASSURANCES ne peut donc soutenir dans le cadre de la réouverture des débats que, subsidiairement, le décompte des heures supplémentaires devrait s'effectuer à partir de la 38ème heure en raison de l'existence d'un accord d'entreprise; il est rappelé que la clause de forfait jours a pour objet initial de rémunérer forfaitairement les heures supplémentaires, leur majoration au-delà de 35 heures hebdomadaires et la contrepartie obligatoire en repos éventuellement due.

Il a également été jugé par arrêt du 23 novembre 2018 que la demande de rappel de salaire sur heures supplémentaires de M. D... était suffisamment étayée, que l'existence d'heures supplémentaires était avérée au vu des agendas produits et de l'absence de justification des horaires du salarié par la SA GAN ASSURANCES, mais que le quantum de celles-ci n'était pas déterminable au vu des éléments produits compte tenu des objections pertinentes de l'employeur sur de nombreuses journées.

Il est rappelé qu'au soutien de sa demande, M. D... produit la copie intégrale de ses agendas pour la période du mois de janvier 2012 au mois de juin 2015, que ces documents sont renseignés de manière manuscrite et comportent jour après jour et semaine après semaine les mentions précises de ses rendez-vous, de ses déplacements, de ses réunions, avec certains horaires ; et que ces mentions ne laissent aucun doute sur la tenue des agendas au fil de la relation contractuelle et montrent une amplitude de travail souvent supérieure à 10h par jour.

Dans le cadre de la réouverture des débats ayant notamment pour objet la production par l'appelant d'un nouveau décompte précisant les horaires effectués par journée de travail, en tenant compte des mentions des agendas, excluant les jours de RTT, excluant les temps de pause notamment pour repas, et précisant de manière distincte les temps de trajet en excluant les trajets domicile-travail et les trajets purement privés pour conserver les seuls déplacements professionnels, la cour constate que M. D... produit un nouveau décompte en pièce numéro 60 détaillant les temps de pause rompant avec le travail effectif lorsque cela a été le cas, ainsi que les horaires de travail quotidien.

M. D... répond également point par point aux critiques opposées par l'employeur à son premier décompte, ayant suscité le questionnement de la cour, au moyen de sa pièce numéro 59.

Il explique que durant la majorité du temps, il restait à la disposition de l'employeur durant sa pause déjeuner puisqu'il consommait un sandwich livré au bureau ou acheté par l'une de ses assistantes alors qu'il poursuivait ses activités professionnelles, comme le montrent les nombreux tickets d'achat produits, et qu'il participait également à des déjeuners de travail de sorte qu'il n'y a pas lieu, sur de multiples journées, à déduction d'une pause méridienne sur le temps de travail effectif.

La cour constate que l'appelant fournit des explications circonstanciées sur celles des pauses déjeuner devant être comptabilisées comme du travail effectif puisqu'il restait effectivement à la disposition de l'employeur. Ce dernier n'oppose aucun élément factuel à ces explications.

M. D... explique encore que les trajets mentionnés sur son agenda correspondent à des trajets professionnels et non pas à des trajets entre son domicile et son lieu de travail, il apporte sur chacun de ces temps de trajet des explications circonstanciées quant aux missions accomplies (exemple le 20 juin 2014, 8 heures de route : aller-retour entre l'entreprise et Clermont-Ferrand pour réunion de formation des agents d'Auvergne sur la santé collective).

Là encore, la cour constate que l'employeur ne produit aucun élément de nature à remettre en cause la réalité de ces déplacements, qui ressort d'ailleurs des échanges de courriers intervenus entre les parties en avril 2015, étant rappelé qu'il appartient à l'employeur de justifier du temps de travail effectif de son salarié.

Par ailleurs dans le cadre de son nouveau décompte, le salarié précise ses horaires de travail et met en mesure l'employeur d'y répondre, or la société GAN ASSURANCES n'oppose pas d'éléments objectifs permettant de contredire avec fiabilité les horaires précis allégués.

