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28/02/2019 | FRANCE | N°16/05525

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 28 février 2019, 16/05525


28/02/2019





ARRÊT N°70





N° RG 16/05525 - N° Portalis DBVI-V-B7A-LJAD


CM/CD





Décision déférée du 29 Septembre 2016 - Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE - 14/01835


Mme O...


























SCI ESPACE FRANCE INVESTISSEMENTS








C/





SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE LA RESIDENCE [...]

















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CONFIRMATION PARTIELLE











Grosse délivrée





le





à


REPUBLIQUE FRANCAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


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COUR D'APPEL DE TOULOUSE


1ere Chambre Section 1


***


ARRÊT DU VINGT HUIT FEVRIER DEUX MILLE DIX NEUF


***
...

28/02/2019

ARRÊT N°70

N° RG 16/05525 - N° Portalis DBVI-V-B7A-LJAD

CM/CD

Décision déférée du 29 Septembre 2016 - Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE - 14/01835

Mme O...

SCI ESPACE FRANCE INVESTISSEMENTS

C/

SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE LA RESIDENCE [...]

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT HUIT FEVRIER DEUX MILLE DIX NEUF

***

APPELANTE

SCI ESPACE FRANCE INVESTISSEMENTS

[...]

Représentée par Me François DE FIRMAS DE PERIES de la SELARL SOCIETE D'AVOCATS FIRMAS-MAMY-SICARD-DELBOUYS, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIME

SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE LA RESIDENCE [...] représenté par son syndic la SAS Cabinet de France dont le siège social est situé [...]

[...]

Représentée par Me Jacques MONFERRAN de la SCP MONFERRAN-CARRIERE-ESPAGNO, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 26 Novembre 2018 en audience publique, devant la Cour composée de :

C. BELIERES, président

C. ROUGER, conseiller

C. MULLER, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : C. PREVOT

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. BELIERES, président, et par C. PREVOT, greffier de chambre.

EXPOSÉ DU LITIGE

La résidence [...], située [...] et comprenant deux corps de bâtiments A et B, a été soumise au statut de la copropriété selon état descriptif de division - règlement de copropriété reçu par acte authentique en date du 20 novembre 1987, après acquisition de l'immeuble le 2 février 1987 par la SA TISO.

Le 30 juillet 2002, l'EURL Espace France Immobilier ayant pour gérant M. X... S... a revendu à la SCI Espace France Investissement ayant le même gérant le lot n° 1 correspondant selon le règlement de copropriété à un grand local à usage commercial notamment de bar, discothèque, club privé de nuit en sous-sol s'étendant sous le corps de bâtiment A, sous la cour commune et sous le corps de bâtiment B, avec sas d'entrée au rez-de-chaussée dans la cour, sortie de secours dans la cage d'escalier du corps de bâtiment B et gaine de ventilation dans la cour, et le lot n° 26 correspondant à un local à usage professionnel, commercial ou d'habitation au rez-de-chaussée du corps de bâtiment B donnant sur la cour, lots dont elle était devenue propriétaire en vertu d'un jugement d'adjudication rendu le 11 janvier 2001 au préjudice de la SCI Studio 28 à laquelle avait été étendue le 9 juillet 1993 la procédure de liquidation judiciaire ouverte le 24 avril 1992 à l'égard de sa locataire commerciale, la SARL CIPAF 'Version Originale'.

Le 30 décembre 2013, la SCI Espace France Investissements a informé le syndic de la copropriété qu'elle allait mettre ses lots en vente et réaliser auparavant des travaux de remise en état du lot n° 1.

Par acte d'huissier en date du 21 mai 2014, le syndicat des copropriétaires de la résidence [...] représenté par son syndic la SAS Cabinet de France, qui reproche à la SCI Espace France Investissements d'avoir annexé à ses lots privatifs une partie de la cage d'escalier, partie commune, au rez-de-chaussée du bâtiment B, l'a fait assigner devant le tribunal de grande instance de TOULOUSE afin d'obtenir sa condamnation sous astreinte à remettre les lieux dans leur état d'origine, à restituer cette cage d'escalier et à rétablir l'accès au sous-sol.

Par jugement en date du 29 septembre 2016, le tribunal a dit recevables les demandes formées à l'encontre de la SCI Espace France Investissements par le syndicat des copropriétaires de la résidence [...], condamné la SCI Espace France Investissements à remettre les lieux dans leur état d'origine, à restituer la cage d'escalier du bâtiment B annexée par elle et à rétablir l'accès au sous-sol, ce dans le délai de deux mois à compter de la signification du jugement, et, à défaut et passé ce délai, à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence [...] une astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard pendant trois mois, dit que le tribunal se réserve la liquidation de cette astreinte provisoire, rejeté l'ensemble des demandes formées par la SCI Espace France Investissements, condamné celle-ci à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence [...] la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, admis les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice de l'article 699 du même code et ordonné l'exécution provisoire.

Pour statuer ainsi, il a considéré que :

- la demande du syndicat des copropriétaires ayant pour objet la revendication d'une partie commune de l'immeuble est une action réelle se prescrivant, non par le délai de dix ans prévu par l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, mais par le délai de trente ans prévu par l'article 2272 du code civil, qui n'était pas expiré à la date de l'assignation même si on retient pour point de départ le jour de la survenance des désordres, soit 1992, plutôt que le jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, soit 2004

- si le lot n°1 dispose, dans la cage d'escalier du bâtiment B, définie par le règlement de copropriété du 20 novembre 1987 comme une partie commune, d'une sortie de secours, c'est-à-dire d'une ouverture, mentionnée au règlement de copropriété et à l'acte d'acquisition de ce lot du 23 juin 1988, mais non à celui du 30 juillet 2002, cette sortie de secours n'a jamais correspondu à une volée de marches allant du sous-sol au rez-de-chaussée et à un empiétement sur la cage d'escalier, avec fermeture de l'accès au sous-sol, de sorte que la SCI Espace France Investissements ne démontre pas que les marches d'escalier soient une partie privative jusqu'au rez-de-chaussée et que les travaux qu'elle a réalisés et qui n'ont jamais été autorisés par l'assemblée générale des copropriétaires s'analysent en une appropriation des parties communes, le fait qu'elle ne contribue pas aux charges d'entretien de l'escalier du bâtiment B ne contredisant pas ces éléments car ses deux lots situés au rez-de-chaussée et au sous-sol ne sont pas desservis par cet escalier

- la SCI Espace France Investissements ne justifie pas que la conduite de ventilation de son local en sous-sol, qui existait encore lors du constat d'huissier dressé le 30 décembre 2013 à la demande du syndicat des copropriétaires, a été démolie postérieurement par le syndic qui lui a seulement demandé par courriers des 18 février et 22 avril 2004 si cette conduite pouvait être supprimée puisqu'elle n'en avait plus l'usage.

Suivant déclaration en date du 14 novembre 2016, la SCI Espace France Investissements a relevé appel général de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions (récapitulatives n° 3) notifiées par voie électronique le 26 novembre 2018, la SCI Espace France Investissements demande à la cour, au visa de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, de rejeter l'exception d'irrecevabilité, de déclarer irrecevable, comme prescrite, l'action du syndicat des copropriétaires contre elle ou, à défaut, mal fondée en déboutant celui-ci de toutes ses demandes tendant à la remise «en état d'origine» dont il ne rapporte aucune preuve, reconventionnellement, de le condamner à faire rétablir la conduite d'évacuation et d'extraction desservant le lot n°1 à ses frais et, si besoin, à dire d'expert désigné à la demande de la plus diligente des parties, soit amiablement et d'un commun accord, soit par le juge des référés du tribunal de grande instance de TOULOUSE, et de le condamner à lui payer la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL FIRMAS MAMY SICARD DELBOUYS selon l'article 699 du même code.

A l'appui de la recevabilité de ses conclusions, elle note que son acte d'appel tend à la réformation ou l'annulation de la décision entreprise en son entier et que ses conclusions comportent une demande implicite de réformation par le rejet de toutes les demandes du syndicat des copropriétaires, notamment de remise des parties communes «en état d'origine».