En effet, la société GAN ASSURANCES oppose au salarié un relevé de badgeage pour la période du 25 mars 2015 au 10 octobre 2015 produit pour la première fois en cause d'appel après réouverture des débats, et dont la cour retiendra l'irrecevabilité soulevée par M. D..., aux motifs qu'étant soumis à une convention de forfait, il n'a jamais été rendu titulaire d'un badge destiné à contrôler ses horaires de travail et n'a jamais régularisé le moindre document l'informant de la mise en 'uvre d'un tel système de contrôle.

Au surplus, M. D... précise sans être contredit qu'il s'agissait d'une carte d'accès permettant l'ouverture des portes, non utilisée systématiquement car très souvent l'accès était libre en raison de la présence du gardien ou de l'ouverture de la porte pour diverses raisons notamment lorsque plusieurs personnes se présentaient à l'entrée, et souvent le salarié entrait directement dans son bureau par l'accès venant du parking en passant par la salle de repos/cafétéria.

S'agissant des périodes de congés visées dans les écritures de l'intimé pour les années 2013, 2014, et 2015, ainsi que des jours de RTT pris, la cour constate que le salarié a bien tenu compte de ces périodes dans son décompte présenté en pièce numéro 60 et ne revendique donc pas d'heures supplémentaires sur ces périodes contrairement à ce que conclut l'employeur.

S'agissant en revanche de la période sur laquelle l'accomplissement d'heures supplémentaires est revendiquée, la cour constate que M. D... ne peut utilement solliciter le paiement de 15 heures supplémentaires accomplies antérieurement au 17 décembre 2012, date du début de la relation contractuelle avec la société GAN ASSURANCES ; en effet M. D... ne démontre pas avoir accompli une quelconque prestation de travail pour cet employeur avant cette date.

Enfin, contrairement à ce que soutient la société GAN ASSURANCES, la rémunération des heures supplémentaires et de leur majoration se calcule non pas sur un salaire théorique par référence aux minima conventionnels, mais bien en tenant compte du taux horaire applicable au salarié par référence à la rémunération versée dans le cadre du forfait.

À ce titre la cour retiendra les taux horaires tels que calculés par le salarié dans sa pièce numéro 31.

Après déduction des 15 heures supplémentaires (dont huit heures majorées à 25 % et sept heures majorées à 50 %) évoquées ci-dessus, correspondant à la somme de 2706,18 € bruts, la cour allouera à M. D... un rappel de salaire de 240'602,40€ bruts au titre des 3306 heures supplémentaires accomplies durant l'ensemble de la relation contractuelle, outre 24'060,24 € bruts au titre des congés payés y afférents.

Sur la demande indemnitaire pour non-respect des règles relatives aux repos quotidien et hebdomadaire :

S'agissant du repos hebdomadaire, il résulte des dispositions de l'article L. 3132-1 du code du travail qu'il est interdit de faire travailler un même salarié plus de six jours par semaine ; l'article L. 3132-2 du même code dispose que le repos hebdomadaire a une durée minimale de 24 heures consécutives auxquelles s'ajoutent les heures consécutives de repos quotidien ; enfin l'article L. 3132-3 précise que dans l'intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche.

Les dérogations à ces dispositions ne peuvent résulter que des dispositions légales et réglementaires, lesquelles ne sont nullement invoquées en l'espèce.

S'agissant du repos quotidien, tous les salariés assujettis à la législation sur la durée du travail doivent bénéficier d'un repos quotidien d'une durée minimale de 11 heures consécutives par application des dispositions de l'article L. 3131-1 du code du travail.

Des dérogations au repos quotidien peuvent être prévues par accord collectif, de telles dérogations ne sont pas alléguées en l'espèce.

La lecture des relevés horaires produits aux débats par M. D... permet de constater que celui-ci a été privé des repos quotidiens et hebdomadaires minimaux à de nombreuses reprises durant la relation contractuelle et en particulier à compter du mois de février 2014, notamment lorsqu'il devait effectuer son travail administratif après quatre jours de longs déplacements et de réunions ; la cour relève en particulier des amplitudes de travail importantes sans pause méridienne de 8 h à 21 h et de 7h30 à 20h30 avec des journées identiques enchaînées tout au long de la semaine pendant plusieurs mois.

M. D... justifie du préjudice subi en raison de cette privation du droit au repos par les pièces médicales produites illustrant l'épuisement professionnel dont il a été victime., étant rappelé que les arrêts de travail se sont multipliés à compter de janvier 2014.

Le préjudice de l'appelant sera réparé par l'allocation de la somme de 10000 €.

Sur le travail dissimulé :

L'article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.

L'article L.8221-5 dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

Le caractère intentionnel ne peut se déduire de la seule application d'une convention de forfait illicite, de sorte que la cour rejettera par confirmation du jugement entrepris la demande formulée par M. D... au titre du travail dissimulé sur le seul fondement de l'inopposabilité du forfait.

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail :

L'action en résiliation judiciaire du contrat de travail, fondée sur l'inexécution par l'employeur de ses obligations, ne peut aboutir que si la gravité de la violation par l'employeur de ses obligations contractuelles est incompatible avec la poursuite du contrat de travail. La résiliation judiciaire du contrat de travail prononcée à l'initiative du salarié et aux torts de l'employeur produit alors les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, M. J... D... reproche à l'employeur les manquements suivants:

-le défaut de toute formation et de tout accompagnement nécessaire à l'adaptation à son poste à compter du 17 décembre 2012,

-le défaut d'entretien annuel d'évaluation,

-des manquements à l'obligation de sécurité constitués par :

-des fonctions imprécises, très élargies et non délimitées,

-un isolement du salarié,

-la dévalorisation du salarié malgré ses bons résultats,

-la convocation à un entretien du 30 mars 2015 avec le directeur de région, au sujet de son implication dans ces fonctions, ignorant sa surcharge de travail,

-une dégradation de l'état de santé du salarié lié à ces manquements,

-la nullité de la clause de forfait jours avec l'accomplissement d'un nombre extrêmement important d'heures supplémentaires aboutissant à son épuisement psychique.

La cour estime, par infirmation du jugement déféré, que l'employeur a gravement manqué à ses obligations contractuelles en imposant de manière illicite à son salarié une convention de forfait conduisant au défaut de paiement des heures supplémentaires accomplies dans une proportion extrêmement importante durant toute la relation contractuelle ainsi qu'il l'a été jugé ci-dessus.

Le salarié justifie par les pièces médicales produites aux débats que la surcharge de travail à laquelle il était soumis, notamment l'exécution de journées de travail dont l'amplitude dépassait souvent 12 heures par jour avec de très nombreux déplacements, a conduit celui-ci à être placé en arrêt de travail de manière discontinue à compter du 1er janvier 2014 puis de manière continue à compter du mois de juillet 2015 et à être hospitalisé en juillet 2016 pour « décompensation dépressive à la suite d'un épuisement au travail » avec, ensuite, un placement en invalidité deuxième catégorie à compter du 6 juillet 2018.

La cour relève que l'employeur a ignoré les alertes du salarié sur sa surcharge de travail (mail et entretien du 28 mars 2015, courrier du 29 avril 2015) alors même qu'il ressort de sa fiche de poste qu'il lui incombait 123 actes professionnels, 30 activités principales et 7 missions permanentes, et qu'il est constant qu'il devait gérer et encadrer un réseau de 115 agents généraux indépendants sur 14 départements, ainsi que 20 inspecteurs commerciaux et de très nombreux chargés de mission.

Il est établi, ainsi que la cour l'a rappelé dans son arrêt du 23 novembre 2018, que le salarié n'a bénéficié d'aucun entretien sur sa charge de travail durant près de trois ans.

En conséquence, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner plus avant les autres griefs invoqués par le salarié, la cour estime que l'employeur a commis de graves manquements, perdurant jusqu'au placement du salarié en arrêt maladie et faisant obstacle à la poursuite de la relation contractuelle, de sorte que la résiliation judiciaire du contrat de travail sera prononcée.