Elle fait valoir que la sortie de secours du lot n° 1, visée dans la description de ce lot au règlement de copropriété, est une partie commune et que le caractère de partie commune de la cage d'escalier du bâtiment B depuis le rez-de-chaussée jusqu'au sommet ne se prolonge pas jusqu'au sous-sol en incluant la volée d'escalier desservant ce lot car, d'une part, l'acte d'acquisition de l'immeuble par la SA TISO du 2 février 1987 présente l'escalier descendant au sous-sol et servant d'issue de secours au local commercial exploité par la SARL LE STYX comme à l'usage «privatif» de ce locataire depuis 1981, de deuxième part, l'issue de secours est constituée, non seulement par la porte débouchant sur l'escalier menant au sous-sol, mais aussi par la volée de marches conduisant jusqu'à la cage d'escalier du bâtiment B, volée qui ne dessert que le lot n° 1, n'est destinée qu'à son usage, et non à l'usage commun des copropriétaires, et a donc une nature privative, de troisième part, il ne s'agit pas d'un seul escalier allant de la cave au grenier, mais de deux ouvrages séparés, de quatrième part, cette séparation physique est prise en compte dans la répartition particulière des charges d'entretien de l'escalier du bâtiment B, dont les lots n° 1 et 26 sont dispensés, de cinquième part, les dispositions du règlement de copropriété, qui prennent en considération les besoins particuliers du commerce de bar, discothèque, club de nuit exploité au sous-sol, doivent s'interpréter les unes par rapport aux autres et dans le sens où elles peuvent produire un effet conforme à la volonté des constituants, de sixième part, il importe peu que son acte d'acquisition ne mentionne pas l'existence de la sortie de secours puisqu'il renvoie au règlement de copropriété pour la description des lots et, enfin, le plan de l'immeuble annexé au règlement de copropriété, dépourvu de valeur contractuelle et inopposable aux copropriétaires, au demeurant ancien et dont rien ne certifie qu'il représente fidèlement les parties communes et privatives lors de la création de la copropriété, ne saurait créer de droits au profit du syndicat des copropriétaires.

Elle estime que l'action du syndicat des copropriétaires visant, non pas à faire cesser un empiétement illicite sur les parties communes, mais à remettre les lieux dans leur prétendu «état d'origine» et ainsi à supprimer des travaux réalisés dans son lot privatif bien avant son acquisition du 30 juillet 2002, vraisemblablement avant 1992 puisque la discothèque est restée fermée après la faillite du dernier exploitant en 1991 et n'a fait l'objet d'aucuns travaux depuis, et en tout cas avant l'assemblée générale du 16 juin 2004 au cours de laquelle la question de l'empiétement a été évoquée, alors que la configuration des lieux avec l'issue de secours à l'usage exclusif du local commercial au sous-sol est antérieure à la mise en copropriété, est en réalité une action personnelle soumise à la prescription décennale de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, qui est acquise.

Sur le fond, elle affirme que le syndicat des copropriétaires ne fait la preuve ni de «l'état d'origine» qu'il allègue, ni d'une infraction au règlement de copropriété commise par elle ou ses auteurs dans la mesure où la volée de marches descendant au sous-sol constitue une partie privative, où les travaux de coffrage de cette issue de secours, vraisemblablement destinés à réduire les nuisances sonores de la discothèque, ont été réalisés avant 1992, M. G..., expert en bâtiment dont elle a sollicité l'avis sur le mur séparatif litigieux, datant sa construction des travaux de réaménagement entrepris en 1987 sous la maîtrise d'oeuvre de M. D..., architecte de la SA TISO, et précisant qu'il vient à l'aplomb d'un mur existant au sous-sol et que sa démolition nécessiterait de 'créer une structure de soutien pour l'escalier qui devra se fonder au niveau du sous-sol, donc traverser une partie privative', à savoir le lot n° 1 lui appartenant, ce qui ne saurait être exigé d'elle, et où ils n'affectent pas les parties communes du bâtiment B ni son aspect extérieur et ne causent aucune gêne aux autres occupants.

Elle en déduit que l'action engagée par le syndicat des copropriétaires ne vise pas à défendre l'intérêt général de la copropriété mais à contrarier la réouverture du local commercial dans les caves en le privant de sa sortie de secours indispensable, au mépris de termes clairs du règlement de copropriété, dans le but de privilégier l'habitation bourgeoise sur l'exploitation nocturne d'une discothèque, d'un restaurant ou autre commerce susceptible de générer des nuisances sonores.

Reconventionnellement, elle dénonce le passage «en force» du syndicat des copropriétaires qui a, de son propre chef, après lui avoir vainement demandé sa suppression, démoli la conduite d'évacuation et d'extraction des fumées du sous-sol qui débouchait dans la cour intérieure, comme constaté par huissier le 6 décembre 2014 et confirmé par M. G..., ce en contravention avec le règlement de copropriété instituant à cet égard une servitude perpétuelle au profit du lot n° 1, que cette conduite soit, ou non, équipée d'un extracteur.

Dans ses dernières conclusions (responsives et récapitulatives d'intimé n° II) notifiées par voie électronique le 23 novembre 2018, le syndicat des copropriétaires de la résidence [...] représenté par son syndic la SAS Cabinet de France demande à la cour, au visa de l'article 544 du code civil, de déclarer irrecevables ou, à tout le moins, infondés l'appel interjeté par la SCI Espace France Investissements et ses conclusions d'appelant et, confirmant le jugement dont appel en toutes ses dispositions, de dire et juger que l'action initiée par lui est une action réelle, de la déclarer recevable, de condamner la SCI Espace France Investissements à remettre les lieux dans leur état d'origine, à restituer la cage d'escalier du bâtiment B annexée par ses soins et à rétablir l'accès au sous-sol, ce dans un délai de deux mois à compter de la signification du jugement (sic) à intervenir et sous peine d'astreinte provisoire de 1 500 euros par jour de retard, de déclarer irrecevable ou, à tout le moins, infondée la demande reconventionnelle de la SCI Espace France Investissements à son encontre tendant au rétablissement de la conduite d'évacuation et d'extraction desservant le lot n° 1 et de la condamner à lui verser sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile une somme de 3 000 euros au titre de ses frais de défense en première instance et la même somme au titre de ses frais de défense en appel, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

A titre liminaire, il observe que les conclusions de l'appelante qui, dans leur dispositif, se borne à demander l'irrecevabilité ou, à défaut, le rejet des demandes à son encontre sans jamais solliciter l'infirmation du jugement dont appel ni réellement le critiquer sont irrecevables.

Il approuve la motivation adoptée par le premier juge pour déclarer recevable son action ayant pour objet de restituer aux parties communes ce que la SCI Espace France Investissements s'est indûment appropriée et devant comme telle être qualifiée d'action réelle se prescrivant par trente ans.

Il considère que l'appelante ne critique pas utilement la motivation du premier juge sur le fond dès lors qu'à aucun moment le règlement de copropriété ne définit l'issue de secours comme comprenant, en plus de la porte débouchant sur l'escalier menant au sous-sol, la volée de marches conduisant jusqu'à la cage d'escalier au rez-de-chaussée du bâtiment B, que le plan annexé à ce règlement, qui est le seul existant et remonte à 1987, ne prévoit rien de tel, que l'acte d'acquisition de la SCI Espace France Investissements, qui a le même gérant que l'EURL Espace France immobilier devenue propriétaire dès 2001, est taisant sur la volée de marches comme sur l'issue de secours dont les titres de propriété antérieurs des 2 février 1987 et 23 juin 1988 ne font pas davantage mention, que l'affirmation selon laquelle l'issue de secours débouche sur un escalier ne desservant que le lot n° 1 est inexacte car l'escalier permettait l'accès au sous-sol aujourd'hui condamné par l'appropriation indue, que si la sortie de secours était une partie privative, la SCI Espace France Investissements serait en mesure d'en justifier à partir des millièmes de copropriété, que sa dispense de toute participation aux charges d'entretien de l'escalier du lot B s'explique par le critère de l'utilité de l'équipement au regard du lot en question qui n'utilise jamais cet escalier, à l'instar des lots n° 3 et 26 également dispensés, que les travaux réalisés à seule fin de permettre au lot n° 1 de disposer d'une issue de secours réglementaire ont rendu la cage d'escalier inaccessible aux services de secours et n'ont jamais été autorisés en assemblée générale, que, nonobstant la confusion entretenue par l'appelante, le litige ne porte pas sur l'existence même d'une issue de secours, mais sur les travaux ayant réduit le volume de la cage d'escalier, effectués manifestement après le rapport d'expertise de M. B... du 22 octobre 1997 comme en atteste M. P... H..., copropriétaire du lot n° 13 depuis le 9 décembre 1987, qu'il y a toujours eu un seul et unique escalier malgré la différence de revêtements de sol et que la SCI Espace France Investissements est de mauvaise foi lorsqu'elle prétend, dans le cadre de l'instance en liquidation d'astreinte, tout ignorer de l'état d'origine de la copropriété, dont elle a une vision très précise en appel.