Cette rupture produisant les effets d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, M. D... est bien fondé à obtenir :

-une indemnité conventionnelle de licenciement correspondant à la somme de 121'499€ conformément aux calculs présentés par le salarié en page 29 de ses conclusions du 14 septembre 2018, dont la méthode n'est pas utilement critiquée par l'employeur,

-une indemnité compensatrice de préavis égale à trois mois de salaire, calculée sur la base du salaire réévalué après réintégration du rappel sur heures supplémentaires, et s'élevant à la somme de 29'171,44 € bruts outre la somme de 2917,14 € bruts au titre des congés payés y afférents.

Par ailleurs, la rupture du contrat de travail intervient alors que M. D... avait acquis près de 20 ans d'ancienneté, est âgé de 53 ans et justifie d'un état de santé dégradé de nature à compromettre ses chances de retrouver un emploi. Le salaire reconstitué de M. D... sur les 12 derniers mois de travail s'élève à 9723,81 € bruts.

En considération de ces éléments, la cour allouera à M. D... la somme de 200'000 € à titre de dommages intérêts sur le fondement des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail.

Sur le manquement à l'obligation de sécurité :

Dans le cadre de l'obligation de sécurité pesant sur l'employeur destinée notamment à prévenir les risques pour la santé et la sécurité des salariés, la loi lui fait obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Il résulte des dispositions de l'article L1222-1 du code du travail que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

De ce fait, l'article L4121-1 lui fait obligation de mettre en place:

- des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail,

- des actions d'information et de formation,

- une organisation et des moyens adaptés,

et de veiller à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

En l'espèce, M. J... D... sollicite l'indemnisation de son préjudice résultant de la surcharge de travail ayant conduit à un burn-out diagnostiqué en juillet 2015.

Ainsi qu'il a été indiqué dans le paragraphe relatif à la résiliation judiciaire du contrat, la cour retire des éléments produits aux débats un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité manifesté par la charge de travail considérable imposée au salarié durant près de trois années sans aucun contrôle de son temps de travail ni aucune réaction à ses alertes sur sa surcharge de travail, cette situation ayant conduit le salarié à subir une importante dégradation de son état de santé jusqu'à son placement en invalidité.

Ainsi, M. D... a subi un préjudice distinct de celui résultant de la rupture du contrat de travail et justifiant l'allocation de la somme de 15'000 € à titre de dommages intérêts.

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce sens.

Sur le surplus des demandes :

La société GAN ASSURANCES, succombante, sera condamnée aux dépens de première instance par infirmation du jugement déféré ainsi qu'aux dépens d'appel, et à payer à M. D... la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Statuant dans les limites de la saisine sur réouverture des débats,

Infirme le jugement entrepris, hormis en ce qu'il a rejeté la demande formulée au titre du travail dissimulé,

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,

Condamne la société GAN ASSURANCES à payer à M. J... D... les sommes suivantes:

-240'602,40 € bruts à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires,

-24'060,24 € bruts au titre des congés payés y afférents,

-10 000 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect des règles relatives aux repos quotidien et hebdomadaire,

-15 000 € à titre de dommages intérêts pour violation par l'employeur de son obligation de sécurité,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. J... D... avec effet à la date du présent arrêt,

Dit que la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

Condamne la société GAN ASSURANCES à payer à M. J... D... les sommes suivantes:

-29'171,44 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

-2917,14 € bruts au titre des congés payés afférents au préavis,

-121'499 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

-200'000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L1235-3 du code du travail,

Fixe le salaire moyen de M. J... D... à la somme de 9723,81 € bruts,

Condamne la société GAN ASSURANCES à payer à M. J... D... la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société GAN ASSURANCES aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Caroline PARANT, présidente, et par Brigitte COUTTENIER, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

Brigitte COUTTENIER Caroline PARANT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 4eme chambre section 2
Numéro d'arrêt : 17/01373
Date de la décision : 10/05/2019

Références :

Cour d'appel de Toulouse 42, arrêt n°17/01373 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-10;17.01373 ?
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