En réponse aux dernières pièces et conclusions signifiées par l'appelante, il ajoute que la précision de l'acte de vente du 2 février 1987, selon laquelle, aux termes d'un avenant de renouvellement du bail consenti à la SARL LE STYX, l'escalier qui dessert les caves du deuxième corps de l'immeuble est devenu privatif, n'est pas reprise dans l'acte notarié suivant du 23 juin 1988, ce qui démontre qu'il s'agissait d'une simple «tolérance», ni dans le règlement de copropriété, depuis l'établissement duquel seul un vote en assemblée générale aurait pu modifier la nature de l'escalier pour le faire devenir partie privative, que, contrairement à l'avis succinct de M. G... ne faisant, au demeurant, état d'aucun obstacle à la remise en état initial des lieux, le mur litigieux n'a pas été créé tel quel en 1987 comme l'aurait confirmé oralement M. D... pourtant non intervenu dans le bâtiment B, mais déplacé.

Il s'oppose à la demande reconventionnelle au motif que la SCI Espace France Investissements ne produit aucun justificatif, pas même un courrier qu'elle aurait pu lui envoyer afin d'obtenir le rétablissement de la prétendue conduite d'évacuation qui n'est d'ailleurs qu'une gaine de ventilation, et omet de signaler que l'autorisation de poser un extracteur lui a été refusée par une délibération de l'assemblée générale, qui n'a pas été contestée, et qu'en l'absence de réponse de celle-ci à ses courriers des 18 février et 22 avril 2004, la conduite n'a pas été supprimée et existe toujours ainsi qu'en atteste le constat d'huissier du 23 juin 2017.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des conclusions de l'appelante

Les conclusions de la SCI Espace France Investissements, qui s'inscrivent dans le cadre de son appel total interjeté le 14 novembre 2016 et comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une critique du jugement dont il est expressément demandé 'réformation' pour avoir dénaturé les pièces contractuelles, notamment le règlement de copropriété, une discussion des prétentions et des moyens et un dispositif récapitulant ses prétentions, satisfaisant ainsi aux exigences de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, sont recevables, quand bien même leur dispositif ne rappelle ni globalement ni pour chaque prétention qu'il est demandé infirmation du jugement à cet égard, ce qui se déduit implicitement mais sans équivoque de l'énoncé des prétentions de l'appelante, toutes rejetées en première instance.

Sur la prescription

En droit, l'article 42 alinéa 1er de la loi 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis dispose que, sans préjudice de l'application des textes spéciaux fixant des délais plus courts, les actions personnelles nées de l'application de la présente loi entre des copropriétaires, ou entre un copropriétaire et le syndicat, se prescrivent par un délai de dix ans.

Entrent dans la catégorie des actions personnelles au sens de ce texte les actions tendant à obtenir le respect du règlement de copropriété, qu'elles soient intentées par les copropriétaires ou par le syndicat, notamment celles ayant pour objet la cessation d'abus de jouissance commis sur les parties communes ou la suppression de travaux non autorisés affectant l'aspect extérieur de l'immeuble ou les parties communes.

En revanche, échappent à cette prescription décennale les actions à caractère réel, qui sont soumises au délai de prescription de trente ans prévu par les articles 2262 ancien et 2272 nouveau du code civil.

En matière d'atteintes aux parties communes, l'action revêt un caractère réel lorsqu'elle a pour objet de restituer aux parties communes ce qu'un copropriétaire s'est indûment approprié pour son usage exclusif.

En l'espèce, l'action du syndicat des copropriétaires de la résidence [...], qui reproche à la SCI Espace France Investissements de s'être appropriée une partie de la cage d'escalier du corps de bâtiment B, ce en édifiant un mur dans cette cage d'escalier, partie commune, et en englobant l'espace situé entre le sous-sol et le rez-de-chaussée jusqu'au niveau de la porte de secours du lot n°1 dans ce lot privatif, et qui tend à obtenir la remise des lieux dans leur état d'origine, la restitution de la cage d'escalier et le rétablissement de l'accès au sous-sol, constitue une action réelle, sans préjuger à ce stade du bien-fondé de cette action.

Comme telle, elle est soumise à la prescription trentenaire qui, n'ayant pu commencer à courir avant la mise en copropriété de l'immeuble par l'acte authentique du 20 novembre 1987, n'était donc pas acquise à la date de l'assignation introductive d'instance du 21 mai 2014, de sorte que le premier juge a, à bon droit, rejeté le moyen tiré de la prescription et déclaré l'action recevable.

Au fond, sur les demandes relatives à la cage d'escalier

L'état descriptif de division - règlement de copropriété du 20 novembre 1987, qui a fait l'objet le 5 octobre 1988 d'une modification étrangère au litige, définit en son article 4 tous les éléments constituant l'ossature extérieure et intérieure de l'immeuble, notamment les cages d'escaliers, comme des parties communes, désigne en son article 7 le lot n° 1 comme un local à usage commercial (actuellement : bar, discothèque, club privé de nuit) comprenant au rez-de-chaussée un sas d'entrée et au sous-sol un grand local s'étendant sous le corps de bâtiment A, sous la cour et sous le corps de bâtiment B, avec diverses installations appropriées à ce type d'activité, sortie de secours dans la cage d'escalier du corps de bâtiment B et gaine de ventilation dans la cour commune et précise dans la «clause concernant le lot n°1» insérée aux «conventions particulières» sous cet article 7 que 'le propriétaire ou locataire du lot n°1 [...] devra maintenir la sortie de secours située dans la cage d'escalier du corps de bâtiment B et sa gaine de ventilation située dans la cour, dont les sorties constituent des servitudes réelles et perpétuelles au détriment de la copropriété'.

Il importe peu que la désignation complète du lot n° 1 n'ait pas été reprise dans l'acte d'acquisition de la SCI Espace France Investissements du 30 juillet 2002 qui se réfère au règlement de copropriété.

En outre, l'article 2 du règlement de copropriété relatif à la description de l'immeuble positionne la sortie de secours du local commercial du sous-sol, non pas au sous-sol, mais au rez-de-chaussée du corps de bâtiment B et précise in fine, au sujet du corps de bâtiment B, que 'ce corps de bâtiment auquel on accède par le couloir d'entrée ouvrant sur la rue Saint-Rome et le couloir d'entrée partant de la cour commune est desservi par un escalier du rez-de-chaussée au 4ème étage', et non pas du sous-sol au 4ème étage.

Cette description est conforme au plan annexé, présenté dans l'acte du 20 novembre 1987 comme un plan contractuel mais ayant servi à l'établissement du règlement de copropriété et auquel il convient de se référer pour une meilleure compréhension de la copropriété.

En effet, comme l'a justement relevé M. R... G... dans son rapport d'expertise privée du 12 octobre 2018, l'issue de secours et son mur séparatif sont dessinés sur le plan du rez-de-chaussée du corps de bâtiment B, qui représente une porte à un seul battant s'ouvrant vers l'extérieur en contrebas d'une volée de trois marches, à gauche de l'escalier montant aux étages, dont elle est séparée par une cloison.

De fait, l'acte authentique du 2 février 1987 par lequel la SA TISO a acquis l'entier immeuble avant sa mise en copropriété indique, à l'article «propriété - jouissance», que l'acquéreur en aura la jouissance par la perception des loyers en ce qui concerne '1°) le sous-sol comprenant des caves se trouvant sous le premier corps d'immeuble, [...] avec accès par l'escalier donnant dans le couloir dudit corps d'immeuble, loué par le vendeur aux présentes à Monsieur Y... Q..., aux droits duquel se trouve actuellement la S.A.R.L. LE STYX [...], aux termes d'un acte sous signatures privées en date à TOULOUSE du 25 janvier 1963 et d'un avenant de renouvellement en date à TOULOUSE du 14 avril 1981, aux termes duquel il a été ajouté aux locaux dont la S.A.R.L. LE STYX était déjà locataire, l'ensemble des caves se trouvant sous le deuxième corps de l'immeuble, sis [...] , avec autorisation par le locataire de créer dans la cour commune l'entrée de son établissement et d'utiliser l'escalier qui desservait les caves du deuxième corps d'immeuble comme issue de secours, cet escalier devenant de ce fait privatif', ce dont il ressort que l'issue de secours a, dès avant la division de l'immeuble, été aménagée dans l'escalier desservant les caves du corps de bâtiment B lorsque l'exploitant de la discothèque est devenu locataire de l'intégralité du sous-sol de l'immeuble et a été autorisé à modifier les accès de l'établissement.

La non-reprise de cette clause dans l'acte authentique du 23 juin 1988 par lequel la SA TISO a revendu les lots n° 1 et 28 à la SCI Studio 28 est sans incidence dès lors que cet acte se réfère au règlement de copropriété du 20 novembre 2007 et au bail renouvelé le 14 avril 1981.

Les photographies de la sortie de secours (n° 4) et du couloir d'accès de secours (n° 5) intégrées au rapport d'étude établi le 22 octobre 1997 par M. P... B... à la demande du mandataire judiciaire de la SARL CIPAF 'Version Originale' confirment que la porte de l'issue de secours était déjà à cette date encastrée entre deux cloisons en contrebas du couloir du rez-de-chaussée du corps de bâtiment B et sous l'escalier menant aux étages.

La seule différence entre le plan susvisé et la configuration actuelle concerne une porte à double battant installée désormais au fond du couloir, après les trois marches menant à l'issue de secours, dans la prolongement de la cloison séparant cette issue de secours du reste de la cage d'escalier.

L'attestation de M. P... H..., copropriétaire du lot n° 13, certifiant que, depuis qu'il a acquis ce lot le 9 décembre 1987, les parties communes du rez-de-chaussée du bâtiment B ont été modifiées au seul bénéfice du copropriétaire du lot n° 1, est trop peu précise pour faire preuve de modifications supplémentaires.

Enfin, selon le tableau de répartition des charges figurant sous l'article 14bis du règlement de copropriété, le lot n° 1 est, à l'instar du lot n° 26, dispensé de toute participation aux charges d'entretien de l'escalier du corps de bâtiment B.

Or, au regard du critère d'utilité avancé par le syndicat des copropriétaires, si la cage d'escalier desservant les étages n'est d'aucune utilité pour ce lot, il en va différemment pour le palier et les trois marches d'accès de l'issue de secours, que les occupants de ce lot et le public qu'il a vocation à accueillir franchissent nécessairement lorsqu'ils empruntent cette issue pour sortir du local commercial au sous-sol.

Ces éléments convergents conduisent à privilégier, dans le cadre de l'interprétation nécessaire de la «clause concernant le lot n° 1» susvisée employant le terme de servitude réelle, juridiquement inadéquat car une servitude ne peut grever des parties communes au profit d'un lot de copropriété, l'interprétation conférant à l'issue de secours un caractère privatif par rapport à la seule autre interprétation possible lui conférant la nature d'une partie commune à jouissance privative.

Du tout, il résulte que l'issue de secours constituée par la totalité de l'escalier menant du rez-de-chaussée au sous-sol du bâtiment B doit être considérée comme dépendant du lot privatif n° 1, tant dans sa partie située derrière la porte de l'issue de secours, à l'intérieur du local, que dans celle située devant cette porte et correspondant au palier et à la volée de trois marches jusqu'au niveau du couloir du rez-de-chaussée.

Le syndicat des copropriétaires de la résidence [...] ne saurait donc obtenir la remise des lieux dans leur prétendu état d'origine, qui n'existait déjà plus lors de la mise en copropriété de l'immeuble, ni la restitution de la partie de cage d'escalier desservant uniquement le local commercial au sous-sol dont elle constitue l'issue de secours, partie privative, ni le rétablissement de l'accès au sous-sol, qui est entièrement privatif, et ces demandes seront rejetées, de même que sa demande d'astreinte, le jugement dont appel étant infirmé sur tous ces points.

Sur la demande reconventionnelle relative à la gaine de ventilation

Même si l'article 4 du règlement de copropriété classe parmi les parties communes 'les canalisations, gaines, conduits, prises d'air et de réseaux de toute nature (y compris les conduits de fumée) avec leurs accessoires [...], encore que ces conduits puissent ne desservir qu'un seul local privatif', la SCI Espace France Investissements n'en est pas moins recevable à agir en vue de faire respecter ses droits de jouissance privative sur la gaine de ventilation, partie commune, desservant uniquement son lot n° 1, ce qui n'est pas contesté.

Le tribunal l'a déboutée de sa demande de rétablissement de cette gaine de ventilation, dont la sortie se trouve dans la cour commune, au motif qu'elle ne justifiait pas de sa démolition qui, à ses dires, serait intervenue postérieurement aux courriers du syndic des 18 février et 22 avril 2004 l'interrogeant sur une possible suppression de la conduite dont elle n'avait plus l'usage.

Elle produit en appel le rapport de M. R... G... qui signale la présence dans les locaux situés au sous-sol de gaines de ventilation métalliques dont l'exutoire se trouve dans la cour intérieure de l'immeuble, obstrué actuellement par une jardinière.

Toutefois, la photographie n° 16 prise par cet expert privé, censée montrer la jardinière qui obstrue les sorties de ventilation des locaux du sous-sol, ne révèle aucune modification de l'état des lieux de cette partie de la cour intérieure depuis le constat d'huissier du 30 décembre 2013, date à laquelle la conduite de ventilation existait encore ainsi que le reconnaît la SCI Espace France Investissements et l'a relevé le premier juge ; la jardinière litigieuse est déjà édifiée au même endroit, dans l'angle de la cour face au débouché du couloir du corps de bâtiment A, deux canalisations courent à l'arrière et sur un côté de cette jardinière, toujours visibles sur les photographies annexées aux constats d'huissiers des 6 janvier 2014 et 23 juin 2017, et aucune n'est repérée comme correspondant à la conduite de ventilation du lot n° 1 dont le syndicat des copropriétaires soutient qu'elle ne se trouve pas au niveau des jardinières, mais à une dizaine de mètres.

À défaut de plus amples explications et justificatifs, la SCI Espace France Investissements, qui ne formule aucune demande subsidiaire d'expertise devant la cour, ne peut qu'être déboutée de sa demande de condamnation du syndicat des copropriétaires à faire rétablir à ses frais la conduite d'évacuation et d'extraction desservant le lot n° 1, le jugement étant confirmé sur ce point.

Sur les demandes annexes

Partie principalement perdante, le syndicat des copropriétaires de la résidence [...] supportera les entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi que, en considération de l'équité et de la situation respective des parties, une somme de 4000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la SCI Espace France Investissements en application de l'article 700 1° du code de procédure civile, sans pouvoir bénéficier du même texte ni d'une dérogation à l'article 10-1 de la loi 65-557 du 10 juillet 1965 aux termes duquel le copropriétaire qui, à l'issue d'une instance judiciaire l'opposant au syndicat, voit sa prétention déclarée fondée par le juge est dispensé, même en l'absence de demande de sa part, de toute participation à la dépense commune des frais de procédure dont la charge est répartie entre les autres copropriétaires.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

DÉCLARE recevables les conclusions de l'appelante.

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a dit recevables les demandes du syndicat des copropriétaires de la résidence [...] et rejeté la demande reconventionnelle de la SCI Espace France Investissements tendant au rétablissement de la conduite d'évacuation et d'extraction desservant le lot n° 1.

L'infirmant pour le surplus et y ajoutant,

DÉBOUTE le syndicat des copropriétaires de la résidence [...] de ses demandes de remise des lieux dans leur état d'origine, de restitution d'une partie de la cage d'escalier du bâtiment B, de rétablissement de l'accès au sous-sol et d'astreinte.

Le CONDAMNE à payer à la SCI Espace France Investissements la somme de 4 000 (quatre mille) euros en application de l'article 700 1° du code de procédure civile et le DÉBOUTE de sa demande au même titre.

Le CONDAMNE aux entiers dépens de première instance et d'appel, à recouvrer directement par la SELARL FIRMAS MAMY SICARD DELBOUYS dans les conditions de l'article 699 du même code.

RAPPELLE qu'en vertu de l'article 10-1 de la loi 65-557 du 10 juillet 1965, la SCI Espace France Investissements est dispensée de toute participation à la dépense commune des frais de procédure dont la charge est répartie entre les autres copropriétaires.

Le greffier Le président

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 1ere chambre section 1
Numéro d'arrêt : 16/05525
Date de la décision : 28/02/2019

Références :

Cour d'appel de Toulouse 11, arrêt n°16/05525 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-02-28;16.05525 ?
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